vendredi 29 mars 2024
AccueilPolitiquePierre Dartout mise sur le dialogue

Pierre Dartout mise sur le dialogue

Publié le

Le nouveau ministre d’Etat, l’ancien préfet français Pierre Dartout, a été présenté à la presse le 1er septembre.

A plusieurs reprises, il a évoqué sa volonté de travailler dans le dialogue, notamment avec les élus du Conseil national, ou encore avec les grands acteurs de la principauté. Rencontre.

Arrivé officiellement le 1er septembre 2020 en fin de matinée, le nouveau ministre d’Etat, Pierre Dartout, a été présenté à la presse 48 heures plus tard. Il est le 25ème ministre d’Etat de la principauté, depuis la création de ce poste en 1911. Le premier à avoir occupé cette fonction a été Emile Flach (1853-1926), de février 1911 à décembre 1917. Choisi par le prince Albert II le 18 mai 2020 pour diriger son gouvernement, Pierre Dartout prend la suite de Serge Telle, qui sera donc resté dans ce fauteuil du 1er février 2016 au 31 août 2020. A 66 ans, Pierre Dartout n’est donc plus, depuis début août 2020, le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca). Expliquant qu’il était venu vivre à Monaco avec sa famille, le nouveau ministre d’Etat est arrivé, en revanche, sans aucun collaborateur. Il travaillera donc, au moins dans un premier temps, avec les équipes déjà en place. « J’éprouve une très grande fierté et un très grand honneur à avoir été choisi par le prince souverain pour diriger le gouvernement de la principauté », a souligné Pierre Dartout, avant d’indiquer qu’il s’agissait aussi d’un « défi important ». Le nouveau ministre d’Etat a rappelé brièvement son parcours, soulignant qu’il était un « pur produit de la préfectorale en France. Je suis rentré dans ce métier en 1980, en sortant de l’Ecole nationale d’administration (ENA) ». Pierre Dartout a aussi fait quelques passages à Paris, notamment au ministère de l’intérieur, au ministère de l’Outre-Mer, ou encore à la délégation à l’aménagement du territoire. Père de cinq garçons nés dans cinq lieux différents « au gré de mes pérégrinations et de mon nomadisme », le ministre d’Etat a souligné son attirance « toute particulière » pour la Méditerranée, tout en précisant que sa maison de famille était située dans le Var.

© Photo Manuel Vitali / Direction de la Communication

Le nouveau ministre d’Etat a rappelé brièvement son parcours, soulignant qu’il était un « pur produit de la préfectorale en France. Je suis rentré dans ce métier en 1980, en sortant de l’Ecole nationale d’administration (ENA) »

« Vents difficiles »

Bien sûr, impossible de ne pas évoquer le contexte actuel et la crise liée à l’épidémie de Covid-19. Après avoir rappelé qu’à Monaco, comme ailleurs, les pouvoirs publics avaient dû constamment s’adapter au fil des recommandations de la communauté scientifique, Pierre Dartout a évoqué les conséquences économiques du coronavirus, sans paniquer pour autant. « Par sa force sur le plan économique, social et culturel, au regard de son identité, la principauté a toutes les armes qui lui permettront d’affronter ces vents difficiles et de les surmonter, pour retrouver toute son efficience, notamment sur le plan économique », a estimé le ministre d’Etat. Evoquant la feuille de route que lui a remis le prince Albert   II (lire par ailleurs), Pierre Dartout a résumé l’essentiel de sa mission en trois points majeurs. D’abord les enjeux environnementaux, avec le travail à mener pour assurer la transition énergétique et les outils à développer pour faire face au défi du changement climatique. Sans oublier l’un des objectifs phares de la principauté, qui est de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 50 % d’ici 2030 ou encore d’atteindre la neutralité carbone en 2050. « Cela exigera beaucoup d’efforts dans le domaine de la production d’énergie, de la mobilité ou des déchets, dans tout ce qui relève de notre vie quotidienne », a commenté Pierre Dartout. Deuxième sujet majeur : la sécurité. C’est bien sûr un thème que connaît parfaitement bien cet ancien préfet : « C’est un thème essentiel, car il n’y a pas de liberté sans sécurité. Et il n’y a pas non plus de qualité de vie sans sécurité. Mais il faut constamment s’adapter, face à des phénomènes d’insécurité et de délinquance qui évoluent », a assuré le ministre d’Etat. Enfin, dernier gros dossier évoqué par Pierre Dartout : la relance économique en pleine crise de Covid-19. Dès la semaine du 7 septembre 2020, le ministre d’Etat a promis qu’il aurait des contacts avec les grandes filières économiques de la principauté, notamment l’hôtellerie, le tourisme, le BTP, ou le secteur financier. Des contacts jugés « importants », car « sans les entreprises, il n’y a pas de création de richesse, et il n’y a pas de créations d’emplois », a souligné Pierre Dartout.

