jeudi 25 avril 2024
AccueilActualitésSantéComment le CHPG cherche à attirer de nouveaux patients

Comment le CHPG cherche à attirer de nouveaux patients

Publié le

Réorganisation de l’offre de soin, développement d’activités médicales et de la recherche, numérisation, acquisition d’équipements de pointe… La directrice du centre hospitalier princesse Grace, Benoîte Rousseau de Sevelinges, présente à Monaco Hebdo les mesures engagées pour renforcer l’attractivité de son établissement, et ainsi attirer de nouveaux patients.

La création de filières de soins par pathologie

« Nous avons beaucoup travaillé, au niveau local, sur le côté prévention thérapeutique. Et cela se concrétise par les fameuses filières par pathologie. Nous l’avons fait pour la prostate, pour le pelvis et pour le sein. Nous allons prochainement lancer la thyroïde, l’endométriose et l’accident ischémique transitoire (AIT). Mais je veux être claire : l’AVC en phase aiguë est pris en charge à Nice. Il ne peut pas l’être à Monaco, car nous n’avons pas l’équipement nécessaire. Nous sommes en train de monter un bilan sur deux à trois jours, qui devrait être opérationnel d’ici la fin du premier trimestre 2023. Il permettra aux personnes qui ont fait un AIT, ou qui pensent en avoir fait un, de contacter nos neurologues via leur médecin traitant ou un autre spécialiste. L’idée, c’est de pouvoir à la fois prendre en charge tout ce qui est rééducation, mettre le patient dans un parcours pour qu’il puisse récupérer de son AIT et faire de la prévention car l’AVC est souvent secondaire à un AIT. Nous sommes donc vraiment sur une médecine de proximité. Bien évidemment, nous aurons des patients qui viendront de plus loin pour pouvoir bénéficier de ces offres qui sont coordonnées. »

Le regroupement des urgences adultes et pédiatriques

« En 2023, nous allons aussi rassembler les deux services d’urgence. Il s’agit d’un projet de longue date mais nous n’avions pas les financements pour le faire. Le nombre de passages aux urgences étant en constante augmentation, l’exigence est importante mais surtout les prises en charge ont changé. Avant, on passait aux urgences et on était rapidement hospitalisé dans un service. Aujourd’hui, les méthodes diagnostiques ont évolué, on fait beaucoup plus d’examens aux patients et cela entraîne une attente qui peut générer de l’insatisfaction et des tensions. Le rassemblement des deux secteurs va nous permettre d’abord d’augmenter nos capacités par la mutualisation et d’améliorer la visibilité. Nos équipes vont également pouvoir travailler ensemble, et donc nécessairement monter en compétence. Ce regroupement va enfin leur permettre de se soulager en cas de pic d’activité. Ce projet nous a été permis par un donateur. »

« Nos acquisitions peuvent étonner certains dirigeants qui regardent nos finances avec inquiétude, mais disposer d’un plateau de cardiologie interventionnelle quasi unique en Europe permet d’attirer des patients »

Accessibilité des soins et services “premium”

« Il s’agit également de rendre les soins accessibles. Car il y a aussi la problématique de la langue. Nous donnons donc des cours de langues étrangères à nos hôtesses d’accueil et à nos secrétaires médicales. Par ailleurs, nous disposons d’un dispositif d’interprétariat pour satisfaire nos patients. Cela passe aussi par le déploiement d’un service “premium”. Nous en avons dans les chambres de maternité et dans le service d’orthopédie. Cette année, nous allons en déployer en spécialités chirurgicales tout en proposant davantage de services. Nous allons par exemple proposer un service de restauration un peu différent. Pour les patients qui souhaitent faire un bilan, nous allons leur proposer de passer la nuit. À l’entrée dans le nouvel hôpital, nous voulons pouvoir avoir cette double offre qui répond à une réelle demande. Des personnes sont prêtes à les financer donc ce sont aussi des recettes intéressantes pour l’établissement et qui, en plus, génèrent de la satisfaction. Sachant que ça n’enlève rien aux soins puisqu’on parle d’une qualité d’hébergement. »

