vendredi 19 avril 2024
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Garde alternée : « Il est grand temps de sortir du Moyen-Âge ! »

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Les conseillers nationaux ont voté mercredi 28 juin un texte de loi prévoyant les conditions d’une garde alternée. Une évolution pour les relations de chacun des parents avec leur enfant. Mais de nombreuses parts d’ombres subsistent concernant la désignation d’un chef de foyer.

La satisfaction est de mise pour le vote de cette loi, entérinée mercredi 28 juin en séance du Conseil national. Afin de permettre l’égalité entre le père et la mère d’un enfant après leur séparation et de répondre à l’envie de plus en plus d’actualité des pères de s’impliquer dans l’éducation de leurs rejetons, les élus ont choisi de mettre en place les conditions d’une résidence alternée entre les ex-conjoints. Au cœur de ce projet, l’intérêt de l’enfant. Et ce, même si certains conseillers ont émis quelques réserves quant au choix de deux résidences distinctes pour un enfant. « Il y a eu un engouement en France pour la résidence alternée dans les années 2000. Mais c’était surtout pour prendre en compte les envies des parents, plutôt que les besoins des enfants. Ensuite, l’intérêt des enfants a été pris en compte par la loi, décrit Claude Boisson, élu Horizon Monaco (HM). De nombreux spécialistes ont émis des réserves. C’est donc avec prudence que j’ai abordé la question. Mais avec les critères fondamentaux du bien-être des enfants, il est important que le juge dispose d’un support législatif. Je voterai donc ce projet de loi. Mais je souhaite que la garde alternée soit appliquée avec discernement, prudence et modération. »

Cas par cas

Claude Boisson va ainsi dans le sens du projet de loi qui précise que la fixation de la résidence de l’enfant doit se faire « en considération des particularismes de chaque situation familiale ». La garde alternée ne doit pas être une référence, et les décisions devront se prendre au cas par cas. Pour l’élue HM Béatrice Fresko-Rolfo, ce texte est une avancée pour les pères. « Il redonne la place aux pères dans l’éducation des enfants, a-t-elle souligné. Dans la convention de l’ONU du 19 octobre 1996, les deux parents disposent des mêmes responsabilités envers leur enfant. Il ne faut pas qu’il soit séparé de l’un de ses deux parents. » L’élue HM a rappelé quelques chiffres en France, qui donnent, dans 75 % des cas, la garde à la mère. Mais pour Béatrice Fresko-Rolfo, « aujourd’hui, c’est une situation dépassée. Les pères sont désireux de s’impliquer. Avec ce projet, cela permettra aux enfants d’avoir une relation avec les deux parents, et pas seulement avec un seul. » L’âge minimum d’un enfant pour la mise en place de la résidence alternée ayant été fixée à 3 ans, Béatrice Fresko-Rolfo estime que des conditions de visite pourront être mises en place afin de permettre aux deux parents de voir l’enfant.

Chef de foyer

Un point très important du projet de loi concerne l’attribution des allocations familiales. En effet, un partage du temps équitable exclut un versement de l’allocation à un seul parent. Ainsi, l’article 9 du projet de loi « prévoit le versement par moitié, à chacun des parents des allocations familiales en cas de résidence alternée ». Le texte prévoit les mêmes dispositions concernant les avantages sociaux : primes de vacances, allocations exceptionnelles de rentrée scolaire… Outre les problèmes techniques qu’induit cette disposition — le texte de loi prévoit un délai pour permettre aux services compétents de s’adapter — la question de « l’ouvreur de droit » se pose. « Les adaptations éventuelles de l’ordonnance souveraine n° 1447 du 28 décembre 1956 devront uniquement mettre en exergue l’éventuelle subsidiarité d’un ouvreur de droit à un autre, précise Thierry Poyet, rapporteur du texte. Ainsi, la qualité de chef de foyer devra être attribuée à celui qui a la possibilité d’être un ouvreur de droit en raison de l’exercice de son activité professionnelle. » Les conseillers nationaux n’ont en effet pas inscrit cette possibilité dans le projet.

