vendredi 29 mars 2024
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Les grandes fortunes émergentes

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Le Moscow business center. © Photo DR

Déjà reconnus comme moteur de la reprise économique mondiale, les pays émergents sont aussi désormais le centre de croissance des grandes fortunes. Avec toutefois des caractéristiques spécifiques.

«L’équilibre de la richesse mondiale ne se fait plus dans les économies traditionnelles occidentales mais se déplace vers les nouveaux marchés émergents. Le centre de croissance des grandes fortunes s’est déplacé vers l’Est. » C’est l’une des conclusions de l’étude* que Société Générale Private Banking et Forbes Insights viennent de publier sur les tendances et caractéristiques des plus grandes fortunes privées mondiales. La croissance sans précédent de l’économie chinoise, l’expansion de l’Inde et la progression continue des marchés russe, brésilien et autres pays émergents, ont en effet changé la nature des particuliers et des familles les plus fortunés de la planète. Si les Etats-Unis détiennent encore le plus grand nombre de particuliers très fortunés, la Chine, l’Inde et la Russie produisent plus de milliardaires que l’Europe occidentale. « Aujourd’hui, la Chine comme la Russie compte plus de 100 milliardaires, ce qui les propulse à la seconde et troisième place derrière les Etats-Unis », soulignent les auteurs de l’étude.

Des grandes fortunes plus jeunes…

Tout en ayant beaucoup en commun avec leurs homologues dans d’autres parties du globe – notamment le fait qu’elles soient très majoritairement détenues par des hommes–, les grandes fortunes de ces marchés présentent aussi, selon cette étude, un certain nombre de caractéristiques uniques. Elles sont notamment plus jeunes. L’âge moyen d’une grande fortune est de 49 ans en Russie et de 50 ans en Chine, contre 66 ans aux Etats-Unis et 74 ans en France. « Les grandes fortunes des marchés émergents viennent souvent de s’établir, de sorte que leur activité et leur influence globales se poursuivront probablement pendant une décennie ou deux de plus, font valoir les auteurs. Leur statut de fortuné est naissant, avec un impact sur le long terme qui risque d’être considérable. » La notion d’entreprenariat étant très forte dans ces zones, les grandes fortunes des marchés émergents se sont aussi construites seules, comme dans les pays anglo-saxons. Ainsi, 100 % des grandes fortunes étudiées en Russie sont des « self-made men » et n’ont donc pas hérité de leur fortune. Bien sûr, l’histoire de la Russie explique en grande partie ce cas extrême. Mais quelque deux tiers des grandes fortunes étudiées sont aussi des « self-made men » en Chine, en Inde et au Brésil, contre un tiers environ en France et en Allemagne.

Et très impliquées

Les grandes fortunes des marchés émergents sont aussi plus impliquées dans leur entreprise. « Contrairement aux grandes fortunes et aux entrepreneurs de certains marchés occidentaux qui semblent impatients de vendre leurs entreprises une fois qu’ils ont réussi, la plupart de leurs homologues des pays BRIC** demeurent activement impliqués dans leur entreprise, précise l’étude. La raison vient peut-être de leur jeune âge et du fait qu’ils ne sont pas prêts à endosser un rôle plus passif. Mais cela peut aussi venir de la croissance élevée d’un grand nombre de ces entreprises, ainsi qu’au désir de leurs dirigeants d’aller au bout de cette croissance. »
En revanche, ces grands fortunés cherchent à savoir ce qu’ils peuvent faire de leur fortune. Ils sont donc en retard par rapport à d’autres pays, notamment dans le domaine philanthropique. Par exemple, parmi les grandes fortunes chinoises de cette étude, seulement 7 % ont créé leur propre fondation, « un véritable fossé » par rapport aux 55 % qui en font autant aux Etats-Unis.

Afflux de capitaux privés

Mais cette étude met également en avant que l’émergence des grandes fortunes dans les pays BRIC ne se limite pas à une simple modification de la hiérarchie des milliardaires vers l’Est. « Cela marque un changement fondamental dans la démographie des ultra-riches à l’échelle internationale, et cela pourrait avoir un impact sur les dépenses et investissements futurs de cette population », soulignent les auteurs. L’une des conséquences est un afflux de capitaux privés issus du monde entier vers les zones émergentes, qui ont été moins touchées par la récession. « Aujourd’hui, les grandes fortunes considèrent ces marchés comme de véritables opportunités d’investissement dans le cadre de la gestion de leur portefeuille, précise l’étude. Beaucoup revoient à la hausse leur allocation vers des marchés comme la Chine et la région Asie-Pacifique où, selon eux, la volatilité semble potentiellement moins importante. »

* Réalisée à partir des données chiffrées détenues par Forbes Media dans le cadre de la publication des listes de grandes fortunes du magazine Forbes, l’étude Les moteurs de la richesse mondiale s’intéresse aux caractéristiques d’une population de 1?200 grandes fortunes issues de 12 pays ou régions?: l’Allemagne, le Brésil, la Chine, les Etats-Unis, la France, Hong-Kong, l’Inde, le Mexique, le Moyen-Orient, la Russie, le Royaume-Uni et Singapour. Afin de permettre une analyse complémentaire et qualitative de l’évolution de cette population, 17 interviews privilégiées ont été menées auprès de grandes fortunes issues des 12 pays, chacune possédant un montant minimum de 60 millions de dollars américains nets d’avoirs financiers disponibles.

**Brésil, Russie, Inde et Chine.

Un investissement en or
Le métal jaune reste la meilleure valeur refuge et ses fondamentaux sont intacts, selon Philip Poole, responsable de la recherche et de la stratégie d’investissement de HSBC Global AM. « Les banques centrales détiennent les réserves d’or les plus importantes au monde. Pendant longtemps, elles ont été des vendeuses nettes d’or. Elles préféraient posséder des actifs qui généraient un rendement courant, leur priorité étant d’améliorer les taux de rendement de leurs actifs. Mais les craintes d’un affaiblissement et d’une dépréciation du dollar suscitées par une politique monétaire ultra-accommodante ont changé la donne », explique-t-il. En effet, les banques centrales, notamment indienne, chinoise et russe, sont désormais acheteuses nettes d’or, et ce afin de diversifier leurs réserves de change et de limiter leur dépendance vis-à-vis des actifs libellés en dollars. « Cette évolution de la demande des banques centrales constitue une différence structurelle importante par rapport aux conditions précédentes et tout porte à croire que cette tendance ira en se pérennisant », précise Philip Poole. Le stratège estime également que l’or devrait continuer à bénéficier d’une forte demande de la part du secteur privé dans les pays émergents où la dynamique de croissance reste forte.