jeudi 25 avril 2024
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Prince Albert II : « Livrer l’hôpital en 2026 »

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Le 13 avril, le prince Albert a annoncé le choix du groupement lauréat pour la réalisation du nouvel hôpital. Le conseiller pour les Affaires sociales et la Santé détaille ce choix dans nos colonnes. Avant d’annoncer la conclusion d’un accord avec la France sur le télétravail et le prochain chantier législatif à l’automne : la modernisation du droit social et donc de la fameuse loi sur le contrat de travail. Interview relue et amendée.

NOUVEL HOPITAL
Monaco Hebdo : C’est le groupement « AECOM Limited  - Natacha Morin Innocenti – Architecte international AIA  - AIA Ingénierie et Tractebel Engineering SA » qui a été choisi pour réaliser le futur CHPG avec une hypothèse de construction étalée sur toute la superficie. Pourquoi ?
Stéphane Valeri : C’était un concours très intéressant, car les trois groupements ont proposé des options très différentes. Le choix du groupement retenu est d’utiliser la totalité de la surface potentiellement disponible. C’était le meilleur parti-pris car il garantit la meilleure fonctionnalité de l’hôpital. Par exemple, en s’étendant sur l’ensemble du terrain, il permet ainsi que les 20 blocs opératoires soient situés sur un même niveau. Cet étalement permet aussi d’être moins compact. Esthétiquement, c’est l’hôpital le plus aéré, le moins élevé en étages et celui qui offre le plus de chambres avec vue sur la mer. Pour un hôpital, qui, je le rappelle, abritera 394 lits, en plus des 44 lits de psychiatrie qui demeureront dans l’actuel Pavillon Louis II. Ce projet prend aussi le parti d’utiliser la surface de l’avenue Pasteur, qui passera donc sous le bâtiment. Autre caractère déterminant ayant motivé notre choix : c’est le projet qui présentait un système de management environnemental efficace et qui offrait une livraison anticipée de près de la moitié des places de parking, soit 290, dès 2017.

M.H. : Ce choix a-t-il été unanime ?
S.V. : Le prince, qui a pris la décision définitive, s’est appuyé sur les analyses et les avis convergents des départements de l’Equipement et des Affaires sociales, ainsi que de la direction de l’hôpital.

M.H. : Sur le calendrier, on évoquait des études de conception lancées à l’été 2013 et un chantier étalé de la fin 2015 à 2025. L’objectif étant que 75 % de l’hôpital soit livré dès 2021. Est-ce toujours ce timing qui prévaut ?
S.V. : La construction dépend désormais du Département de l’Equipement qui, mieux que moi, pourrait répondre à cette question. Je peux néanmoins vous dire que vu la complexité d’un tel chantier, qui doit prendre en compte des flux considérables, et la difficulté du terrain, avec un dénivelé de 20 mètres et une rue à dévoyer, il faut être extrêmement prudent sur les annonces de délais, à quelques mois près. Aujourd’hui, les objectifs fixés sont de livrer l’hôpital en 2026, avec une première tranche dès 2022. Mais je vous rappelle qu’il n’y aura aucune interruption du service hospitalier dans l’intervalle.

M.H. : Le projet Vasconi de nouvel hôpital avait été stoppé en raison de son coût exorbitant de 750 millions d’euros. En juin 2011, le nouveau projet était estimé à 550 millions d’euros. « A quelques millions près, le budget sera respecté », avait garanti le ministre d’Etat, Michel Roger. Pourtant, on passe à 652 millions d’euros valeur janvier 2013, selon l’étude de faisabilité… Pourquoi les estimations du gouvernement ont-elles été revues à la hausse ?
S.V. : Soyons précis. Lors du triennal 2011-2014, l’hôpital était estimé à 562 millions d’euros, valeur 2011. Chaque année, il y a une évolution de ce coût en fonction de l’indice de la construction (très largement supérieur à l’indice de l’inflation). Entre 2011 et 2013, l’évolution du coût de la construction (de 4 à 5 points par an) fait mécaniquement passer le prix de 562 millions à 606 millions d’euros. Par ailleurs, nous avons ajouté 37 millions d’euros pour les 28 chambres d’IM2S. Il est plus rationnel et logique, en effet, de rassembler l’orthopédie sur un même site et cela nous permet de récupérer le bâtiment actuel de l’IM2S, estimé à plus de 100 millions d’euros, en 2022. Le dépassement réel, n’est en fait que de 9 millions d’euros. Il est imputable d’une part à l’ajout d’une galerie de liaison entre le futur Hôpital et le Centre gérontologique Rainier III. Cette galerie ne pouvait pas être évaluée, tant que le site définitif n’avait pas été arrêté. D’autre part, à la création de chambres VIP. Il y a en effet une volonté de développer une filière VIP, qui sera rentable, au sein du nouvel hôpital. Dans tous les services, il y aura une chambre VIP. L’hôpital disposera également d’une « unité de bilan », avec plusieurs suites de grande qualité.

