vendredi 26 avril 2024
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Risque sismique : Faut-il trembler par avance ?

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Sendaï au japon après le tsunami
Face à l'ampleur du séisme de magnitude 9,1 et du tsunami au Nord-Est du Japon, un détachement de 11 sapeurs-pompiers de Monaco, spécialisés dans la recherche de victimes ensevelies, ont été envoyés en mission à Sendaï © Photo Corps des sapeurs-pompiers de Monaco

Frappée par l’horreur de Fukushima ou par le bilan humain qui s’alourdit en Turquie (366 morts et 1?300 blessés le 25 octobre), l’opinion publique redoute qu’une catastrophe survienne dans notre région, zone sismique. Même si à Monaco, les risques sont modérés, voire inexistants.

Par Carine Julia.

Q?uinze séismes en une semaine?! Entre le 13 et le 20 octobre, les appareils de surveillance sismique de Monaco ont capté pas moins d’une quinzaine de tremblements de terre. Au vu de l’imprévisibilité du phénomène, l’angoisse du public peut se comprendre. Pas de panique cependant, ce ne sont que des micro-secousses, des mouvements de failles mineurs, d’une intensité inférieure à 2 sur l’échelle de Richter. Le 20 octobre, lors de la 12ème édition des Jeudis verts, organisée par la mairie et l’association Monaco développement durable (MC2D), des spécialistes ont répondu aux questions du public sur les risques naturels. Preuve que le sujet passionne les foules?: une cinquantaine de personnes avaient fait le déplacement à la grotte des jardins Saint-Martin et la salle des mariages de la mairie était comble…

Panel d’experts pour rassurer

Philippe Mondielli, le directeur scientifique de la fondation prince Albert II et sismologue, Christian Curau, président de l’ordre des architectes de Monaco et le lieutenant-colonel Tony Varo des sapeurs-pompiers de la Principauté, ont permis de revoir les fondamentaux en matière de préventions des catastrophes naturelles. Premier constat?: les tremblements de terre suffisamment forts pour être ressentis sont rares. « Tous les cinq ans environ » avance Philippe Mondielli. Au-delà du facteur risque (le dernier grand séisme remonte à 1?887), les capteurs de surveillance déterminent les mouvements de référence dont dépendent les normes de constructions. Des normes indispensables. « Il y a une différence entre une tente préhistorique et un building?! », plaisante Christian Curau, qui a opéré un tour d’horizon des structures parasismiques à travers l’histoire. Il faut savoir que la seule construction géométrique indéformable est le triangle, d’où le nombre de plus en plus important de ce type de constructions depuis quelques décennies. Depuis les années soixante-dix, tous les bâtiments de Monaco sont aux normes, les plus anciens renforcés grâce à des structures externes, ou par le plancher. Les plus modernes, comme le Grimaldi forum, sont en fait un assemblage de plusieurs modules indépendants, pour éviter le phénomène oscillatoire. En fait, plus un bâtiment est rigide, plus les secousses sismiques risquent de le déformer jusqu’à rompre. C’est pourquoi les constructions modernes sont désolidarisées et montrent le fameux voile parasismique en façade.

La panique, meilleure ennemie

Si les risques sismiques son limités à Monaco, ils n’empêchent pas les mouvements de panique. En 1995, heureusement sans victime ni dégât matériel, une secousse de 4,7 sur l’échelle de Richter avait ainsi mis la Principauté sans dessus-dessous. Le lieutenant-colonel Tony Varo se souvient?: « Tout le monde avait oublié les bons comportements. Les gens sortaient dans la rue, saturaient le centre d’appel. » L’occasion pour le pompier de rappeler les gestes d’usage en cas d’alerte, même en cas de fortes secousses. Par exemple se mettre dans un coin de la pièce ou sous une table car ce sont les zones de survie. Une fois la secousse passée, il faut couper l’eau, le gaz et l’électricité et surtout ne pas sortir. En cas d’inquiétude à propos des enfants, le plan particulier de mise en sécurité garantie leur prise en charge, il est inutile d’aller les chercher à l’école. Des consignes générales disponibles sur le site Internet des sapeurs-pompiers pompiers.gouv.mc. A ne pas oublier. On ne sait jamais…

