vendredi 26 avril 2024
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Olivier Lavagna et Bruno Delaporte : « L’exercice permanent ? Optimiser
le remplissage »

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La saison estivale entraîne toujours des remous dans les eaux de la principauté. L’activité s’intensifie et complexifie la gestion des ports Hercule et Fontvieille. Entretien croisé avec Olivier Lavagna, directeur technique et d’exploitation de la Société d’Exploitation des Ports de Monaco, et Bruno Delaporte, capitaine du port Hercule.

Quel est votre travail au quotidien ?

Olivier Lavagna (OL) : Optimiser le remplissage et la qualité de service offerte aux plaisanciers. Nous avons des clients annuels, les nationaux, qui représentent environ 640 contrats sur les deux ports avec en majorité des bateaux de petite plaisance, jusqu’à 16 mètres. Sur le reste des postes, soit environ 1 000 emplacements, nous essayons de gérer au mieux les clients habituels sur des tailles de bateaux plus importantes. Par ailleurs, l’année se divise en deux grandes périodes. Il y a cinq mois de saison haute, du Grand Prix de Monaco en mai au Monaco Yacht Show en septembre et le reste de l’année, la période d’hivernage. Lors de cette dernière, les bateaux sont en garage avec parfois un passage en chantier naval pour préparer la saison suivante. Pendant la saison haute, le but est d’arriver à jongler entre les séjours prévus de nos clients habituels et les places libérées pour les occasionnels, ceux de passage.

Que représentent les clients occasionnels ?

Bruno Delaporte (BD) : C’est variable selon les saisons. Et puis certains restent pour une nuit quand d’autres viennent plusieurs jours. Pour les grosses unités, nous avons une centaine de places de passage, qui peuvent accueillir des bateaux de 30 à 150 mètres. Sur l’ensemble d’une saison, il doit y avoir 300 ou 400 bateaux de passage environ.

OL : Il faut aussi préciser que nous gérons l’activité croisière, avec soit de l’escale en transit soit une tête de ligne, c’est-à-dire un départ ou une arrivée de croisière.

Y a-t-il de grosses différences entre les ports Hercule et de Fontvieille ?

OL : Nous avons le même genre d’organisation des deux côtés. Les deux ports se gèrent de manière autonome, avec une tête tout de même au port Hercule, même si Fontvieille a sa capitainerie et ses locaux. Pour ce qui est des maîtres de port et des agents portuaires, ils fonctionnent de la même manière en fournissant des services tels que l’aide au branchement, le conseil ou l’aide à la manœuvre. Nous avons aussi des équipes techniques et environnementales qui veillent à la propreté ou à l’entretien du plan d’eau. Cela étant dit, les deux ports sont en soi différents car les tailles de bateaux susceptibles d’entrer à Fontvieille sont inférieures à celles d’Hercule. À Fontvieille, il y a 20 places pour des bateaux supérieurs à 25 mètres, et le maximum est de 30-35 mètres. Au port Hercule, en revanche, nous gérons 86 places supérieurs à 25 mètres. Ce n’est pas la même échelle.

BD : Ce n’est pas tout à fait la même clientèle non plus au niveau des moyens. Ce n’est pas la même plaisance entre un bateau de 12 mètres et un bateau de 50 mètres. Pour nous, ce n’est pas la même façon de travailler. Les plus petits bateaux vont réserver deux jours avant d’arriver, ce sera moins programmé que pour un gros bateau. À Fontvieille, les bateaux sont plus petits, les gens naviguent seuls, et parfois, sans capitaine. Ils appellent le jour pour le soir-même. Les principes de base sont les mêmes, mais le fonctionnement varie en fonction de la clientèle des deux ports.

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Entre Hercule et Fontvieille ce n’est pas tout à fait la même clientèle au niveau des moyens. Les principes de base sont les mêmes, mais le fonctionnement varie en fonction de la clientèle des deux ports.

Comment gérez-vous les demandes ?

OL : Il y a un système de demandes en ligne, imposé à tous les plaisanciers qui voudraient séjourner dans un des deux ports. Ensuite, à nous de voir selon la disponibilité. Cela permet plus de clarté dans la procédure pour solliciter une nuitée dans un des deux ports monégasques.

Quelle est la capacité d’accueil des deux ports ?

OL : Il y a environ 800 places à Hercule et 300 à Fontvieille. Sachant qu’Hercule accueille deux événements phares dans l’année, le Grand Prix et le Monaco Yacht Show, qui nécessitent de faire le vide d’une partie non-négligeable du port. Dans ce cas-là, nous nous servons de la zone dite « de passage » de Fontvieille pour faire basculer une centaine de bateaux d’un port à l’autre et ainsi optimiser l’accueil des deux événements. Nous devons toujours avoir ces éléments en tête pour la gestion annuelle des deux ports.

Admettons que j’aie un bateau de 20 mètres et que je veuille une place à l’année, est-ce possible de l’avoir dès demain ?

OL : Globalement, il y aura un petit délai d’attente, sauf coup de chance ! Cela dépend beaucoup de la longueur et de la largeur du bateau et il y a une priorité aux nationaux.

BD : Il est plus facile de vous trouver une place si vous avez un bateau de petite taille. Il y a plus de rotation dans le port, plus de gens qui achètent et vendent ce type de bateau, et tout cela libère ponctuellement des places.