M.H. : Cela reste cher ?
S.V. : Rappelons que ce coût est inférieur d’environ un tiers comparé au précédent projet Vasconi-Iosis, qui, si on le réactualise avec l’évolution du coût de la construction et les différents changements de programme, serait aujourd’hui de l’ordre du milliard d’euros !
Ce nouvel hôpital, redimensionné au bassin de patientèle de proximité, est vital pour maintenir, dans le futur, la qualité des soins aux patients. A ce titre, l’établissement bénéficiera de chambres exclusivement individuelles et d’un plateau technique ultra-moderne. Il reste pour autant conforme aux nécessités de gestion budgétaire de l’Etat. La direction de l’hôpital a conduit une étude démontrant que cet établissement adapté à la T2A, représentera 30 millions par an d’économies de fonctionnement par rapport au précédent projet.

RETRAITE
M.H. : Vous avez négocié avec les syndicats la réforme de retraite hospitalière. Quelles en sont les grandes lignes ?
S.V. : C’est un sujet qui était à l’étude depuis de nombreuses années, comme d’ailleurs la réforme du régime de retraite des salariés (CAR). Ce gouvernement, sous la haute autorité du prince, aura eu le mérite de trancher et de réformer. Les agents hospitaliers étaient les seuls à Monaco à subir les évolutions des lois françaises en matière de retraite, et de plus, à ne pas bénéficier d’une retraite complémentaire. Avec la loi Fillon, ils ont été impactés par une décote des pensions. En clair, ils devaient accumuler toujours plus de trimestres travaillés pour toucher la même retraite. Le gouvernement s’est donc engagé à réformer le système.
Ainsi, nous avons demandé à M. Maurice Pilot, ancien directeur des Caisses Sociales et administrateur de l’Hôpital, un rapport sur cette question et des propositions d’aides à la décision, qui nous ont été remis en octobre 2011. A la suite de ce rapport, nous avons confié une mission au cabinet d’actuaires SPAC, pour évaluer le coût et l’impact des mesures préconisées, qui nous a communiqué ses résultats en juillet 2012.

M.H. : Et donc ?
S.V. : A l’issue de nombreuses réunions et d’une large concertation menée, depuis, avec les organisations représentant le personnel, le gouvernement a ainsi arrêté des décisions, présentées le mois dernier aux syndicats et qui viennent d’être expliquées par courrier individuel à chaque agent.
Il s’agit d’une réforme unique en Europe, car elle accorde plus de droits aux personnels hospitaliers. En effet, actuellement, toutes les réformes demandent plus d’efforts aux salariés, en combinant l’allongement de la durée de travail, l’augmentation des cotisations et la diminution du pouvoir d’achat des retraités. Là encore, la Principauté fait figure d’exception en pérennisant de manière responsable l’exemplarité de son modèle social.

M.H. : Comment ?
S.V. : Nous supprimons, avec effet rétroactif au 1er janvier 2013, la décote et mettons définitivement à l’abri les salariés des évolutions françaises. Nous avons en effet décidé de geler à 163 le nombre de trimestres nécessaires pour l’obtention d’une retraite à taux plein. Nous maintenons aussi la possibilité de départ à la retraite à l’âge actuel de 55 ans pour la catégorie active et 60 ans pour la catégorie sédentaire. Enfin, à compter du 1er juillet 2013, nous créons un régime de retraite complémentaire, qui sera financé à parts égales par l’employeur et les salariés et qui apportera, à terme, une majoration de 20 % de la pension de base. Comme la loi Fillon s’applique depuis 2005, avec les conséquences négatives que cela implique, nous avons prévu une rétroactivité de la part patronale à partir du 1er janvier 2005. Ces mesures justes et attendues, auront un coût progressif pour le CHPG, estimé pour 2014 à 600 000 euros et à 2 millions d’euros par an, dans une vingtaine d’années.