Pas de risque de Fukushima bis??
C’est la crainte numéro 1 qui est née cette année. Qu’un Fukushima bis frappe l’Europe. Une peur qui ne résiste pas à l’analyse. Du moins dans la région. « Je ne pense pas que nous puissions parler d’un risque nucléaire suite aux séismes dans les Alpes-Maritimes et à Monaco. » Anne Deschamps, directeur de recherche CNRS à Geoazur, est formelle. Un risque nucléaire est très faible que ce soit du côté de Toulon, port qui accueille parfois des sous-marins nucléaires ou de Cadarache. « D’une part les zones sismiques sont loin de Toulon et la probabilité de dégâts dus à un séisme sur les installations de Toulon ou dans la rade est quasi nulle, et d’autre part je ne pense pas que ce soit là que se fasse la recherche sur les sous-marins nucléaires. Enfin, les sous marins eux mêmes ne doivent pas être présents souvent », rassure la scientifique. L’installation nucléaire terrestre la plus proche de Monaco est celle de Cadarache (centre de recherche) qui monte en puissance avec le centre ITER, à plus de 150 km. « La protection de ce centre est bien contrôlée par l’IRSN et les marges de sécurités imposées par les règles de constructions parasismiques pour prendre en compte le risque sismique (c’est le séisme de Lambesc de 1909 qui est l’événement de référence) sont fortes. La probabilité d’un incident dû à un séisme n’est sans doute pas plus forte que la probabilité d’un incident d’une autre nature », poursuit Anne Deschamps.

Plaques-Tectonique-Europe
La plaque italo-adriatique qui fait grandir les Alpes.

« Là où la terre a tremblé, elle tremblera encore… »

La sismologie, une science qui s’est développée en France dans les années 60, quand on a voulu construire des centrales nucléaires. Etudier les séismes du passé, c’est devenu la passion numéro un d’André Laurenti, créateur du site azurseisme.com. Les mesurer au présent, c’est le travail d’Anne Deschamps, chercheur CNRS à Geoazur. Rencontres.

Par Florence Canarelli.

«Là où la terre a tremblé, elle tremblera encore… Il se produira bientôt une catastrophe sur la Côte d’Azur. »
Cette annonce apocalyptique prononcée en 1982 par Haroun Tazieff, lors d’une conférence à la faculté des lettres de Nice, est-elle prémonitoire?? Avec le recul du temps et les progrès de la sismologie, il parait raisonnable de dire, comme André Laurenti, que « c’est exagéré ». Sans doute le célèbre vulcanologue avait-il été très marqué par le séisme de 9,5 au Chili en 1960, le plus puissant jamais enregistré…
Certes, mais la Côte d’azur n’est-elle pas sur une faille sismique?? Non, répond André Laurenti, la vraie fracture passe beaucoup plus au Sud, par le Maroc, la Sicile et la mer Egée. Notre région se trouve seulement sur la plaque italo-adriatique, qui « pousse » les Alpes (voir schéma).

Région la plus sismique??

Autre affirmation souvent entendue?: la région de Nice (et Monaco) serait la plus sismique de France. « C’est UNE des régions les plus sismiques, corrige Anne Deschamps. Et le danger tient surtout à la population nombreuse, qui augmente encore en été. Il y a actuellement plus de séismes dans les Pyrénées, où la seule ville un peu peuplée est Lourdes… Imaginez ici un mini tsunami de 60 cm (le maximum jamais enregistré dans le passé)?: pas grand risque en hiver mais en été, sur une plage surpeuplée… »
De plus, dans le passé, le séisme le plus important de France — magnitude 6,2 — eut lieu en 1908 à Lambesc dans les Bouches-du- Rhône. Et si l’on remonte au 16ème siècle, ce fut à Manosque qu’un séisme fit d’importants dégâts.
Dans notre région, le séisme de référence, sur lequel travaille actuellement André Laurenti, c’est celui du 23 février 1887?: « Aux premières heures de la journée, le plus fort séisme jamais enregistré dans la région secoua le nord de l’Italie et le sud-est de la France. Il fut ressenti dans un cercle de 600 kilomètres autour de son épicentre situé au large d’Imperia. Il causa la mort de 635 personnes chez nos voisins transalpins et fit 8 victimes dans les Alpes-Maritimes (à Castillon, la Bollène-Vésubie, Bar-sur-Loup et Nice). »

