vendredi 26 avril 2024
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Bernard Barsi : «Un message de paix et de solidarité»

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Monseigneur Barsi
© Photo Monaco Hebdo.

En cette veille de Noël, l’archevêque Bernard Barsi rappelle les valeurs du partage et de la solidarité. Avant de balayer les sujets d’actualité comme la possible venue du pape en 2012, et de revenir sur les événements qui ont marqué l’année 2011 comme le mariage princier ou le printemps arabe.

VENUE DU PAPE

Monaco Hebdo : Il y a un événement que beaucoup de croyants espèrent voir se concrétiser en 2012 : la venue du Pape en principauté. Le journal La Croix laisse entendre que Benoît XVI viendrait à Monaco à l’automne 2012. Est-ce possible ?
Monseigneur Barsi : Je ne sais rien de plus que ce qu’a dit le ministre d’Etat Michel Roger ces jours-ci : l’agenda du Saint-Père ne va pas au-delà des premiers mois de 2012. De plus, en général, certaines personnes spécialisées dans les voyages du pape se déplacent en amont. Or ce n’est pas le cas pour le moment.
La visite était envisageable pour 2011. Cela n’a pas été possible pour certaines raisons, notamment en raison de la concomitance du mariage princier. Nous avons fait savoir au Vatican qu’on était toujours disponible et que nous invitions le Pape. C’est désormais à lui de nous indiquer s’il viendra.

M.H. : Dans l’hypothèse où le Pape viendrait, il célèbrera une messe au stade Louis II ?
M.B. : C’est l’hypothèse que nous avions évoquée. Les grands espaces ne sont pas légion à Monaco. Si le pape vient, des gens de l’Europe entière souhaiteront venir l’entendre en principauté. Mais pour l’instant, je préfère rester prudent dans mes déclarations. Je ne peux rien dire de plus. Mais soyez assurée que si la venue du Pape est confirmée, la presse sera la première informée de cet événement capital.

MESSAGE DE NOËL

M.H. : A l’approche de Noël, c’est un message de paix que vous souhaitez adresser ?
M.B. : La fête de Noël tombe dans un contexte difficile au plan économique. Il y a des gens qui souffrent. Beaucoup de gens ont perdu le sens de Noël. On pense uniquement au réveillon. Noël, c’est la fête des enfants et un moment de vie en famille mais ce n’est pas que ça. Les lumières dans les yeux, c’est très bien mais il faut aussi de la lumière dans le cœur. Je veux donc transmettre un message de paix et de solidarité envers ceux qui seront seuls. La souffrance est encore plus grande quand les autres sont dans la joie et que vous restez seul. Pour autant, je veux aussi livrer un message d’espérance. Souvent dans les écritures revient l’idée que la lumière perce des ténèbres. Le Christ est pour nous notre lumière. Le monde traverse des crises mais je pense que nous en sortirons à condition de rester ensemble.

M.H. : Garder l’espoir est difficile avec la paupérisation des populations??
M.B. : La crise économique mondiale est une crise morale. On voit bien que le fossé se creuse entre ceux qui font du profit et ceux qui n’ont rien. Cela ne peut pas continuer ainsi. Si l’on ne fixe pas de règles éthiques, le monde va à la catastrophe et à la révolte.

M.H. : Vous sentez cette révolte autour de vous ?
M.B. : Je sens que les gens prennent conscience que l’on a trop tiré sur la corde. A Monaco, nous sommes privilégiés mais cela n’empêche pas d’entendre ce qui se passe autour. Le taux de chômage augmente tout comme le nombre de gens qui vont à la soupe de nuit ou aux Restaurants du cœur. Ici aussi, nous voyons qu’à l’association de Saint-Vincent de Paul, le nombre de familles aidées connaît une hausse sensible.

2011

M.H. : 2011 a été une année importante pour Monaco, notamment avec l’organisation du mariage princier. Que retenez-vous de cet événement que vous avez célébré ?
M.B. : J’ai effectivement été en première ligne (sourire)… Cela a été un honneur et un grand moment de pouvoir célébrer ce mariage et de m’occuper de la préparation du couple princier. Comme avec un couple normal, nous avons réfléchi ensemble sur le sens du mariage, choisi les textes de la cérémonie…

M.H. : Vous avez eu « le trac » ?
M.B. : Etonnamment, j’ai vécu ce mariage avec beaucoup de sérénité. Je me suis même étonné moi-même. Mais je pense que c’est aussi parce qu’il y avait un désir de tous de réussir ce mariage pour le prince et pour le princesse. Mais aussi pour donner une belle image de Monaco.

