vendredi 26 avril 2024
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Qualité de vie
Le ras-le-bol

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Depuis des années, la question de la qualité de vie en Principauté est devenue un sujet sensible. Alors que le mécontentement prend de l’ampleur, Monaco Hebdo dresse un état des lieux.

« Plus d’une heure pour aller de la place des Moulins à la place d’Armes ! C’est inadmissible ! Y’en a marre ! » Cet automobiliste monégasque n’est pas content. Et c’est loin d’être un cas isolé. Depuis des années, le matin et le soir, aux horaires de bureau, Monaco est très souvent paralysée. Des embouteillages se forment aux entrées de Monaco, rendant la circulation infernale et provoquant des retards en cascades pour les salariés venus de Nice, de Menton ou d’Italie. Du côté des trains, ce n’est guère mieux. La SNCF peine depuis des années à afficher un niveau de régularité satisfaisant. Et ce, même si l’Etat monégasque a financé en novembre 2011 l’achat de cinq rames de TER, pour un total de 50 millions d’euros. Objectif affiché à l’époque : parvenir à proposer un train toutes les 15 minutes en heures de pointe. Mais dans les faits, c’est loin d’être le cas. Et le mouvement de grève reconductible entamé par les syndicats de la SNCF le 3 avril 2018 n’a fait qu’accentuer le sentiment de chaos chez les usagers. Après 34 jours de grève, la grève unitaire est terminée. Ce qui ne signifie pas pour autant la fin du mouvement. En effet, CGT et SUD ont décidé de prolonger la grève, pendant que l’Unsa et la CFDT la suspendent pendant l’été. D’ailleurs, la CGT-cheminots et SUD-Rail ont appelé à des arrêts de travail les 6 et 7 juillet. Et le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez n’écarte pas la possibilité d’un retour de la CFDT et de l’Unsa dans le mouvement en septembre.

Agacement

Du coup, si les salariés qui viennent chaque jour travailler en Principauté souffrent, par voie de conséquence, l’agacement des chefs d’entreprises de la Principauté grandit de façon exponentielle. « Les patrons ne se plaignent pas, ils constatent : les retards, le stress, des salariés qui voient leur vie quotidienne amochée par l’inconsistance régulière du service public de la SNCF. Et je ne parle même pas des grèves… », avait indiqué à Monaco Hebdo le président de la fédération des entreprises monégasques, Philippe Ortelli en octobre 2017 (lire son interview publiée dans Monaco Hebdo n° 1037). Tout en exprimant sa colère face au poids que font peser « les retards, qui peuvent aller parfois jusqu’à l’absentéisme, désorganisent les entreprises et perturbent les pendulaires, qui arrivent stressés, car en retard, et repartent dans le même état. C’est intolérable, pour eux d’abord, et puis, ensuite, pour l’organisation des entreprises monégasques ». Pour les résidents, ce n’est évidemment pas mieux. La vie à Monaco a perdu en qualité, tout le monde semble d’accord sur ce point, à commencer par le président du Conseil national, Stéphane Valeri : « La population constate aujourd’hui, plus que jamais, une dégradation sans précédent de la qualité de vie à Monaco » nous avait-il expliqué, en mars 2018.

 

« Les retards, qui peuvent aller parfois jusqu’à l’absentéisme, désorganisent les entreprises et perturbent les pendulaires, qui arrivent stressés, car en retard, et repartent dans le même état. C’est intolérable, pour eux d’abord, et puis, ensuite, pour l’organisation des entreprises monégasques »

Philippe Ortelli. Président de la Fedem

 

