jeudi 25 avril 2024
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Elections régionales et départementales en Paca : entre confusions, abstention et manœuvres pré-présidentielles

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Les élections régionales et départementales ont débuté en France, et se concluront par le second tour dimanche 27 juin 2021. Mais, selon différents sondages, les thèmes chers aux électeurs ne collent pas avec le niveau de compétence des deux institutions. En attendant, le taux d’abstention, proche des 66,5 %, a atteint un niveau record.

C’est la grande confusion. En France, le premier tour des élections régionales et départementales a eu lieu ce dimanche 20 juin 2021 avec un taux d’abstention frôlant les niveaux records, se rapprochant des 66,5 %. Elle était déjà estimée à 57 % au 1er tour en région en Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), avec un pic chez les 25-34 ans à 78 % d’après un sondage Ifop, publié le 1er juin 2021. C’est donc pire qu’en 2015 où 48,1 % des électeurs s’étaient abstenus au premier tour, et 39,7 % au second tour. Comme après chaque dégringolade de la participation citoyenne à une élection, la traditionnelle excuse de la météo revient sur le tapis : le beau soleil de juin éloignerait les électeurs français des bureaux de vote. Une autre explication, peut-être plus crédible, semble pourtant se dégager : les préoccupations des électeurs seraient en complet décalage avec les compétences des régions et des départements.

Selon un sondage Ipsos Sopra/Steria mené en région PACA, et publié le 9 juin 2021, la principale préoccupation des électeurs serait ainsi l’insécurité, et la délinquance, pour 49 % des personnes questionnées

L’insécurité, préoccupation première

Selon un sondage Ipsos Sopra/Steria mené en région Paca, et publié le 9 juin 2021, la principale préoccupation des électeurs serait ainsi l’insécurité, et la délinquance, pour 49 % des personnes questionnées. En deuxième place figure l’immigration, pour 37 % des sondés, suivie du chômage (22 %), l’environnement (21 %), et enfin, la gestion de l’épidémie de Covid-19 (19 %). Or, aucun de ces sujets n’a de lien direct avec les compétences conférées aux élus régionaux et départementaux. Pour les régions, rappelons-le, les compétences des élus sont relatives aux transports, aux lycées, à la formation professionnelle, à l’aménagement du territoire et de l’environnement, au développement économique de la région et à la gestion des programmes européens. En ce qui concerne les départements, les compétences sont limitées aux collèges, à la voirie, la culture, l’équipement des zones rurales, le financement du service incendie (départemental), la protection du patrimoine naturel et l’action sanitaire et sociale en faveur des personnes âgées, handicapées, de l’enfance, la famille et les personnes en difficultés. À l’échelle nationale, c’est la même tendance. Les préoccupations des électeurs sont loin du champ d’action des élus régionaux et départementaux : selon un sondage OpinionWay réalisé pour le magazine Les Échos paru le 27 mai 2021, la sécurité arrive, là encore, en tête des enjeux des élections régionales pour la moitié des électeurs, devant le développement économique et la création d’emploi (38 %) et le cadre de vie et l’environnement (36 %). C’est même la première fois que le thème de la sécurité occupe autant de place pour une élection de ce type. Frédéric Micheau, directeur général adjoint de l’institut de sondages OpinionWay, dans l’interview accordée à nos confrères des Échos le 27 mai 2021, assure que « cette thématique de la sécurité progresse de trois points depuis le mois d’avril, pour atteindre son record au cours de cette élection ». En 2015, année marquée par la série d’attentats du Bataclan, du Stade de France et de Charlie Hebdo, le thème de la sécurité figurait « seulement » en deuxième place des préoccupations (45 % selon OpinionWay), derrière le développement économique (54 %). Pourtant, rappelons-le encore, la sécurité n’est pas une compétence des conseils régionaux. Ils n’ont même aucune compétence en la matière, contrairement à d’autres collectivités locales. En 2016 par exemple, Christian Estrosi, alors président de la région Paca, s’était ainsi fait retoquer son projet de financement de la vidéo protection dans les communes, estimé à 250 millions d’euros, par le tribunal administratif de Marseille. Le préfet de région d’alors, avait estimé qu’il allait à l’encontre de la loi nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), rappelant que les régions n’avaient aucune compétence en matière de sécurité.