M.H. : Sur les retraites, toujours. Six mois après l’adoption de la réforme des retraites du privé, avez-vous un premier bilan ?
S.V. : Parlons vrai. On ne pourra juger du bien-fondé de la réforme de la CAR au vu de l’évolution du régime des retraites, que sur un horizon de 20 ans. Mais je peux vous dire que dès l’exercice 2013-2014, le budget prévisionnel de la Caisse autonome des retraites (CAR) prévoit un excédent de l’activité principale, grâce à la majoration des cotisations. Les derniers chiffres donnent raison au gouvernement d’avoir réformé le système. Contrairement à ceux qui affirmaient que le régime allait se redresser naturellement, le déficit de l’activité principale du régime continue à se creuser pour la 4ème année consécutive sur l’exercice 2012-2013. Nous sommes passés de 12,2 millions de déficit pour l’exercice 2011-2012 à 14,3 millions pour 2012-2013. Pire, le troisième seuil d’alerte est presque atteint : les avoirs du fonds de réserve se rapprochent du jour où ils seront inférieurs à 60 mois de prestations. Ils sont à 69 mois. Par contre, la gestion financière du fonds de réserve a connu une bonne reprise, avec 14 millions de résultats, presque le double de l’exercice précédent.

M.H. : Cette réforme avait été calculée en fonction d’un taux de croissance optimiste de 2,5 % du nombre de salariés, se basant sur un développement du télétravail. Un accord sera-t-il entériné en 2013 avec la France ?
S.V. : Je tiens d’abord à préciser que le résultat de l’année écoulée confirme nos estimations, avec 2,4 % d’augmentation des heures travaillées. Et je vais vous annoncer un scoop : nous avons trouvé un accord avec la France sur le télétravail. Le prince a tranché, et j’ai adressé un courrier en début de semaine à la partie française, pour lui signifier notre accord. Un accord qui va nous permettre de créer plusieurs milliers d’emplois dans les prochaines années, sans mettre plus de salariés tous les jours sur les routes, ce qui n’est pas négligeable. Il permettra surtout à nos entreprises de se développer, en utilisant moins de surfaces de bureaux, ce qui est essentiel vu le coût du m2 à Monaco et l’étroitesse de notre territoire. L’accord porte sur une présence exigée d’un tiers du temps au bureau. Sur un poste de travail dans les locaux de l’entreprise, il pourra donc y avoir 3 salariés, ce qui diminuera les charges locatives. C’est un accord gagnant-gagnant : Pour Monaco, il permettra le développement du chiffre d’affaires de nos entreprises, donc de la TVA monégasque, ainsi que de nouvelles recettes pour nos organismes sociaux, sans parler de tous les avantages liés (réponse à l’exiguïté du territoire, moins de circulation, qualité de vie des salariés etc). Pour la France, c’est une opportunité d’emploi pour des milliers de résidents des Alpes-Maritimes.

M.H. : Quels sont les termes de l’accord ?
S.V. : Normalement, il faut affilier le télétravailleur au régime du pays où il habite. Les télétravailleurs résidant en France, devraient donc en principe dépendre des régimes sociaux français. Ce qui n’était pas acceptable pour nos entreprises, qui ne veulent pas se développer avec des charges françaises, mais monégasques. L’accord qui a été trouvé permet aux télétravailleurs d’être affiliés aux régimes monégasques. Ils passeront, je le répète, au minimum un tiers de leur temps de travail dans l’entreprise, car nous ne voulons pas de « boîtes aux lettres ». Monaco et la France partageront la charge des frais de maladie des retraités, uniquement pour ceux qui auront été durant 15 ans minimum, télétravailleurs en Principauté. A terme, après cette période de 15 ans, donc à partir de 2028, sur la base de 20 % de télétravailleurs par rapport à la totalité du nombre de salariés, la charge annuelle représenterait environ 6 millions d’euros pour les caisses sociales. Soit 0,6 point de cotisation pour les entreprises (ce qui, au passage, correspond précisément à la baisse des cotisations des employeurs à la CCSS enregistrée entre 2011 et 2013, passées de 15 % à 14,4 %).

M.H. : Quand la loi sur le télétravail sera-t-elle votée ?
S.V. : Une fois l’accord entériné par les deux pays, l’objectif est de déposer un projet de loi sur le bureau du Conseil national avant la fin de l’année. Le texte est prêt.

M.H. : Comptez-vous réformer aussi le régime des travailleurs indépendants (CARTI) ?
S.V. : Grâce, notamment, à la forte croissance du nombre de travailleurs indépendants (+4,5 % durant le dernier exercice), les régimes assurance maladie et retraite sont excédentaires. Pas besoin de les réformer.

