vendredi 26 avril 2024
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Inquiétude autour du Mediator

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Mediator

Depuis plusieurs semaines, le Mediator fait scandale et inquiète. Initialement destiné à la diminution du taux de lipides dans le sang puis au traitement de la surcharge pondérale des diabétiques, ce médicament, prescrit abusivement, serait responsable de 500 à 2?000 décès. Aujourd’hui, difficile de savoir s’il y a eu des victimes à Monaco.

Par Noémie Montalbano.

En grec ancien, le terme « pharmakon » signifie à la fois poison et médicament. Ce qui pourrait être une définition pour le médicament qui fait énormément parler de lui ces dernières semaines, le Mediator. Le Docteur Jean Lorenzi, adjoint au directeur à la Direction des affaires sociales et sanitaires (DASS), explique que ce produit, à base de benfluorex, a été commercialisé « en 1976 par le laboratoire Servier, un laboratoire de bonne renommée, le deuxième en France, qui fait de nombreux produits dont le tout premier antidiabétique, le Glucidoral ». Le Mediator, prescrit sur ordonnance, avait pour objectif de diminuer le taux de lipides dans le sang des diabétiques, puis de traiter la surcharge pondérale de ces derniers. Pourtant même si ce médicament était destiné à des personnes diabétiques, certains médecins sont allés « au-delà des indications, ce qui est strictement interdit », rappelle le docteur Lorenzi. Et prescrit de manière abusive le Mediator, en tant que coupe-faim, à des personnes en surpoids désireuses de maigrir, engendrant alors des problèmes connus de valve cardiaque. Résultat, ce médicament a eu un succès fou. En 33 ans, près de 5 millions de Français ont pris du Mediator. Et pas moins de 81 millions de boîtes ont été vendues en à peine 10 ans.

En principauté, il semble hélas impossible de savoir combien de boîtes de Mediator ont été prescrites et vendues ces dernières années. D’après la direction des Caisses sociales de Monaco, il n’y a aujourd’hui aucune information ni chiffre sur le sujet. Mais bon nombre de pharmaciens de la place s’accordent à dire qu’ils en vendaient toute la journée. Se doutant que certains clients l’achetaient pour ses vertus amaigrissantes…

« L’inefficacité du produit était pourtant déjà connue »

En France, c’est une pneumologue du CHU de Brest, Irène Frachon, qui a donné l’alerte, après avoir lu un article du magazine indépendant Prescrire qui se demandait pourquoi le médicament était maintenu sur le marché, et après avoir vu passer des patients malades. Elle découvre les similitudes entre le Mediator et son cousin, l’Isoméride, interdit en 1997 « suite aux décès par hypertension artérielle pulmonaire de 300 femmes en Savoie », précise le cardiologue et président du conseil national, Jean-François Robillon. Avant d’ajouter?: « L’inefficacité du produit était pourtant déjà connue. Cela fait très longtemps qu’on sait que le Mediator ne servait à rien. Quand on démontre qu’un médicament est inefficace, je ne comprends pas pourquoi il est maintenu sur le marché, et continue à être remboursé », s’insurge le docteur Robillon.

En effet, déjà en 2007, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) avait conclu que « ce vieux produit était sans aucune utilité et avait décidé de son utilisation qu’en deuxième attention, notamment à cause des effets secondaires ». Cette prise de conscience ne change rien. Aucune mesure adaptée n’est prise, et la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) continue de rembourser le médicament à 65 %. Incompréhensible pour le Docteur Lorenzi qui s’étonne?: « Aujourd’hui, la CNAM va attaquer le laboratoire Servier pour une surconsommation et des dépenses excessives alors que le médicament se présentait par boîte de 30 comprimés et coûtait un peu plus de 5 euros et était remboursé… »

Dès début 2009, « le docteur Frachon a signalé les complications valvulaires liées au médicament sur une quinzaine de patients, l’Afssaps a demandé au laboratoire Servier, conformément à la réglementation, d’étudier les possibles complications sur le plan cardiaque avant de les attaquer et de les accuser, peut être à tort », explique le docteur Lorenzi. Le rapport d’un cardiologue, engagé par le laboratoire Servier en 2009, montre également le lien entre la prise du Mediator et les maladies cardiaques. Un rapport connu de Jacques Servier, mais enfoui. A la vue des résultats, l’Afssaps retire le médicament du marché ainsi que ses génériques. Le 16 novembre dernier, l’agence annonçait le décès d’au moins 500 personnes atteintes de « valvulopathie » précise le docteur Lorenzi. Un chiffre qui peut doubler, voire tripler selon d’autres études.

Consulter un cardiologue

Quoiqu’il en soit, en principauté, difficile de savoir si il y a eu des complications liées au Mediator. Du côté des cardiologues, le discours se veut rassurant. « En 17 ans de carrière je n’ai rien vu sauf peut être 2 cas de problèmes valvulaires, et encore je ne suis pas sûr que c’était lié au Mediator », précise Jean-François Robillon. Même son de cloche pour le docteur Jean-Paul Rinaldi au centre hospitalier Princesse Grace, qui a pris contact avec ses collègues du Centre Cardio-Thoracique?: « Jusqu’à récemment, ils ont opéré plusieurs milliers de valve mais n’ont jamais imaginé que le Mediator soit la cause. »

La DASS recommande néanmoins « à ceux qui en ont pris, à tort ou à raison et pendant plus de 60 jours, d’aller consulter un cardiologue pour faire un point, limiter les effets, et pour permettre de recenser », rappelle le docteur Jean Lorenzi. Un conseil relayé dans les officines?: « De nombreux clients qui ont pris du Mediator viennent inquiets à la pharmacie. Je leur conseille de prendre rendez-vous pour faire un bilan cardiaque », souffle Clément Ferry, propriétaire de la pharmacie Ferry à la rue Grimaldi. D’ailleurs, depuis quelques semaines, que ce soit au CHPG ou en ville, les patients anxieux affluent dans les cabinets de cardiologie pour faire des examens et être rassurés. Mais pour l’instant, les Dr Robillon et Rinaldi n’auraient programmé « aucun dépistage d’effets secondaires ». En clair, pas de panique. « Tous les médicaments ont des effets secondaires, ce n’est pas comme si tous ceux qui avaient pris du Médiator étaient décédés. L’Aspirine aussi peut être dangereuse », rassure ainsi le docteur Rinaldi.