vendredi 19 avril 2024
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Troubles du langage à Monaco : ce mal qui coupe la parole aux jeunes

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À Monaco, 6,2 % des élèves scolarisés en principauté ont été diagnostiqués d’un trouble du langage et des apprentissages. C’est beaucoup, d’autant que ce diagnostic n’est pas toujours aisé, selon l’association ALTA, qui se consacre à ces troubles à Monaco. À ses yeux, comme à ceux des élus du Conseil national, il faudrait augmenter le nombre de professionnels, et notamment d’orthophonistes.

C’est un handicap discret, mais qui réduit la jeunesse au silence. Les troubles du langage et des apprentissages, tels que les troubles « dys », n’épargnent pas la principauté. Dysphasie, dyslexie, dyspraxie… Ils ont pour point commun de ralentir les jeunes dans leurs capacités à communiquer. Il s’agit de troubles du langage oral, qui gênent l’articulation, provoquent des bégaiements, ou limitent la capacité à verbaliser ses pensées. À eux seuls, ou associés à d’autres troubles et handicaps, ils sont généralement sources de difficultés à l’école et au quotidien. Et nombreux sont ces jeunes à être concernés par ce fléau à Monaco : ils sont environ 350 à être diagnostiqués d’un trouble « dys » au CERPEA de Beausoleil, le centre d’évaluation et de rééducation pluridisciplinaire pour enfants et adolescents, où sont accompagnés des jeunes monégasques. En milieu scolaire, 6,2 % des élèves scolarisés à Monaco ont été diagnostiqués d’un trouble du langage et des apprentissages, selon Isabelle Bonnal, directrice de l’Éducation, de la jeunesse et des sports [à ce sujet, lire son interview publiée dans ce dossier spécial — NDLR]. Ce ne serait pas inquiétant s’il n’était pas encore si difficile de dépister ces troubles. S’il est relativement aisé de les corriger, il faut toutefois être en mesure de les diagnostiquer dès le plus jeune âge, pour éviter que ces troubles ne soient à l’origine de difficultés de développement chez les enfants et chez les jeunes. Problème : le nombre de professionnels, notamment d’orthophonistes, n’a pas toujours été suffisant à Monaco pour accompagner les familles à temps.

Marc Mourou, président de la commission de l’éducation, de la jeunesse et des sports © Photo Conseil National.

« Les orthophonistes de Monaco jouent un rôle très important dans l’accompagnement des troubles « dys » chez les jeunes. Ils sont de plus en plus sollicités, et ils reçoivent leurs patients à de nombreuses reprises. Les suivis sont longs. Et, faute de prise en charge, les répercussions peuvent être lourdes de conséquences »

Marc Mourou. Président de la commission de la commission de l’éducation, de la jeunesse, et des sports du Conseil national

Plus d’orthophonistes nécessaires

L’alerte a été lancée par l’association ALTA. Créée en 2020 par la famille de Salomé Fissore, une jeune Monégasque diagnostiquée tardivement d’une dysphasie [à ce sujet, lire notre article Jeune patronne à Monaco, Salomé a dompté sa dysphasie, publié dans ce dossier spécial — NDLR], cette association consacrée aux troubles des apprentissages a interpellé les pouvoirs publics, dès sa création, pour faire prendre conscience du manque de professionnels dédiés en principauté. Ce n’est en effet qu’à 18 ans que Salomé a été diagnostiquée de son trouble « dys », après avoir passé presque l’intégralité de sa jeunesse en étant incapable de communiquer normalement : « Je n’ai pas eu de vraie conversation avec mes parents avant 18 ans. Mes idées étaient là, à l’intérieur, les mots aussi. Mais ils ne sortaient pas », a-t-elle confié à Monaco Hebdo. Non pas que la dysphasie soit particulièrement difficile à diagnostiquer, c’est surtout le manque de moyens humains qui a posé problème dans ce cas précis, et pour d’autres aussi, selon cette association. Si bien que la question a valu l’intervention du Conseil national, puis du gouvernement monégasque : « Les orthophonistes de Monaco jouent un rôle très important dans l’accompagnement des troubles « dys » chez les jeunes. Ils sont de plus en plus sollicités et reçoivent leurs patients à de nombreuses reprises. Les suivis sont longs. Et faute de prise en charge, les répercussions peuvent être lourdes de conséquences », rappelle ainsi Marc Mourou président de la commission de la commission de l’éducation, de la jeunesse et des sports du Conseil national [à ce sujet, lire son interview publiée dans ce dossier spécial — NDLR]. L’élu de la majorité Priorité Monaco (Primo !), ajoute même que ce sujet des troubles « dys » est discuté en séance publique depuis « plus de deux ans » entre Conseil national et gouvernement. Mais il a fallu attendre novembre 2021 pour que la loi évolue.