Consternation

Autre source d’embouteillages : la multiplication des événements organisés tout au long de l’année en Principauté. Lors du 11ème Grand Prix historique qui s’est déroulé du 11 au 13 mai 2018, le mécontentement a grandi encore un peu plus. Près de 40 000 spectateurs sont venus assister, sur trois jours, à cette compétition. Avec un circuit fermé de 7 heures du matin à 19h30 le vendredi 11 mai, la circulation a été rendue extrêmement difficile. À tel point, que certains élèves sont restés bloqués dans leurs bus et n’ont pas pu atteindre leur école à temps pour rejoindre leurs classes. Ce qui a provoqué la consternation, l’incompréhension et la colère chez les parents concernés. Autre évènement autour duquel les perturbations sont fortes sur la route : le Monaco Yacht Show. Après le Grand Prix, c’est le rendez-vous le plus compliqué à gérer en termes de circulation. Chaque année, en septembre, près de 600 exposants et plusieurs dizaines de milliers de visiteurs convergent vers la Principauté, provoquant toute une série d’embouteillages pendant près d’une semaine. Pour l’édition 2017, les organisateurs ont annoncé avoir accueilli 30 000 personnes. Le prochain Monaco Yacht Show se déroulera du 26 au 29 septembre 2018 et il ne devrait pas échapper à la règle qui condamne la population locale à des embouteillages quasi-systématiques. En septembre 2018, pour sa 28ème édition, 580 exposants sont attendus et 120 superyachts sont espérés au port Hercule. Un ponton installé au dessus de l’eau devrait permettre l’accès aux piétons du quai des Etats-Unis jusqu’au quai Antoine Ier. Mais toute une série de blocages sont d’ores et déjà prévus. « Afin de limiter au maximum les points de contrôle, des accès ont été entièrement fermés pour 2018, prévient l’organisation du Monaco Yacht Show sur son site internet. L’accès à la route de la piscine sera autorisé aux livraisons uniquement avant 9h30, puis à partir de 15h. L’accès au bas du T Central sera maintenu ouvert uniquement entre 8h00 et 10h00 pour les exposants et les livraisons, puis à partir de 17h00 jusqu’à 21h00 pour les cocktails. L’accès par le quai des États-Unis, au niveau du virage du quick, sera fermé 24h/24h pendant les 4 jours du salon. » Comme en 2017, les mesures de sécurité du plan Vigirenfort sont maintenues pour septembre 2018, en accord avec le gouvernement monégasque. Dans ces conditions, difficile d’espérer une réelle amélioration du trafic automobile pendant cette manifestation, au grand désespoir des résidents de la Principauté et des dizaines de milliers de salariés, condamnés à affronter des kilomètres de bouchons aux entrées de Monaco. Parmi les solutions avancées, imaginer une solution technique qui permette de maintenir la route de la piscine ouverte. Ce qui permettrait de décongestionner un trafic très dense. « Le matin, à la sortie de l’autoroute A8, tout est bouché un peu avant 7h30. Et au rond point de Cap-d’Ail, désormais, c’est dès 7h du matin que ça coince. Le soir, pour sortir de Monaco, c’est le même enfer… », soupire un salarié qui fait quotidiennement le trajet depuis Nice et qui évoque une « nette dégradation » de la situation sur les dix dernières années, entre 2010 et 2018.

Equilibre

Signe qui ne trompe pas, la qualité de vie est aujourd’hui tellement dégradée, que c’est un sujet dont se sont emparés les politiques pour l’évoquer de plus en plus massivement. D’ailleurs, lors de la campagne électorale pour les élections du 11 février 2018, les trois listes en présence, Priorité Monaco (Primo!), Union Monégasque (UM) et Horizon Monaco (HM) ont plus que copieusement abordé ce thème. Un sujet qui était déjà au centre des préoccupations lors de la campagne électorale de 2008. Dix ans après, les problèmes n’ont fait que s’accentuer. Bien sûr, personne ne conteste l’intérêt de ces manifestations et les très importantes retombées économiques qui en découlent. Mais les élus attendent aussi du gouvernement qu’il trouve un équilibre entre le budget de l’Etat et la qualité de vie de tous les résidents monégasques. Voilà pourquoi, dès janvier 2018, Primo! a demandé la création d’un « véritable plan stratégique piloté par une commission opérationnelle de la qualité de vie à Monaco », afin de travailler selon une « logique stratégique et transversale ». Contacté par Monaco Hebdo, HM n’a pas répondu à nos questions avant le bouclage de ce magazine, le 3 juillet 2018. Mais on se souvient des positions défendues par ce groupe politique qui n’hésitait pas, notamment, à réclamer un « bilan écologique de toutes les grandes manifestations ». Quant à UM, le constat a toujours été sans équivoque : « Aujourd’hui, la qualité de vie est sérieusement remise en cause : multiplication des chantiers, mobilité difficile, augmentation du taux de pollution, bruit et problèmes de santé publique », avait indiqué le candidat UM, Jean-Louis Grinda, dès novembre 2017.