Risque modéré

Mais gardons raison?: la France est en Europe une région à sismicité moyenne. Quelque soit la méthode de zonage utilisé, le risque est modéré et concerne surtout les frontières Est (de l’Alsace jusqu’à la Côte d’Azur) et Sud-Ouest (les Pyrénées). Dans le Sud-Est, c’est la zone des plis alpins — le Briançonnais et l’arrière pays niçois — qui est concernée. De Marseille à Cannes, la sismicité est quasiment nulle, on peut juste y ressentir quelques effets de séismes dont l’épicentre se situe entre Nice et l’Italie. En moyenne chaque année, on compte en France une vingtaine de séismes superficiels (leur foyer se situant dans la croûte terrestre), d’une magnitude n’ayant jamais dépassé les 6,2 sur l’échelle de Richter. Sur la Côte, c’est un séisme tous les 5 ans, de magnitude supérieure à 4… Et plus rien depuis 2003. Gardons en mémoire les milliers de séismes ressentis chaque année dans l’ensemble du bassin méditerranéen, de la Grèce à la Turquie en passant par l’Algérie ou l’Italie.
Cependant, aux dires d’Anne Deschamps, « il faut s’attendre à un gros séisme, nous avons des indices d’activité de la croûte terrestre. Ceci dit, les séismes les plus importants que nous pouvons attendre auront des magnitudes de l’ordre de 6,5 à 7, c’est-à-dire en gros d’une énergie mille fois plus faible que le séisme du Japon du mois de mars. » Mais quand et de quelle amplitude exacte, nul ne peut avec certitude le prédire.

Nouveau zonage, nouvelle approche… même résultat??

Aux dires de la direction de l’Environnement, « sur l’échelle des zones sismiques de 0 à III, la Principauté de Monaco se situe en zone II, c’est à dire dans une zone à sismicité moyenne. » Du moins si l’on se réfère à l’ancien zonage, celui qui était en vigueur jusqu’au 1er mai 2011.
En effet, un zonage sismique de la France, fondé sur des données «?historico-statistiques?» (approche déterministe), avait été élaboré en 1989 à partir de l’étude de 7?600 séismes antérieurs à 1984 (décret du 14 mai 1991). Depuis lors, grâce à l’amélioration des connaissances sur les failles actives ou en sismicité historique, de nouvelles normes européennes plus fines ont vu le jour?: baptisées Eurocode 8, elles privilégient une approche probabiliste, c’est-à-dire basé sur les risques probables en fonction de la topographie et des failles terrestres. Ce qui permet des comparaisons cohérentes avec les pays limitrophes, comme l’Italie.
Désormais, la France métropolitaine est découpée en 4 zones sismiques. Et la plus grande partie des Alpes-Maritimes — dont Monaco — sont en zone 4, c’est à dire de sismicité moyenne (pour les matheux?: amax = 1,6 m/s2).

Séisme de référence de magnitude 6,5

A Monaco, la réglementation en vigueur « prend en compte un séisme de référence de magnitude 6,5 dont l’épicentre serait situé en mer à une distance de 30 km », explique la direction de la Prospective, de l’Urbanisme et de la Mobilité (DPUM).
Au final, que ce soit avec la méthode déterministe ou la nouvelle approche probabiliste, le calcul du risque reste le même?: « L’étude des failles actives ou pouvant le devenir, dans les environs de la Principauté, tant à terre qu’en mer, pourraient générer un séisme d’une accélération maximale de 1,6 m/s2 dans les couches profondes du sous-sol de la Principauté. »