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Il s’agit de troubles du langage oral, qui gênent l’articulation, provoquent des bégaiements ou limitent la capacité à verbaliser ses pensées. À eux seuls, ou associés à d’autres troubles et handicaps, ils sont généralement source de difficultés à l’école et au quotidien. © Photo DR

« Ce sont des petites difficultés d’apprentissage. C’est tout à fait remédiable. Mais nous devons tous être mobilisés sur le sujet »

Didier Gamerdinger. Conseiller-ministre pour la santé et les affaires sociales

Une ordonnance pour avancer

Le 23 novembre 2021, l’ordonnance souveraine n° 8 924 a été adoptée pour permettre d’augmenter le nombre d’orthophonistes à Monaco. Elle permet, en effet, à un orthophoniste titulaire de s’associer avec un ou deux autres orthophonistes, ce qui n’était alors pas encore possible. Si cette initiative autorise l’exercice de deux confrères uniquement en simultané dans un cabinet commun, elle permet toutefois d’assurer une meilleure continuité pour les familles, qui devraient bénéficier davantage d’un suivi prolongé et régulier. Un point essentiel pour favoriser au plus tôt le diagnostic de troubles du langage, même si tout n’est pas réglé : « Les orthophonistes de Monaco rencontrent cependant une réelle problématique de locaux, ou encore une saturation de leurs créneaux horaires. Concernant les autres professionnels de santé, il existe encore un manque de pédopsychiatres, de neuropsychologues ou de psychomotriciens en principauté. Ce sont des profils très recherchés, et pour lesquels le besoin se fait de plus en plus ressentir, notamment pour prendre en charge la santé mentale des jeunes. » Reste qu’il était nécessaire d’agir, selon Didier Gamerdinger, conseiller-ministre pour la santé et les affaires sociales. Il s’était en effet exprimé au sujet des troubles « dys » lors d’une séance publique au Conseil national, fin 2021, après avoir été questionné par Marc Mourou : « C’est en agissant le plus tôt possible que l’on peut le mieux prendre en compte, soigner, et accompagner les enfants et leurs familles. Le rôle des institutrices et des instituteurs est d’ailleurs primordial. Et il y a des relations constantes entre l’éducation nationale et les services d’intervention médicaux et sociaux de la principauté. Longtemps ces phénomènes de petites difficultés étaient assez négligés, méconnus, voire cachés par les parents. » Le conseiller-ministre s’était même voulu rassurant : « Nous sommes en capacité de prendre en compte très rapidement ces situations et d’apporter une réponse appropriée. L’éducation nationale a fait des efforts importants pour que chaque enfant puisse disposer d’un accompagnement spécifique, avec un soutien scolaire et pédagogique. Mais il faut encore y consacrer de l’énergie et des moyens, car il s’agit de l’avenir de notre jeunesse. Ce sont des petites difficultés d’apprentissage, c’est tout à fait remédiable. Mais nous devons tous être mobilisés sur le sujet. » Il reste maintenant à la profession, elle-même, de s’adapter aux nouveaux usages des patients, en démocratisant davantage l’usage de la télé-orthophonie, pour permettre une continuité et un suivi, notamment en période de restrictions sanitaires.

Pour lire la suite de notre dossier consacré aux troubles DYS à Monaco, cliquez ici.