M.H. : Alors que la plupart des régimes de Sécurité Sociale sont en crise en Europe, qu’en est-il à Monaco ?
S.V. : Nous avons un régime maladie pour les salariés excédentaire sur le dernier exercice. Les gens ne sont pas « moins malades » à Monaco, mais il y a une bonne maîtrise des dépenses dans un contexte d’augmentation des recettes grâce à la bonne santé de l’économie (+5 % de croissance des salaires taxés). La nature même du régime, qui repose sur un taux de compensation de la cotisation patronale, permet de combler les déficits le cas échéant. Nous augmentons la cotisation patronale pour remettre le régime à l’équilibre. Malgré une baisse de la cotisation patronale, sur l’exercice 2011-2012, pour la CCSS, nous avions un excédent de 13 millions d’euros, grâce notamment à un bon contrôle médical qui permet d’éviter les fraudes. Donc il n’y a pas non plus de réforme à envisager.

SBM
M.H. : Le plan Renaissance ne prévoit, pour réduire le coût des charges salariales, que des départs à la retraite anticipé. Y a-t-il un changement de stratégie de la part de la SBM ?
S.V. : A ma connaissance, il n’y a pas de changement de stratégie, mais, comme l’a souligné le prince, des mesures supplémentaires compléteront ce plan. L’objectif du gouvernement est qu’il n’y ait pas de licenciement sec dans le cadre du plan Renaissance. Je tiens à rappeler que le rôle du gouvernement princier, représentant de l’actionnaire majoritaire, à savoir l’Etat, est de défendre des orientations stratégiques. Le président Biamonti, président-délégué, a les pleins pouvoirs et avec son équipe, a toute latitude pour mettre en place la stratégie qui a été fixée.

M.H. : On a évité de peu une grève au week-end pascal au Sun casino. Des mouvements sociaux sont-ils à craindre pour le Grand Prix ?
S.V. : Je ne suis pas informé de menace de grève à ce jour pour le Grand Prix, celle qui avait plané sur le week-end de Pâques n’a pas été mise à exécution. Nous sommes très clairs. Il n’y a pas d’ingérence de la part du gouvernement. Aujourd’hui, les éventuels problèmes avec des syndicats ou des représentants de l’entreprise sont traités directement par les instances dirigeantes de la société.

M.H. : Que va-t-il se passer pour les 300 ou 400 salariés de l’Hôtel de Paris pendant la rénovation de l’établissement qui durera 4 ans ?
S.V. : La rénovation de cet établissement est indispensable. Le gouvernement veille à ce que les suppressions d’emploi restent limitées au strict minimum pendant les travaux. Il est important de garantir au plus grand nombre possible d’employés la continuité de leur contrat de travail.

DROIT SOCIAL
M.H. : La création de la Fédération des syndicats de salariés de Monaco et le nouveau pluralisme syndical posent un problème de représentativité au sein des organismes sociaux et au tribunal du travail. Selon l’USM, le gouvernement accorde une place disproportionnée à cette fédération de 3 syndicats. Votre avis ?
S.V. : Sur ce sujet, chacun comprendra que le gouvernement n’a pas à s’immiscer dans les conflits de pouvoirs ou d’intérêts entre représentants syndicaux. L’Union des syndicats détient le monopole syndical depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. On peut comprendre qu’elle n’apprécie pas de le perdre. L’USM était en réalité opposée à la création de cette nouvelle fédération, elle est donc mécontente que le gouvernement l’ait autorisée. Or, outre que nous n’avons pas les moyens d’interdire une telle création, le gouvernement doit rester neutre et n’a pas à choisir à la place des salariés ou des délégués syndicaux, la façon dont ils veulent être représentés ou s’organiser.

M.H. : Est-ce neutre d’accorder un tiers des sièges ?
S.V. : Rappelons que nous avons souhaité maintenir une représentation très largement majoritaire pour l’USM en lui réservant les deux tiers des sièges. L’USM est le syndicat historique et celui qui a le plus de syndicats affiliés, il est logique qu’elle garde une majorité nette. Deux tiers, trois quarts, on peut discuter… Mais en tout cas, l’autre fédération a le droit d’être représentée aussi. Les salariés choisissent librement dans les élections syndicales ceux qui doivent les représenter. C’est la règle du jeu, il faut que tout le monde l’accepte. Le monopole syndical ne correspond pas à une évolution des sociétés modernes.