Quelle échelle utiliser??
• L’échelle de Mercalli mesure l’intensité, c’est-à-dire les dommages et effets ressentis par les personnes durant un tremblement de terre. Elle s’exprime en chiffres romains, de I à XII — on l’emploie pour « mesurer » les tremblements de terre historiques.
• L’échelle de Richter mesure la magnitude c’est à dire l’énergie libérée au foyer d’un séisme. C’est une échelle ouverte, logarithmique?: un accroissement de magnitude de 1 correspond à une multiplication par 30 de l’énergie et par 10 de l’amplitude du mouvement.
Inventée aux Etats-Unis, l’échelle de Richter serait remplacée aujourd’hui par une échelle européenne, l’EMS 98, qui mesure la magnitude locale (Ml) et énergétique (Me).
Attention aux contrefaçons?!
Le 3 février 2011 au matin, la terre a légèrement tremblé dans la région de Menton?: un séisme mineur, entre 2,5 et 3 degrés sur l’échelle de Richter, qui a cependant été ressenti dans l’arrière-pays jusqu’à Sospel. L’événement a été enregistré à 4h16 par la station de la grotte Saint-Martin, près du Musée océanographique, l’épicentre se situait entre Menton et Cap Martin.
Peu de temps après, on en apprenait la cause?: un déminage fait en mer par l’armée française?!
Les séismes en quelques dates
• (1494) Lantosque – Roquebillière – Châteauneuf-Villevieille
• (1564) arrière-pays niçois (intensité VIII)
• (1644) vallée de La Vésubie?: plusieurs morts?; nombreux dégâts
• (1887) région ligure?: 600 morts en Italie, 10 morts dans le pays niçois (a priori le séisme le plus fort jamais ressenti en France métropolitaine)
• (1963) San Remo (magnitude 5,6 avec un épicentre situé à 25 km au sud de Monaco)
• (26 décembre 1989) séisme ressenti par les habitants de Nice et de sa région (magnitude 4,3)
• (21 avril 1995) Vintimille (magnitude 4,7) ressenti jusqu’à Marseille
• (1er novembre 1999) Peille (magnitude 3,4)
• (25 février 2001) séisme ressenti dans le Var et les Alpes-Maritimes (magnitude 4,6 avec un épicentre situé à 30 km au sud de Nice)
Sismographe-enregistreur
© Photo D.R.

Mesurer les séismes, le B-A BA du métier

Le premier séisme répertorié dont il reste une trace le fut en Chine… au 8ème siècle avant JC. Et c’est un Chinois, Zhang Heng, qui inventa le premier « sismographe » en l’an 132, sur le principe du pendule.

Par Florence Canarelli.

Un sismographe est composé d’un capteur, le sismomètre, qui est la partie mécanique sensible et d’un enregistreur. Aujourd’hui, le sismomètre est un petit appareil rond, d’environ 30 centimètres de diamètre, qu’on pose sur le sol?: rien de spectaculaire ni de high tech, il n’a pas beaucoup évolué depuis les débuts de la sismologie, fin du 19ème siècle, si ce n’est qu’il s’est miniaturisé.

Fini les résultats sur papier

La fonction de ce petit capteur n’est autre que de mesurer les ondes sismiques qui font bouger le sol?: on en trouve un par exemple dans le souterrain du château du haut-de-Cagnes ou, à Monaco, dans la grotte du Jardin de Saint-Martin, sous le musée océanographique.
Par contre, c’est l’enregistrement des ondes sismiques qui a changé?: finis les résultats sur papier, le sismomètre est aujourd’hui relié à un petit ordinateur qui transmet les données en temps réel par modem, via l’adsl ou le satellite… Tout simplement.
Sur le plateau de Calern, dans les Alpes Maritimes, le promeneur averti pourra repérer un simple abri préfabriqué construit sur une cave où sont posés deux capteurs, l’un qui mesure les mouvements forts, l’autre les plus sensibles.
Le département voisin compte au total sept stations de ce type (dont cinq à Nice), qui envoient leurs mesures en temps réel au réseau national de surveillance sismique de Strasbourg et au centre Géoscience de l’université de Nice à Sophia-Antipolis. Autrement nommé Geoazur, le centre de Sophia-Antipolis est une unité mixte de recherche pluridisciplinaire créée en 1996 qui étudie la dynamique de la lithosphère (aléas sismiques, gravitaires et tsunamis, surveillance du niveau moyen des mers et des débris spatiaux).
C’est avec Geoazur que collabore depuis quelques années la direction monégasque de l’Environnement pour surveiller la sismicité. Avant cela, la Principauté échangeait déjà des données avec le Centre sismologique euro-méditerranéen ou le Laboratoire de détection géophysique de la région parisienne.

