samedi 27 avril 2024
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Le CHPG, clé de voûte de l’attractivité de Monaco

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Engagée dans une large réflexion autour de son attractivité, la principauté entend miser sur la santé pour attirer de nouveaux résidents. Et, en ce sens, le centre hospitalier princesse Grace constitue son meilleur atout.

« La santé doit être au cœur de notre politique publique. Il est essentiel pour notre hôpital et nos maisons de retraite d’avoir les moyens de relever les défis qui s’imposent à eux dans un secteur en constante évolution. À cet égard, rénover et étendre un hôpital en activité constitue une véritable prouesse ». À l’occasion de ses vœux au personnel hospitalier, mardi 24 janvier 2023, le prince Albert II n’a pas manqué de rappeler à quel point la santé demeurait un pilier majeur de l’attractivité de la principauté, qui compte sur son territoire un porte-étendard de choix avec le centre hospitalier princesse Grace (CHPG). Celui-ci a été érigé en établissement de soins de niveau international grâce à la qualité de ses équipes médicales et ses équipements à la pointe de la technologie dans de nombreuses spécialités. Une réputation qu’il a acquise grâce à une stratégie élaborée il y a plus d’une vingtaine d’années.

« La stratégie étant de faire installer les résidents, ils ne s’installeront pas si le système de santé ne tient pas la route. Et sur un pays de deux kilomètres carrés, ce qui est visible dans le système de santé, c’est l’hôpital »

Benoîte Rousseau de Sevelinges. Directrice du centre hospitalier princesse Grace (CHPG)

Une stratégie initiée il y a 20 ans

« Dans les années 2000, il y a eu une forte volonté du prince Rainier III d’“upgrader” [d’améliorer — NDLR] l’hôpital, qui était vu comme un hôpital de proximité principalement, mais très loin du niveau du CHPG. D’ailleurs, à l’époque, les Monégasques allaient souvent se faire soigner au CHU [à Nice — NDLR] pour tout ce qui était surspécialités », raconte la directrice du CHPG Benoîte Rousseau de Sevelinges. La stratégie va alors consister à recruter des médecins, puis à lancer des réflexions sur un nouvel hôpital pour proposer aux résidents de la principauté et à ceux des communes limitrophes une meilleure offre de soins. « Le prince Albert II a ensuite repris dans cette lignée et le projet de nouvel hôpital a été lancé. C’est le projet Vasconi, qui a depuis été abandonné mais qui témoignait de cette volonté d’investissement fort de la principauté dans son système de santé », souligne la cheffe d’établissement. Elle en veut pour preuve, l’ouverture à l’époque du centre Rainier III destiné aux seniors. Cette stratégie s’est ensuite intensifiée il y a une dizaine d’années sous l’impulsion du conseil stratégique pour l’attractivité (CSA) instauré par le prince Albert II, et mené par Emmanuel Falco. « Il [le CSA — NDLR] a lancé une étude pour identifier les critères que les résidents étrangers choisissaient pour établir leur lieu de résidence. Et la santé est arrivée dans les trois premiers, pour ne pas dire le premier. Tout simplement, parce que la santé est la seule chose qu’on ne peut pas acheter », indique Benoîte Rousseau de Sevelinges. Et d’ajouter : « À partir de ce moment-là, la volonté d’investissement dans l’hôpital a bien sûr été maintenue et même déployée davantage puisqu’un deuxième projet de nouvel hôpital est apparu. Il y a également cet investissement de 10 millions par an d’ici à l’arrivée dans le nouvel hôpital qui va se maintenir pour d’autres raisons comme le numérique. Enfin, il y a une volonté d’avoir les meilleurs personnels donc des rémunérations qui sont toujours plus hautes, il y a eu le régime de retraite particulier pour les personnels hospitaliers, une réforme des rémunérations des médecins successives jusqu’au Pasteur de la santé cette année. Nous continuons donc cette veine-là ».

