jeudi 28 mars 2024
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SBM : plan social validé, l’avenir toujours aussi incertain

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Dans une interview accordée à Monaco-Matin, le président-délégué de la Société des bains de mer, Jean-Luc Biamonti, a annoncé être parvenu à trouver un accord avec les syndicats.

Un accord qui prévoit 227 départs volontaires et 4 licenciements forcés. Reste maintenant à tenter de redresser la barre, alors que la crise sanitaire continue de faire peser une lourde incertitude sur les comptes de cette entreprise.

Finalement, il aura fallu environ 5 mois à la direction de la Société des bains de mer (SBM) et aux syndicats pour se mettre d’accord. L’enjeu était de taille, puisqu’il s’agissait de négocier un plan social de dimension historique pour cette entreprise créée en 1863 par François Blanc (1806-1877). Tout n’aura pas été simple, puisque cette réduction des effectifs aura provoqué une série de mouvements de grèves pendant l’hiver. Mais finalement, la direction de la SBM aura tenu son objectif, à savoir aboutir à un accord d’ici le 31 mars 2021, une date qui correspond à la fin de l’exercice 2020-2021. Officiellement débuté le 2 octobre 2020, la fin de ce plan social a été validée lors d’un conseil d’administration de cette entreprise qui s’est déroulé le 4 mars 2021.

« Tactique »

On se souvient que l’objectif affiché avec ce plan social était d’atteindre une économie annuelle de 25 millions d’euros, en misant sur des départs volontaires pour les salariés âgés de 57 ans et plus, mais aussi sur 161 licenciements contraints, tout en renégociant un certain nombre de conventions collectives. Finalement, le nombre de départs à la retraite volontaire est beaucoup plus élevé que prévu, puisque 227 salariés auraient décidé de quitter l’entreprise. Du coup, le nombre de départs forcés se limite à 4 salariés. Sur ces 227 départs, « environ » 43 % concernent l’hôtellerie, 29 % le secteur des jeux et 28 % sont des salariés du siège et de la direction artistique. Si certains licenciements se sont déjà traduits par des départs, d’autres auront lieu « dans quelques jours » ou « quelques semaines », a indiqué Biamonti, sans plus de précisions. Concernant les 4 licenciements forcés, « je crois que l’on s’approche d’un chiffre incompressible, a expliqué le président-délégué de la SBM Jean-Luc Biamonti à Monaco-Matin. Ce sont soit des salariés dont le poste est supprimé, soit des salariés que l’on serait prêt à inclure dans d’autres postes, mais qui ont refusé toutes nos propositions ». Pour éviter de trop se « chamailler » a ajouté Jean-Luc Biamonti, au vu du nombre de départs atteint et de l’effort assumé par les salariés avec le chômage total temporaire renforcé (CTTR), la direction a décidé de ne pas toucher aux conventions collectives. Un geste qui a été apprécié. Il faut rappeler que l’ambiance était explosive encore récemment entre syndicats et direction. Dans un communiqué publié le 16 février 2021, les syndicats des casinos avaient exprimé leur colère. À l’origine de ce mouvement d’humeur, l’argent touché par le comité exécutif de la SBM. En effet, selon eux, le comité exécutif leur avait indiqué que le « paiement de bonus [sera] décalé de quelques mois, mais tout de même versé de manière ironique le mois de l’annonce du plan social ». Et que ce même comité exécutif acceptait de renoncer à son « bonus quantitatif, mais pas au bonus qualitatif, pour l’exercice en cours. Alors qu’au vu de la situation actuelle, il s’agira sûrement de l’un des pires exercices de la SBM. » Face à ce constat, Jean-Luc Biamonti en a opposé un autre. Estimant qu’il s’agissait d’une « tactique » de la part des syndicats, le président-délégué de la SBM a assuré que les membres du comité exécutif verraient bien leurs rémunérations « réduire drastiquement » cette année, car « le bonus est basé sur les résultats, et des résultats, cette année, il n’y en a pas. Les mathématiques ne se trompent jamais ! ».