Indice de la qualité de vie

Et lorsqu’il s’agit de trouver des solutions plus concrètes à mettre en place lors des grands événements organisés par Monaco, Grinda propose de « travailler encore plus en amont avec les organisateurs. Mais je ne doute pas que ce travail soit déjà fait. Il faut donc prendre d’autres mesures, forcément impopulaires ou difficiles. Par exemple, interdire la circulation aux résidents qui seraient alors contraints de prendre les transports en commun lors de ces trois ou quatre évènements là ». Quant aux chantiers, publics ou privés, qui occasionnent aussi des embouteillages ou des ralentissements, là encore, c’est le pragmatisme qui règne. Il n’est évidemment pas question de stopper l’intégralité des travaux lancés en Principauté. Depuis plus d’un an, du côté des élus du Conseil national, un mot revient : « phasage ». Les conseillers nationaux souhaitent que les travaux se poursuivent, mais par phases, afin de ne pas avoir à subir toutes les nuisances en même temps. « A moyen terme, il faudra repenser le phasage des chantiers et décaler certains dans le temps, notamment les projets privés », indiquait le président du Conseil national, Stéphane Valeri, en mars 2018. « Il faut mettre en place une coordination donnant la priorité aux chantiers publics, dans l’esprit du droit à la tranquillité, estime l’élu UM, Jean-Louis Grinda. Depuis longtemps je plaide sans relâche pour un droit à la tranquillité par quartier. C’est évidemment compliqué à faire, mais ce doit être un objectif. » Pierre Bardy, élu Primo!, avait indiqué souhaiter la création d’un indice capable de mesurer le plus fidèlement possible le niveau de qualité de vie en Principauté. Une mesure dans la mouvance du « PIB du bien-être » lancé en 2009 par le gouvernement luxembourgeois afin de « compléter la notion du PIB classique ». Un outil qui doit permettre de définir du mieux possible « l’état de satisfaction de la population », explique le portail officiel du Grand-Duché de Luxembourg : « Ensemble avec les partenaires sociaux, soit les syndicats et les représentants du patronat, le gouvernement a ainsi prévu de déterminer 63 indicateurs permettant de mesurer le PIB du bien-être. Parmi ces indicateurs devront figurer des éléments aussi divers que l’emploi, le logement, la mobilité, la santé, la vie sociale, etc. » Toujours sur le plan général, le 5 janvier 2018, lors d’une conférence de presse, l’élu Primo! Guillaume Rose a proposé un « vrai projet urbain global » qui partirait des « véritables aspirations des familles, des entrepreneurs, de ceux qui font vivre Monaco, des touristes ». Autres travaux qui posent de gros problèmes de circulation : les petits chantiers de voirie, qui paralysent parfois une partie de la chaussée. « Je conviens qu’il n’est jamais agréable de se retrouver ralenti par ces travaux sur la voirie, a reconnu le conseiller-ministre pour l’équipement, l’environnement et l’urbanisme, Marie-Pierre Gramaglia dans l’interview qu’elle nous a accordée (à lire dans ce numéro de Monaco Hebdo). Mais si nous ne faisons rien, il serait peut-être encore plus désagréable d’avoir à réagir dans l’urgence, par exemple, pour une rupture de canalisation vétuste. Toutes ces opérations sont essentielles et participent, une fois achevée, de la qualité de vie de tout un chacun. » La multiplication de ces petits chantiers de voirie a un lourd impact sur la circulation en Principauté. Mais c’est un sujet difficile à traiter, explique Marie-Pierre Gramaglia : « Leur phasage est une démarche complexe, car il s’agit à la fois d’éviter de trop impacter la circulation, tout en tenant compte des contraintes liées, par exemple, à l’usure des réseaux ou à leur sous-dimensionnement au fil du temps. »

