vendredi 26 avril 2024
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L’Etat va se serrer la ceinture

Publié le

Michel Roger
Si les recettes du premier trimestre progressent par rapport à 2010 (153,7 millions d'euros à la fin mars 2011), le gouvernement a peur de voir déraper le déficit prévisionnel de 94 millions d'euros. © Photo Monaco Hebdo.

Crise oblige, l’Etat monégasque va devoir restreindre son train de vie. Lors d’un point presse, le 6 mai dernier, le gouvernement a annoncé qu’il procèdera à des arbitrages lors du budget rectificatif 2011.

Le bruit courait dans les services de l’administration monégasque. Lors d’un point presse, le 6 mai dernier, le ministre d’Etat l’a confirmé?: l’Etat va devoir se serrer la ceinture. « Même si nos finances sont en relative bonne santé, dans le contexte actuel, il va falloir opérer des économies structurelles. Pour le budget rectificatif, le gouvernement va procéder à des arbitrages et privilégier les secteurs porteurs en terme d’attractivité. Il s’agit désormais de dépenser moins pour dépenser mieux. » Et pour cause?: si les recettes du premier trimestre progressent par rapport à 2010 (153,7 millions d’euros à la fin mars 2011), le gouvernement a peur de voir déraper le déficit prévisionnel de 94 millions d’euros, voté en décembre, dans le cadre du primitif 2011. La faute à un contexte international marqué par l’incertitude?: « Nous ne retrouvons pas le niveau de recettes d’avant la crise. La reprise plus faible dans les pays voisins et aux Etats-Unis impacte notre TVA interne et externe », souligne Michel Roger. Et comme la crise internationale est toujours là, le climat n’est pas propice à l’implantation d’investisseurs et à la venue d’une clientèle haut de gamme. D’autant qu’un autre facteur est venu plomber la conjoncture économique?: « L’inflation n’a pas été éradiquée. Elle va grignoter le fonds de réserve.?» Un fonds de réserve de près de 2 milliards d’euros de liquidités qui doit retrouver « son rôle de réserve stratégique en étant destiné à la capitalisation » et non plus servir de « banque du gouvernement », indique fermement Michel Roger. Il faut dire qu’il n’y a pas si longtemps, l’Etat a allègrement pioché dans le FRC pour financer l’opération Odéon ou la Zac Saint-Antoine. « Monaco n’est pas endetté. Mais notre territoire est si petit que l’on peut douter de notre capacité à avoir une dette importante et longue, ajoute le ministre d’Etat. Monaco est un Etat souverain. Cette souveraineté est formelle si elle ne s’accompagne pas de l’indépendance financière. »

Des coupes sur les dépenses courantes

Par conséquent, s’il n’y a « pas le feu à la maison », selon Michel Roger, l’objectif est bien de « restreindre le train de vie de l’Etat ». « Il faut faire de la prévention à temps pour éviter la mise en œuvre ultérieure de mesures plus douloureuses », insiste Marco Piccinini, conseiller pour les finances. Reste à savoir comment. Et surtout quel secteur en fera les frais. « Nous allons revisiter toutes nos politiques et interventions publiques en essayant de privilégier les recettes de TVA. Tout le monde doit faire un effort si on fait la chasse au déficit structurel. L’Etat va réduire ses dépenses courantes. Tout en préservant la qualité de vie, la protection sociale et la sécurité. Nous allons également décaler les opérations d’équipement. »

Avant la fin juin, aucune coupe budgétaire franche ne devrait être annoncée. Mais selon le ministre d’Etat, « l’Etat doit montrer l’exemple en maîtrisant les dépenses de personnel. Nous n’envisageons pas aujourd’hui, ni même pour le budget primitif 2012, de suppressions de postes de fonctionnaires. Sauf événement international qui nous oblige à prendre des mesures drastiques. » En revanche, le gouvernement pense à redéployer les 70 postes libérés, chaque année, par des départs à la retraite ou des disponibilités. Au lieu de procéder à un recrutement automatique, désormais, chaque poste libéré fera l’objet d’une discussion entre le chef de service et le ministère d’Etat pour décider s’il ne serait pas utile de pourvoir un autre service. Une décision qui a été annoncée aux chefs de service… sans heurts?: « Il n’y a pas eu de révolte », sourit le ministre d’Etat, qui justifie sa démarche?: «?Pour que l’administration s’adapte, elle ne doit pas être figée. Les missions évoluent, notamment avec l’e-administration. »

« La gestion du FRC doit être revue »

