vendredi 29 mars 2024
AccueilEconomieRelance et redressement à la SBM

Relance et redressement à la SBM

Publié le

Jean-Louis Masurel et Isabelle Simon
Jean-Louis Masurel et Isabelle Simon comptent recevoir l'adhésion du personnel grâce au projet Renaissance. © Photo Monaco Hebdo.

Pas de plan social. C’est un programme « de relance et de redressement » que la direction générale de la Société des bains de mer a annoncé aux élus le 14 février et à son personnel, via une communication interne, le lendemain. Mais cela ne veut pas dire pour autant que cette restructuration passera comme une lettre à la poste auprès des salariés…

Le message est limpide. Après s’être endormie sur ses lauriers, la Société des bains de mer doit « se réveiller ». Ce qui implique pour la direction générale de la SBM, formée par l’administrateur délégué Jean-Louis Masurel et la DG adjointe Isabelle Simon, une transformation en profondeur. Avec deux volets principaux?: un plan de relance et un autre de redressement, programmés sur 3 ans. Et deux objectifs principaux?: mobiliser les troupes pour partir à la conquête d’une clientèle perdue ou à séduire et réduire massivement les coûts de fonctionnement. Isabelle Simon annonce la couleur?: « Si la relance est l’objectif majeur, il ne faut pas croire que cela suffira à redresser la société. Il est nécessaire de stopper la dérive des coûts et de faire des économies durables. » « Pour ce plan de redressement, nous avions le choix entre faire ce que l’on fait normalement dans toute société qui perd une vingtaine de millions d’euros en France ou en Italie, c’est-à-dire une restructuration majeure, aux conséquences sociales lourdes, avec des licenciements collectifs. Ou bien adapter les mesures au milieu ambiant et au rôle de la SBM, qui est le plus gros employeur privé de la Principauté (avec 3?200 employés hors saison dont 600 Monégasques). Nous avons opté pour la deuxième solution en retenant des mesures équilibrées et raisonnables », explique Jean-Louis Masurel. Ce qui signifie qu’il n’y aura donc pas de plan social — le mot est proscrit — et pas de licenciement collectif. Ce qui aurait été d’ailleurs impensable pour la SBM?: société monopole des jeux à Monaco, cette entreprise pas comme les autres doit respecter un cahier des charges. Son rôle social est donc inscrit au travers de conventions collectives et d’accords particuliers sur le territoire monégasque. Et ce même si la SBM est cotée en bourse et que sa situation financière dégradée a alimenté l’an passé les réactions d’actionnaires minoritaires. Le fonds de pension Fidelity aurait ainsi envoyé une lettre pour manifester ses craintes.

Timing
Depuis son annonce fin septembre à la dernière assemblée générale des actionnaires pour début novembre, ce plan de relance avait suscité de nombreuses interrogations et craintes de la part des salariés. Une inquiétude palpable véhiculée par les syndicats et transformée, bien évidemment, en enjeu politique. Dès les débats budgétaires, le conseil national s’était saisi du dossier et avait intimé à la direction de la SBM de présenter un projet au plus vite. Avant la fin janvier. La direction générale défend son timing de communication?: « C’est un plan difficile à mettre en œuvre. Nous sommes arrivés tous les deux début novembre à la tête de la société, il a fallu se plonger dans les comptes et prendre le temps de l’analyse et de la réflexion », indique Isabelle Simon. Et Jean-Louis Masurel d’ajouter?: « C’est quand on ouvre le capot et qu’on plonge les mains dans le cambouis que l’on prend pleinement conscience des problèmes. »
Et dans le cambouis, les nouveaux dirigeant s’y sont plongés. La partie relance du plan de la SBM est sans doute le plus facile à annoncer. D’autant que pour cette réforme en profondeur, la direction a décidé de faire une révolution copernicienne en associant ses collaborateurs. Depuis début janvier, un projet, baptisé « Renaissance », a été lancé pour réfléchir à 7 chantiers (jeux, HBS, clientèle, diversification de l’offre, ressources humaines, finances et best practices, communication et gestion du changement). 70 personnes seraient mobilisées aujourd’hui sur une cinquantaine d’actions à mener. Une mobilisation des métiers transversale (et non verticale), menée entre autres par un consultant extérieur, destinée à associer le personnel. Et donc à convaincre de l’intérieur de la nécessité d’une transformation globale de la société. Un bon point pour la SBM où la communication interne était en panne et où les syndicats pestaient depuis des années de ne pas être écoutés. Pour retrouver la croissance, la direction compte redorer la qualité des prestations des hôtels et casinos, qui subissent de plus en plus la concurrence des grandes chaînes internationale?; reconquérir une clientèle perdue (les Italiens et les Moyen-Orientaux préféreraient le shopping cannois) et draguer les riches ressortissants d’Europe de l’Est, d’Amérique du Sud et d’Asie en adaptant l’offre de services. Cela implique-t-il de recruter des croupiers chinois?? L’idée lancée en conférence de presse par Jean-Luc Biamonti l’an passé semble rester à l’état de private joke. En revanche, il est évident que pour courtiser cette clientèle, la SBM compte renforcer sa qualité d’accueil, ceci passant, entre autres, par des services ciblés et donc par de la formation professionnelle.
Bien évidemment, la SBM ne pourra pas faire l’impasse sur une recherche de nouvelles sources de recettes. Au-delà du projet de futur Sporting d’Hiver, à moyen terme, il s’agit de redynamiser la vieille dame qu’est devenue la Société des bains de mer. « Nous voulons créer de nouveaux événements, attirer des vedettes internationales et augmenter la rentabilité des chambres. Aujourd’hui, en hiver, le taux d’occupation des chambres est de 40 %. L’objectif est de le faire grimper à 60 % », assure Jean-Louis Masurel. « Nous allons mener une véritable guerre des ventes, notamment en proposant des offres spéciales et en vendant la destination Monaco », insiste Isabelle Simon. Ce qui implique de redresser ce qui ne marche pas (Cabaret, Thermes marins) et de repenser entièrement la stratégie commerciale. « En 2010-1011, la progression du chiffre d’affaires de l’hôtellerie était de 16 millions d’euros et le résultat opérationnel après allocation des frais centraux a baissé de 5 millions d’euros. C’est un signal d’alerte très inquiétant », constate l’administrateur délégué. Dans l’immédiat, il s’agit de créer des terrasses fumeurs — où les sommes misées sont 3 à 5 fois plus importantes — au Monte-Carlo Bay et d’étendre celles du Café de Paris.

