vendredi 19 avril 2024
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Jeux Olympiques d’hiver de Pékin Le cirque blanc se met au vert

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Malgré le boycott diplomatique de plusieurs pays et la pandémie de Covid-19, le coup d’envoi des Jeux Olympiques d’hiver sera donné vendredi 4 février 2022, à Pékin. Quatre Monégasques y défendront les couleurs de la principauté.

Six mois seulement après la fin des Jeux de Tokyo, la flamme olympique va de nouveau briller, ce vendredi 4 février 2022, à l’occasion du début des Jeux Olympiques (JO) d’hiver de Pékin. Durant deux semaines (du 4 au 20 février), les meilleurs athlètes du monde vont s’affronter sur la glace et les pistes chinoises pour tenter de décrocher le Graal ultime : une médaille olympique. Mais, comme au Japon cet été, ces Jeux auront une saveur particulière en raison bien sûr de la pandémie de Covid-19, toujours d’actualité, qui va priver les sportifs du côté festif de l’évènement. « Seule la population résidente pourra assister aux épreuves, sur invitation », a en effet rappelé le prince Albert II, au moment de la présentation de la délégation monégasque mardi 18 janvier 2022. Les athlètes seront par ailleurs soumis à un protocole sanitaire très strict au cours de leur séjour dans l’Empire du Milieu, engagé depuis deux ans dans une stratégie « zéro Covid » dont l’objectif est d’éliminer le virus et de l’empêcher de circuler plutôt que de vivre avec. Quitte, pour cela, à rogner sur les libertés de sa population.

Boycott diplomatique

La question du respect des droits de l’Homme et des libertés en Chine est d’ailleurs au cœur d’une forte contestation internationale. Plusieurs pays, parmi lesquels les États-Unis, le Canada, le Japon, l’Angleterre ou encore l’Australie, ont en effet annoncé un « boycott diplomatique » pour dénoncer la répression chinoise qui vise notamment la communauté ouïghoure, le Tibet et Hong Kong. En renonçant ainsi à participer à ces JO, ces États entendent profiter de cet événement planétaire pour marquer le coup comme l’a expliqué la porte-parole de la Maison Blanche, Jen Psaki, au début du mois de décembre 2021 : « [En étant présente — NDLR], la représentation diplomatique américaine traiterait ces Jeux comme si de rien n’était, malgré les violations flagrantes des droits humains et les atrocités de la Chine au Xinjiang. Et nous ne pouvons tout simplement pas faire cela ». Par conséquent, aucun représentant du gouvernement américain, canadien, japonais ou anglais ne fera le déplacement à Pékin. Les sportifs de ces différents pays, en revanche, participeront bien aux épreuves olympiques car, comme le souligne Pascal Boniface à nos confrères de Géo (1), « un boycott diplomatique, c’est simplement le fait de dire que l’on ne cautionne pas un pays, et que l’on ne veut pas montrer de signe d’amitié en s’y rendant ». Ce géopolitologue y voit cependant « une gifle diplomatique » envoyée à Pékin : « C’est un indice supplémentaire des relations entre deux pays. Vous boycottez totalement, c’est que les relations sont au plus bas. Vous envoyez le chef d’État du gouvernement, c’est que les relations sont au plus haut. Et entre les deux, il y a un tas de possibilités ouvertes ». Déjà fortement critiquée au moment des Jeux d’été de 2008, dont elle était l’organisatrice, la Chine a fustigé ces appels au boycott, dénonçant une « politisation du sport », contraire aux valeurs olympiques. « La tentative des États-Unis de perturber les Jeux Olympiques d’hiver de Pékin, fondée sur un préjugé idéologique, des mensonges et des rumeurs, ne fera qu’exposer aux yeux de tous les intentions malveillantes des États-Unis », estime le porte-parole de la diplomatie chinoise, Zhao Lijian. Et d’avertir : « Ils paieront le prix de leur mauvais coup ».

