samedi 20 avril 2024
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SBM : les « petits porteurs » demandent des comptes

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Période de crise oblige, pour la première fois, plusieurs petits actionnaires de la Société des bains de mer (SBM) ont profité de l’assemblée générale pour demander des comptes à l’équipe dirigeante de l’entreprise.

«Nous sommes des actionnaires fidèles mais déçus ». Au nom de la société de gestion KBL Richelieu, Jérémy Gaudichon a clairement résumé le problème : « Depuis trois ans, on ne reçoit plus de dividendes, le cours de l’action a perdu 60 % depuis 2008. Et à l’époque, le conseil d’administration nous a empêché d’apporter nos titres à l’offre qatarie qui était de 72,50 euros par action contre 31 euros aujourd’hui… Nous comprenons que la SBM tient un rôle particulier à Monaco. Pour autant, cette société est-elle gérée pour les intérêts de son principal actionnaire [l’Etat pèse près de 70 % des actions – NDLR] ou dans l’intérêt de tous les actionnaires y compris des minoritaires ? »

Charges de personnel
Le 14 septembre, l’assemblée générale de la Société des bains de mer n’a pas été de tout repos pour l’équipe dirigeante. Les questions ont fusé dans le salon Eiffel de l’Hôtel Hermitage. Logique : l’exercice 2011-2012 montre des pertes de 33,2 millions d’euros. Et en raison de ces « résultats défavorables », le conseil d’administration a décidé de ne pas distribuer de dividende, se bornant à verser l’intérêt statutaire. Soit 0,01 euro par action… C’est pourquoi les actionnaires ont demandé à Jean-Luc Biamonti, le président du conseil d’administration, et à Jean-Louis Masurel, l’administrateur délégué d’expliquer les comptes annuels point par point. Pourquoi les charges de personnel augmentent de 20 millions d’euros en pleine période de crise et ce, alors que la direction a lancé un plan de redressement en février ? Selon la direction, impossible de faire autrement. Cette augmentation découle de l’application de conventions collectives mais aussi de décisions de justice. Mauvaise nouvelle : il s’agit de frais incompressibles et récurrents. Dopés chaque année par l’inflation…
Il ne faudra pas s’attendre à ce que la direction taille dans l’effectif, même si l’équipe dirigeante s’accorde à dire que les coûts structurels pénalisent la société et qu’il existe des sureffectifs dans certains secteurs. « En accord avec l’actionnaire principal, nous souhaitons redresser les coûts sans drames sociaux, justifie Jean-Luc Biamonti. Nous essayons de redresser cette société sans licencier. Cela prendra plus de temps qu’une réduction à la Betclic ». Dans la société des jeux en ligne dans laquelle la SBM a investi 210 millions d’euros (1), 250 personnes, soit un tiers de l’effectif, ont été licenciées, alors que l’activité marketing a été supprimée. « Vous ne verrez plus le nom de Betclic sur les maillots des joueurs de l’Olympique de Marseille (OM), de l’Olympique lyonnais (OL) et de la Juventus de Turin », a ainsi déclaré Jean-Luc Biamonti.
Une coupe sombre qui devrait permettre à Betclic de retrouver un excédent budgétaire et devenir indépendante financièrement d’ici 12 à 18 mois. La SBM rembourse en effet pour l’instant les emprunts bancaires de Betclic et il reste à supporter à parité avec la holding de Courbit la modique somme de 75 millions d’euros sur les 4 prochaines années…