« Discriminatoire »

« Je regrette que la notion de chef de foyer ne soit pas abordée dans le texte », a insisté Béatrice Fresko-Rolfo, qui estime que pendant les 15 jours de garde de la mère, celle-ci doit de facto devenir chef de foyer. Ce titre reviendrait au père les 15 jours suivants. Aujourd’hui, selon le droit monégasque, la personne pouvant faire bénéficier ses ayants-droit de certaines prestations sociales, est forcément… un homme. Sauf s’il « n’exerce aucune activité professionnelle et ne dispose d’aucune assurance santé ». Dans ce cas, il est suppléé par sa conjointe. Le flou demeure donc en ce qui concerne la résidence alternée. Un état de fait qui a fait bondir l’élu Union Monégasque (UM), Jean-Louis Grinda : « Qui peut douter que le système actuel soit discriminatoire ? Une femme et son enfant n’ont pas les mêmes droits qu’un homme et son enfant comme c’est le cas dans les autres pays. Ainsi, une femme divorcée a plus de droit envers son enfant qu’une femme mariée ! » Et l’élu d’enfoncer le clou en citant le projet de loi de contrat de vie commune : « Il permettra aux couples homosexuels de désigner qui est chef de foyer… Mais nous allons donner ce droit aux couples homosexuels que nous allons refuser aux couples hétéros ! Il est grand temps de sortir du Moyen-Âge ! » Quant à l’ouverture de nouveaux droits, l’élu de la Nouvelle Majorité (NM), Thierry Poyet, a néanmoins apporté une précision : « Ces dispositions, sur les allocations familiales et droits sociaux notamment, ne permettent pas d’ouvrir de nouveaux droits, mais seulement de définir les ayants-droit. Ce texte prévoit le paiement en moitié des droits déjà inscrits. Est-ce qu’on souhaite donner une prime de divorce ? Est-ce que des personnes dans une même situation de travail auront plus de droits après le divorce qu’avant ? Ce n’est pas la politique que je souhaite. Il faut prévoir tous les droits. Il faut l’égalité des droits en fonction des situations. »

 

Santé

Légionnelle : « Pas particulièrement grave pour les enfants »

« La légionnelle n’est pas particulièrement grave pour les enfants. » Le ministre d’Etat, Serge Telle, a tenu un discours rassurant, en ouverture de séance, mercredi 28 juin, concernant la détection de la légionnelle à l’îlot des Bambins, la crèche située au pied de l’Hélios. En outre, il a insisté pour que cette situation « ne soit pas amalgamée avec ce qui passe aux Jardins d’Apolline et avec ce qui pourrait éventuellement se passer à l’Hélios ». Il a annoncé que des « mesures d’accompagnement et un protocole ont été mis en place ». Selon lui, la bactérie s’est développée dans un bras mort où se trouvait de l’eau stagnante. « Des prélèvements sont encore prévus et il ne faut pas mélanger ce qu’il se passe aux Jardins d’Apolline et éventuellement à l’Hélios, a-t-il répété. C’est de la faute à pas de chance. Cela arrive à un moment où ça n’aurait pas dû arriver. C’est problématique que cela arrive en ce moment… »

 

Judiciaire

Création de la garde à vue

Les élus ont voté pour le projet de loi qui vise à moderniser les conditions de détention préventive prévues par la procédure pénale. Ce projet introduit dans le droit monégasque la garde à vue et restructure les conditions de détention provisoire et de contrôle judiciaire. Objectif : « Renforcer les garanties de comparution de l’accusé à son procès. Et permettre une efficacité accrue de notre appareil judiciaire en matière répressive », a souligné Serge Telle, ministre d’Etat, en préambule du vote du conseil national, le 28 juin. En outre, ce projet de loi permet de supprimer certains articles du Code de procédure pénal, devenus aujourd’hui obsolètes en raison des modifications réalisées depuis la mise en place, il y a 10 ans, de la loi « Justice et Liberté ».

 

Judiciaire

Organisation frauduleuse d’insolvabilité : la loi se durcit

Présentée par l’élue Horizon Monaco (HM) Béatrice Fresko-Rolfo, cette proposition de loi vise à lutter contre les personnes qui organisent « frauduleusement » leur insolvabilité. « Le fait, par un débiteur, même avant la décision judiciaire constatant sa dette, d’organiser ou d’aggraver son insolvabilité (en augmentant le passif ou en diminuant l’actif de son patrimoine) soit en diminuant ou en dissimulant tout ou partie de ses revenus, soit en dissimulant certains de ses biens, en vue de se soustraire à l’exécution d’une condamnation de nature patrimoniale prononcée par une juridiction répressive, […] sera puni d’un emprisonnement de un à cinq ans et d’une amende », explique ce texte. Plusieurs autres alinéas de la loi détaillent les différents domaines et les différentes peines encourues selon les délits.

