vendredi 26 avril 2024
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UM ne veut plus servir
« d’alibi démocratique »

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Amendement budgétaire, fonds de réserve constitutionnel, proposition de loi sur les incompatibilités et inéligibilités au Conseil national… Union Monégasque signe un début 2017 offensif.

Il faut parfois insister pour se faire entendre. C’est ce qu’ont entrepris de faire les trois élus du groupe politique Union Monégasque (UM). Jean-François Robillon, Jean-Louis Grinda et Bernard Pasquier ont abordé devant la presse le 13 février ce qui constitue pour eux l’actualité politique du moment. En s’appuyant sur le vote « de justesse » du budget primitif 2017 (lire Monaco Hebdo n° 998), Robillon a jugé que son groupe commençait à être entendu : « Pour ne pas être obligé de voter contre l’intégralité d’un budget, nous continuons de penser que l’amendement budgétaire est indispensable. » Ce qui permettrait aux élus de repousser certains sujets qui posent problème. Robillon a cité deux dossiers dans lesquels l’amendement budgétaire aurait été utile. D’abord, l’extension de la sûreté publique « pour gagner un étage supplémentaire », estimé entre 27 et 30 millions d’euros et « présenté trois ou quatre jours avant le vote de ce budget primitif 2017 ». Pour cet élu, « 30 millions, c’est le prix de construction d’un nouveau bâtiment entier. Plutôt que de faire quelques retouches… » Deuxième dossier contesté : un projet de SPA. « Proposer de dépenser 7 millions d’euros pour construire une SPA en plein centre du jardin Antoinette, c’est d’un goût douteux… », a estimé Jean-François Robillon.

« Adulte »

« On nous attaque en prétendant qu’intégrer l’amendement budgétaire reviendrait à changer de régime. Or, nous répétons une réalité : l’amendement budgétaire existait déjà en 1911, avant d’être supprimé en 1962, s’est remémoré Jean-Louis Grinda. Or, que je sache, au début du XXème siècle, le régime était le même qu’aujourd’hui. » Sauf que les 24 élus du Conseil national ne sont pas tous d’accord sur ce sujet. Notamment Laurent Nouvion et son groupe Horizon Monaco (HM). « En 2002, la famille politique de Laurent Nouvion, notamment Jean-Charles Rey ou Jean-Louis Campora, ont essayé de rétablir l’amendement budgétaire », a rappelé Bernard Pasquier. « L’amendement budgétaire ne retire absolument aucun pouvoir au prince. Au contraire. En responsabilisant les Monégasques que nous sommes, on renforce les pouvoirs du prince », a lancé Jean-Louis Grinda. Avant d’ajouter : « Le monde n’est plus le même qu’il y a 50 ans. Il faut maîtriser les changements, avant que d’autres ne nous les imposent. » Refusant de continuer à servir « d’alibi démocratique », UM continue donc de réclamer une modification de la Constitution pour que le Conseil national soit « enfin traité de façon adulte ». Le message est donc toujours le même. Et il ne changera pas. « Depuis cette mandature, on a tous les trois clairement montré ce qu’on voulait. Si jamais on dispose d’une majorité lors des prochaines élections, les gens savent exactement où on veut aller », a souligné Robillon.

FRC

Autre sujet porté par UM : l’encadrement des dépenses de l’Etat. La reprise sous la forme d’une concession du port de Vintimille par l’Etat monégasque pour une somme estimée entre 80 et 85 millions, sans que le Conseil national ne soit pleinement consulté, a laissé des traces chez les élus. « La commission de placement des fonds est devenue tellement consultative qu’elle a été réunie après le budget primitif 2017 », a ironisé Jean-François Robillon. Conclusion : « Cette commission ne sert vraiment à rien. » Or, pour cet élu, les règles institutionnelles sont claires : « Le Conseil national doit valider les recettes et les dépenses de l’Etat. En plus du budget, cela concerne aussi le fonds de réserve constitutionnel. Mais le FRC n’est pas validé… » La solution est donc toute trouvée pour cet élu : « Il faut supprimer la commission de placement des fonds et la remplacer par une commission plénière d’étude pour valider chaque placement du fonds de réserve. Car un élu ne peut pas décider pour les 24 conseillers nationaux. »

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Jean-Louis Grinda et Bernard Pasquier © Photo Monaco Hebdo.