M.H. : L’USM a demandé à être reçue par le ministre d’Etat. Un rendez-vous a-t-il été fixé ?
S.V. : Le Ministre d’Etat va, en ma présence, recevoir l’USM le 23 avril. L’USM pose aujourd’hui la question des critères de représentativité. C’est une très bonne question. Posons-là pour la Fédération de syndicats de salariés de Monaco, mais aussi pour l’USM et déterminons, dans la concertation, des critères impartiaux ! Est-ce que, par exemple, 2 personnes qui décident de s’associer en créant un syndicat dans une branche de 1 000 salariés, peuvent négocier au nom de tous ?

M.H. : Lors de votre nomination au gouvernement, le prince Albert avait indiqué que vous auriez « pour charge de faire sortir un texte sur le contrat de travail qui recueille un consensus d’ici la fin 2010 ou début 2011. » Pourquoi un tel retard ?
S.V. : Chaque dossier mérite d’être abordé avec sérénité et méthode. En 2010, le prince m’avait confié bien d’autres missions prioritaires : notamment m’occuper du projet du nouvel hôpital, assurer l’avenir du régime de retraites des salariés, créer une commission d’insertion professionnelle des jeunes diplômés, améliorer le système de retraite des hospitaliers et travailler à un meilleur dialogue social. Sur tous ces sujets, chacun jugera de l’avancement des dossiers. Le Chef de l’Etat m’avait également demandé d’avancer sur la question du contrat de travail. Certains décideurs ont tenté de travailler et de communiquer sur tous les sujets à la fois, sans forcément aboutir. D’autres tentent d’avancer très vite en passant en force. Avec le Ministre d’Etat, notre méthode consiste à aborder les sujets importants les uns après les autres et de laisser le temps au dialogue, avant de trancher. Il s’agit pour moi, avant cet été, de mettre en œuvre la réforme hospitalière, et de suivre, jusqu’à sa conclusion, la mise en place du télétravail. A l’automne, pour revenir à votre question, le prochain dossier prioritaire concernera la modernisation du droit du travail.

M.H. : Votre engagement de supprimer le licenciement sans motif est-il toujours d’actualité ? Laurent Nouvion s’est exprimé pour une souplesse contractuelle…
S.V. : Une modernisation du droit social est nécessaire, tout le monde en conviendra. Sur ce point, ma position personnelle n’a pas changé. Que je sois président du conseil national ou conseiller de gouvernement pour les affaires sociales et la santé. Il y a des équilibres à trouver entre le respect des droits des salariés et la compétitivité des entreprises. Il faut conserver de la souplesse dans la gestion du personnel et se préserver des modèles bureaucratiques, qui mènent à l’échec économique. Pour autant, en dehors de l’hypothèse d’un accord entre le salarié licencié et l’employeur, je ne suis pas favorable, à titre personnel, au licenciement sans motif. Un employé qui travaille, par exemple, dans une entreprise depuis 20 ans ne peut pas être licencié sans explication. Encore moins s’il s’agit d’un licenciement non justifié par la qualité du travail, mais pour d’autres motifs… Cela représente peu de cas chaque année et ils desservent l’image de la Principauté, dans les medias étrangers.

M.H. : La nouvelle majorité veut créer un fonds spécial pour financer la dépendance. A terme, quel levier de financement préconisez-vous ? Il n’y a pas 36 solutions entre la création d’un impôt, d’une assurance obligatoire, la saisie sur héritage ou la hausse des cotisations…
S.V. : Nous n’avons pas attendu 2013 pour réfléchir à cette question. Dès 2011, j’ai missionné le cabinet SPAC pour faire une étude sur l’évolution du nombre de personnes dépendantes et du coût pour la Principauté. Cette étude transmise aux élus conclut qu’à l’horizon 2030, il y aura 1 000 personnes dépendantes contre 565 aujourd’hui, soit près du double, avec un coût global de la dépendance de 15 millions d’euros par an, contre 5 millions aujourd’hui. Ces chiffres sont maîtrisés, nous n’avons donc pas à nous précipiter. Il serait intelligent d’attendre de voir quelles mesures les pays européens qui nous entourent vont prendre. Ce sont des mesures très difficiles à prendre et très impopulaires. La France, par exemple, qui avait programmé la dépendance comme priorité nationale en 2011, a dû faire marche arrière… Nous observerons le débat national français qui s’annonce, avec attention, en continuant à réfléchir, sans cesser d’imaginer un vrai modèle social « à la Monégasque », comme nous l’avons fait pour les retraites. Nous pourrons ainsi prendre des mesures à la lumière des décisions arrêtées par nos voisins.