« [En étant présente — NDLR], la représentation diplomatique américaine traiterait ces Jeux comme si de rien n’était, malgré les violations flagrantes des droits humains et les atrocités de la Chine au Xinjiang. Et nous ne pouvons tout simplement pas faire cela »

Jen Psaki. Porte-parole de la Maison Blanche

« Une pause porteuse d’espoir et de joie », pour le prince Albert

C’est donc dans un contexte géopolitique particulièrement tendu que vont s’ouvrir, ce vendredi, les 24ème Jeux d’hiver de l’Histoire. À l’heure où Monaco Hebdo bouclait ce numéro, mardi 1er février, les autorités monégasques ne s’étaient pas officiellement positionnées sur un éventuel boycott diplomatique. Mais, à l’instar de son homologue français, le prince Albert II devrait selon toute vraisemblance se rendre sur place. En marge de la présentation des athlètes monégasques, le souverain a d’ailleurs insisté sur l’universalité et les valeurs de l’Olympisme, symbolisées par ces cinq anneaux entrelacés représentant l’ensemble des continents en harmonie. « Dans la période tumultueuse que nous traversons, ces Jeux olympiques constituent, au-delà de la trêve olympique approuvée par les Nations Unies, une pause porteuse d’espoir et de joie pour chacun et chacune d’entre nous. Un moment durant lequel nous devons faire preuve de solidarité envers les autres », a-t-il martelé en se remémorant les moments de partage et de convivialité vécus lors de ses cinq participations en bobsleigh. « Ce fut une expérience unique et intense. Lors des compétitions, mais aussi dans bien d’autres domaines de la vie autour du village olympique, il se crée des souvenirs et des émotions inoubliables, où se mélangent honneur, responsabilité et de grands moments de fraternité », se souvient avec nostalgie le prince Albert. Selon lui, « seule une compétition comme les JO peut illustrer le mieux cet esprit d’unité dans la diversité de la communauté qui la compose ». Le souverain a donc invité les quatre représentants monégasques à profiter de chaque instant de cette « expérience hors du commun » afin qu’ils n’aient « aucun regret ». « L’aventure que vous vous apprêtez à vivre constitue une ambition, un accomplissement et une reconnaissance. C’est le symbole de vos efforts où les milliers d’heures d’entraînement, patiemment cumulées depuis si longtemps, trouveront enfin leur aboutissement », abonde la secrétaire générale du comité olympique nationale, Yvette Lambin-Berti qui attend de ses athlètes qu’ils soient « généreux et combatifs ». Si décrocher une breloque semble hors de portée, tous sont décidés à faire le maximum pour tenter de faire briller les couleurs de la principauté comme ils nous l’ont confié avant leur départ pour Pékin [à ce sujet, lire leurs interviews dans ce numéro — NDLR].

« Dans la période tumultueuse que nous traversons, ces Jeux olympiques constituent, au-delà de la trêve olympique approuvée par les Nations Unies, une pause porteuse d’espoir et de joie pour chacun et chacune d’entre nous. Un moment durant lequel nous devons faire preuve de solidarité envers les autres » 

Le prince Albert II

Des Jeux éco-responsables ?

Ces Jeux de Pékin seront aussi l’occasion pour la Chine de démontrer son savoir-faire en matière d’écologie et de développement durable. Accusé d’être le plus grand pollueur de la planète, l’Empire du Milieu a pris des mesures pour faire de ces JO une vitrine de son engagement environnemental. Ainsi, les organisateurs chinois ont décidé de réhabiliter les équipements de cinq des six sites utilisés à l’occasion des Jeux d’été de 2008, à l’image du Cube d’eau transformé en Cube de glace pour accueillir les épreuves de curling. Un ancien complexe sidérurgique de la capitale a également subi un lifting pour pouvoir recevoir les compétitions de snowboard. Mais ce n’est pas tout. La Chine, qui continue à dépendre aux deux tiers du charbon pour sa production d’électricité, a annoncé que l’électricité consommée lors des épreuves serait entièrement d’origine renouvelable. Pour cela, Zhangjiakou, ville co-organisatrice des Jeux, a installé des éoliennes pouvant produire 14 millions de kilowatts. Il faut y ajouter les panneaux solaires installés sur les montagnes environnantes, capables de produire 7 millions de kilowatts supplémentaires. Toutes ces installations étant reliées à un centre de distribution auquel seront connectés les différents sites olympiques. Pour garantir un air respirable dans un pays régulièrement frappé par des épisodes de pollution, des systèmes de chauffage électrique ou à gaz ont remplacé les poêles à charbon dans quelque 25 millions de foyers à Pékin et dans les régions environnantes. « Avec la volonté d’offrir des Jeux « verts, ouverts, fédérateurs et propres », Pékin 2022 s’inscrit dans les réformes engagées à la suite de l’adoption de l’agenda olympique 2020 — feuille de route stratégique pour l’avenir du mouvement olympique, complétée et renforcée par les quinze recommandations issues de l’initiative 2020+5. Ces Jeux sont aussi en parfaite adéquation avec les objectifs de développement durable (ODD) fixés par les Nations Unies », se félicite le prince Albert. Le souverain, par ailleurs président de la commission environnement et héritage du comité international olympique (CIO), salue notamment « les efforts entrepris en matière de reforestation, d’utilisation de matériaux renouvelables et recyclables pour la construction des infrastructures, de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’utilisation innovante et responsable de l’énergie ».