 

Bagarre-@-Kristian

 

« Dissuasions »

Quant aux embouteillages, Primo! milite pour l’adoption d’un « plan d’urgence mobilité réellement opérationnel », en listant une série de mesures précises : afficher un suivi du développement des parkings relais et des liaisons avec le centre-ville, des mesures dissuasives pour les véhicules qui ne sont pas immatriculés à Monaco ou dans les Alpes-Maritimes, des opérations incitatives pour les salariés qui utilisent les transports en commun, des « négociations fortes » avec la SNCF « ou des opérateurs concurrents » aux côtés de la région Paca et enfin, le renforcement des liaisons assurées par les bus de la Compagnie des Autobus de Monaco (CAM). Autre mesure sur laquelle Primo! insiste : la création d’une unité de la sûreté publique chargée d’assurer la fluidité du trafic. Une brigade de la circulation « qui pourrait aussi contrôler et sanctionner » les véhicules trop bruyants et pour laquelle le conseiller-ministre pour l’intérieur, Patrice Cellario, n’affiche pas un réel enthousiasme. Interrogé par le Monaco Press Club le 13 juin dernier, le président du Conseil national et leader de Primo! Stéphane Valeri, a estimé avoir été « partiellement entendu » par Patrice Cellario. Les discussions continuent donc, et Stéphane Valeri semble déterminé à ne pas lâcher sur ce dispositif, qui fait partie intégrante de cette thématique « qualité de vie », qui a été au cœur de la campagne électorale pour l’élection de février 2018. « Pour fluidifier un trafic complètement bloqué par la multiplication des travaux, nous demandons la création urgente d’une brigade de la circulation, une unité spécialisée de la sûreté publique avec des agents dédiés recrutés à cet effet. Celle-ci pourra intervenir au quotidien sur les zones de bouchons lors des pics de circulation en lien avec le Centre Intégré de Gestion de la Mobilité (CIGM). La technologie ne fait pas tout, il faut une présence humaine près des carrefours chargés, pour garantir un trafic plus fluide », estimait à ce sujet Stéphane Valeri, en mars 2018. Chez UM, on affiche une position tranchée, avec des mesures franches : « Le ministre d’Etat avait évoqué un jour des horaires de travail différenciés, ce qui aurait permis d’alléger la pression à certaines heures. Je pense qu’il faut aller rapidement vers des solutions plus drastiques, et forcément impopulaires, comme la circulation alternée et le covoiturage obligatoire. Mais aussi, sur certaines périodes, une interdiction d’accès », avance l’élu Jean-Louis Grinda. Convaincu qu’il ne faut plus créer la moindre place de stationnement dans Monaco, cet élu est certain que, désormais, « on ne peut plus continuer comme cela. L’accès sera de plus en plus difficile si on annonce, par ci par là, la création de places de parkings au centre ville. Il faut les parkings de dissuasions prévus. Et ensuite, à terme, ne laisser entrer que les voitures disposant de la preuve d’une possibilité de parking réservé. »