« Limoges »

En ce qui concerne la culture, qui à Monaco, comme ailleurs, a été violemment impactée par le coronavirus, il faudra « leur apporter les réponses nécessaires », afin de leur « permettre de pouvoir surmonter les difficultés présentes dans les meilleures conditions », a glissé Pierre Dartout, avant d’évoquer son goût pour le sport. « J’essaierai d’aller aux matches de football et de basket. Mais je ne vous cache pas que j’ai une préférence pour le ballon ovale. Cela dit, je ne suis pas sectaire. D’ailleurs, j’irais bien voir jouer les Canaris nantais au stade Louis II, car c’est un club que je connais. Pour le basket, je suis né à Limoges, dans la ville qui a porté le plus haut les couleurs françaises en Europe… », a ajouté le nouveau ministre d’Etat. Dès le 2 septembre, l’ancien préfet de la région Paca a rendu visite au Conseil national, et à son président, Stéphane Valeri. Les deux hommes ont échangé pendant près de deux heures en tête-à-tête, dans un climat jugé « convivial » et « constructif » par le Conseil national, dans un communiqué de presse daté du 2 septembre, en début de soirée. Pour Stéphane Valeri, « cette rencontre ayant lieu dans un contexte international particulier, il était nécessaire de rentrer immédiatement dans le vif du sujet. Notre relation de travail doit être efficace et opérationnelle sans délai. » Le président du Conseil national a rappelé que depuis la crise du Covid-19, les élus travaillent « dans un esprit d’union nationale en son sein et dans l’unité des institutions, notamment au sein du comité mixte de suivi instauré par le prince ». L’essentiel des discussions a porté sur la crise sanitaire et ses conséquences économiques et sociales, le plan national logement et la préservation de la qualité de vie. Pour compléter ce panorama, Stéphane Valeri et Pierre Dartout se sont ensuite rendus dans l’hémicycle, où la vice-présidente du Conseil national, Brigitte Boccone-Pagès, et les différents présidents de commissions les attendaient. Chacun a alors pu présenter les principaux enjeux des dossiers dont ils ont la charge. « En ce qui concerne le Conseil national, cela a été l’une de mes premières visites, ce qui est normal au regard du protocole, a estimé Pierre Dartout. J’ai rencontré le président du Conseil national hier après-midi [le 2 septembre 2020 — N.D.L.R.] et j’ai également eu des contacts avec les différents présidents des commissions. Je souhaite qu’il y ait un dialogue constructif, non polémique, même s’il est évident que nous ne serons pas toujours d’accord. Mais c’est de la discussion que doit naître la solution et la mise en œuvre des politiques publiques. » Du côté de la justice, le 3 septembre 2020, Pierre Dartout n’avait pas rencontré le secrétaire d’Etat à la justice, Robert Gelli. Mais il connaît déjà ce dernier, puisqu’il l’avait croisé alors qu’il était procureur général de la cour d’appel d’Aix-en-Provence. « Je suis attentif aux relations de qualité avec la justice, dans le respect d’une indépendance réciproque », a ajouté Pierre Dartout. Reste une question que tout le monde se pose : est-ce que l’arrivée du nouveau ministre d’Etat sera accompagnée d’un remaniement ministériel ? « C’est une question prématurée, a répondu le nouveau ministre d’Etat. Pour l’instant, je continue mon début de chemin. Chaque question viendra en temps utile, si cela est nécessaire ».