Réflexion

En revanche, et c’est sans doute une déception pour les dirigeants, la SBM n’atteindra pas 25 millions d’économies par an, mais seulement 18,5 millions. « J’aurais préféré faire l’objectif, mais nous ne voulions pas créer de drames sociaux, a assuré Jean-Luc Biamonti à Monaco-Matin. On a trouvé un équilibre favorable et bénéfique pour la société. Par contre, le coût de ces départs à la retraite représente dans notre comptabilité cette année près de 25 millions d’euros immédiats à sortir. » Reste désormais à savoir comment absorber les 6,5 millions d’économies manquants. Sans répondre à cette question, Jean-Luc Biamonti a souligné que ce n’est pas la crise sanitaire liée au Covid-19 qui a provoqué ce plan social. Ce sont bien des problèmes antérieurs à cette pandémie qui expliquent ces licenciements, le Covid-19 n’étant finalement qu’un révélateur : « Nous sommes arrivés dans cette crise un peu faibles, surchargés de coûts, avec un peu trop de monde partout. Cette crise a fait prendre conscience qu’on ne pouvait pas continuer comme ça, a souligné Jean-Luc Biamonti. Il fallait s’alléger, réorganiser un certain nombre de services au siège, réduire un peu le personnel aux jeux et aux hôtels. On peut toujours faire mieux, mais nous sommes allés dans la bonne direction. » Du côté des réactions, c’est la satisfaction qui prédomine. Les représentants des syndicats des jeux ont apprécié la quasi-absence de licenciements forcés, et que les conventions collectives soient épargnées de toute révision (1). « Nous avons fait les efforts nécessaires pour retrouver la paix sociale, en ayant l’écoute du gouvernement et l’aide du Conseil national », ont indiqué ces syndicats à Monaco-Matin. Ce qui n’empêche pas quelques regrets, toujours concernant l’engagement déployé par la direction pendant cette crise sanitaire : « Le seul bémol, c’est que les seuls à avoir fait des efforts, ce sont les employés. Certes les membres du comité exécutif ne toucheront pas de prime qualitative du fait des mauvais résultats, comme tout le monde. Mais qu’en est-il de leur prime quantitative ? Nous regrettons qu’ils n’aient fait aucun effort. » Les représentants des syndicats des jeux ont aussi évoqué la volonté de mener une réflexion autour d’une problématique : le désintérêt croissant des jeunes Monégasques pour les métiers liés au casino. Ils cherchent donc à comprendre ce phénomène, afin de tenter d’inverser cette tendance.

Visibilité

Pour sa part, le gouvernement monégasque s’est montré lui aussi satisfait de l’issue trouvée dans ce dossier délicat, sans perdre l’occasion de souligner dans les colonnes de Monaco-Matin que, désormais, la SBM sera « mieux à même de relever les défis importants qui continueront à se présenter à elle dans les prochains mois, notamment au vu des incertitudes liées à la situation sanitaire et à une reprise économique mondiale qui s’annonce fragile dans les principaux secteurs d’activité de l’entreprise ». Enfin, le Conseil national s’est exprimé le 5 mars 2021 par le biais d’un communiqué de presse dans lequel les élus se sont « félicités » à leur tour de la « réussite » de la négociation entre les dirigeants de la SBM et les syndicats : « Il s’agit d’une réussite collective, qui implique aussi bien le président Biamonti et les responsables des syndicats de salariés, qu’à leur place, le gouvernement et le Conseil national. » Les élus ont aussi mis en avant leur rôle de « médiateur », rappelant qu’ils avaient reçu « à de nombreuses reprises » les représentants des 18 syndicats des salariés de la SBM, et que le président Valeri s’était « régulièrement » entretenu avec Jean-Luc Biamonti : « Le Conseil national avait alors rappelé sa demande que les Monégasques soient épargnés par le plan de suppressions de postes, et que pour tous les salariés, les départs contraints soient le plus limités possible, par rapport aux départs volontaires. C’est acté désormais. » Les conseillers nationaux ont aussi été soulagés de voir que les conventions collectives ne seraient pas impactées, permettant ainsi à la SBM de continuer à assumer son rôle social, « qui consiste notamment à fournir des emplois de qualité à de nombreux Monégasques ». Le président du Conseil national, Stéphane Valeri, a réitéré ses propos tenus lors du budget primitif 2021, estimant que « l’assemblée devait se placer aussi bien aux côtés des dirigeants, qui ont des décisions indispensables et difficiles à prendre pour assurer l’avenir de l’entreprise, qu’aux côtés des salariés, à qui on a demandé de faire des efforts importants. Rien n’aurait été pire que de se résoudre à une lutte des uns contre les autres. Il fallait tout faire pour éviter un grave conflit social qui aurait été préjudiciable pour Monaco, pour la SBM et pour l’ensemble de ses salariés. » Désormais, il faut regarder devant. « Il faut que dirigeants et salariés soient pleinement mobilisés pour réussir cette relance, et consacrent toute leur énergie à la poursuite de cet objectif commun », réclament les élus. Mais, privée de visibilité, la SBM n’a aucune certitude. Les Masters de Monte-Carlo se dérouleront en avril 2021 à huis clos, et personne ne sait dans quelle configuration pourront se dérouler les trois Grands Prix espérés cette année. Prévu fin avril 2021, le Grand Prix historique devrait constituer un premier test. Sur le plan comptable, si l’exercice 2020-2021 devrait être, sans surprise, l’un des pires qu’a connu la SBM, l’exercice 2021-2022 sera largement conditionné par les chiffres que réalisera l’entreprise entre avril et septembre 2021. Sinon, l’année 2021 sera à son tour condamnée.

1) Contactés par Monaco Hebdo, les syndicats de la SBM n’ont pas répondu à nos questions avant le bouclage de ce magazine, le 9 mars 2021.