vendredi 19 avril 2024
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« Le fonds de réserve est mal géré »

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Bernard Pasquier, ancien cadre de la banque Mondiale
«?Le gouvernement est muet sur l'origine des recettes futures.?» © Photo Fanny Cotin.

Suite à l’article La gestion d’un Etat, c’est du bon sens, publié dans le précédent numéro, Bernard Pasquier, ancien cadre de la banque Mondiale, nous a envoyé cette réaction.

« Dans l’article La gestion d’un Etat, c’est du bon sens paru dans le Monaco Hebdo du 13 octobre 2011, le président de la commission supérieure des comptes, James Charrier, s’inquiète de la situation budgétaire et fiscale de la Principauté. J’ai envie de dire « Enfin?! » car ces motifs d’inquiétude ont été mis en exergue depuis longtemps par de nombreux acteurs. Résumons.
Primo, les comptes budgétaires ne reflètent pas la situation financière du pays, puisque des centaines de millions d’euros de dépenses publiques sont, depuis des années, ponctionnées directement sur le Fonds de réserve constitutionnel (FRC) sans passer par le budget. Les déficits réels sont donc bien supérieurs aux chiffres affichés par le gouvernement.
Secundo, loin d’être géré en « bon père de famille », le FRC est mal géré et son système de gouvernance est opaque. Le FRC a sous-performé ses indices de référence de 2 % en 2009 et 2010, générant un manque à gagner d’environ 100 millions d’euros. Au vu de la performance des marchés en 2011, on peut craindre une perte nette de l’ordre de 200 millions d’euros. Le fait que le gouvernement ne rende pas publique la performance du FRC est indigne d’un Etat moderne et démocratique. Quelle transparence?!
Tertio, Monaco n’a pas de dettes au sens habituel du terme. Mais comme l’indique M. Charrier, Monaco a une dette « viagère » (soit prenant en compte le financement des retraites des fonctionnaires). Chiffrer cette dette devrait être une priorité du gouvernement. Une estimation grossière montre que cette dette viagère pourrait être supérieure à la partie disponible du FRC (environ 1,5 milliard d’euros). Ne serait-il pas temps d’arrêter de dire aux Monégasques qu’il y a un bas de laine conséquent et de commencer à réfléchir sur le financement des retraites??
Par ailleurs, la nouvelle ligne du gouvernement, prônant moins de laxisme dans les dépenses, est la bienvenue, même si elle est tardive et timide. Encore faudrait-il se pencher stratégiquement sur les dépenses de fonctionnement et d’investissement plutôt que faire des économies de bouts de chandelles ici et là comme cela semble être le cas. Faire financer des dépenses publiques, culturelles notamment, par des entreprises privées n’est pas une bonne pratique budgétaire. Ces dépenses échappent au conseil national et l’on sera toujours en droit de se demander s’il y a eu des contreparties.
Enfin et surtout, M. Charrier est correct quand il affirme que sur le moyen terme, ces mesures ne suffiront pas à rétablir l’équilibre budgétaire et qu’il faudra trouver de nouvelles recettes. Le gouvernement est muet sur l’origine des recettes futures.
Peut être parce que pour résoudre durablement les problèmes, il faut commencer par un constat objectif de la situation. Le gouvernement n’a pas fait un tel constat, préférant s’appuyer sur des données conjoncturelles pour repousser les réformes structurelles qui s’imposent. Mais les chiffres sont têtus et à temporiser de la sorte, on ne fera que rendre les ajustements plus douloureux. Dans le sens large, l’attractivité ne consiste pas à faire semblant que tout va bien, mais plutôt à donner aux investisseurs la confiance que le gouvernement et le conseil national ont la capacité d’identifier les vrais problèmes, et la compétence et le courage de les résoudre rapidement. La route est encore longue. »

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