Réduire les charges
Mais pour la SBM, l’autre priorité est de réduire les coûts. En 2011, les mesures ont déjà démarré (-10 % des frais généraux). Elles devraient se chiffrer à -14 % en juin 2012. La SBM a en effet déjà démarré le « nettoyage » avec le départ de certains postes de direction. Et des mesures de redressement dans l’activité des jeux en ligne?: les effectifs de Betclic ont ainsi baissé de 20 % depuis juillet 2011. Et l’objectif est de retrouver l’équilibre en termes de cash flows pour le deuxième trimestre 2012. « Nous allons repasser au peigne fin toutes les charges », souffle Isabelle Simon. Mais cela ne va pas s’arrêter là. Le gros chantier reste la baisse progressive des charges de personnel. « Elles représentent 54 % du chiffre d’affaires aujourd’hui contre 43 % en 2007-2008. » Comment “dégraisser” sans tailler dans la masse salariale?? « Il n’y aura pas de remplacement des départs à la retraite, sauf exceptions décidées au coup par coup par la direction, souligne Jean-Louis Masurel. De même, nous mènerons une politique active d’incitation au départ en retraite anticipé négociée ». Combien de postes sont concernés?? Motus et bouche cousue. Les dirigeants préfèrent garder le silence même si dans les couloirs de la société, certains pensent que la société compte des effectifs bien trop conséquents — de l’ordre de 10 % — pour la charge de travail. En revanche, le principe des écoles de jeux est maintenu. Même si aujourd’hui la direction est incapable de dire quand sera fixée la prochaine.
Mais la suite du plan pourrait bien faire ruer dans les brancards et attiser les crispations. La direction semble vouloir remettre les salariés au travail. En leur demandant de respecter les règles conventionnelles en termes de durée de travail, les temps de pause, repos hebdomadaires, etc. Ce qui semble dire que ce n’est pas le cas aujourd’hui et que de mauvaises habitudes ont été prises depuis des décennies. L’adaptation des métiers est d’ailleurs clairement indiquée dans le plan de redressement, avec une optimisation des effectifs et de l’encadrement.
Mais ce qui pourrait déplaire fortement, c’est la dernière annonce du plan de redressement?: « L’adhésion forte de tous les partenaires sociaux à l’ensemble des mesures prévues dans le plan à 3 ans est une condition indispensable de la réussite de ce plan. Seule cette réussite permettra d’éviter des mesures plus drastiques en termes de réduction de charges ou d’effectifs, telles que des licenciements économiques », note la direction. Les syndicats, qui n’ont jamais hésité à faire grève, interpréteront-ils cette phrase, qui n’a rien d’anodin, comme une pression voire un chantage?? On sera fixé très rapidement.

Manifestation devant l’Hermitage
Hasard du calendrier, une quarantaine de représentants syndicaux d’Union des Syndicats Monaco (USM), d’Hôtels Cafés Restaurants (HCR) et des Cuisiniers et Pâtissiers se sont réunis le 14 février dernier au square Beaumarchais. L’objectif de ce rassemblement, selon Michel Alaux, délégué syndical et secrétaire général HCR, était de « parvenir à ouvrir le dialogue avec les dirigeants des hôtels ». Depuis que des sanctions ont été prises à l’encontre d’employés et de délégués syndicaux, sanctions considérées comme abusives par le syndicat, aucune réponse n’a fait suite à leur nombreux appels. Se disant prêt « à utiliser tous les moyens légaux pour nous faire entendre », Michel Alaux espère pouvoir être reçu rapidement afin de « discuter et d’échanger dans le but de trouver une issue à tout cela ». Il a par ailleurs assuré que le choix du 14 février n’avait rien à voir avec l’annonce du plan de relance de la SBM qui devait avoir lieu le soir même au Parlement, et le lendemain en interne.//R.C.