Téléphérique

Il y a aussi le dossier du téléphérique urbain, qui pourrait relier le Jardin exotique et le Rocher en passant par Fontvieille d’ici 2020 ou 2021, a annoncé le ministre d’Etat, Serge Telle en janvier 2017. Appuyés par deux parkings de dissuasion aux entrées de la Principauté, ce projet n’a pas soulevé d’enthousiasme particulier chez les élus, qui préfèrent rester prudents sur un dossier qui n’a pas encore été chiffré par le gouvernement (lire l’interview du conseiller-ministre pour l’équipement, l’environnement et l’urbanisme, Marie-Pierre Gramaglia dans ce numéro). Une certitude, ce projet s’annonce onéreux, ce qui n’est pas forcément du goût de tout le monde. Chez Primo!, on entend donc prendre le temps de peser le pour et le contre, avant de se prononcer sur ce sujet. Quant à UM et Jean-Louis Grinda, on accueille cette idée de téléphérique « plutôt favorablement, sous réserve d’en savoir davantage, notamment au niveau des nuisances sonores ». Enfin, au sujet du bruit, qui découle essentiellement de la circulation automobile, des chantiers, des bateaux de croisière et des établissements de nuit, les élus optent pour des contrôles accrus. « Nous demandons un renforcement des normes, des contrôles, des sanctions, mais surtout des moyens et la volonté politique pour les faire respecter. Au sujet des chantiers, nous demandons une gestion stricte des dérogations accordées aux promoteurs privés. Ces derniers ne doivent pas pouvoir faire ce qu’ils veulent, comme ils veulent et quand ils le veulent, au détriment de notre qualité de vie », nous indiquait Stéphane Valeri, en mars 2018. Sur la même ligne, Jean-Louis Grinda continue de militer pour un « droit à la tranquillité par quartier ». Et pour lutter contre le bruit, le seul élu UM de cette mandature 2018-2023, réclame, lui aussi, des contrôles « extrêmement stricts » des volumes sonores « dans tous les lieux de nuit ». Pour cela, Grinda souhaite que la police monégasque soit équipée de matériel de mesure portable, afin de pouvoir vérifier que les véhicules ne sont pas trop bruyants. Au vu de la considérable dégradation de la situation générale, les élus attendent désormais des actes forts de la part de l’Etat. La balle est donc dans le camp du gouvernement.

 

Et la qualité de vie des pendulaires ?

Vous préférez voyager dans les toilettes d’un TER bondé ou vous retrouver dans les embouteillages dès 6h45 du matin ? Ce dilemme se pose tous les jours aux milliers de pendulaires qui viennent en Principauté pour travailler. En un an, Monaco a encore vu le nombre de ses salariés augmenter considérablement pour un territoire de 2km2, avec 1 856 emplois en plus. Au 31 décembre 2017, selon l’Imsee, on compte donc 54 303 emplois, secteurs public et privé confondus. La question de la qualité de vie des Monégasques et des résidents doit donc être élargie à celle des pendulaires. Et il y a urgence. Pendant trois mois, la grève perlée de la SNCF a littéralement épuisé les usagers. Et cela a eu des répercussions sur le trafic routier, déjà saturé, de la Principauté. Un nouveau cap a été franchi, avec des violences entre usagers constatées à quelques jours d’intervalle. Mardi 19 juin 2018, une bagarre entre passagers a éclaté dès 6h du matin, dans le bus n° 100 qui assure la liaison Nice-Monaco-Menton. Les mêmes débordements ont été constatés dans un TER. Le 25 mai, un échange de coups de poing a eu lieu dans le train de 17h19, entre Monaco et Nice. En cause : des rames surchargées qui ont entraîné des bousculades. Un constat qui s’explique aussi par un état de stress et de tension permanent qui règne depuis trop longtemps pour des usagers des transports en commun visiblement excédés. Et aucune réponse ne se profile à l’horizon pour le moment. Du coup, et c’est une nouveauté : désormais certains salariés, usés par les trajets vers Monaco, n’hésitent plus à abandonner leur poste à Monaco, quitte à perdre en salaire. Le mois de juillet ne sera certainement pas de tout repos. En effet, c’est traditionnellement le pire mois de l’année pour la circulation : les touristes étant déjà arrivés, alors que de nombreux actifs sont encore au travail. Mais quelles solutions avancer ? Le télétravail peine à convaincre (seulement 370 télétravailleurs sur 54 303 emplois), et les horaires décalés, évoqués un temps par le ministre d’Etat, Serge Telle, ne semblent plus à l’ordre du jour. Pourtant, le gouvernement espère attirer toujours plus de salariés. À ce rythme-là, c’est l’attractivité même de Monaco qui est en jeu. A.-S.F.