La sécurité n’est pas une compétence des conseils régionaux. Ils n’ont même aucune compétence en la matière, contrairement à d’autres collectivités locales

Les candidats en jouent, malgré tout

Loin d’éviter le sujet, qui ne devrait pourtant pas autant les concerner, les candidats tête de liste des différents camps et partis adaptent volontiers leurs discours et propositions au volet sécurité. Thierry Mariani, en tête du premier tour des régionales en Paca (36,38%), qui pourrait donc devenir le premier candidat du Rassemblement national (RN, ex-Front national) à occuper une telle place, en a fait son cheval de bataille. Son slogan « Région bouclier », est suffisamment éloquent, et l’actuel député européen, anciennement Les Républicains (LR), ne s’en cache pas : lors de la présentation publique de sa liste, à Nice, le 8 juin 2021, cet élu a déclaré que « la sécurité n’est pas une priorité, mais une nécessité ». Lors du débat diffusé sur France 3 Paca le 9 juin 2021, le candidat en tête du premier tour a cuisiné ce thème sous toutes les sauces, ou presque. Il a ainsi dénoncé l’insécurité croissante, selon lui, dans les trains [les transports étant une compétence revenant à la région — NDLR], et a proposé « d’augmenter le nombre d’agents de sécurité de 100 à 500. » Mais il n’est pas le seul. Son principal adversaire, Renaud Muselier, président LR sortant de la région Paca, n’y va pas de main morte sur la sécurité, mais aussi l’écologie, bien qu’il ne s’agisse pas de compétences régionales. Ce candidat propose ainsi des abris-vélos sécurisés dans les gares, des bornes « urgence police » aux abords des lycées, des caméras piétons pour les agents de police ferroviaire. Et puis de la plantation d’arbres (trois millions dans six ans), l’installation d’un parc éolien flottant en mer et une tarification incitative pour les déchets. Renaud Muselier annonce même 600 millions d’euros pour le plan climat 2 et une région « zéro plastique » en 2030. Il fallait parler de ces sujets, les candidats l’ont fait.

© Photo Clément Martinet / Monaco Hebdo.

« L’objectif est de siphonner encore un peu plus la droite modérée, et d’empêcher l’émergence d’une candidature de droite »

Rémi Lefebvre. Politologue

Premières batailles pré-présidentielles

À moins d’un an des présidentielles de 2022, les préoccupations des électeurs paraissent plus présidentielles que locales, et l’exécutif français semble l’avoir également bien compris. La majorité présidentielle est en effet déjà montée au créneau contre le RN, son adversaire direct, selon les sondages, à l’image de la carte de France politique de ce premier tour des régionales. Marlène Schiappa, la ministre déléguée en charge de la citoyenneté, s’est ainsi déclarée « prête à tout pour faire en sorte que le RN ne gagne pas », au micro du Grand Rendez-Vous Europe 1 – CNews – Les Echos, le 13 juin 2021. Deux jours plus tôt, le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, comparait une éventuelle victoire du RN aux régionales à une « marque satanique », lors d’un déplacement en Bourgogne, pour soutenir le candidat La République en Marche (LREM). Et, pour Éric Dupont-Moretti, ministre de la justice et candidat sur la liste LREM des Hauts-de-France pour les régionales, le RN serait « un véritable danger pour la démocratie, qu’il s’agisse de sa déclinaison nationale ou régionale ». Mais le camp du président Emmanuel Macron semble également déjà travailler au fractionnement de la droite dans son ensemble, comme le pense Rémi Lefebvre, politologue du Centre d’études et de recherches administratives (Ceraps) de Lille. Interrogé par nos confrères de France 3, le directeur de recherches a estimé que le président français cherche à « détacher les gens de droite modérés de leur parti, leur faire miroiter qu’ils peuvent être élus uniquement avec En marche ». Il explique également que son objectif est de « siphonner encore un peu plus la droite modérée et d’empêcher l’émergence d’une candidature de droite ». Une hypothèse qui rappelle la main tendue à Renaud Muselier (LR) en Paca par LREM. En la saisissant, le président sortant du conseil régional a provoqué le départ du maire de Nice, Christian Estrosi, et d’Hubert Falco, maire de Toulon, du parti LR, après des jours de polémique médiatique. Éric Ciotti, député LR des Alpes-Maritimes, avait qualifié ce rapprochement de « coup de poignard dans le dos ». Reste à savoir si ce genre de conflit ne provoquera pas, à nouveau, un taux d’abstention record lors des prochains scrutins. Un début de réponse est attendu le 27 juin, pour le second tour de ces élections.

