vendredi 19 avril 2024
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Dialogue social “Faire bouger les lignes dans l’intérêt du pays”

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Le conseiller pour les affaires sociales, Stéphane Valeri
Le conseiller pour les affaires sociales, Stéphane Valeri. © Photo Charly Gallo / Centre de presse.

Le conseiller pour les affaires sociales, Stéphane Valeri a reçu séparément jeudi 15 avril l’union des syndicats de Monaco (USM) et la fédération patronale monégasque (FPM). Objectif : renouer le dialogue social.

Il y avait la méthode Rocard, il y aura désormais la méthode Valeri. Où comment s’appliquer à concilier ce qui depuis des années reste inconciliable : les positions de l’union des syndicats de Monaco (USM) et de la fédération patronale monégasque (FPM) en matière de dialogue social.

“Les conflits, c’est un échec pour tout le monde”

Cette rencontre avec les deux parties était aussi très symbolique. Car entre l’USM et la FPM, on ne se parle plus depuis des années. Et recevoir l’un et l’autre le même jour marquait, selon le conseiller, autant le respect qu’il porte aux salariés qu’aux patrons. A l’issue de cette rencontre, le conseiller pour les affaires sociales et la santé a expliqué : « Il y a aujourd’hui une perception conflictuelle de l’autre partie vis-à-vis des positions de l’autre partie. Il faut en sortir et restaurer un climat de confiance et de respect mutuel. Faire une révolution culturelle, c’est nécessaire et c’est possible. » Restaurer le dialogue social, c’était l’une des tâches prioritaires confiées par le Prince Albert à son nouveau conseiller. Sortir de l’impasse, du blocage du dialogue qui dure depuis trop longtemps, dépasser les clivages partisans et les ressentiments. Et sortir d’un mauvais climat qui peut aboutir à des conflits. « Or les conflits, c’est un échec pour tout le monde. » Avant d’ajouter : « Le but aujourd’hui c’est de dire qu’on va discuter d’un certain nombre de sujets pour dire “oui” quand c’est “oui”. Et si c’est “non”, pourquoi on dit “non”. Notre objectif, c’est de transformer le “non” en : “oui à condition que…” Et si l’un ou l’autre des partenaires ne fait pas d’effort et reste sur ses positions partisanes, je dirai qui. Nous voulons amorcer un cercle vertueux : que chacun fasse un effort et un pas vesr l’autre pour trouver un accord pour faire bouger les lignes dans l’intérêt du pays. » Une mise en garde entendue par l’USM et par la FPM. Avec une méthode que les deux partenaires semblent avoir bien ressentie : approfondir les dossiers prioritaires, avant d’organiser, si possible, une réunion tripartite entre gouvernement, syndicats et patronat. Sans rentrer dans une logique qui voudrait que l’Etat décide à la place de tout le monde. « Nous avons deux priorités : moderniser le droit du travail, car certains textes sont obsolètes, dans le respect et le renforcement des droits des salariés et de leur dignité. Et maintenir la compétitivité des entreprises pour sauvegarder les emplois et en attirer de nouvelles. Ces deux points sont essentiels. Je demanderai des concessions équilibrées à chacune des deux parties. L’intérêt supèrieur de la Principauté commande de dépassé les intérêts partisans. Et j’accepte donc par avance d’être critiqué par tout le monde. Parce que je ne me serai pas aligné sur l’une ou l’autre des positions. »

Discuter oui, mais sur quoi ?

