mercredi 24 avril 2024
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Covoiturage — Céline Caron-Dagioni : « Le choix du gouvernement a été judicieux »

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Alors qu’une majorité de trajets automobiles entre le domicile et le travail sont encore réalisés sans passager, les applications de partage de trajet commencent à trouver un public. Engagé depuis septembre 2020 avec l’application Klaxit, le gouvernement monégasque estime que, face aux bouchons qui paralysent parfois la principauté le matin et en soirée, le covoiturage est une partie de la solution. La conseillère-ministre pour l’équipement, l’environnement et l’urbanisme, Céline Caron-Dagioni, explique sa position à Monaco Hebdo (1).

Lancé à Monaco en septembre 2020 avec l’application Klaxit, combien d’inscrits et d’utilisateurs réguliers sont dénombrés aujourd’hui, près de deux ans après ?

À ce jour [cette interview a été réalisée le 18 juillet 2022 et actualisée le 16 septembre 2022 — NDLR], nous avons 4 021 inscrits et 2 016 covoitureurs. Mais l’indicateur le plus marquant concerne l’utilisation du service. Et à cet égard, les chiffres sont sans appel : le nombre de trajets, qui n’avait cessé de progresser sur un an et demi, a évolué de façon exponentielle depuis janvier 2022 [voir notre graphique, par ailleurs — NDLR].

Pourquoi le gouvernement a-t-il décidé de miser sur le covoiturage ?

Ce projet s’intègre dans le cadre de la politique « mobilité » de la principauté visant à réduire de 20 % le trafic automobile à Monaco à l’horizon 2030, en complément du développement des transports en commun et des modes « doux ». Il vise à apporter une solution alternative concrète au transport individuel en voiture. À ce jour, les résultats et les retours montrent que le choix du gouvernement a donc été judicieux.

« Ce projet s’intègre dans le cadre de la politique “mobilité” de la principauté visant à réduire de 20 % le trafic automobile à Monaco à l’horizon 2030 »

Quel est le profil type du “covoitureur” qui vient travailler chaque jour à Monaco ?

Il y a deux types de covoitureurs. Il y a ceux qui ont des horaires décalés, qui commencent très tôt, et qui ne peuvent pas utiliser les transports en commun. Cela peut être les salariés du milieu hospitalier, de l’hôtellerie ou de la grande distribution, par exemple. Et il y a ceux qui ont des horaires classiques de bureau, mais qui trouvent plusieurs avantages à utiliser Klaxit, comme le financement, ne pas avoir à utiliser son véhicule et payer un parking, la convivialité de la solution…

Sur 12 mois, combien de trajets ont été réalisés via cette application et combien de kilos de CO2 ont été économisés ?

Entre le 1er septembre 2021 et le 31 août 2022, on dénombre 50 000 trajets réalisés via Klaxit, avec une nette progression sur les derniers mois. Cette utilisation du service a permis une économie annuelle de 134 tonnes de CO2 sur la même période.

« Il y a deux types de covoitureurs. Il y a ceux qui ont des horaires décalés, qui commencent très tôt, et qui ne peuvent pas utiliser les transports en commun. […] Et il y a ceux qui ont des horaires classiques de bureau, mais qui trouvent plusieurs avantages à utiliser Klaxit »

En mai 2022, Klaxit annonçait 2 800 inscrits et seulement 1 300 utilisateurs : Monaco comptant plus de 58 000 salariés, il reste donc encore un gros travail à faire ?

Au départ, nous avons travaillé avec 27 entreprises de la principauté, représentant 13 000 employés, pour constituer avec elles le socle d’utilisateurs. Le nombre d’inscrits continue de progresser. Nous en comptons aujourd’hui plus de 4 000, ce qui est plutôt encourageant. Depuis janvier 2022, nous avons eu comme projet d’étendre le partenariat à 15 nouveaux établissements, et de renforcer les actions de communication. Huit entreprises ont déjà répondu à l’appel, et d’autres sont intéressées.

Du coup, combien d’entreprises sont partenaires, avec un total de combien de salariés ?

À ce jour, 35 entreprises sont partenaires, pour environ 15 000 employés.

« Au départ, nous avons travaillé avec 27 entreprises de la principauté, représentant 13 000 employés, pour constituer avec elles le socle d’utilisateurs. […] Nous en comptons aujourd’hui 3 625, ce qui est plutôt encourageant »

Blablacar est le leader français et européen du covoiturage : pourquoi est-ce que le gouvernement n’a pas décidé de miser sur cet acteur ?

Klaxit est le numéro 1 du covoiturage domicile-travail en France. Il répond donc parfaitement aux besoins de la principauté, principalement axés sur les trajets des travailleurs pendulaires.

Quels sont les atouts de Klaxit par rapport aux autres applications ?

L’application est très fonctionnelle et complète. En effet, la solution permet un covoiturage entre collègues, une garantie retour, une multi sélection de conducteurs, la possibilité de covoiturer avec ou sans réservation, plusieurs modes pour réserver…

Qu’apportent ces entreprises partenaires du covoiturage ?