JO de Pékin 2022
Big Air Shougang. Le site des épreuves de freestyle et de snowboard big air est construit au sommet d’une ancienne aciérie, qui a été fermée. Situé dans l’ancien parc industriel de Shougang, c’est le seul lieu d’événement de neige au centre-ville de Pékin. © Photo DR

Le nombre de villes hôtes potentielles devrait diminuer dans les années à venir, en raison du réchauffement climatique. Sur les 21 villes ayant déjà accueilli les Jeux dans le passé, seules 10 d’entre elles pourraient accueillir à nouveau l’événement en 2050

Neige artificielle

Malgré ces signes de bonne volonté, et ces efforts pour tenter de réduire au maximum l’impact environnemental des Jeux, les doutes subsistent. En matière de transport déjà puisque les montagnes qui accueilleront les athlètes lors des JO sont assez éloignées de Pékin. La ville de Zhangjiakou est ainsi située à 180 kilomètres au nord-ouest de la capitale. Pour acheminer les délégations, les organisateurs ont donc dû construire une ligne TGV et mettre en place un service de bus, dont 85 % circuleront à électricité ou à l’hydrogène affirment les autorités chinoises. Effet positif de la pandémie, le coût écologique du trafic aérien sera diminué par rapport aux précédentes olympiades car seuls les résidents chinois pourront assister aux épreuves. Autre interrogation, et non des moindres, la neige sera-t-elle au rendez-vous ? Effet du réchauffement climatique, ou pas, la région de Pékin souffre en effet de sécheresse hivernale, ce qui oblige les organisateurs à prendre des mesures drastiques. Ainsi, pour la première fois dans l’histoire des Jeux d’hiver, la neige sera 100 % artificielle. Celle-ci sera fournie par 300 canons installés sur les différents sites. Une adaptation non sans conséquence sur l’environnement puisqu’environ 185 millions de litres d’eau seront nécessaires pour recouvrir les pistes et les tremplins de leur manteau blanc selon les estimations des autorités chinoises faites en 2019. Une aberration pour de nombreux observateurs qui rappellent que la Pékin ne peut compter que sur 300 mètres cube d’eau par an et par habitant, soit moins du tiers recommandé par l’ONU. L’effet pourrait perdurer dans le temps puisque la Chine souhaite profiter de ces Jeux pour promouvoir la pratique des sports d’hiver. Utilisé pour la première fois en 1980 à l’occasion des JO de Lake Placid, le recours de plus en plus fréquent à la neige artificielle a de quoi inquiéter le CIO. Selon le site d’information Bloomberg Green (2), 80 % de la neige utilisée à Sotchi, en Russie, en 2014, était artificielle, et 90 % quatre ans plus tard à Pyeongchang, en Corée du Sud. Le changement climatique peut-il alors menacer l’avenir des Jeux Olympiques d’hiver ? Selon un rapport publié mercredi 26 janvier 2022 par des chercheurs de l’université anglaise de Loughborough et l’association Protect Our Winters  (3), le nombre de villes hôtes potentielles devrait bien diminuer dans les années à venir, en raison du réchauffement climatique. Sur les 21 villes ayant déjà accueilli les Jeux dans le passé, seules 10 d’entre elles pourraient accueillir à nouveau l’événement en 2050 selon leurs projections. Les athlètes monégasques ont donc tout intérêt à profiter de ces moments qui pourraient bien devenir rares, à l’avenir.

Pour lire la suite de notre dossier sur les Jeux Olympiques de Pékin, cliquez ici.

1) Jeux olympiques : qu’est-ce qu’un boycott diplomatique ? Géo, 13 décembre 2021. À lire sur https://www.geo.fr/geopolitique/jeux-olympiques-quest-ce-quun-boycott-diplomatique-207476

2) China’s fake snow frenzy for Beijing Olympics strains water supplies. Bloomberg Green, 22 janvier 2022. À lire sur https://www.bloomberg.com/news/features/2022-01-22/beijing-winter-olympics-first-to-rely-on-artificial-snow?srnd=premium-europe

3) Slippery slopes – How climate change is threatening the winter Olympics. Loughborough University London. À lire sur https://www.sportecology.