FMI

C’est par une devinette qu’a enchaîné Bernard Pasquier : « Quel est le point commun entre la Corée du Nord, le Soudan, Cuba et Monaco ? Ce sont les quatre seuls pays qui n’appartiennent pas au fonds monétaires international (FMI). » Pourquoi ? Parce qu’aucun organe extérieur à la Principauté ne revoit les comptes publics de Monaco pour s’assurer qu’ils reflètent la réalité économique du pays. « Bien sûr, il existe à Monaco une cour des comptes. Mais elle est totalement inféodée au pouvoir public. On peut donc se demander si elle est vraiment indépendante… », a soulevé Pasquier qui aimerait donc qu’un organisme indépendant et extérieur à la Principauté puisse vérifier comment l’argent public est dépensé. Objectif : adopter les standards internationaux du FMI, pour permettre notamment à Monaco de comparer ses comptes avec ceux d’autres pays, puisque la base comptable serait alors la même. Et si les règles comptables utilisées à Monaco respectent bien les standards internationaux. « On avait commencé à regarder tout ça avec le Prince Rainier. Mais tout ça n’a jamais fait son chemin, sans que je sache pourquoi », a ajouté Pasquier, qui a été administrateur de sociétés pour le compte de la Banque Mondiale. Rappelant que le FMI ne fait pas d’ingérence dans la politique intérieure menée par chaque pays membre, cet élu UM s’est aussi projeté dans le futur : « Si demain, on veut aller sur les marchés et créer une obligation, on ne pourra pas, car nos comptes ne répondent pas aux standards internationaux comptables. Or, sans se rapprocher du FMI, impossible d’être noté par les agences de notation financière. » Liant sa proposition à la volonté du Prince Albert de lutter contre la corruption (lire Monaco Hebdo n° 999), Pasquier a insisté : « Dans la mesure où personne d’extérieur ne vérifie nos comptes, cela ne nous aide pas à lutter contre la corruption. On travaille sans filet. Et ça permet à beaucoup de gens de faire ce qu’ils ne devraient pas faire. Et puis, me retrouver en compagnie de la Corée du Nord, du Soudan et de Cuba ne me rend pas particulièrement fier d’être monégasque… », a soufflé Bernard Pasquier.

« Garde-fous »

UM est aussi revenu sur sa proposition de loi sur les incompatibilités et inéligibilités au Conseil national, déposée le 15 décembre 2016. L’idée est d’imposer un délai de 18 mois à respecter avant qu’un membre du gouvernement, de l’institution judiciaire ou de la cour supérieure des comptes notamment, ne puisse postuler à l’un des 24 fauteuils d’élus du Conseil national. « Il faut poser des garde-fous pour éviter le mélange des genres. C’est une question d’éthique », a lancé Robillon. « Dans un pays comme le nôtre, le Conseil national doit être le plus séparé possible du gouvernement. Comment imaginer un membre du gouvernement en poste le 31 décembre et qui se présente aux élections au Conseil national en février ? Ce serait totalement injuste ! », a lancé Pasquier. Pourquoi lancer cette idée alors que des élections auront lieu en février 2018 ? « C’est quand il y a un problème que l’on fait une loi. Ça me paraît normal. Donc le bon moment, c’est maintenant », a répondu Bernard Pasquier. Neuf élus ont déjà signé cette proposition de loi. Mais les délais semblent courts pour voter ce texte d’ici février 2018. Ce qui ne semble pas vraiment inquiéter Pasquier : « On obtiendra peut-être l’effet voulu sans même que cette loi ne soit passée… » Enfin, UM a conclu cette première intervention médiatique de 2017 par un dernier souhait : la mise en place de séances publiques de questions d’actualité au Conseil national. Un aménagement qui permettrait d’alléger les débats autour des différents budgets qui se terminent souvent tard dans la nuit. Ou tôt le matin.

Une caisse pour la retraite des fonctionnaires

« Pour garantir la retraite des fonctionnaires à un bon niveau, il faut la déconnecter au maximum du budget de l’Etat. Or, pour l’instant, c’est le budget de l’Etat qui la finance chaque année, à hauteur d’environ 70 millions d’euros », a expliqué Jean-François Robillon. Du coup, UM souhaiterait la création d’une caisse autonome de retraite des fonctionnaires. Pour diversifier les revenus de cette nouvelle caisse, UM propose notamment qu’elle soit en partie financée par des locations d’appartements qu’elle aurait en gestion. « Les fonctionnaires continueraient à payer un prélèvement de 6 % sur leurs salaires, pendant que le budget de l’Etat paierait la part patronale, soit 6 à 7 %. On parle de tout ça depuis 2010… », a souligné Robillon. Le gouvernement a pris acte et une réunion devrait avoir lieu ce mois-ci ou en février.

SBM : « Un virage à 180° pour Laurent Nouvion et HM »

Heureux d’avoir entendu « pour la première fois » que le gouvernement soutient la direction de la Société des bains de mer (SBM), Jean-Louis Grinda est aussi ravi d’avoir constaté que « Laurent Nouvion et Horizon Monaco (HM) ont complètement changé d’avis et ont pris un virage à 180°. Ça ne signifie pas que la SBM n’est pas critiquable sur certains points. Mais on ne peut pas dire que cette entreprise est mal gérée. Et puis, encore faudrait-il se demander si le manager a les mains totalement libre pour faire tout ce qu’il souhaite… »

Le code de l’environnement est en panne

C’est ce qu’a constaté l’élu UM Jean-Louis Grinda. « Et ça fait 15 mois que ça dure ! Nous sommes sans réponses sur des questions pourtant simples. Ce texte est vieux de 10 ans. Je m’interroge sur ce silence assourdissant et inexplicable », a lancé le président de la commission environnement et cadre de vie, tout en rappelant que ce texte est un projet de loi et qu’il est donc issu d’une réflexion du gouvernement. Ne voyant « pas de raison » de bloquer ce texte qui est « peu contraignant », Grinda ne voit « aucune raison » de ne pas voter ce texte d’ici fin 2017.