Ces entreprises ont contribué au succès de l’application en permettant d’obtenir rapidement une masse critique d’utilisateurs et d’entrer ainsi dans un cercle vertueux : plus il y a de covoitureurs, plus il est aisé de covoiturer. L’offre génère la demande, et réciproquement. L’année dernière, les salariés de nos partenaires représentaient 62 % des covoitureurs actifs et 64 % des trajets. Aujourd’hui, la tendance s’est inversée, ces salariés ne représentent que 39 % des covoitureurs et 46 % des trajets effectués.

Comment attirer et convaincre d’autres entreprises ?

Nous communiquons auprès des salariés des entreprises partenaires, mais aussi de nos adhérents du pacte national pour la transition énergétique qui sont très sensibles à ces sujets. En complément, nous avons une stratégie de communication grand public d’affichage et d’opérations marketing ciblée sur les points d’entrée des travailleurs à Monaco, pour leur faire connaître l’application et les convaincre d’adhérer au projet covoiturage.

Blablacar juge que, sur une courte distance, les conducteurs peuvent gagner de 100 à 120 euros par mois, alors que chez Karos, on estime la rémunération moyenne des chauffeurs à 97 euros mensuelle : et chez Klaxit ?

C’est tout à fait cela, et c’est pourquoi nous communiquons sur 120 euros par mois, ce qui correspond, en moyenne, à 12 jours de covoiturage par mois, avec 2 passagers.

Évolution du nombre de trajets financés avec l’application Klaxit

Klaxit
Source : gouvernement monégasque.

Le gouvernement a mis en place une incitation financière jusqu’à fin 2023 : comment fonctionne-t-elle ?

La base de la rémunération est de 10 centimes par kilomètre, avec un minimum garanti de 1,50 euro par trajet et par passager pour le conducteur dès 2 kilomètres. Et un maximum de 3 euros pour tout trajet supérieur à 30 kilomètres.

Klaxit : nombre de covoitureurs et de trajets

Klaxit
Source : gouvernement monégasque.

Quel impact ont eu la pandémie de Covid-19 d’abord, puis la guerre en Ukraine, sur les chiffres du covoiturage ?

Nous avons lancé l’application aux couleurs de Monaco en septembre 2020, ce qui était un pari audacieux, compte tenu de la pandémie. Mais nous avons pu assez rapidement convaincre, et voir le nombre d’inscrits et de covoitureurs progresser, compte tenu des gestes barrières imposés et de la communication faite à cet égard. Des utilisateurs des transports en commun qui préféraient utiliser leur véhicule individuel dans ce contexte sanitaire ont choisi cette option. Ces derniers mois, l’augmentation du prix du carburant a clairement un effet sur le nombre de covoitureurs et le nombre de trajets. On est ainsi passé d’environ 1 900 trajets par mois en janvier 2022, à près de 8 000 trajets en juin et juillet 2022.

« Il faut toucher plus largement encore les travailleurs qui ne connaissent pas tous Klaxit. Il faut informer les résidents que l’on peut aussi covoiturer le week-end, notamment pour aller faire des courses, ainsi qu’en semaine »

Comment développer encore l’utilisation de Klaxit en principauté ?

Il faut toucher plus largement encore les travailleurs qui ne connaissent pas tous Klaxit. Il faut informer les résidents que l’on peut aussi covoiturer le week-end, notamment pour aller faire des courses, ainsi qu’en semaine, pour se rendre à une activité ou à une visite médicale, par exemple.

L’objectif du gouvernement est de réduire d’ici 2030 le trafic automobile de 20 % par rapport en 2019 : comment atteindre cet objectif ?

L’objectif du gouvernement princier est en effet de réduire de 20 % le trafic routier en principauté à l’horizon 2030 en développant les transports en commun, les modes doux et les mobilités partagées. Afin d’atteindre ces objectifs, sans revenir sur le covoiturage déjà évoqué, le gouvernement s’investit sur plusieurs axes.

Lesquels ?

Il y a d’abord les bus urbains dont le réseau de six lignes régulières maille la principauté de manière à desservir tous les quartiers. Déjà largement employé, ce réseau continue d’évoluer pour séduire de nouveaux usagers : passage à l’électrique, test d’une nouvelle ligne dans le quartier Plati sur la ligne 7, création d’une ligne estivale sur la ligne 8 – navette du Rocher qui a pris fin au 18 septembre dernier, pour satisfaire une clientèle saisonnière. Ou encore, prochainement, le lancement d’un test de gratuité pour évaluer le niveau incitatif d’une telle mesure. Les autobus assurent également des services scolaires et occasionnels, notamment pour rejoindre les piscines et les stades. Des bus de nuit et une ligne de bateau bus permettant de traverser le port Hercule avec un navire électrique complètent le réseau.

Il y a aussi les bus interurbains ?