© Photo Conseil National.

« J’ai rencontré le président du Conseil national hier après-midi [le 2 septembre 2020 — N.D.L.R.] et j’ai également eu des contacts avec les différents présidents des commissions. Je souhaite qu’il y ait un dialogue constructif, non polémique, même s’il est évident que nous ne serons pas toujours d’accord » Pierre Dartout. Ministre d’Etat

Feuille de route : trois objectifs principaux pour Pierre Dartout

Le prince Albert II a fixé trois grands objectifs à Pierre Dartout et à son gouvernement : écologie, sécurité et relance face à la crise du Covid-19.

1. La poursuite d’un développement le plus durable possible

« Je rappelle que je suis attaché à la mise en œuvre sans relâche de la transition énergétique de la principauté dans le strict respect des objectifs que j’ai fixés : réduction des émissions de gaz à effet de serre à – 50 % en 2030 et neutralité carbone en 2050. J’attends du gouvernement, dans cette perspective, la concrétisation des grands axes de réduction des émissions de gaz à effet de serre au sein des trois postes les plus générateurs de celles-ci, à savoir : la mobilité, le traitement des déchets, la consommation énergétique des bâtiments. Le pacte national pour la transition énergétique, dans le droit fil du livre blanc, doit mobiliser chacun, des institutions à la population en passant par les entreprises. Parce que nous sommes responsables de l’environnement qui nous est donné, je souhaite qu’une attention particulière demeure portée, dans notre pays, à la qualité de l’air, de l’eau mais aussi, bien évidemment, de notre mer Méditerranée. Dans les instances internationales, mon gouvernement persistera à plaider et œuvrer pour que les atteintes à l’environnement en général et à la biodiversité en particulier soient combattues, afin de prémunir notre planète des si nombreux dommages qu’elle subit. En résumé, je souhaite qu’en ce domaine, la principauté envoie des signaux exemplaires et forts. »

2. La poursuite de la sécurisation de la principauté

« Notre pays offre une sécurité des personnes et des biens qui constitue l’une des clefs de son renom et de son attrait. J’attache un prix tout particulier à la consolidation de cette protection. Les bons résultats obtenus dans ce domaine résultent de l’action de contrôle et de surveillance soutenue menée par la sûreté publique, action qu’il convient de pérenniser. Je souhaite, dans ce domaine, qu’une attention particulière soit portée à la protection de notre jeunesse, exposée à bien des égards et que soit maintenue la qualité de l’offre éducative. Par ailleurs, il m’apparaît important que soient rappelées, à intervalles réguliers, aux Monégasques et aux résidents, les règles de prudence qu’ils doivent eux-mêmes respecter pour la protection de leur personne et de leurs biens. Enfin, la crise sanitaire à laquelle nous sommes confrontés, comme les autres pays, depuis plusieurs mois, place désormais au premier plan de notre préoccupation la sécurité sanitaire. La pandémie de la Covid-19 n’impose pas d’arrêter de vivre, mais exige d’accepter de vivre autrement, en se pliant aux mesures de précaution que le gouvernement prescrit, au regard de l’évolution de la situation et de la découverte espérée des moyens de se prémunir efficacement. La sécurité sanitaire appelle en fait le respect d’une discipline individuelle et collective avisée et proportionnée dont le gouvernement devra continuer à tracer les contours au travers d’une communication appropriée. »