 

Bretelle d’autoroute de Beausoleil : la signature du Conseil d’Etat attendue pour l’été 2018

Une vingtaine d’années. C’est le temps d’attente des élus locaux qui estiment qu’il est urgent d’ouvrir la bretelle d’autoroute de Beausoleil sur l’A8 pour tenter de désengorger le village de La Turbie et ses 3 200 habitants, saturé par un cortège ininterrompu d’environ 11 000 véhicules, qui entrent et sortent quotidiennement de Monaco, le matin et le soir. De quoi susciter une forte contestation, et même une manifestation des élus du département en 2015, à la tête de laquelle on retrouve le maire Les Républicains de La Turbie, Jean-Jacques Raffaele. Pour ce maire, le problème vient essentiellement de la fermeture occasionnelle du tunnel de l’A500 dès qu’une remontée de file de 100 mètres est constatée. Reste donc à créer cette bretelle de Beausoleil, qui n’est à l’heure actuelle qu’une voie de service. Le coût est estimé à 6,5 millions d’euros, assumé par l’Etat français (2,9 millions), l’Etat monégasque (2,1 millions) et par le département des Alpes-Maritimes (1,2 million). La signature du plan d’investissement autoroutier par le Conseil d’Etat français devrait intervenir pendant l’été 2018, ce qui permettra de lancer ensuite les études environnementales qui pourrait durer un an. Si cette bretelle d’autoroute apporte une amélioration, ce n’est donc pas pour tout de suite. R.B.

 

« Une liaison express pour relier la France à Monaco »

Bouchons à répétition, trains en retard ou annulés, bus pris d’assaut, nuisances sonores, covoiturage balbutiant, phasage des chantiers complexe, projet de téléphérique, pollution… Le conseiller-ministre pour l’équipement, l’environnement et l’urbanisme, Marie-Pierre Gramaglia, répond aux questions de Monaco Hebdo. Et avance quelques solutions.

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Comment jugez-vous l’évolution de la qualité de vie à Monaco sur les 10 dernières années ?

La qualité de vie est un thème vaste qui couvre aussi bien le cadre de vie, que la santé, la sécurité, l’accès à la culture, au sport, l’éducation, les conditions de travail… pour ne citer que quelques “items”. Il semble donc difficile de réduire la qualité du cadre de vie à un ou deux critères, comme c’est souvent le cas. Au final, à chacun de trouver sa propre définition de l’environnement ou du cadre de vie idéal. Une réponse sur l’évolution de la qualité de vie m’incite à évoquer les politiques et réformes importantes engagées ces dernières années par le gouvernement, toutes vouées au maintien ou au renforcement de ce qui a toujours permis à Monaco d’être un lieu d’excellence.

Des réformes qui ont été engagées sur quelles thématiques ?

La santé, avec des équipes et des équipements de pointe, un nouvel hôpital en cours de construction, alors même que les services hospitaliers continuent d’être assurés. Il y a aussi la sécurité, qui a toujours été et qui continue d’être un gage d’attractivité de la Principauté et de stabilité de sa population. On peut également citer la propreté et le fleurissement des voies publiques, l’éducation, avec des enseignements extrêmement qualitatifs et des établissements scolaires neufs qui verront le jour d’ici peu.

Et concernant plus particulièrement votre département, qui recouvre l’équipement, l’environnement et l’urbanisme ?

Des efforts conséquents sont mis en œuvre pour accompagner les développements de la Principauté. Ces développements qui font son attractivité, notamment économique, sont chiffrables. Par exemple : environ 10 % d’augmentation de la population, qui atteint aujourd’hui 38 300 habitants. Parmi eux, les Monégasques sont aujourd’hui un peu plus de 9 200, soit une hausse supérieure à 10 % sur 10 ans. Il faut aussi considérer le doublement quotidien de cette population par les travailleurs transfrontaliers.

Dans ce contexte, quel est l’objectif visé par votre département ?

L’objectif de mon département est de permettre à tous de profiter d’une excellente qualité de vie dans un cadre optimal. En imaginant la ville de demain, dans le respect d’un développement durable, il s’agit de répondre au mieux aux espérances des usagers en matière d’urbanisation, d’aménagements urbains, de services, et de respect de l’environnement, avec les contraintes territoriales qui nous caractérisent.

Qu’est-ce qui a été fait pour améliorer la qualité de vie ?