Le GPS précise la dérive des continents

Au chapitre nouveautés, l’utilisation du GPS, qui a permis de préciser le concept flou qu’on appelait « dérive des continents ». Dorénavant grâce au GPS, on sait mesurer le déplacement des plaques de façon très fine?: ainsi voit-on la plaque italo-adriatique avancer d’un millimètre par an, celle d’Afrique du nord de 5 à 7 mm et la Turquie se rapprocher « à toute allure » (4 cm par an?!) de l’Europe?: « Il existe une station GPS ici à Sophia sur le toit de Geoazur, et une autre à Calern », nous informe Anne Deschamps, directeur de recherche CNRS à Geoazur. La chercheuse étudie les liens entre la micro-sismicité et les gros séismes, dans le but de mesurer le risque sismique et de trouver une éventuelle application locale. C’est pourquoi elle se rend souvent en Grèce, dans le golfe de Corinthe où la sismicité est 100 fois supérieure à celle de notre région.
Avec ses collègues qui travaillent de même avec Taiwan, l’Equateur ou l’Islande, elle reçoit également des données d’autres régions sismiques comme l’Italie ou les Pyrénées.

André Laurenti
André Laurenti © Photo D.R.

André Laurenti, une passion volcanique

Employé au pôle développement durable de la mairie de Cagnes-sur-mer, et avec une formation de dessinateur en bâtiment, André Laurenti n’est pas un scientifique, juste un « fou de nature et de sciences de la terre ».
C’est en autodidacte qu’il s’intéresse d’abord aux volcans, après avoir accompagné en Sicile un voyagiste spécialisé pour visiter le Stromboli et le Vulcano. Fasciné par les « bouches éruptives » de ces volcans encore en activité, il devient vite un « addict », visitant chaque année depuis 1989, une région volcanique dans le monde, Cordillère des Andes ou Guadeloupe.
Et si on ne trouve pas de volcans dans notre région, néanmoins « l’Estérel est de la roche d’origine volcanique et les roches rouges du Cians sont des dépôts de cendres des volcans ».

Spécialiste du séisme de 1887

Du volcan au séisme, il n’y a qu’un pas?: André Laurenti fait des recherches, sillonne en vélo l’Italie proche ou les cols des Alpes, fait des enquêtes dans les archives départementales, les journaux et les rapports de gendarmerie, écrit plusieurs livres, jusqu’à devenir LE spécialiste du séisme de 1887 : « la sismicité est basée sur l’histoire. Beaucoup d’archives ont été détruites lors de la révolution française, mais on trouve sur internet le cadastre napoléonien… Ce qui permet de connaitre, quasiment maison par maison, l’étendue des dégâts de ce séisme ayant touché par exemple Clans, Peille, Bouyon… Et surtout La Bollène Vésubie, car le sol y étant de nature poreuse, en gypse avec des sources, donc humide… »
Leçons à tirer du passé?: un village ancien bien construit (comme Peille par exemple) où les maisons s’appuient les unes sur les autres, sur un sol rocheux, résiste très bien aux séismes. Seuls les bâtiments des extrémités sont les plus fragiles. Savez-vous à quoi servent les « arcs de contraste » entre deux maisons dans les villages anciens, comme dans le vieux Menton?? A renforcer les maisons en cas de séisme, car ils étaient construits « de point dur à point dur ».
André Laurenti a suivi, en Italie, des stages de construction-rénovation de bâti ancien en zone sismique, où il a appris qu’il ne faut jamais ajouter un plancher en béton armé sur un bâtiment ancien — c’est à dire poser un élément rigide sur des matériaux souples — car les murs risquent d’éclater.
Un principe qu’il a bien sûr appliqué dans sa vieille maison du Haut de Cagnes, où il a construit son plancher… en bois?!