3. La mise en œuvre d’une politique de reprise tenant compte de la situation internationale

« La crise provoquée par la Covid-19, du fait de sa dimension internationale, a impacté et impactera durablement notre économie. L’activité touristique, qu’elle soit individuelle ou d’affaires, a vacillé. La Société des Bains de Mer (SBM) et, plus largement, les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration, mais aussi du petit commerce subissent les conséquences économiques sévères de cette épreuve. L’inversion de tendance présuppose le retour d’une croissance minimale qui, à ce jour, n’est pas acquise. L’État, à ma demande, a promptement réagi pour atténuer, par un dispositif d’aides, l’impact de la crise sur l’ensemble des acteurs économiques grâce aux réserves financières dont il dispose. Notre système de protection sociale joue par ailleurs son rôle d’amortisseur dans la crise. Il n’en reste pas moins que le moment est assurément venu de s’adapter à la situation nouvelle qui s’impose à nous, de discerner avec sagesse entre l’indispensable et l’accessoire, entre l’urgent et ce qui ne l’est pas, et donc de déterminer les priorités. Je sais pouvoir compter sur le gouvernement que vous allez conduire pour que, lorsque se manifesteront les signes de la relance internationale, la principauté soit prête à en saisir les opportunités. Dans cette perspective, les travaux d’aménagement et d’équipement de notre territoire devront se poursuivre pour accompagner la reprise, même si certains échelonnements seront inévitablement envisagés. Par ailleurs, la crise sanitaire a souligné l’importance de poursuivre, voire d’accélérer la transition numérique de la principauté, politique lancée il y a un an avec le programme « Extended Monaco ». Au demeurant, le numérique ouvre devant nous de multiples opportunités, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Notre pays se doit d’opérer ce passage à l’ère du numérique avec discernement, sans appréhension et dans un esprit d’ouverture, en s’entourant de toutes les garanties requises. Je n’oublie pas non plus combien le secteur culturel est touché par cette crise. L’attachement historique de la principauté aux arts doit conduire notre gouvernement à réfléchir aux mesures susceptibles de les préserver. »

Le prince Albert a aussi évoqué la poursuite des négociations avec l’Union européenne (UE) à propos d’un accord d’association qui soit « respectueux des spécificités monégasques ». C’est donc toujours la prudence qui est de mise, puisque le chef de l’Etat rappelle d’ailleurs qu’« en ce domaine, le moment viendra d’effectuer avec objectivité les pesées nécessaires au regard de l’intérêt supérieur de la principauté et de notre communauté, dans une perspective d’avenir ».

© Photo Gaetan Luci / Palais Princier

Le prince Albert a fixé le cap

Le 1er septembre 2020, un peu avant midi, Pierre Dartout a été reçu au palais princier où il a prêté serment devant le prince Albert II. L’occasion pour le nouveau ministre d’Etat de se voir présenter sa feuille de route (voir notre encadré, par ailleurs). Pour l’essentiel, elle se résume à l’écologie, avec la poursuite d’une politique très volontariste sur ce sujet, le maintien d’un haut niveau de sécurité sur le territoire monégasque et le lancement d’un plan de relance pour faire face au contexte délicat imposé par la crise du Covid-19. « Comme l’ensemble des pays, la principauté de Monaco traverse une période inédite et c’est dans ce contexte délicat que vous prenez vos fonctions de ministre d’État, a indiqué le prince Albert à l’attention de Pierre Dartout. La pandémie de la Covid-19, qui a surpris le monde entier, est venue rappeler la fragilité de nos équilibres dans maints domaines : sanitaires évidemment, mais aussi économiques et sociaux. Les forces de notre modèle économique et social ont permis à la principauté de faire face à cette crise avec réactivité et efficacité. Notre pays, comme ceux qui l’entourent, est mis à l’épreuve pour une durée que personne ne connaît, ce qui impose une gestion rigoureuse des finances de l’État ».

Publié le