vendredi 19 avril 2024
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Feu sur l’ancienne majorité

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Devant la presse, la nouvelle majorité parlementaire n’a pas mâché ses mots. Evoquant un conseil national « inerte », Laurent Nouvion a karcherisé la gestion de la maison des Monégasques sous Jean-François Robillon.

Avant moi, c’était le néant. C’est grosso modo le discours qu’a tenu la nouvelle majorité du conseil national lors de sa première conférence de presse, le 2 avril dernier. « Nous avons trouvé une maison endormie, inerte, à 20 % de ses capacités et n’exerçant pas son rôle constitutionnel », a taclé d’emblée le président Laurent Nouvion. Problèmes de procédures pour classer le courrier, centraliser les procès verbaux de commission ou convoquer les élus aux différentes réunions de commissions… Le nouveau chef du conseil national reproche clairement — sans le nommer — à son prédécesseur Jean-François Robillon de ne pas avoir organisé efficacement le travail de l’assemblée dans le passé. Et en filigrane de ne pas avoir bossé ces derniers mois de campagne… L’équipe permanente du conseil national, elle, n’y serait pour rien et serait même en sous-effectif. C’est pourquoi Laurent Nouvion compte demander une rallonge au ministre d’Etat pour engager deux ou trois fonctionnaires en 2014. Si le conseil national a du mal à se mettre en marche, la nouvelle équipe, qui avait promis de se mettre au travail au lendemain des élections, en accepte tout de même une (toute petite) part de responsabilité. Notamment pour la mise en place de la cellule de veille de la priorité nationale, finalement décalée en avril : « Nous assumons la période de transition. Nous avons un nouveau secrétaire général qui découvre l’institution. Mais à partir de juillet, la machine se remettra en place plus facilement », affirme Nouvion.

Réponse du berger à la bergère
Cette attaque directe à l’ancienne majorité aura au moins eu le mérite de réveiller l’opposition, assoupie depuis le scrutin du 10 février. Indigné, Union Monégasque ne pouvait pas « imaginer que les 50 % des Monégasques qui ont voté pour Horizon Monaco lors des dernières élections souhaitent un dénigrement systématique et gratuit de l’ensemble de ce qui a été accompli par le conseil national ces cinq dernières années. » Et de lister le bilan de l’ancienne majorité : plus de 50 lois et propositions de loi votées, « fruit du travail produit lors de la tenue d’environ 500 commissions, selon un planning parfaitement organisé ». S’affichant comme une opposition constructive, Union monégasque « déplore que le nouveau président du conseil national ne sache se départir de sa position de politique en campagne électorale et soit incapable d’atteindre la sérénité et l’esprit d’apaisement nécessaire à sa fonction. » Avant de rappeler que Stéphane Valeri, lui, n’avait pas dénigré ses prédécesseurs en 2003, lors de sa prise de fonctions…

Mini-budget
En dehors des critiques, la nouvelle majorité a tout de même profité de cette première conférence de presse post-électorale pour annoncer quelques rendez-vous. Un « mini-budget », selon la formule du président de la commission des finances Marc Burini, est prévu en avril. Une séance publique permettra d’examiner le budget 2012 exécuté. « Nous devons nous poser les vraies questions. Il y a une différence de 50 millions avec le budget primitif. D’où vient l’argent et comment on l’a obtenu ? Quelle est la part du récurrent et celle de l’exceptionnel », s’interroge Marc Burini. L’examen des questions budgétaires permettra d’aborder celle — ô combien polémique — de la situation financière de la SBM. La première commission tripartite SBM, réunissant gouvernement, parlement et dirigeants de la société, a permis d’aborder les questions qui fâchent. Au-delà du recrutement (« en CDD avec des objectifs chiffrés ») d’un nouveau directeur des jeux, les élus ont demandé des comptes au président-délégué Jean-Luc Biamonti. « Nous sommes inquiets. Il faut combiner la relance des jeux, priorité des priorités, avec la reprise de l’hôtel Méridien et le lancement de gros projets estimés à 600 millions d’euros. Les pistes présentées ne nous satisfont pas et l’échéance de 2014 pour les chantiers du Sporting d’Hiver et de la rénovation de l’Hôtel de Paris ne nous paraît pas raisonnable », a martelé Laurent Nouvion. En ajoutant, en perspective de la prochaine réunion trimestrielle : « La SBM doit présenter un projet qui tient la route, ce qui n’est pas le cas. »

