samedi 20 avril 2024
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Pas de sanction requise contre le juge Edouard Levrault

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Le Conseil supérieur de la magistrature a décidé de ne requérir aucune sanction contre le juge Edouard Levrault. Juge d’instruction détaché à Monaco avant d’être démis de ses fonctions pendant l’été 2019, il était poursuivi pour manquement aux devoirs de « réserve et de prudence ».

C’était en octobre 2020. Le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, avait demandé qu’une enquête administrative soit menée à l’encontre du juge Edouard Levrault. Réuni le mercredi 31 août 2022, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a évoqué le cas de ce magistrat passé par Monaco. En cause, un supposé manquement aux devoirs de « réserve et de prudence ». On se souvient qu’en 2018 Edouard Levrault avait marqué les esprits, en n’hésitant pas à inculper notamment le directeur des services judiciaires de la principauté, Philippe Narmino, et le chef de la police judiciaire, Christophe Haget. En cause : des soupçons de corruption en lien avec le milliardaire russe et propriétaire de l’AS Monaco, Dmitry Rybolovlev. Informé en avril 2019 qu’il poursuivrait son détachement à Monaco pour trois ans de plus, Edouard Levrault a finalement appris le 24 juin 2019 qu’il devrait quitter la principauté. Depuis, cet ex-juge d’instruction est devenu vice-président au tribunal judiciaire de Nice. Ce magistrat a dénoncé cette situation dans un article publié en France par l’hebdomadaire L’Obs le 24 octobre 2019, puis dans une émission de France 3 diffusée le 10 juin 2020, et dans une autre de France 2, le 7 janvier 2021. Cela n’a pas été du goût d’Eric Dupond-Moretti, qui était alors l’avocat de Christophe Haget. Nommé ministre de la justice pendant l’été 2020, Eric Dupond-Moretti a alors décidé de lancer une enquête administrative à l’encontre d’Edouard Levrault. Selon lui, l’ancien juge de Monaco aurait manqué à « ses devoirs de réserve et de délicatesse », et il aurait également « violé le secret de l’instruction » lors de sa participation à ces reportages télévisés. Le 15 septembre 2021, le premier ministre de l’époque, Jean Castex, a saisi le CSM pour manquements déontologiques aux devoirs de réserve et de délicatesse. Cependant, il avait alors estimé que « les propos tenus [par Edouard Levrault — NDLR] ne caractérisent pas, en tant que tels, une violation du secret de l’instruction, ou même du secret professionnel ».

Edouard Levrault, 45 ans, doit désormais patienter jusqu’au 15 septembre. C’est à cette date que le CSM fera connaître sa décision

« Indépendance »

Finalement, l’AFP rapporte qu’après avoir pris la parole une vingtaine de minutes seulement, Paul Huber, magistrat et directeur des services judiciaires (DSJ), en charge de l’accusation et qui s’exprimait au nom de la première ministre Isabelle Borne, a conclu : « Je vous demande de retenir les griefs, mais de dire qu’il n’y a pas lieu à des sanctions. » De son côté, Edouard Levraut a estimé ne pas avoir « failli » à ses « devoirs de magistrat, ni à Monaco, ni en France », avant de mettre en avant l’importance de la notion d’indépendance : « Pour les magistrats, il n’y a pas d’autre choix que l’indépendance. Y renoncer, c’est trahir le justiciable. La justice doit être la même pour tous, et c’est cette conviction qui a fait de moi la cible des autorités monégasques. » De son côté, la présidente de l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), Céline Parisot, a lancé un « tout ça pour ça », avant d’indiquer que Edouard Levrault était, à ses yeux « un magistrat qui a toujours fait son travail avec la plus grande rigueur ». Les avocats d’Edouard Levrault, Marie Lhéritier et François Saint-Pierre, ont demandé la relaxe, en mettant en avant des nullités. La demande d’ouverture d’une enquête sur Edouard Levrault par le ministre de la justice relève de « conflit d’intérêts », a lancé Me Saint-Pierre, tout en évoquant « une atteinte sans précédent à l’exigence de probité, d’intégrité, et de compétence d’un ministre ». Depuis juillet 2021, Eric Dupond-Moretti est mis en examen au pénal pour « prise illégale d’intérêts » dans ce même dossier, ce qui est une première pour un garde des Sceaux. Il est soupçonné d’avoir utilisé ses fonctions pour soigner ses anciennes activités d’avocat, tout en réglant quelques comptes avec des magistrats. Edouard Levrault, 45 ans, doit désormais patienter jusqu’au 15 septembre 2022. C’est à cette date que le CSM fera connaître sa décision. Reste à savoir s’il suivra les recommandations du DSJ.