samedi 20 avril 2024
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Drame japonais : premiers éléments d’analyse économique

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Tokyoïtes sous la pluie
Alors que les Tokyoïtes craignent la pluie radioactive, l'impact du drame japonais est analysé par l'ensemble des économistes et financiers. © Photo DR.

Les évènements dramatiques s’enchaînent au Japon depuis le 11 mars. Nous vous livrons quelques premiers éléments d’analyse économique et financière, sous l’hypothèse que le risque nucléaire soit maîtrisé.

Christophe Brulé, président d’Entheca Finance?:

« Le drame japonais remet en cause la normalisation du cycle économique mondial »

« La normalisation du cycle de croissance mondiale, en bonne voie depuis plusieurs mois, est évidemment remise en cause par la catastrophe japonaise, à court terme tout au moins, estime Christophe Brulé, président d’Entheca Finance. Même si une évaluation reste difficile pour l’heure, les analystes sont unanimes pour chiffrer à plus de 100 milliards de dollars le coût de la reconstruction japonaise. Ce drame ajoute un poids supplémentaire sur les fondamentaux de l’économie japonaise, déjà abimés par une dette frisant les 200 % et une croissance nationale ralentie. Comment agir, puis reconstruire à partir de cette base-là?? » Tandis que la Banque du Japon a pris, dès le lundi suivant le séisme, des mesures d’urgence d’injection de liquidité, Christophe Brulé estime qu’à plus long terme, l’une des clés se situe probablement dans la puissance du niveau d’épargne des ménages japonais. « Le Japon est le troisième exportateur mondial de capitaux. Si ces avoirs financiers étaient rapatriés, ils pourraient être réinvestis à l’échelle nationale et favoriser la reconstruction, souligne-t-il. Revers de la médaille, ce scénario impacterait les marchés occidentaux sur lesquels les flux de capitaux japonais sont conséquents. Nombre d’Etats européens en bénéficient actuellement pour refinancer leur dette. »

Pour Christophe Brulé, les scénarii positifs, préétablis en début d’année, sur les marchés d’actions sont à mettre entre parenthèse. « Le drame japonais fait ressurgir le spectre d’une forte volatilité, donc de l’aversion au risque, précise-t-il. Dans ces phases de forte incertitude, il est important pour les investisseurs d’avoir des portefeuilles bien construits et très diversifiés. A l’échelle de quelques jours/semaines, une vision prudente s’impose, privilégiant une réduction de l’exposition aux marchés actions. »

Tetsuro Miyachi, responsable du département de gestion des investissements à Tokyo, de Franklin Templeton Investments?:

« Les capacités de production pourront répondre à la demande lors de la reconstruction »

« À terme et à mesure que la situation s’améliore, nous prévoyons une énorme demande pour la reconstruction des installations de production d’électricité, des infrastructures de communication, des routes, des voies ferroviaires, des installations portuaires, des bâtiments et des logements. La reconstruction dans les zones sinistrées se déroulera, selon nous, en temps opportun et sans heurts, puisque les capacités de production sont en mesure de répondre à une telle demande et que le transport des zones de production vers les zones sinistrées devrait rester sûr, souligne Tetsuro Miyachi. Les zones sinistrées sont par exemple accessibles par les routes principales en provenance de Tokyo. Par ailleurs, bien que l’aéroport Sendai ait été gravement endommagé, de nombreux aéroports restent opérationnels dans la région de Tohoku, par exemple les aéroports d’Aomori et de Misawa de la préfecture d’Aomori, les aéroports d’Akita et Odate-Noshiro de la préfecture d’Akita, les aéroports d’Yamagata et de Shonai de la préfecture d’Yamagata, l’aéroport Iwate Hanamaki de la préfecture d’Iwate et l’aéroport de Fukushima de la préfecture de Fukushima. Nous souhaitons à nouveau souligner que sur le front de la production, les principaux centres industriels japonais sis dans la baie de Tokyo, dans la région de Tokai et dans la baie d’Osaba n’ont subi aucun dégât direct. » Tetsuro Miyachi a donc le sentiment que cette tragédie « n’aura pas un impact économique grave » sur le Japon. « Nous pensons que la volatilité de la Bourse de Tokyo a été attisée par la gravité de la catastrophe, par le spectre de dégâts aux installations nucléaires, par des dégagements suscités par le besoin de liquidités et par des mouvements spéculatifs. Pour l’heure, cette volatilité du marché va vraisemblablement persister, estime-t-il. Nous sommes toutefois d’avis que le marché finira par reporter son attention sur les fondamentaux le moment venu. Notre intention n’est certes pas de minimiser l’impact du séisme, mais nous sommes fermement convaincus que la valeur des entreprises a elle-même largement moins souffert de la catastrophe. »

L’enjeu du nucléaire devrait accroître la pression sur le pétrole
En prenant l’hypothèse d’une stabilisation du risque nucléaire, les spécialistes d’UFG-LFP soulignent que le choc pour l’économie japonaise, très tournée vers les exportations, aura des conséquences sur ses partenaires commerciaux, en fonction de l’ampleur des liens économiques existants. « L’Asie et plus particulièrement la Chine seront concernées. L’Europe et les Etats-Unis sont moins touchés », estiment-ils. Dans une économie mondiale de plus en plus globalisée, ils soulignent également que des secteurs majeurs sont et seront très impactés, soit parce que la demande japonaise y est clef, comme le luxe, soit parce ce que le Japon est un acteur central de la chaîne de production, comme dans l’automobile, et la technologie. « Mais la capacité du Japon à délocaliser ses unités de production est un facteur d’espoir », font-ils valoir. Plus largement, au-delà des impacts commerciaux, UFG-LFP pointent les répercussions importantes à attendre sur les grands marchés mondiaux. « Les grandes banques centrales en phase de resserrement seront certainement amenées à en modifier le rythme ou le timing », soulignent-ils notamment. S’agissant des prix de l’énergie, au-delà du repli de court terme, ils estiment que l’enjeu nucléaire change la donne sur l’offre globale de ressources énergétiques et met une pression supplémentaire sur le pétrole.