Au conseil national, la nouvelle n’a pas surpris grand monde. « L’assemblée unanime avait demandé une maîtrise des dépenses ordinaires lors des séances budgétaires en décembre. Aujourd’hui, quasiment une dépense sur deux est une dépense de fonctionnement », rappelle Alexandre Bordero, qui regrette que « le gel intelligent des effectifs n’ait pas prévalu lorsqu’il a été annoncé en 2008. En 2011, 30 créations de postes ont été budgétées. » Pour le président de la commission des finances, l’heure est aux explications?: « Nous allons demander au gouvernement de nous préciser le détail de la situation budgétaire et des mesures à prendre d’ici à la mi-juin. » Car si aujourd’hui, les coupes potentielles restent floues, Alexandre Bordero « craint que les opérations de logement pour les Monégasques ou la Villa Ida fassent les frais des prochains arbitrages. D’ailleurs, pour la Villa Ida, opération test du secteur intermédiaire, le gouvernement ne nous a toujours pas communiqué le montage financier de l’opération. » Sur le fonds de réserve, l’analyse est cinglante?: « La gestion du FRC doit être revue, il faut changer les gestionnaires les moins performants. C’est comme au football, les trois derniers doivent être relégués en deuxième division… »

Quant à l’opposition, elle jubile?: « En constatant comme les élus de R&E lors du primitif 2011, que les prévisions étaient sans aucun doute beaucoup trop optimistes et que la reprise a effectivement du mal à arriver, le gouvernement donne crédit aux positions qui sont celles de R&E depuis le début du mandat législatif commencé en février 2008. La capitalisation du fonds de réserve représente l’un des enjeux principaux relevé dès juin 2007 par Laurent Nouvion dans le cadre du cercle de réflexion Valeurs & Enjeux, et un axe fort de la politique préconisée depuis encore plus longtemps par l’UND », ont commenté les élus Rassemblement & Enjeux, via un communiqué qui dénonce « la politique du « toujours plus » de la liste UPM ». Avant d’ajouter?: « Nous serons extrêmement vigilants sur la nature des arbitrages proposés par le gouvernement. Cependant, ces mesures ne doivent pas s’accompagner d’une austérité sociale et doivent faire l’objet d’une véritable réflexion de fond sur les moyens à mettre en œuvre et sur les pistes d’économies et surtout de développements envisagées. » Une austérité sociale que réfute déjà de son côté le conseiller de gouvernement pour les affaires sociales, Stéphane Valeri, qui a rappelé, devant la presse, que « les finances publiques monégasques restent les plus saines d’Europe, avec plus de 20 années d’avance de déficit couvertes par les liquidités du fonds de réserve. »

Quant aux sources de recettes potentielles, le gouvernement mise sur la réforme des droits de mutation – élargis a priori aux sociétés offshore –, que le conseil national pourrait voter cet été?: « L’idée n’est pas de créer un impôt nouveau mais de réaménager le système des droits de mutation pour saisir le plus grand nombre de mutations. Notamment des baux emphytéotiques. Si le conseil national vote le texte d’ici à l’été, cette mesure devrait générer des recettes nouvelles à partir de l’an prochain », espère Michel Roger.

Déficit record en 2010
Avec 760 millions de recettes contre 838 millions de dépenses, le budget 2010 accuse un déficit réel de 78 millions d’euros. Soit un déficit record comparé au solde budgétaire de ces dernières années. « Le résultat est impacté pour 27 millions d’euros par le rachat de la résidence Athéna au Fonds de réserve constitutionnel », nuance le conseiller pour les finances Marco Piccinini, qui peut trouver au moins un motif de satisfaction dans l’exercice écoulé?: en période de crise, les recettes ont connu une progression de 16 millions (+2 %), grâce à des recettes fiscales en hausse (+28 millions sur 573 millions d’euros). En revanche, « les revenus du domaine de l’Etat (166 millions) diminuent de 11,5 millions d’euros en raison d’une part, de la baisse des dividendes et de la redevance SBM et Monaco Telecom (- 8 millions d’euros au total) et d’autre part, de celle des revenus du domaine immobilier », explique Marco Piccinini. En 2009, le budget de l’Etat avait bénéficié d’un remboursement de crédit de TVA par les services fiscaux français de 6 millions d’euros en 2010.
Les dépenses, elles, grimpent de 33 millions d’euros. Sur le total de 838 millions d’euros, plus de la moitié (430,5 millions) sont des dépenses de fonctionnement, lesquelles voient les dépenses de personnel croître de 13,5 millions (+5,7 %). Tandis que les dépenses d’interventions publiques (205,5 millions d’euros) connaissent une hausse de 3 %. Une augmentation en partie due aux frais de la campagne institutionnelle de communication (5 millions d’euros).