jeudi 25 avril 2024
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Portraits d’une jeunesse singulière

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Le photographe et réalisateur Nick Danziger, lauréat du World Press Award en 2004, a suivi les équipes de la Croix-Rouge de Monaco en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso. Sur le terrain, ce Britannique, également résident monégasque, a immortalisé ces tranches de vie qui témoignent des différences de destins entre les jeunesses africaines et européennes.

Marina, Côte d’Ivoire

Marina a 15 ans et vit dans la petite ville de Gonate au centre-ouest de la Côte d’Ivoire. Elle travaille depuis qu’elle est toute petite et vend des oranges. « Je les vends à 25 FCFA (0,04 centime) pièce. Parfois, je fais 1 500 FCFA (2,30 euros) par jour, mais je n’ai jamais reçu d’argent de ma tante, car elle dit que l’argent sert à acheter mes vêtements. Je n’ai jamais été à l’école jusqu’il y a quelques mois. J’étais terrifiée, j’avais très peur d’être battue ». Marina a découvert qu’elle aime beaucoup l’école. Elle s’y rend deux heures les mercredis et deux heures les samedis. « Je voudrais apprendre la couture, parce que je voudrais faire la haute couture ». La Croix-Rouge améliore les conditions de vie des jeunes filles en situation de travail, en les incitant à rejoindre l’école du soir, à entreprendre une formation professionnelle, ou en leur offrant des espaces de détente et d’écoute, et en renforçant leurs capacités de réflexion, d’expression et de prise de décisions.

Pascaline, Burkina Faso © Photo Nick Danziger for the Monaco Red Cross

Pascaline, Burkina Faso

Pascaline a 13 ans, et elle est en classe de CM2. Elle vit dans l’arrondissement 10, situé en zone périurbaine de la capitale du Burkina Faso, Ouagadougou. Bien qu’en dernière année du cycle primaire, Pascaline ne peut pas passer l’examen pour l’obtention du certificat d’études primaires, car elle n’a pas d’acte de naissance. Et sans acte de naissance, il est impossible de l’inscrire à l’examen qui permet de poursuivre ses études au collège. Comme Pascaline, 16 autres élèves de sa classe n’ont pas ce précieux document. Cette situation peut s’expliquer par l’éloignement des centres d’état civil des populations, la méconnaissance des procédures et de l’importance de cet acte, d’enfants que l’on veut cacher, car issus de viols ou handicapés, d’enfants orphelins dont la paternité n’est pas reconnue, ou encore, faute d’argent pour payer les timbres d’enregistrement (1 300 FCFA, soit 2 euros)… Si l’enregistrement de l’enfant n’a pas été réalisé dans le délai légal des deux mois qui suit la naissance, l’obtention de l’acte se complique : deux personnes doivent alors se porter témoins, sachant que parfois la date exacte de la naissance est méconnue. Le président du tribunal administratif [notre photo — NDLR] explique « à la campagne, beaucoup de parents n’ont pas été à l’école et ne connaissent même pas les jours de la semaine. J’ai tellement de cas en attente. Comme vous le voyez, j’ai des piles de cas sur mon bureau. » Ne pas avoir d’acte de naissance, cela équivaut à ne pas avoir accès aux droits fondamentaux, à l’éducation, à un héritage, ou à la possibilité de voyager. La Croix-Rouge renforce ainsi les mécanismes communautaires de protection en formant les personnes-ressources des villages ou des quartiers urbains, afin qu’elles soient à même d’assurer la protection des enfants et des jeunes filles et de leur fournir une assistance en cas de besoin. Ces personnes-ressources s’assemblent pour former des Cellules communautaires de protection de l’enfance (CCPE), qui contribuent, entre-autres, à encourager et à aider les familles à entreprendre les démarches d’enregistrement de leurs enfants pour obtenir l’acte de naissance.

Naonou, Côte d’Ivoire © Photo Nick Danziger for the Monaco Red Cross

Naonou, Côte d’Ivoire

Naonou a 56 ans et vit en zone rurale près de Gonate (Daloa, Côte d’Ivoire) avec ses 6 petits-enfants. Elle en a la charge, depuis qu’un de ses fils est décédé, et que ses autres enfants ont quitté le village pour trouver du travail en ville ou à l’étranger. Ils n’ont jamais donné de nouvelles. Naonou ne sait pas où ils sont, ni ce qu’ils sont devenus. Cette grand-mère n’a pas les moyens d’acheter les uniformes et les fournitures scolaires pour la rentrée de ses petits-enfants. Elle a aussi des difficultés pour acheter à manger. « Je suis seule, je n’ai personne pour m’aider. Mon papa m’a aidée, mais il est maintenant décédé. Mon mari ce n’est pas quelqu’un de bien ». Dans cette optique, la Croix-Rouge soutient des activités génératrices de revenus auprès des grands-mères comme Naonou. Des initiatives qui permettent d’augmenter les moyens de subsistance, d’améliorer les conditions de vie, et ainsi, de réduire les risques de déscolarisation et d’une migration précoce et dangereuse des enfants.

Asseta, Côte d’Ivoire © Photo Nick Danziger for the Monaco Red Cross

Asseta, Burkina Faso

À Ouagadougou, Asseta ne connaît pas son âge exact, mais elle pense avoir environ 15 ans. Chaque matin, elle part chercher de l’eau avec une charrette tirée par un âne. Sa tante lui remet de l’argent pour qu’elle puisse remplir deux bidons de 200 litres d’eau, qu’elle revend ensuite. Le bénéfice est de 750 FCFA (1,15 euro) à 850 FCFA (1,30 euro) pour 400 litres d’eau. Cet argent sert à couvrir les besoins de la famille qui l’accueille. La Croix-Rouge accompagne et soutient les enfants vulnérables en renforçant leurs compétences de vie courante, et en leur permettant de poursuivre un cursus scolaire, d’apprendre un métier. Et ainsi d’envisager de nouvelles perspectives d’avenir.

Samiratou, Burkina Faso

Samiratou a 13 ans. Elle vit à la périphérie de Ouagadougou, au Burkina Faso. Sa « tante » l’a prise avec son frère quand elle était petite, lorsque sa mère les a abandonnés. Comme la tante n’avait pas les moyens de s’occuper des deux enfants, elle a « donné » le petit à son frère. Samira n’a jamais été à l’école, par manque de moyens. Les deux enfants de sa tante ont été déscolarisés « parce que nous avions besoin qu’ils travaillent pour gagner de l’argent, mais maintenant ils font l’école du soir ». Samira commence sa journée à 6 heures tous les jours de la semaine, toute l’année : elle lave les enfants de la maison, balaie la cour, fait la lessive, part acheter la bouillie pour le petit-déjeuner des enfants de Zeinabo, sa tante, puis elle va puiser l’eau pour remplir trois ou quatre bidons de 25 litres qu’elle ramène sur un vélo plusieurs fois dans la journée. « J’ai entendu parler de la Croix-Rouge, parce qu’elle fait des animations ici, dans le quartier. » L’animatrice de la Croix-Rouge explique à la tante de Samiratou que cette dernière gagnera des compétences en allant à l’école du soir, et en poursuivant une formation professionnelle.

Pour lire notre article, « Croix-Rouge monégasque : dix ans d’actions pour la jeunesse en Afrique », cliquez ici.