Il y a beaucoup de monégasques dans les ports de la principauté ?

OL : Il y a 640 contrats annuels, c’est-à-dire 640 nationaux. Il y a des étrangers qui restent à l’année, mais ils ne sont pas en contrat annuel, ils sont sur les places dites « de passage ».

BD : Sur ces places, il y a une tarification au mois. Il y a aussi une possibilité de contrat d’hivernage, en saison basse. Et, à ce moment-là, nous assurons une place du 1er octobre au 1er mai de l’année suivante. Nous faisons une sélection en fonction des places disponibles. D’ailleurs, nous sommes en train de finaliser la liste pour que les clients aient de la visibilité. Il y a de plus en plus de grosses unités, de plus en plus de bateaux de manière générale, et de moins en moins de place dans les ports.

Combien coûte une place ?

OL : Les ports de Monaco ont une tarification dans la moyenne par rapport aux autres ports. Nous sommes mêmes réputés pour être un port « pas cher ». Tous les tarifs sont en ligne (1).

Quels sont les effectifs des ports de Monaco ?

OL : La Société d’Exploitation des Ports de Monaco (SEPM) compte 43 salariés, dont 18 agents portuaires, avec des renforts en saison haute. Les ports sont ouverts de 7h à 21h30, ce qui couvre deux postes de travail.

Vos ports sont écolo ?

OL : Depuis 2011, nous avons le label « port propre ». Il implique une bonne gestion des ordures mais aussi une politique forte d’électrification au niveau des branchements des bateaux. Cela veut dire qu’il y a une mise en place de bornes électriques auxquelles les bateaux se branchent pour ne pas tourner sur des groupes électrogènes, sources de pollution. La SEPM a aussi été certifiée ISO Environnement et Qualité l’année dernière. Nous sommes modernes et vivons avec notre temps. Nous avons des exigences de conformité et d’image vis-à-vis de la clientèle.

Quelle est la plus grosse difficulté dans la gestion des deux ports ?

OL : L’exercice permanent, c’est d’optimiser le remplissage. C’est une problématique que tous les ports rencontrent, mais elle se pose particulièrement à Monaco. Notre clientèle prend souvent des décisions au dernier moment, en partant du jour au lendemain en croisière ou en rentrant un peu plus tôt de voyage. Là, il faut s’adapter. Nous essayons d’obtenir les informations en amont mais elles ne sont pas toujours d’une grande fiabilité. Nous essayons de donner le plus de satisfaction à notre clientèle, en essayant de nous adapter au quotidien.

De quoi auriez-vous besoin pour fonctionner de manière optimale ?

BD : D’une boule de cristal ! La plateforme que nous avons mise en ligne est censée donner de la lisibilité, pour nous et pour le client, et nous permettre une meilleure gestion. Cela dit, il y a toujours une part d’aléatoire, car ça peut bouger à tout moment. Cela a tout de même augmenté la qualité du travail. C’était difficile au début, car cela demandait un changement de mentalité des capitaines et des clients. Il a fallu prendre l’habitude de faire des demandes écrites, de préciser les dates, ce qui n’est pas toujours évident. Cela dit, c’est bénéfique de leur côté aussi, car quand nous leur répondons qu’ils ont une place, celle-ci est figée.

Est-il possible de lancer des projets d’extension dans les ports monégasques ?

OL : Nous faisons des travaux de modification, d’ajustement de pontons. L’année dernière, par exemple, nous avons déplacé un ponton de 50 mètres dans la zone dite du quai des États-Unis du port Hercule pour créer un petit port dans le port. Mais il n’y a pas de réel projet d’extension. Car, techniquement, cela devient compliqué. C’est un atout d’avoir des ports en eau profonde, mais en même temps, c’est une contrainte pour agrandir. Pour rappel, le bout de la digue est à 80 mètres de fond.

La construction du port de Cala del Forte, acheté à Vintimille, devrait être terminé en 2020 : qu’est-ce que cela va changer pour les ports monégasques ?

OL : Il y aura des échanges supplémentaires. Nous les contacterons lorsque nous aurons une demande que l’on ne peut pas satisfaire et, si le client est d’accord, il sera redirigé vers Vintimille. L’idée sera de bien faire comprendre que Cala del Forte est un port de Monaco. Ensuite au niveau des services, il faudra s’assurer que la liaison soit rapide entre Vintimille et la principauté, par le biais de navettes.

Un dernier mot ?

OL : Dans l’image que les gens gardent de Monaco, il y a toujours le port. C’est pour nous une exigence de coller à cette image de qualité et de cadre exceptionnel que Monaco véhicule. Des photos de touristes sans le port, il ne doit pas y en avoir beaucoup !

BD : Nous avons la chance d’avoir un port en plein cœur de la ville. C’est le centre de la ville finalement. Une grosse partie de l’animation se fait autour du port. Nous travaillons toujours dans le souci du meilleur accueil. Chez nous, tout le monde est accueilli de la même façon, que le client ait un bateau de 10 mètres ou de 100 mètres.

1) Au port Hercule, selon la taille du bateau et la saison basse ou haute, les tarifs vont de 303,60 euros à 32 896,80 euros par mois. Au port de Fontvielle, selon la taille du bateau et la saison basse ou haute, les tarifs vont de 484,80 euros à 8 130 euros par mois.