Elections régionales 2021 

premier tour, 20 juin 2021 : Provence-Alpes-Côte d’Azur

3,6 millions d’inscrits | abstention : 66,28 % | blancs : 2,78 % | nuls : 1,47 %

QUALIFIÉE

Construisons la région de demain liste 

soutenue par le Rassemblement National

36,38 %

Thierry MARIANI (RN)

420 602 voix

QUALIFIÉE

NOTRE REGION D’ABORD

31,91 %

Renaud MUSELIER (LR)

368 932 voix

QUALIFIÉE

LE RASSEMBLEMENT ECOLOGIQUE ET SOCIAL

16,89 %

Jean-Laurent FELIZIA (Gauche et écolo.)

195 224 voix

Jean-Marc GOVERNATORI

(Ecolo.)

L’ECOLOGIE AU CENTRE

Résultat en Provence-Alpes-Côte d’Azur

5,28 %

Noël CHUISANO

(D. souverainiste)

RASSEMBLEMENT DE LA DROITE REPUBLICAINE DEBOUT LA FRANCE

Résultat en Provence-Alpes-Côte d’Azur

2,70 %

Isabelle BONNET

(Ext. G.)

Lutte ouvrière- Faire entendre le camp des travailleurs

Résultat en Provence-Alpes-Côte d’Azur

2,76 %

Hervé GUERRERA

(Rég.)

OUI LA PROVENCE !

Résultat en Provence-Alpes-Côte d’Azur

2,18 %

Valérie LAUPIES

(D. souverainiste)

Zou ! la liste qui vous débarrasse du système

Résultat en Provence-Alpes-Côte d’Azur

1,66 %

Mikael VINCENZI

(Div.)

Un Nôtre Monde

Résultat en Provence-Alpes-Côte d’Azur

0,25 %

Elections départementales 2021

Premier tour, 20 juin 2021 : Alpes-Maritimes

UD Union à droite

43,45 %

109 339 voix

RN Rassemblement National

28,97 %

72 893 voix

UGE Union à gauche avec des écologistes

7,03 %

17 693 voix

Union à gauche

4,27 %

10 745 voix

Union au centre

3,3 %

8 301 voix

Divers droite

3,29 %

8 283 voix

DVG Divers gauche

3,01 %

7 568 voix

DIV Divers

2,06 %

5 193 voix

COM Parti communiste français

1,86 %

4 669 voix

ECO Ecologiste

1,81 %

4 560 voix

REM La République

en Marche

0,79 %

1 985 voix

DSV Droite souverainiste

0,16 %

391 voix

Elections départementales : les chiffres du premier tour dans les Alpes-Maritimes

756 251 inscrits

261 025 votants : 34,52 %

250 852 exprimés : 33,17 %

6 845 votes blancs : 2,62 %

3 328 votes nuls : 1,27 %

Taux d’absentation : 65,48 %