© Photo Axel Bastello / Palais Princier

L’acquisition d’équipements de pointe

« Nos acquisitions peuvent étonner certains dirigeants qui regardent nos finances avec inquiétude, mais disposer d’un plateau de cardiologie interventionnelle quasi unique en Europe permet d’attirer des patients. Et ces patients ne restent pas 24 heures à Monaco. Nous avons donc une stratégie d’investissement dans des équipements innovants, qui sont ciblés vers des médecins qui peuvent en exploiter le potentiel. Par exemple, en cardiologie interventionnelle, le Dr Gabriel Latcu est reconnu comme l’un des meilleurs praticiens sur l’HI-FU, destiné au traitement des fibromes. Nous possédons aussi des robots chirurgicaux. Aujourd’hui, nous sommes le plus gros centre du département en chirurgie robotique gynécologique alors que nous étions à zéro intervention il y a un an et demi. Nous sommes aussi devenus l’un des plus gros centres en chirurgie digestive à tel point que nous allons devenir formateurs. La compétence acquise est là. Et la patientèle internationale l’entend, elle en parle. Les résidents monégasques s’y intéressent et ça leur donne un critère supplémentaire pour rester en principauté. »

© Photo Axel Bastello / Palais Princier

« Cela passe aussi par le déploiement d’un service  “premium”. Nous en avons dans les chambres de maternité et dans le service d’orthopédie. Cette année, nous allons en déployer en spécialités chirurgicales tout en proposant davantage de services. Nous allons par exemple proposer un service de restauration un peu différent »

Robots CHPG équipement
© Photo Stéphane Danna

La Check-up Unit

« Sept ans après sa création en 2016, le bilan est extrêmement satisfaisant. Le taux de satisfaction [des patients — NDLR] est de 100 %. Nous constatons une augmentation croissante de son activité. À l’origine, cette unité était financée par don pour ne pas peser sur les finances de l’établissement et parce qu’elle répondait à une stratégie gouvernementale. Aujourd’hui, cette unité est devenue rentable. Elle passera à cinq suites dans le nouvel hôpital, contre 3 actuellement. Et nous n’avons aucun doute sur le fait de les remplir. Jusqu’à présent, nous faisions des “one-day” [prise en charge sur une journée — NDLR], donc les gens ne dormaient pas à l’unité de bilan. Mais nous avons une demande croissante de personnes qui souhaitent y dormir. Nous allons donc désormais proposer une offre de nuit également. En 2022, nous avons réalisé 290 bilans/check up. Sachant que l’année dernière, l’activité a été réduite les trois premiers mois car nous avions beaucoup de personnel Covid. Les médecins qui se trouvaient dans cette unité ont donc été rapatriés dans d’autres services pour donner des coups de mains. »

Développement de la recherche et de l’innovation

« La “healthtech” et la “medtech” représentent l’avenir. Ce sont des activités qui ne nécessitent pas beaucoup de terrain, ni beaucoup de mètres carrés, en revanche elles réclament beaucoup de neurones et beaucoup de modernité. Elles reposent sur des infrastructures de haute qualité que Monaco est tout à fait en mesure de proposer. Cela pourrait constituer une opportunité de développement de richesse. Mais une “medtech” ne va pas sur un territoire où l’hôpital est faible parce qu’elle a besoin de s’appuyer sur lui, sur les médecins qui y travaillent, sur sa base de données… Nous travaillons à monter une plateforme de recherche en lien avec le centre scientifique car la recherche, on la voit toujours comme une source de coûts mais lorsqu’on la couple à l’innovation, elle peut aussi être une source de création de richesse. »

