vendredi 26 avril 2024
AccueilPolitiqueElection nationale 2023 - Daniel Boeri : « Une liste complète aurait vraisemblablement...

Election nationale 2023 – Daniel Boeri : « Une liste complète aurait vraisemblablement changé la donne »

Publié le

Le lendemain de sa lourde défaite à l’élection nationale du 5 février 2023, Daniel Boeri, tête de liste des Nouvelles Idées pour Monaco (NIM) a accepté de répondre aux questions de Monaco Hebdo, afin de dresser un premier bilan.

Avec 24 élus sur 24, l’Union a remporté une victoire sans appel face aux NIM : comment expliquez-vous cela ?

Les Monégasques ont choisi. D’abord, les faits : ils étaient 24, nous étions 14. Le paradoxe est que j’avais créé la liste des Nouvelles Idées pour Monaco (NIM) pour éviter un Conseil national monocolore. Cependant, il est essentiel avant tout de remarquer que nous avons eu un peu plus de 10 % des voix dans les circonstances présentes. Une liste complète aurait vraisemblablement changé la donne. J’en reviens donc aux conditions de création de la liste, qui s’est faite très lentement, essentiellement pour des raisons de pressions imaginées ou réelles. Mais même les pressions imaginées m’ont fait penser que nous étions en 1929 dans Tintin au pays des Soviets. Or, une pression réelle se traite. Une pression imaginée ne peut être traitée sans que l’on se pose des questions plus profondes, et qui dépassent largement le cadre des élections. En conséquence, nous n’avons eu que quelques semaines pour nous faire connaître des Monégasques.

Quoi d’autre ?

Le taux de participation — le plus faible que nous ayons connu pour cette élection — n’aura servi les intérêts d’aucune des deux listes. Toutefois, je crois pouvoir le dire : grâce à la liste des NIM, la démocratie de notre pays a été préservée. Ainsi que notre image à l’international, ce qui est tout aussi important. De ce point de vue, je ne regrette rien.

« Grâce à la liste des NIM, la démocratie de notre pays a été préservée. Ainsi que notre image à l’international, ce qui est tout aussi important »

D’autres éléments expliquent cette défaite ?

Le choix démocratique des Monégasques s’est porté sur une vision de court terme, ce qui peut se comprendre. De notre côté, nous proposions une vision de moyen et long terme. Deux exemples, car je ne veux pas faire de polémique : les vainqueurs ont oublié de parler de culture et d’éducation. Evidemment, cela ne se mesure pas, cela ne se touche pas. Cela se vit de façon implicite. Mais cela illustre parfaitement les deux visions qui se sont fait face lors de ces élections. J’espère simplement que les réflexions que nous avons menées pour « les enfants qui ont 10 ans aujourd’hui » emmènera tant le gouvernement que la nouvelle équipe à se dégager progressivement du court terme, pour faire face aux défis qui se présentent à nous, et qui sont de plus en plus proches.

Nouvelles idées pour Monaco NIM
« Les membres des NIM souhaitent poursuivre l’aventure et se structurer autour d’un projet commun qui représentera, différemment, la voix de celles et de ceux qui nous ont apporté leurs suffrages. » Daniel Boeri. Tête de liste des NIM. © Photo Monaco Hebdo

Cette défaite est difficile à digérer ?

Il est clair qu’il y a une déception forte chez moi, comme chez mes colistiers, dans la mesure où les chiffres montrent que si nous avions eu deux ou trois candidates ou candidats de plus, nous aurions pu avoir deux élus. Qui sait si nous avions été 24 ! Mais c’est le fondement-même d’une élection. Il y a une possibilité de gagner… Et de perdre. Si nous devions avoir peur du résultat, nous ne nous serions tout simplement pas présentés. Dans tous les cas, du point de vue des 14 colistiers, nous avons été vraiment heureux d’essayer de nous projeter dans l’avenir de Monaco : si une frustration peut exister aujourd’hui, elle sera oubliée, dès demain. J’ai toujours fait mien ce proverbe japonais : « On apprend peu par la victoire, mais beaucoup par la défaite ». Cela ne changera pas.

« Le choix démocratique des Monégasques s’est porté sur une vision de court terme, ce qui peut se comprendre. De notre côté, nous proposions une vision de moyen et long terme »

Vous avez un message pour vos 13 colistiers ?

Laissez-moi saluer ici le courage de chacune et chacun d’entre eux. Leur engagement, malgré les obstacles qui se sont dressés tout au long du chemin, prouve leur dévouement envers nos compatriotes et notre pays. Se présenter à des élections, c’est aussi, et peut être surtout, une véritable aventure humaine. C’est l’un des enseignements que nous devons tirer de cette expérience. La politique, c’est du lien humain entre les colistiers, avec les Monégasques et les résidents, mais aussi de la confrontation d’idées, de la mise en commun de nos ressources, et de la recherche de l’émulation dans le groupe pour proposer des idées sur la place publique. Tout ceci dans le but d’améliorer, encore et toujours, notre modèle, pour qu’il s’adapte à ce monde qui change.

Cela met un terme à vos ambitions politiques ?

Je ne poserai pas la question de cette manière-là. Vu mon âge, le terme « ambition politique » est inadéquat. J’ai toujours fait de la politique. A Monaco bien sûr, où j’ai été élu deux fois, mais aussi en France, où j’ai été le « technocrate de service » puisque non Français. J’ai vu à cette occasion beaucoup de turpitudes. Cela n’a pas empêché, avec les militants du Rassemblement pour la République (RPR), de remporter les 20 arrondissements de Paris pour Jacques Chirac (1932-2019). Un nouvel épisode s’ouvre aujourd’hui pour moi : repartir à la découverte de l’étranger, où l’on apprend toujours, et préparer mon nouveau livre qui s’était arrêté avec la charge de travail induite par les élections, et dont je suis heureux d’annoncer qu’il s’appellera Le grand chamboulement : de Giscard à Trump sans Tweet.

