jeudi 25 avril 2024
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Leiji Matsumoto, le créateur d’Albator, est mort

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Star internationale de la BD et de l’animation, l’artiste japonais Leiji Matsumoto est décédé le 13 février 2023. Il avait 85 ans.

Patiemment, malgré les multiples sollicitations des différents médias, il avait pris le temps. Le 9 mars 2019, Monaco Hebdo a interviewé Leiji Matsumoto. C’était dans le cadre du Monaco Anime Game International Conferences (MAGIC), et il avait alors répété une chose qui lui importait beaucoup : ne jamais lâcher prise. « Depuis très jeune, depuis l’école primaire, j’aime le drapeau avec la tête de mort. Pour moi, il symbolise une chose: même si on devient un squelette, on n’abandonne pas. On continue. […] Il ne faut pas avoir honte de pleurer, si on échoue. Mais abandonner est la pire des choses qui soit. »

Leiji Matsumoto, l’auteur japonais d’Albator, le 9 mars 2019, à Monaco, dans le cadre du Monaco Anime Game International Conferences (MAGIC). © Photo Iulian Giurca / Monaco Hebdo

Leiji Matsumoto est né le 25 janvier 1938 à Kurume, dans la préfecture de Fukuoka, sur l’île de Kyushu, dans le sud du Japon. Etalée sur plus de 60 ans, sa carrière a débuté tôt. Son amour du dessin le conduit à publier son tout premier manga Les Aventures d’une abeille à l’âge de 15 ans, grâce à un concours de création. Sa passion, c’était aussi le monde de l’aviation. Son rêve aurait consisté à marcher dans les traces de son père, qui a été pilote de l’armée impériale et vétéran de la seconde guerre mondiale. Mais des problèmes de vue l’en ont empêché. Quatrième d’une famille de sept enfants, Leiji Matsumoto s’est donc réalisé autrement, à travers une série d’inspirations qu’il a résumé ainsi à Monaco Hebdo : « Il y a eu Disney et Osamu Tezuka. Je citerai aussi le film français Marianne de ma jeunesse (1954), de Julien Duvivier (1896-1967), ou encore des films américains, comme Autant en emporte le vent (1939), de Victor Flemming (1889-1949) ou Johnny Guitare (1954) de Nicholas Ray. Dans ces films, la musique et chaque dialogue ont eu un impact sur moi. Par exemple, je me souviens des mots de Scarlett O’Hara dans Autant en emporte le vent, quand elle dit« Je n’aurai plus jamais faim ». Ce qui, du point de vue de mon histoire personnelle, a une résonance particulière, car j’ai connu la guerre et les restrictions. »

Leiji Matsumoto
© Photo DR

« Depuis très jeune, depuis l’école primaire, j’aime le drapeau avec la tête de mort. Pour moi, il symbolise une chose: même si on devient un squelette, on n’abandonne pas. On continue » Leiji Matsumoto

Extra-terrestre

Il citait aussi volontiers les grands mangaka Osamu Tezuka (1928-1989) et Shotaro Ishimori (1938-1998) : « Tous les trois, nous partagions ce rêve de création de manga «papier» ou d’images animées. Nous avons fait de notre mieux. On s’était auto-proclamé les « trois maniaques de l’animation nippone ». » Parmi les œuvres japonaises qui l’ont marqué lorsqu’il était enfant, il y a le court-métrage d’animation L’Araignée et la Tulipe (1943) de Kenzo Masaoka (1898-1988). Par la suite, l’actrice Marianne Hold, qui l’avait séduit dans le film de Julien Duviviers, Marianne de ma jeunesse, lui sert de base pour imaginer le personnage de Maetel, qu’il met en scène dans sa série télévisée de science-fiction d’animation, Galaxy Express 999 (1978-1981). Son premier grand succès survient en 1968, avec la sortie du manga Sexaroïd, qui marque aussi ses premiers pas dans le monde de la science fiction. Puis, en 1974, il transforme le Yamato, un navire de la marine japonaise détruit en 1945, pour en faire un vaisseau spatial qui lutte contre une invasion extra-terrestre. Cela donne naissance au manga Yamato, le cuirassé de l’espace (1974). Adapté en série animée, il rencontre un grand succès à la télévision japonaise.