A lire?: • Les tremblements de terre dans les Alpes Maritimes.
• Les AM à l’écoute des séismes (édition Serre)
• En préparation, un ouvrage sur le séisme de 1887.

Fontvieille les Terrasses du port
© Photo D.R.

Construire en zone sismique

En principauté, les premières règles parasismiques de construction sont appliquées depuis 1973.

Par Florence Canarelli.

Lors du grand séisme de 1887, les seuls dégâts occasionnés à Monaco concernèrent les surélévations effectuées sur le bâti plus ancien. De même, le Vieux-Nice, construit aussi sur du rocher, ne s’effondre pas trop, à l’inverse du Paillon, où les effets sont amplifiés à cause des alluvions. A Menton, les dégâts s’observent surtout en bordure des cours d’eau, le vieux Menton ne bougeant que très peu, sauf les maisons situées aux extrémités.
Pour en revenir à Monaco, les premières règles parasismiques de construction sont appliquées depuis 1973, et s’inspirent des lois françaises. Des règles de calcul dite PS 69 (référence à l’année 1969, date de l’établissement des premières normes de construction parasismiques), sont depuis lors applicables pour toute demande de permis de construire.
Depuis 2003, un arrêté ministériel définit de nouvelles règles qui prennent en compte les études de microzonage?: les constructions nouvelles sont désormais classées de A à D selon des critères de taux d’occupation ou de hauteur. Sans oublier la nature du sol, capitale en terme de résistance ou non aux mouvements sismiques.

Etude du sol impérative

Car la première étape dans la construction d’un bâtiment est toujours l’étude du sol, a fortiori en zone sismique, comme nous le confirme Jean-Patrick Pacioselli, directeur général des Entreprises JB Pastor & Fils?: « Avant toutes choses, je demande une étude de sol à un cabinet spécialisé, qui fera des forages en différents points stratégiques du terrain. Il faut forer jusqu’à trouver un sol solide, même si c’est à plus de 20 mètres sous l’eau, comme ce fut le cas pour le Monte-Carlo Bay. Ensuite, on coule du béton dans des pieux, sur lesquels reposera l’immeuble. »
La Principauté a été découpée en plusieurs zones homogènes en fonction de la nature des couches géologiques souterraines, dans lesquelles des capteurs mesurent les amplifications par rapport au substratum (couche profonde du sous-sol) de référence (roche jurassique de Saint Jean Cap Ferrat).
Désormais, l’Eurocode 8 définit cinq catégories de sols (de A à E) qui vont du rocher aux sols mous et qui sont caractérisées par des coefficients d’amplification qui vont de 1 pour le rocher à 1,8 pour les sols mous. La caractérisation des sols sous la construction s’effectue à l’aide de sondages géotechniques.
Pour la DPUM, « on retrouve dans la réglementation monégasque en vigueur et dans l’Eurocode 8 les mêmes principes méthodologiques, mais avec de petites différences dans la manière dont ces principes ont été pris en compte. D’ici à la fin de l’année, une analyse comparative va être menée afin de vérifier si des adaptations mineures d’ajustement s’avèreraient utiles dans le cadre de l’application de notre réglementation. »

Et le risque tsunami??
Quant au risque de tsunami, qu’on se rassure?: on parle de tsunami à partir d’un séisme de magnitude 6,5 et le grand maximum jamais observé ici est de 6,2. Un séisme de 7 en Algérie a provoqué en 2003 une petite vague de 20 cm à Monaco. Et le grand séisme historique de 1887 avait provoqué une vague entre Marseille et Livourne, qui est monté à deux mètres d’amplitude entre Antibes et Cannes, et 60 centimètres à Monaco.