70 à 80 départs d’ici la fin de l’exercice
A la SBM, il faudra au contraire compter uniquement sur les départs à la retraite naturels et volontaires prévus par le plan de redressement lancé en février. Et les actionnaires ne peuvent pas en attendre de miracles : « C’est une société jeune. On peut en être heureux ou le regretter. D’ici la fin de l’exercice 2012, il y aura une réduction de personnels de 70 à 80 personnes », indique la secrétaire générale Agnès Puons. « Avec 70 départs à la retraite, on va pas aller loin… » soupire un autre actionnaire minoritaire, Edmond Lecourt. Qui rappelle au passage que l’ancien directeur général Bernard Lambert a été remplacé par un administrateur délégué et deux directeurs adjoints, Isabelle Simon et Yves de Toytot. « La SBM est une PME, elle n’est pas obligée de faire du social au niveau de la direction… Il n’y a pas de Monégasques en jeu… », plaisante l’actionnaire échaudé. « Il n’y a pas eu de dérapage », conteste Jean-Luc Biamonti, chiffres à l’appui : l’équipe de 12 personnes composant le comité exécutif a même été réduite de 13 à 12 personnes, ce qui permet une baisse du budget afférent de 10 %… En conférence de presse, Jean-Louis Masurel, qui devrait rester administrateur délégué jusqu’à la fin 2012, a même défendu une direction quadricéphale, incluant la secrétaire générale Agnès Puons…

Vendre le Balmoral??
Que faire alors ? Pour l’avenir, la société compte accélérer les investissements pour mettre en valeur son patrimoine immobilier. Les prochains exercices seront encore impactés par la construction de 3 villas près du Sporting d’été, livrables au Grand prix 2014. Projet phare de la décennie, le nouveau Sporting d’hiver, dont les travaux dureront de 2014-2018, sera financé par l’endettement. Coût de l’opération : 300 à 350 millions d’euros. Une réflexion est également en cours pour rebooster l’Hôtel de Paris, avec le projet de construire une cour intérieure. L’ordre de grandeur de cet investissement ? Plus de 150 millions d’euros. Tout cela sur fond de hausse de redevance qui passe de 13 à 15 % avec un impact de 4 millions d’euros. Dans 7 à 8 ans, le taux sera de 17 %.
Devant ce panorama général, Jérémy Gaudichon reste perplexe : « Cette société n’est pas gérée de façon économiquement rationnelle, soupire le fund manager de KBL Richelieu, pour qui il n’y a pas 50 variables d’ajustements. Plutôt que de recourir à l’endettement, elle devrait valoriser son patrimoine immobilier et vendre des actifs pour financer ses investissements. Pourquoi pas le Balmoral, qui vaut bien plus que les 70 millions d’euros investis ? » Une piste à explorer ? A voir. En attendant, la direction de la SBM devra sans doute, après le feu des actionnaires minoritaires, affronter celui des candidats durant la campagne électorale. Mais à chaque jour suffit sa peine…

(1) La SBM est actionnaire de Betclic Everest Group (BEG) à 50 % avec la Financière Lov de Stéphane Courbit.

Mode vestimentaire
La bonne santé financière de la SBM n’est pas le seul point soulevé par les actionnaires. L’un d’eux s’est ému du laisser-aller des tenues vestimentaires des clients. « Le casino va vite ressembler à celui de Palavas-les-Flots », a-t-il plaisanté. « C’est une vraie question qui ne concerne pas uniquement le casino, a admis Jean-Luc Biamonti. On est loin de la période où le personnel refusait l’entrée à Onasis, alors propriétaire de la SBM, car il n’était pas en smoking… » Reste qu’on voit mal comment il serait possible aujourd’hui d’imposer les mêmes règles que dans le passé. « Où mettre la barre et le curseur ? Si le curseur est trop strict, on laisse passer du chiffre d’affaires, et dans le cas contraire, on dégoute la clientèle traditionnelle », constate Biamonti, rappelant que certaines personnes arrivent certes dans la salle Empire en jean et polo mais consomment du Pétrus…
Confiance dans les jeux en ligne
Bonne nouvelle : Betclic est devenu n° 2 européen des jeux en ligne depuis que Bwin et PartyGaming ont fusionné. « Comme Party Gaming et Bwin étaient n° 1 et n° 2, ils ont beaucoup d’avancesur nous. Mais on reste dans la course », a confié le président Biamonti, devant la presse. Avant d’ajouter : « On continue d’y croire, même si l’environnement légal est difficile. En 2012, le budget est tenu avec un résultat d’exploitation positif. On voit le bout du tunnel. »