Leiji Matsumoto
© Photo Iulian Giurca / Monaco Hebdo

Avec Osamu Tezuka (1928-1989) et Shotaro Ishimori (1938-1998), « tous les trois, nous partagions ce rêve de création de manga «papier» ou d’images animées. Nous avons fait de notre mieux. On s’était auto-proclamé les « trois maniaques de l’animation nippone »»

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Trois ans plus tard, en 1977, Capitaine Albator  [« Harlock » en version originale – NDLR] fait ses débuts. Le succès sera total, notamment en Europe, avec une diffusion en France et à Monaco dans l’émission télévisée « Récré A2 », en 1980. Toujours dans les années 1970, Leiji Matsumoto signe deux autres œuvres de science fiction majeures : les mangas Queen Emeraldas (1977-1978), qui est le double féminin d’Albator, et Galaxy Express 999 (1977-1981), qui évoque un train dans l’espace qui conduit vers une planète où les humains sont robotisés pour devenir immortels. Par la suite, Galaxy Express 999 est adapté en une série télévisée, que l’on peut voir de 1978 à 1981. Œuvre après œuvre, la guerre traverse en filigrane l’ensemble du travail de Leiji Matsumoto. « Pendant la guerre sino-japonaise, entre 1937 et 1945, alors que j’étais à l’école maternelle, je marchais en rythme, en disant « Harlock, Harlock… » à chaque pas. Et quand un train ou une voiture passait, je disais « Harlock, Harlock ! », bien plus fort encore », expliquait-il à Monaco Hebdo, en mars 2019.

Œuvre après œuvre, la guerre traverse en filigrane l’ensemble du travail de Leiji Matsumoto 

Daft Punk

Les années 1980 et 1990 sont, en revanche, plus difficiles. Ce qui ne l’empêche pas de lancer un important projet : L’Anneau des Nibelungen (1989), une œuvre dans laquelle il revisite la Tétralogie de Richard Wagner (1813-1883), façon “space opera“. Certains chapitres ont été prépubliés sur Internet en 1997. Mais la relance intervient au début des années 2 000, avec le long-métrage d’animation Interstella 5555 (2003), réalisé en collaboration avec le duo français Daft Punk. « Daft Punk m’a contacté et j’ai tout simplement accepté cette collaboration, car ce projet m’intéressait. Il y avait une forme d’hommage dans ce film, avec un peu d’Albator et de Galaxy Express 999 dedans », expliquait Leiji Matsumoto à Monaco Hebdo en mars 2019. Il apporte alors son univers et son imagination qui viennent littéralement porter Discovery, un album de Daft Punk sorti en 2001. Le succès est au rendez-vous. Fêté en 2013 par le festival international de la bande dessinée d’Angoulême pour ses 60 ans de carrière, Leiji Matsumoto évoquait avec Monaco Hebdo, en mars 2019, son infatigable soif de projets. Et tout cela, toujours selon sa vision : « Je travaille sur une pièce de théâtre musicale. Je dessine des mangas, et je les transforme en films ou en pièces de théâtre. Tout ce qui se passe, c’est mon rêve qui devient réalité. C’est pour cela que je ne peux pas abandonner ou mourir encore. Je vais consacrer le reste de ma vie à ça. »

Interstella 5555
La relance intervient au début des années 2 000, avec le long-métrage d’animation Interstella 5555 (2003), réalisé en collaboration avec le duo français Daft Punk.

«Je travaille sur une pièce de théâtre musicale. Je dessine des mangas, et je les transforme en films ou en pièces de théâtre. Tout ce qui se passe, c’est mon rêve qui devient réalité. C’est pour cela que je ne peux pas abandonner ou mourir encore. Je vais consacrer le reste de ma vie à ça»

Parcours : Leiji Matsumoto

25 janvier 1938 Naissance à Kurume (préfecture de Fukuoka)
1968 Sexaroïd
1974 Yamato, le cuirassé de l’espace
1977 Capitaine Albator
1977 Queen Emeraldas
1977-1978 Galaxy Express 999
2003 Interstella 5555, film d’animation réalisé avec le groupe Daft Punk 
2012 Leiji Matsumoto est fait chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres par le gouvernement français
2019 Présence au Monaco Anime Game International Conferences (MAGIC) le 9 mars 2019
2023 Mort le 13 février 2023, à l’âge de 85 ans.