M.H. : 2011, c’est aussi l’année du printemps arabe. Avec de l’espoir mais aussi certaines craintes d’une islamisation de cette zone avec des répercussions sur les chrétiens d’orient ?
M.B. : Les chrétiens d’orient sont déjà menacés notamment en Egypte. Lors du colloque et d’une rencontre avec les évêques des pays arabes que nous avons organisés cette année, les évêques nous ont expliqués comment ils ont vécu ce printemps arabe. Ils ont l’espoir que les choses changent. Aujourd’hui, les chrétiens d’orient sont considérés comme des citoyens de seconde zone, et n’ont pas les mêmes droits que les autres. Les jeunes chrétiens sont solidaires des jeunes musulmans car ils sont le même désir de liberté. Le danger, c’est l’extrémisme.

M.H. : Quelle est votre perception ?
M.B. : Je suis inquiet pour les chrétiens d’orient car il s’agit de petites minorités. J’espère que les pays arabes arriveront à une certaine forme de démocratie même si aujourd’hui, il faut bien constater qu’ils n’ont pas les mêmes valeurs de la laïcité et du respect des autres croyances que nous. La liberté religieuse existe dans la plupart de ces pays mais pas la liberté de conscience. Or tant qu’ils ne feront pas ce pas là, ce sera un problème.

M.H. : 2011, c’est aussi le centenaire de la cathédrale. Votre bilan ?
M.B. : Cet événement a été important pour faire connaître la cathédrale, et rappeler que l’Eglise doit vivre dans l’unité autour de l’évêque. Le Pape nous a adressé un message pour rappeler aux chrétiens de Monaco qu’il leur faut poursuivre la mission d’évangélisation que nos anciens ont entrepris. Enfin, l’orgue est un magnifique cadeau que l’Etat a fait à la cathédrale. Il pèse 35 tonnes, mesure 12 m de haut, et possède 4 claviers. Pour le concert inaugural, il n’y a jamais eu autant de monde dans la cathédrale qui peut accueillir jusqu’à 800 personnes.

ACTUALITE

M.H. : Les religieux prennent de plus en plus de positions politiques. Comme le montrent, par exemple, les 33 Evêques des Etats-Unis d’origine hispanique qui ont demandé « une réforme sur l’immigration qui soit juste, humaine et efficace » et ont garanti aux immigrés sans papiers qu’ils « ne sont pas seuls ou oubliés ».
M.B. : Au Zimbabwe aussi, des prêtres se font arrêter car ils dénoncent la politique du président actuel qui se dit pourtant catholique pratiquant. Si la dignité de l’homme est atteinte, il faut parler ! Ce type de positionnement a toujours existé. C’est d’ailleurs pourquoi il y a eu des martyrs qui ont contesté l’ordre établi. Quant un fossé s’établit entre ceux qui ont le pouvoir et l’argent et qu’on laisse de côté une grande majorité, ça ne peut pas marcher. Si l’homme n’est pas respecté, n’a pas de quoi manger, s’instruire et assouvir ses besoins les plus élémentaires, c’est que nous sommes dans un monde d’inéquité. Et l’injustice est source de conflit. C’est l’injustice qui engendre la violence : celui qui n’a rien voudra prendre surtout si à côté de lui il y a des gens arrogants.

M.H. : Le message de Stéphan Hessel « Indignez-vous » résonne donc en vous ?
M.B. : Le fait de s’indigner a quelque chose de sympathique. Il y a d’ailleurs un mouvement catholique qui a inventé une neuvième béatitude disant que les chrétiens devaient s’indigner… Et puis on a vu aussi à l’occasion du G20 à Cannes des mouvements catholique engagés.

M.H. : L’engagement catholique se manifeste aussi à travers des manifestations de Civitas qui s’est mobilisé violemment contre la pièce Golgotha Picnic. Ce mouvement intégriste veut d’ailleurs s’ériger comme lobby catholique. Qu’en pensez-vous ?
M.B. : Ce mouvement est intégriste et n’a rien à voir avec l’Eglise catholique. Je préfère largement la réaction du cardinal de Paris d’organiser une veillée de prière au moment de la programmation de la pièce Golgota Picnic. C’était une très bonne idée de rassembler les chrétiens à Notre dame de Paris, qui conserve les reliques de la couronne d’épines du Christ. Monseigneur Vingt-Trois a ainsi convié les catholiques à une célébration sur la passion du Christ en signe de miséricorde, avec une vénération de ces reliques. 6 000 personnes s’y sont rendues. C’était une réaction pacifique, sans violence.

M.H. : Pour vous aussi, manifester, cracher sur les gens, ce n’est pas une attitude chrétienne??
M.B. : Tout à fait. Par contre je le répète?: ma liberté s’arrête là où commence la vôtre. Il faut savoir respecter ce qui est sacré pour l’autre. Même dans l’art. Il faut se donner des limites. J’étais contre les caricatures de Mahomet.

