jeudi 25 avril 2024
AccueilEconomiePlans sociaux dans l’hôtellerie : pouvaient-ils être évités ?

Plans sociaux dans l’hôtellerie :
pouvaient-ils être évités ?

Publié le

Après la Société des bains de mer (SBM) et l’hôtel Fairmont, voilà que le Novotel Monte-Carlo annonce à son tour un plan social, alors que d’autres pourraient suivre, selon l’Union des syndicats de Monaco (USM).

Les effets de la crise sanitaire sont toujours pointés du doigt par la direction des établissements hôteliers, mais ce n’est pas toujours aussi simple.

Les temps sont mauvais, ce n’est pas un secret. Depuis que la crise sanitaire liée au Covid-19 a éclaté, les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration ne sont pas au beau fixe, et Monaco ne déroge pas à la règle. L’hôtel Fairmont a récemment conclu un plan de réduction d’effectifs, avec 53 postes supprimés, dont 47 départs volontaires et six forcés. En cause, selon la direction, la baisse d’activité drastique liée aux restrictions sanitaires. La Société des bains de mer (SBM) a également décidé en octobre 2020, avant le Fairmont, de se séparer de 231 postes, dont 227 départs volontaires, pour quatre licenciements forcés. Du jamais vu en principauté. Parmi ces départs, 43 % concernent le secteur de l’hôtellerie. Pourtant, Jean-Luc Biamonti, le président-délégué de la SBM, n’a pas pointé la pandémie de Covid-19 comme seule responsable des dysfonctionnements de son entreprise. La crise sanitaire n’aurait fait qu’amplifier, selon les dirigeants, les problématiques déjà existantes, liées notamment à un niveau de charge salariale déconnecté du niveau de chiffre d’affaires généré. Pandémie ou pas, le plan de réorganisation semblait, dans cette logique, quasiment inévitable. Mais voilà que l’hôtel Novotel Monte-Carlo annonce à son tour un plan de restructuration, légitimée par la baisse d’activité liée à la crise sanitaire, comme pour l’hôtel Fairmont. Guillaume Rapin, son directeur général, explique avoir en effet subi une perte de 3,8 millions d’euros pour l’exercice de 2020, et ce malgré des injections de trésoreries assurées par le groupe Accor. Ce groupe, qui possède cet établissement, mais aussi le Fairmont, par l’intermédiaire de sa filiale AccorInvest, a lui même subi une perte nette d’environ 2 milliards d’euros en 2020, avec une baisse d’activité de 60 %, en moyenne, sur l’ensemble de ses hôtels, dont Ibis, Sofitel, Mercure et Pullman.

© Photo Monaco Hebdo.

« Nous en sommes là car la situation du tourisme s’est empirée, nos effectifs étaient spécialement dimensionnés pour l’hôtel avant l’arrivée du Covid-19 » Guillaume Rapin. Directeur général du Novotel Monte-Carlo

Manque de perspectives

Pour Guillaume Rapin, la pandémie de Covid-19 est bien la principale responsable de ce plan social : « Au-delà du chômage total temporaire renforcé, nous n’observons pas de signes de reprise, explique-t-il. Nous sommes spécialisés dans le tourisme d’affaires, mais cette part de clientèle est inexistante, en ce moment. Nous n’espérons un réel retour à la normale qu’à partir de l’année 2024, voire 2023, dans le meilleur des cas. » À travers ce plan social, treize emplois sont donc visés chez Novotel Monte-Carlo : « Nous en sommes là car la situation du tourisme s’est empirée, nos effectifs étaient spécialement dimensionnés pour l’hôtel avant l’arrivée du Covid-19, précise Guillaume Rapin. Notre objectif est d’éviter tout départ contraint. Nous voulons privilégier les reclassements, en ayant recours aux départs volontaires et à la poly-compétence, afin de pérenniser les emplois à l’année. » Il ne s’agit donc pas, pour le directeur-général, de « profiter » de cette succession de plans de restructurations dans le secteur de l’hôtellerie, à Monaco, pour revoir ses effectifs à la baisse, mais bien de s’adapter, selon lui, à la crise en cours. À noter que l’essentiel des salariés est jeune au Novotel Monte-Carlo, assure le directeur-général, et peu s’approchent de l’âge de la retraite. Pour le moment [Monaco Hebdo bouclait ce numéro le 23 mars 2021 — NDLR], les négociations sont en cours entre la direction de l’hôtel et les représentants du personnel. Reste une question, cependant : comment fonctionneront demain ces hôtels, amputés d’une partie de leurs effectifs, lorsque l’activité reprendra de plus belle à Monaco ? La problématique inquiète particulièrement l’Union des syndicats de Monaco (USM), notamment en termes de conditions de travail.

Jean-Luc Biamonti, le président-délégué de la SBM, n’a pas pointé la pandémie de Covid-19 comme seule responsable des dysfonctionnements de son entreprise. © Photo SBM.

Parmi ces départs, 43 % concernent le secteur de l’hôtellerie. […] La crise sanitaire n’aurait fait qu’amplifier, selon les dirigeants de la SBM, les problématiques déjà existantes, liées notamment à un niveau de charge salariale déconnecté du niveau de chiffre d’affaires généré

« L’objectif est d’arriver à zéro licenciement, mais la polyvalence demandée aux salariés en contrepartie est inquiétante. » Olivier Cardot. Secrétaire général adjoint de l’USM. © Photo USM

Reconnaître la pénibilité au travail ?

S’il est plutôt admis par l’USM que des mouvements de restructuration aient lieu aujourd’hui, Olivier Cardot, son secrétaire général adjoint, prévient tout de même : « L’objectif est d’arriver à zéro licenciement, mais la polyvalence demandée aux salariés en contrepartie est inquiétante, il ne faut pas que ces efforts ponctuels s’appliquent à longueur d’années. » L’USM entend donc anticiper le problème en ouvrant le débat avec les établissements hôteliers, et le gouvernement princier, pour reconnaître la pénibilité au travail, comme c’est le cas en droit français : « Demain, avec ces effectifs réduits, ce sera un enfer si un salarié tombe malade. D’autant qu’il faudra prendre le temps de former tous les emplois précaires qui viendront en renfort, s’inquiète Olivier Cardot. Pour certains salariés, comme les femmes de chambre, c’est déjà très dur aujourd’hui. Il y a des gestes répétitifs, qui nuisent à la santé. Nous réfléchissons donc à l’instauration d’un compte-épargne temps, et à la mise en place de procédures de départ anticipé. » Surtout que, selon le secrétaire général adjoint de l’USM, d’autres plans sociaux sont à prévoir. Ce pourrait déjà être le cas, d’après le syndicat, à l’hôtel Le Méridien Beach Plaza. Contactée par Monaco Hebdo, la direction de cet établissement n’a pas démenti cette information, sans toutefois souhaiter communiquer. D’autres mouvements de restructuration pourraient également avoir eu lieu « hors-radar », selon Olivier Cardot : « Près de 90 % des entreprises de Monaco ont moins de dix salariés : elles ne sont donc pas tenues d’avoir des représentants syndicaux. Il est possible que des plans sociaux aient été conclus sans annonces, à travers des démissions et des licenciements sans motifs. »

Pour lire notre interview du secrétaire général du syndicat monégasque des cadres et employés de jeux de la SBM, Mikaël Palmaro, et du secrétaire général des cadres et employés du Sun Casino, Thierry Petit, cliquez ici.