jeudi 25 avril 2024
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Garde à vue : « Un OVNI juridique »

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La réforme de la garde à vue, publiée le 19 juillet, est attaquée devant le tribunal suprême.

Ils attendaient juste la promulgation de la loi réformant la garde à vue. Mes Licari et Michel, l’actuel et l’ancien bâtonnier, préparent un recours en inconstitutionnalité devant le tribunal suprême. Pour quelle raison ? « Sous couvert de mettre la loi monégasque aux normes de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ce texte marque un recul des libertés individuelles sur pratiquement tous les plans », explique Me Michel. Avant de donner quelques exemples : « L’on va pouvoir entendre en garde à vue des enfants de 13 ans ! Les officiers de police judiciaire auront commencé l’interrogatoire avant même l’arrivée du médecin censé se prononcer en cas de besoin sur la compatibilité de l’état de santé de la personne gardée à vue avec la mesure envisagée, en cas de crise cardiaque le médecin pourra donc constater le décès. » Plus grave pour l’avocat, « l’article 11 de la loi permet au procureur de façon totalement arbitraire et à chaque fois qu’il estime que c’est utile à l’enquête, de suspendre l’ensemble des libertés individuelles et des garanties dont il n’est pas dressé une liste limitative. Il en résulte que le procureur général peut ainsi décider de prolonger indéfiniment une garde à vue dès lors qu’il estime que cela se trouve justifié par la nécessité de recueillir des preuves et ceci sans autorisation d’un juge. » Ce qui violerait, selon l’ancien bâtonnier, l’article 19 de la Constitution disposant que nul ne peut être privé de sa liberté plus de 24 heures sans une décision motivée d’un juge.

« Incompétence »
Votée le 19 juin, la loi a été publiée au Journal officiel le 19 juillet, avec une note explicative : « Du fait de son importance et en raison également du fait que de nombreux amendements sont intervenus par rapport au texte initialement déposé, le prince a demandé qu’un texte explicatif soit publié également au même Journal de Monaco de façon à pouvoir éclairer sa compréhension », a expliqué le ministre d’Etat lors d’une conférence de presse, le 19 juillet. Cette note prévoit notamment que la décision qui serait alors prise par un membre du parquet ou un juge d’instruction soit strictement conditionnée. « Par la nécessité urgente d’écarter un danger menaçant la vie ou l’intégrité physique d’une personne. Ou par des circonstances exceptionnelles telles que, par exemple, une brusque montée des eaux, des mouvements de terrain ou un incendie — qui risquent de conduire à une altération irrémédiable ou à une destruction des preuves », a souligné le ministre.
Pas suffisant pour dissuader les requérants. « La «notice explicative» du gouvernement constitue un véritable «OVNI» juridique. Elle démontre à notre sens l’incompétence juridique grave qui a présidé à l’élaboration de ce texte puisque le gouvernement a éprouvé le besoin de se justifier dans une note qui est plus longue que la loi elle-même des incohérences du texte… »

Réponse du berger à la bergère

Tancée par le bâtonnier Jean-Pierre Licari (voir MH n° 442), Sophie Lavagna, présidente de la commission législation du conseil national, a souhaité répondre à son confrère. Si elle n’a « pas l’intention d’entretenir une polémique », l’avocate a dénoncé une « prise de position politique du bâtonnier », qui selon elle, caresse le désir d’un retour futur au conseil national. « Il peut se présenter aux élections. Mais il a un peu oublié l’article 4 de la constitution : l’ordre des avocats n’est pas le colégislateur. » Et de tacler l’ancien élu PFM : « Cette loi a été votée à l’unanimité. Elle représente une avancée par rapport à la loi antérieure et je ne dirais pas par qui elle a été votée… » Une allusion claire et nette à un texte adopté par l’ancienne majorité UPM en 2006, à laquelle appartenait… Jean-Pierre Licari.Réponse du berger à la bergère.