« Il [le CSA – NDLR] a lancé une étude pour identifier les critères que les résidents étrangers choisissaient pour établir leur lieu de résidence. Et la santé est arrivée dans les trois premiers, pour ne pas dire le premier. Tout simplement, parce que la santé est la seule chose qu’on ne peut pas acheter »

Benoîte Rousseau de Sevelinges. Directrice du centre hospitalier princesse Grace (CHPG)

Un hôpital déficitaire

Face à des investissements aussi colossaux, les enjeux le sont tout autant. « À un moment donné, il faut amortir ces coûts. Pour cela, il faut avoir un nombre de patients suffisant. Et donc être attractif à leurs yeux », avance la directrice du CHPG. Et qu’importe leur provenance et leurs ressources : « Il ne faut pas forcément aller les chercher en Suisse, en Chine, ou aux Etats-Unis, mais dans l’arrière-pays, en Italie et dans des lieux un peu plus proches. Il faut, bien entendu aussi, garder ceux qui sont sur notre territoire ». Toutefois, au-delà du public local, le CHPG vise aussi une patientèle internationale : « Ce que nous souhaitons, c’est répondre à une demande et innover. Aujourd’hui, notre patientèle internationale provient d’Europe de l’Est et des pays arabes. Mais je ne crois pas trop à des patients qui traverseraient l’Atlantique pour une prise en charge. Cependant, nous avons relancé notre partenariat avec l’université de Pennsylvanie, ce qui est très intéressant pour la richesse des échanges entre médecins. Il offre aussi une possibilité pour un deuxième avis ou pour des équipements dont nous ne disposerions pas pour nos patients avec un accès privilégié ». Cet investissement a aussi pour vocation à être rentabilisé, ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui. Le déficit s’élèverait à environ 50 millions d’euros, selon les chiffres révélés par l’établissement public monégasque. « Je ne peux donc pas dire que le CHPG est rentable. En revanche, ce qui est certain, c’est qu’il est utile, que les dépenses sont maîtrisées, parce que, malgré tout, quand on regarde la hausse de nos dépenses d’exploitation par rapport à l’inflation, nous sommes largement en-dessous. La création de postes est limitée aussi, alors que les demandes sont très nombreuses ».

Concurrence accrue

Pour parvenir enfin à l’équilibre, l’hôpital se fixe des objectifs élevés : « En 2023, nos prévoyons de réaliser 143 000 journées sur le CHPG pour 36 000 séjours », ambitionne Benoîte Rousseau de Sevelinges. Il faudra pour cela composer avec une concurrence de plus en plus féroce, à la fois du public, mais surtout du privé : « Il y a une offre privée sur le 06 [dans les Alpes-Maritimes — NDLR] qui est extrêmement riche. C’est peut-être même la plus riche de France si on enlève Paris. La concurrence est très très forte, que ce soit dans le recrutement des personnels où certains de nos médecins et agents sont chassés par les cliniques, ou pour les patients, qui sont attirés par d’autres établissements ». Pour les retenir, le CHPG, soutenu par le gouvernement princier, a d’ores et déjà engagé un certain nombre de pistes et prévoit d’en lancer d’autres avec en point d’orgue l’entrée dans le nouvel hôpital prévue en fin d’année 2025 [à ce sujet, lire notre article Comment le CHPG cherche à attirer de nouveaux patients publié dans ce numéro — NDLR]. « Le souverain a réaffirmé pendant les vœux sa volonté de poursuivre les investissements hospitaliers. La valeur ajoutée qui est générée par l’établissement pour l’économie est intangible, mais elle est réelle. La stratégie étant de faire installer les résidents, ils ne s’installeront pas si le système de santé ne tient pas la route. Et sur un pays de deux kilomètres carrés, ce qui est visible dans le système de santé, c’est l’hôpital. »

Pour lire la suite de notre dossier « Comment le CHPG travaille son attractivité », cliquez ici.