Il semble donc que patronat et syndicats aient aujourd’hui la volonté partagée de continuer le dialogue social. D’ailleurs, pour le patronat, il n’a jamais été rompu. Ou de sortir de l’absence de dialogue car pour les syndicats le patronat refuse toute négociation. Reste à savoir sur quoi va porter ce dialogue. Plusieurs dossiers prioritaires ont été à l’ordre du jour, en accord entre le gouvernement et l’USM. Cinq au total : la loi autorisant la création de syndicats, sur laquelle l’USM attend un nouveau projet. L’inspection du travail, avec pour objectif de modifier ses moyens et d’assurer son indépendance. Un dossier considéré comme « une très grande urgence », pour les syndicats. Mais il y a aussi l’avenir des systèmes de retraite. Un dossier sensible car les syndicats ne jugent pas le système en danger. Du coup, ils préféreraient parler de revalorisation. Autre sujet prioritaire : les motivations pour justifier un licenciement. Et enfin les salaires : un thème sur lequel l’USM demande l’application de la loi sur les minima. Et que les grilles de salaires soient publiées au bulletin officiel de la Principauté pour que cette loi soit appliquée. L’occasion pour Stéphane Valeri d’expliquer que la commission mixte sur les salaires doit apporter des éclaircissements et que, comme il la demandé à ses membres, elle présentera ses résultats fin juin. Entre temps, le gouvernement a demandé une étude approfondie des différentes décisions de justice qui sont tombées ces derniers temps à propos des salaires. En précisant que le processus judiciaire n’était pas terminé et que les tribunaux n’avaient pas eu de décisions identiques. « Chacun a pu exprimer son point de vue » a déclaré la secrétaire générale adjointe de l’USM, Betty Tambuscio à la sortie de l’entrevue avec Stéphane Valeri. Du coup, elle juge qu’un compromis social paraît possible, à condition que les salariés n’abandonnent aucun de leurs droits. « On n’est pas hostile à une rencontre tripartite si le gouvernement est prêt à prendre des engagements. Et si le patronat apporte des propositions et contre-propositions et sort de son refus systématique de dialoguer. Mais on est relativement confiants. »

Pour la FPM, le dialogue social n’a jamais été rompu

Quant au président de la FPM, Philippe Ortelli, il estime donc que le dialogue social n’a jamais été rompu. Mais ses entretiens avec Stéphane Valeri se seraient engagés sur un tout autre terrain que celui attendu par les syndicats, comme la négociation classique sur les salaires par exemple, ou les conditions de travail. Pas de propositions ni de contre-propositions patronales à apporter dans l’escarcelle des négociations. Mais un constat qui s’impose selon la FPM et qui a été exposé à Stéphane Valeri. Bien sûr, le patron des patrons estime qu’il y a bien certains secteurs qui peuvent poser problème. Mais que la grande majorité des salariés monégasques profite de relations sociales apaisées. Pour Philippe Ortelli « ce que veulent les salariés, ce sont des transports et des logements. Pas des augmentations de salaires. »
Le bras droit de Philippe Ortelli, Henri Leize vice-président chargé des affaires sociales, a éclairé la position de la FPM. En indiquant ce qu’elle avait abordé avec Stéphane Valeri : « Notre philosophie, c’est que salariés et entreprises travaillent pour un pays performant et que tous s’y installent pour avoir une vie meilleure. On s’intéresse plus à des sujets sociétaux : les conditions de logement de plus en plus difficiles, les conditions de transports qui ne sont plus admissibles. Il faut traiter tout cela pour lever les blocages. »
Même tonalité chez Philippe Clérissi, un autre membre de la délégation de la FPM qui a rencontré Stéphane Valéri et son équipe : « Il faut augmenter l’offre de logements domaniaux à bas prix pour rétablir l’équilibre et que les entreprises s’installent à Monaco. »

“L’USM veut réussir”

Des prises de positions qui semblent avoir surpris le conseiller pour les affaires sociales et la santé. Résultat, Stéphane Valeri a aussitôt fait remarquer que mêmes s’il partage certaines de ses analyses, elles n’étaient pas vraiment à l’ordre du jour du dialogue social avec l’USM et devrait être abordé de manière plus large avec l’ensemble du gouvernement. Mais qu’elles avaient une cohérence. Le conseiller a constaté que lui et la fédération étaient tombés d’accord pour approfondir certains dossiers communs. Même s’ils n’avaient pas toujours les mêmes approches. Notamment la loi sur les salaires, l’avenir du système de retraites et le contrat de travail en CDI. Bref, le challenge de Stéphane Valeri sera d’amener les deux parties sur le même terrain de discussion. Jeudi 15 avril, on n’en était évidement pas au moment des décisions, mais à celui de la réflexion. Ce que sait Stéphane Valeri : « La réussite se fera en 2010. Si on n’a pas avancé significativement d’ici la fin de l’année, ça ne se fera jamais. » Une certitude, il retrouvera les deux parties une nouvelle fois séparément. Pour l’USM, ça sera le 4 mai et la FPM le 7 mai. D’autres rencontres seront programmées avant une éventuelle réunion tripartite à laquelle Philippe Ortelli affirme vouloir participer, sans conditions préalables. Alors que Betty Tambuscio affirme déjà : « L’USM veut réussir. Ça demandera de travailler. On ne va pas faire une grand’messe dans quelques mois pour se séparer dans l’échec… »