Les bus interurbains (2) font l’objet d’une coopération active entre le gouvernement monégasque, la région voisine, la métropole niçoise, et la communauté d’agglomération de la Riviera française (CARF) pour rendre le réseau plus performant et attractif. Ces dernières années, le renforcement de la desserte aux heures de pointe, avec un cadencement à 10 minutes le matin, et le recours à des bus articulés pour augmenter la capacité de transport et le confort des voyageurs de la ligne de bus 100 Nice – Monaco – Menton, se sont traduits par une forte fréquentation. À titre d’exemple, la ligne 100 a transporté 2 millions de personnes en 2021, dont 65 %, c’est-à-dire 1,3 million, ont pour origine ou destination Monaco. Quant au réseau de transports en commun de la CARF, le réseau ZEST, ses cinq lignes ont assuré le transport de 270 000 personnes en 2019.

Et pour le train ?

Le Train Express Régional (TER) est le mode d’accès à la principauté que le gouvernement continue de promouvoir, notamment pour les travailleurs transfrontaliers et les visiteurs. Il est indispensable et, à titre d’exemple, en 2019, le trafic voyageurs représentait 7,5 millions de passagers, soit une moyenne de plus de 20 000 personnes par jour, plaçant la gare de Monaco en troisième position en région, derrière Marseille et Nice. L’État monégasque participe aux côtés de la région Sud et de la SNCF à l’exploitation et à l’amélioration de la desserte de Monaco : 4 millions d’euros ont ainsi été versés par Monaco en 2020, 8,1 millions d’euros en 2021, et 9,7 millions d’euros en 2022, pour accompagner la région dans le financement de la desserte TER du littoral azuréen, et moderniser le matériel roulant. Enfin, le TER se substitue de plus en plus à l’automobile dans les échanges entre la principauté et l’extérieur, notamment chez les actifs et les visiteurs de proximité.

Le télétravail a aussi un rôle à jouer ?

Le télétravail est encouragé depuis 2016, date de signature de l’accord franco-monégasque. C’est une mesure efficace sur la réduction du trafic général. Dans le contexte de pandémie, il a démontré que sa mise en œuvre était adaptée à de nombreuses activités.

Le vélo peut aussi être une partie de la solution ?

Le gouvernement fait aussi la promotion du vélo, avec le déploiement en juillet 2019, d’un nouveau système de vélos à assistance électrique en libre-service MonaBike, pour encourager l’utilisation du vélo en principauté. Depuis cette date, un nouvel élan a été donné, en augmentant le nombre de stations : 46 dont une solaire, et 350 vélos. Le système a aussi été ouvert à la clientèle occasionnelle ou touristique via une application pour smartphone, qui permet de visualiser l’emplacement des stations et le nombre de vélos et d’attaches disponibles. Les chiffres de fréquentation confirment l’élan en faveur du vélo. Après une baisse de fréquentation contextuelle à cause de la crise sanitaire, la fréquentation au mois de juin 2022, avec environ 50 000 trajets, retrouve celle de septembre 2019, qui représentait le meilleur score après le lancement du nouveau service, à l’été 2019.

Et l’autopartage ?

L’autopartage se développe grâce au système d’autopartage en libre-service de véhicules électriques Mobee, disponibles 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Il intègre trois services différents : un service urbain, MobeeCity, et deux services interurbains MobeeLity et MobeeLity+. Au total, 62 véhicules sont mis à la disposition des usagers en fonction de leur besoin. Il y a 32 Renault twizy pour le service intramuros et pour les communes limitrophes, et l’offre a été étoffée pour plus d’autonomie et de confort, avec cinq places, avec 25 Peugeot e208 qui offrent 340 kilomètres d’autonomie, et cinq Tesla Model 3, qui disposent de 490 kilomètres d’autonomie. Ils sont géolocalisés sur l’ensemble du territoire et 100 % électriques. Le stationnement est gratuit en voirie et dans les parkings partenaires.

Que fait le gouvernement monégasque pour doper l’électromobilité ?

L’électromobilité est aussi encouragée avec la prime à l’achat des véhicules écologiques et le large déploiement des bornes de recharge gratuite « Monaco On » avec des stations-services électriques dans les parkings publics, ainsi qu’en voirie. Nous avons enregistré 120 000 recharges en 2021. Ces mesures ont conduit au résultat suivant : en juin 2022, plus de 12 % du parc privé était constitué de véhicules écologiques.

Quelle est la prochaine actualité sur ce sujet ?

La prochaine mesure d’envergure est la livraison, au deuxième semestre 2023, du parking-relais d’entrée de ville EVOS de 1 820 places. Ce parking sera combiné à l’aménagement d’un cheminement piétonnier sécurisé et confortable en direction du quartier de Fontvieille, à l’optimisation de la connexion avec le réseau bus de la compagnie des autobus de Monaco (CAM), et au système MonaBike. Tout cela devrait alléger le trafic intérieur. Pour promouvoir l’ensemble de ces propositions, le pacte national pour la transition énergétique propose aux signataires, individus comme entreprises, de mettre en œuvre des actions concrètes en faveur d’une mobilité moins carbonée.

1) À ce sujet, lire notre dossier spécial Covoiturage à Monaco : « On est au début de l’histoire », publié dans Monaco Hebdo n° 1251.

2) Réseau ZOU : Ligne 100, ligne 102, ligne 103, ligne 106, ligne 112, ligne 110 navette aéroport, et ligne N100 Noctambus. Réseau Zest : ligne 11, 12, 13, 18 et 24.