M.H. : Aujourd’hui, c’est à la mode d’être anti-catholique en France ?
M.B. : Il y a eu près de 500 profanations de cimetières catholiques dans l’année. Faisons attention de nous respecter les uns les autres. Dans une société où les uns s’érigent contre les autres, c’est la violence qui l’emporte.

M.H. : Certains prêtres s’érigent contre le fait que l’on ne peut confesser et communier les divorcés. Votre avis ?
M.B. : Les divorcés remariés ne sont pas admis à l’eucharistie ni à la confession. Car quand les gens viennent se confesser, il ne s’agit pas seulement de confier ses péchés mais de les réparer. Or, comment est-ce possible de réparer pour des divorcés remariés?? Retourner avec son ancien époux… Pour autant, le fait de ne pas communier n’empêche pas les divorcés remariés d’être des membres à part entière de l’Eglise catholique. Contrairement à ce que pensent les gens, ils ne sont ni exclus ni excommuniés. Ce n’est pas un dossier facile?: l’Eglise doit faire preuve de compassion mais il ne s’agit pas non plus de revaloriser le message chrétien. On est sur le fil du rasoir.

M.H. : La pub Benetton avec le photomontage du pape avec un imam, ça vous choque ?
M.B. : C’est de la provocation inutile à vocation uniquement financière.

M.H. : L’Eglise est accusée de ne pas être moderne et de s’opposer à l’avortement, au port du préservatif, etc. Vous pensez sans doute que ce n’est pas le rôle de l’Eglise d’être moderne ?
M.B. : L’Eglise est attachée aux valeurs qui lui viennent de l’Evangile et de l’enseignement du Christ. Ces valeurs doivent-elles changer en fonction de la mode du temps?? Je ne le pense pas. L’Eglise reste fidèle à la parole du Christ et véhiculera toujours le même discours de s’aimer et de respecter la dignité de chaque homme. Or, l’Eglise estime que certaines choses, comme celles auxquelles vous faites allusion, ne protègent pas la dignité de l’homme. Après, il faut voir les cas particuliers mais il est certain que l’Eglise ne respecte pas la mode.

M.H. : L’Eglise pourrait tout de même modifier ses vues en raison des évolutions scientifiques ?
M.B. : Oui mais regardez les cellules souches embryonnaires, elles n’apportent quasiment rien. Alors que les cellules souches du cordon ombilical, qui ne posent aucun problème éthique, donnent, elles, des résultats. A Monaco, en décembre 2009, il y a eu un congrès organisé par le diocèse sur cette question. On a montré que l’Eglise s’intéresse à la recherche scientifique, qui peut guérir des gens. A partir de cellules souches du cordon ombilical, on peut reconstituer la peau des grands brûlés ou reconstituer un organe malade. C’est formidable.

M.H. : Monaco avait annoncé un centre de recherche dans ce domaine ?
M.B. : Ça avance. Mais il y a des contraintes budgétaires.

M.H. : L’Eglise aussi a été touchée par les restrictions budgétaires ?
M.B.: Effectivement, les budgets d’entretien des paroisses ont été principalement affectés par les restrictions budgétaires du gouvernement. Mais c’est normal. L’Eglise doit être solidaire de la société. Il ne faut pas tout attendre de l’Etat et c’est aux chrétiens de faire vivre l’Eglise s’ils le désirent. Nous devons bien gérer nos finances, baisser nos dépenses et améliorer nos recettes dans la mesure du possible.

M.H. : Comment ?
M.B. : On ne vend rien donc c’est un appel aux dons. Les gens doivent prendre conscience que, pour développer l’Eglise, nous avons besoin de moyens matériels.

M.H. : Chaque dimanche, il y a une messe en latin ?
M.B. : Le pape avait demandé il y a 3 ans que dans chaque diocèse, il y ait une messe en latin, selon le rite ancien dit extraordinaire. 15 à 20 personnes assistent à cette messe célébrée selon le rite datant d’avant le concile de Vatican II (1962). Si cela les aide à prier, c’est une bonne chose. Je tiens à souligner que ce n’est pas un porte-drapeau intégriste comme cela peut l’être ailleurs. J’ai ainsi mis les choses au point dès la première messe en disant que la messe, qu’elle soit dite en latin ou en français ou dans n’importe quelle langue, c’est toujours la rencontre avec le christ.

M.H. : Y a-t-il une association Opus Dei à Monaco ?
M.B. : Il n’y a pas d’Opus Dei à Monaco. Je connais certaines personnes qui y sont affiliées mais il n’y a pas d’implantation officielle.