Les NIM ont-ils un avenir ou vont-ils disparaître suite à cet échec ?

Les nouvelles idées auront toujours un avenir ! Les résultats de l’élection n’invalident en rien notre préoccupation ni, je crois, la validité de notre projet : quel Monaco voulons-nous dans 10 ans pour « les enfants qui ont 10 ans aujourd’hui » ? Je peux vous dire aujourd’hui que les membres des NIM souhaitent poursuivre l’aventure et se structurer autour d’un projet commun qui représentera, différemment, la voix de celles et de ceux qui nous ont apporté leurs suffrages. Disposer d’un siège au Conseil national n’est pas la seule manière de mener un combat politique ou un débat d’idées. Nous sommes encore plus persuadés de la nécessité, pour les Monégasques, de pouvoir disposer d’une oreille attentive à leurs problèmes du quotidien et les impliquer dans la vie politique dans cette grande agora publique que constituent nos marchés, nos quartiers, et nos lieux de vie. Tout en réfléchissant, ensemble, à l’avenir à long terme de Monaco dans le monde. Nous nous réunirons donc dans les prochains jours pour déterminer ensemble quelle sera la voie à suivre dans le futur. Dans notre pays, rares sont les structures politiques qui restent en éveil entre deux élections. Ce n’est pas simple, mais nous réfléchirons à comment faire.

« Nous nous réunirons donc dans les prochains jours pour déterminer ensemble quelle sera la voie à suivre dans le futur. Dans notre pays, rares sont les structures politiques qui restent en éveil entre deux élections. Ce n’est pas simple, mais nous réfléchirons à comment faire »

Estimez-vous avoir commis des erreurs pendant votre campagne électorale ?

Je ne sais pas si l’on peut parler d’erreurs. Nous avons dû partir en campagne très tardivement, du fait des difficultés à constituer la liste, avec un budget limité. Permettez-moi ici de remercier une nouvelle fois mes colistiers, cette fois-ci pour l’énergie qu’ils ont dépensée : quasiment tout ce qui a été réalisé l’a été en interne. Personne n’a compté ses heures pour présenter un programme, gérer les réseaux sociaux, organiser la soirée du 2 février 2023 dans des délais contraints, et avec toute la logistique que cela implique… Certains d’entre eux ont mis leur vie professionnelle entre parenthèses le temps de la campagne. Il est important de leur rendre hommage dans vos colonnes. Le travail de toute l’équipe a été littéralement titanesque. A l’image d’une pièce de théâtre, le public n’en voit que le résultat final. Mais ce qui a été accompli derrière le rideau, seuls les colistiers et leurs entourages le connaissent !

Le budget déployé pour mener votre campagne a pesé ?

Bien que manquant de moyens, nous avons été, à plus d’un titre, novateurs. Les NIM sont en effet la première liste à avoir proposé un “live stream” [diffusion en direct sur Internet — NDLR] de la rencontre électorale du 2 février 2023, le tout dans un format nouveau par rapport aux traditionnels meetings. Les Monégasques nous ont fait part de leur satisfaction quant à ces innovations. Cette expérience a été suivie, au final, par près de 300 personnes. Nous avons aussi pu rencontrer les Monégasques dans notre permanence, autre innovation. Ces instants ont été chaleureux, saisissants et, parfois, même, bouleversants. Nous avons pu y saisir un Monaco plus humain, plus invisible, et qui traverse de grandes difficultés au quotidien. Notre tissu social est aussi fait de cicatrices. Il se trouve que certaines difficultés de nos compatriotes proviennent d’une application plus que rigoureuse de la loi, qui sert parfois d’obstacle, plutôt que d’aide à ceux qui en ont besoin. Les conditions d’aide de l’Etat, quelles que soient leur nature, devraient être revues pour tenir compte des difficultés particulières de nos compatriotes. Les pénalités, par exemple, qu’on leur donne pour le refus d’un logement, semblent éloignées des cas particuliers, quand bien même j’en comprends leur nécessité.

L’absence d’accord avec Laurent Nouvion et Horizon Monaco (HM) est un regret ?

Mais enfin, de quoi me parlez-vous ? J’ai appris, par un hasard soudain, qu’Horizon Monaco (HM) mettait la clé sous la porte avant même notre deuxième rencontre. Et depuis, aucune nouvelle. No comment. Nous en avons pris acte et décidé de continuer notre chemin seuls, en dépit des difficultés, pour les Monégasques qui nous ont fait part de leur préoccupation quant à l’absence d’une deuxième liste et, plus généralement, pour offrir un choix démocratique et proposer des idées nouvelles.

L’alliance des NIM avec HM aurait-elle pu changer le résultat final de cette élection nationale ?

Il est clair qu’avec une liste complète, nous aurions pu obtenir des sièges, avec ou sans HM.

Désormais, quel est votre avenir ?

Comme je l’ai dit précédemment, mon « avenir », si j’ose dire, est à l’international. D’abord, c’est un retour au Brésil ; en tant docteur honoris causa de l’académie brésilienne de philosophie, j’aurai l’occasion d’y faire des conférences. Par ailleurs, je prépare une conférence qui se tiendra très prochainement à New Delhi, en Inde, sur les grandes mutations du monde. Enfin, je reprends la rédaction de mon nouveau livre et, sans doute, la préparation de la troisième édition de mon livre La 53ème, des anecdotes naturelles.