Pénurie
Côté logement, la dernière commission d’attribution a permis à la nouvelle majorité de découvrir un « choc de pénurie », pour paraphraser François hollande. Le 27 mars, 187 logements ont été attribués pour 453 pétitionnaires. Dont 226 prioritaires. « Pratiquement 50 familles dans un besoin urgent n’ont pas eu de logement. Nous avons tout de même l’exemple d’une famille au premier étage dont les fenêtres ne s’ouvrent pas qui s’est vu refuser de déménager », souffle Thierry Poyet, pour qui il faut modifier les critères d’attribution. Face à ce « choc de pénurie de logement », les nouveaux élus ont demandé au gouvernement d’activer deux projets domaniaux d’envergure avant la fin de l’année et de geler le projet de la Villa Ida pour le transformer en opération mixte, pour loger Monégasques et enfants du pays. « Sinon, il y aura un gros souci politique », prévient Laurent Nouvion. Une menace voilée sur le vote du prochain budget ? La ficelle était utilisée chaque année sous l’ère Valeri, surtout lorsque Jean-Michel Cucchi était président de la commission des finances. On verra si Horizon Monaco recyclera la méthode de l’UPM. Ou si la nouvelle majorité innovera. Sans céder à la méthode du troc qu’elle a si souvent dénoncée.

Pasquier, « la ménagère qui veut faire le ménage »

Taclé par Laurent Nouvion sur sa vision de la gestion du fonds de réserve, le conseiller national Bernard Pasquier a aussitôt réagi.

« M. Pasquier va faire partie de la commission de placement de fonds et on va pouvoir voir sa capacité à proposer et à comprendre qu’on ne peut plus rester dans la gestion de la ménagère. » Cette phrase de Laurent Nouvion, prononcée lors dernier Press Club, a fait bondir Bernard Pasquier. Le conseiller national a aussitôt concocté une réponse au président du conseil national, signée par « la ménagère qui veut faire le ménage ». Une réponse où il dit rejoindre « M. Nouvion dans son analyse qu’il faut professionnaliser la gestion du FRC […]. La transparence est primordiale dans le choix des gérants, et il faut éviter le mélange des genres auquel on assiste aujourd’hui, avec des institutions gérantes impliquées dans le financement d’évènements culturels, sportifs ou autres. L’appel d’offres dans le choix des gérants doit être la règle, et non pas l’exception comme c’est le cas aujourd’hui. »

« Opacité »
Pour autant, selon l’ancien cadre de la Banque mondiale, « la composition des classes d’actifs n’a pas changé depuis 2008, c’est-à-dire avant la crise financière ! Et il n’y a à (sa) connaissance aucune gouvernance pour analyser et éventuellement modifier les classes d’actifs selon les aléas de la conjoncture internationale, ce qui en soi est un risque important. Monsieur Nouvion est silencieux sur ce point, qui est pourtant fondamental. » L’élu se dit, lui, favorable à la création d’un genre de conseil d’administration du FRC, qui se réunirait tous les mois.
Quant à l’utilisation du FRC par l’Etat comme un budget bis, pour Pasquier, elle se déroule « dans une opacité regrettable puisque le bilan du FRC n’est pas public. Une pratique ancienne, certes, mais qui constitue une violation de notre constitution, et un déni de démocratie puisqu’une partie des dépenses publiques du pays ne sont pas soumises au vote du conseil national. » Avant de tacler, lui aussi Nouvion : « Les législatures précédentes ont choisi, tous bords confondus, d’ignorer cet état de fait et de regarder ailleurs. Nous verrons bien si M. Nouvion et son équipe auront le courage de changer les choses, c’est-à-dire ne pas voter le budget tant que cette situation perdure. Je l’espère, mais j’en doute. »