 

Judiciaire

Un cadre pour les lanceurs d’alerte

Le Conseil national a dit oui à la proposition de loi relative à la protection des lanceurs d’alerte. Si plusieurs élus se sont abstenus, ce texte a néanmoins été voté. « Il s’agit de combler un vide juridique afin de prendre les mesures nécessaires à la protection du lanceur d’alerte », a insisté l’élu indépendant, Philippe Clérissi. Le texte, qui définit ce qu’est un lanceur d’alerte, « vise uniquement à dispenser de sanctions celui qui aurait procédé, de bonne foi, à une révélation de cette nature » et pas à instaurer, comme aux Etats-Unis, un système permettant de récompenser le lanceur d’alerte. Au contraire, ce dernier doit agir « de manière totalement désintéressée, sans chercher à en tirer un quelconque profit personnel. L’unique objectif poursuivi est la protection de l’intérêt général. » Selon le rapporteur Nouvelle Majorité (NM), Thierry Crovetto, « l’existence même de cette loi aura incontestablement une influence positive sur les dirigeants, tout comme l’audit incite les employés à donner le meilleur d’eux-mêmes ». Ce texte de loi permet aussi au lanceur d’alerte d’éviter les pressions, tout en instaurant un référent dans les entreprises et les administrations monégasques vers qui se tourner.

 

Santé

Médecine du travail : ce qui va changer

C’est l’objectif du projet de loi qui modifie certaines dispositions relatives à la médecine du travail. Afin de s’adapter à « la mutation de l’économie et des importantes évolutions technologiques, sociales et sociologiques » de la Principauté, les élus du Conseil national ont choisi d’apporter quelques modifications aux conditions de prise en charge de la médecine du travail. Point crucial de ce changement : la visite préalable à l’embauche. Au vu du nombre de salariés à Monaco, cette dernière n’avait plus lieu avant l’embauche et bien souvent longtemps après. Désormais, elle ne sera plus obligatoire que pour « les postes de travail présentant des risques pour la santé des salariés ». Ainsi, les employeurs auront à remplir un formulaire répertoriant l’ensemble des postes de leur entreprise, dont les postes à risque. Ce projet de loi prévoit en outre tout un panel de conditions et de recours auquel peut prétendre le salarié. Dans le cas d’une déclaration d’inaptitude, désormais, le salarié ne sera plus le seul à pouvoir la contester, son employeur aura désormais lui aussi ce droit. Pour remplacer la visite préalable à l’embauche pour l’ensemble des autres salariés, un questionnaire médical permettra d’établir un programme des examens médicaux initiaux.

 

Société

Une proposition de loi pour définir la “notion” d’enfant du pays

Jean-Charles Allavena, élu Nouvelle Majorité (NM), a proposé et fait accepter par les conseillers nationaux, sa proposition de loi en vue de définir la « notion » d’enfant du pays. Rappelant les conditions d’accès à la nationalité monégasque, Jean-Charles Allavena a précisé que « pendant de longues années cette situation n’a pas posé de problèmes… […] Le boom immobilier de la fin des années 1970 a clairement modifié la donne ». Monégasques, résidents français qui vendent leurs appartements sans pouvoir en racheter, départ vers le locatif, développement d’un secteur d’habitation domanial et croissance continue des loyers ont conduit à un manque de logements et au départ des enfants du pays hors de la Principauté. « Il est évident qu’un Monaco qui laisserait fuir des résidents étrangers ne serait plus Monaco ». Selon Jean-Charles Allavena, on ne sait pas clairement qui l’on inclut parmi ceux que « l’on appelle affectueusement les enfants du pays ». Ainsi, cette proposition de loi n’a pas pour but d’établir des droits et des devoirs pour les enfants du pays, mais simplement de définir qui ils sont, « première pierre d’un futur travail ».