Attirer les meilleurs professionnels

« L’attractivité pour le personnel, c’est la base de tout, c’est le socle. On peut avoir les meilleurs équipements du monde, si on n’a pas de personnel pour les faire tourner, ça ne sert à rien. Pour les attirer, il y a d’abord le réseau. Nous avons de très bons médecins qui ont des amis, ils ont leur réputation et leur réseau. Par ailleurs, nous leur donnons la possibilité de réaliser leurs projets. Nous mettons également en avant nos conditions de travail. Nous n’avons pas de poste vacant pérenne au centre hospitalier princesse Grace (CHPG). L’organisation médicale repose sur les médecins titulaires seniors, et pas sur des internes qui sont pressurisés. Tout cela contribue à un environnement intéressant. Enfin, les rémunérations sont également très intéressantes. »

« On peut avoir les meilleurs équipements du monde, si on n’a pas de personnel pour les faire tourner, ça ne sert à rien. Pour les attirer, il y a d’abord le réseau. Nous avons de très bons médecins qui ont des amis »

La numérisation

« Le dossier patient informatisé est un énorme travail parce que ça associe les médecins, les secrétaires médicales, les infirmières, les cadres de santé, l’informatique, la direction… Via la numérisation, on change complètement la manière de travailler donc c’est quelque chose de délicat à mener et qui, néanmoins, est en cours depuis 2017. Nous sommes assez satisfaits, car nous avons tenu bon malgré la crise. Une fois que nous disposerons de ce dossier patient informatisé (DPI), nous pourrons aussi avoir des outils de gestion qui permettront d’améliorer nos performances. En parallèle, nous devons nous protéger des cyberattaques car nous sommes quotidiennement la cible d’attaques. Évidemment, je ne peux pas dévoiler les détails de notre stratégie à ce sujet mais nous avons une équipe de sécurité très pertinente. Et nous travaillons actuellement avec le gouvernement pour déployer de nouveaux outils de maîtrise.

Nous sommes très sensibilisés à ces cyberattaques et à la fuite des données. Car en 2016, nous avions subi un sabotage interne. Depuis, nous avons beaucoup travaillé et amélioré notre système. Il y a toujours beaucoup à faire, et nous allons proposer très prochainement au gouvernement un plan de sécurisation qui reposera nécessairement sur des financements publics, car il faut aussi que nous puissions avoir à nos côtés d’autres experts. Il nous faut un regard extérieur et voir ce qui se fait ailleurs dans les autres établissements pour pouvoir progresser. La question, ce n’est pas de savoir si l’on sera piraté mais plutôt quand on le sera. Aujourd’hui, le sujet c’est donc de limiter les dégâts. Il faut savoir que le coût d’une attaque informatique comme en a connu Versailles par exemple, c’est deux millions d’euros pour se remettre sur pied et c’est des semaines et des semaines de handicap, c’est-à-dire de difficultés de fonctionnement, d’équipes qui vont travailler deux fois plus parce que revenir au papier est extrêmement pénible… L’immobilisation des serveurs, c’est criminel et dramatique. Nous sommes donc focus sur ce sujet, nous faisons des exercices, nous nous entraînons. Ces exercices sont d’ailleurs assez révélateurs de l’angoisse d’une telle attaque. Le risque zéro n’existe malheureusement pas. »

Benoîte Rousseau de Sevelinges
© Photo Iulian Giurca / Monaco Hebdo

Le futur hôpital

« Le deuxième gros chantier, c’est le nouvel hôpital. En fin d’année 2022, nous avons eu la confirmation du planning d’emménagement. Nous commencerons à rentrer dans les nouveaux locaux fin 2025. Cela signifie qu’aujourd’hui, nous devons reprendre tout ce que nous avions prévu pour vérifier que ça corresponde à la réalité, que l’on revoit le capacitaire de toutes nos unités. Nous devons également commencer à modéliser nos organisations parce que le temps va vite passer. »

Pour lire la suite de notre dossier « Comment le CHPG travaille son attractivité », cliquez ici.