En ce qui concerne les infrastructures routières, ces dix dernières années, nous avons réalisé le tunnel Albert II, qui a permis un accès quasi direct vers Fontvieille. Nous avons créé des outils de régulation, comme le Centre Intégré de la Gestion de la Mobilité (CIGM). Nous avons aussi renforcé et modernisé l’information des usagers, avec le site infotrafic.mc. Les projets de reconstruction de la ville sur la ville, sur un territoire étroit et enclavé, représentent un challenge quotidien, mais procurent la satisfaction de réaliser de nouvelles écoles, de nouveaux collèges, ou de simplement rénover des jardins d’enfants.

 

« Fin 2018, une cartographie 3D permettra d’obtenir une information détaillée, à l’échelle de la rue, sur la qualité de l’air. Ce sera un outil d’aide à la décision, notamment pour les futurs plans de déplacement urbain et d’aménagement »

 

Un exemple ?

Dernièrement, la rénovation des jardins du Trocadéro a soulevé l’enthousiasme et nous avons été ravis de lire les nombreux messages positifs des mamans du quartier.

Mais tout n’est pas parfait ?

Bien sûr, il y a toujours un revers à tout projet de construction, car leur réalisation prend du temps et ce temps c’est : du bruit, des difficultés de circulation, des palissades. Ces contraintes sont inhérentes aux chantiers, et sont donc inévitables. Mais nous cherchons constamment à les contenir et à les réduire. Par exemple, nous testons des palissades anti-bruit, nous travaillons avec les professionnels du bâtiment sur des solutions de réduction des nuisances. Nous sensibilisons le plus largement possible.

La qualité de l’air est aussi un problème ?

Concernant la qualité de l’air, qui est essentiellement liée au trafic routier, elle est suivie par la direction de l’environnement, grâce à un réseau automatisé de cinq stations de surveillance, mis en place en Principauté en 1991. Ce que l’on constate, c’est que les concentrations observées sont inférieures aux seuils réglementaires européens. De plus, les résultats de ces analyses de polluants sont à la disposition du public dans la publication Monaco en chiffres, au chapitre « environnement », et dans le recueil de données environnementales téléchargeable sur le site du gouvernement.

Comment mesurer encore plus finement la qualité de l’air ?

Dans le cadre d’un contrat de partenariat avec Air PACA, un indice global de la qualité de l’air (IQA) va également être disponible prochainement pour le grand public. Il permettra d’estimer quotidiennement le niveau de pollution global sur la Principauté, mais aussi en prévision, à 24 ou 48 heures. De plus, la direction de l’environnement réalise une cartographie 3D de la qualité de l’air et du bruit en Principauté qui sera disponible d’ici fin 2018.

L’intérêt de cette cartographie 3D de la qualité de l’air et du bruit ?

Cette cartographie permettra d’obtenir une information détaillée, à l’échelle de la rue, sur la qualité de l’air. Ce sera un outil d’aide à la décision, notamment pour les futurs plans de déplacement urbain et d’aménagement. Pour le développement et la mise en place de ces outils, deux campagnes de mesures de la qualité de l’air par 52 capteurs déployés sur l’ensemble du territoire ont été programmées cette année 2018 : une s’est déroulée en février 2018 et la seconde en juin.

Selon quelle logique le gouvernement travaille-t-il sur la problématique des déplacements en Principauté ?

La politique du gouvernement couvre à la fois la circulation entrante et sortante de la Principauté, et les déplacements internes. L’objectif est de faciliter l’accessibilité en favorisant la desserte par les transports en commun (TER, bus interurbains, connexions entre bus et train) et la pratique du covoiturage. Mais aussi en améliorant, en lien avec les collectivités françaises, la capacité et la fluidité des infrastructures routières, notamment à l’ouest.

Et pour les bouchons quotidiens dans Monaco ?

Pour la gestion des flux internes, nous cherchons à favoriser les modes alternatifs à l’automobile, en développant les transports en commun. Mais aussi en encourageant la marche à pied, ou en suscitant l’intérêt pour le vélo à assistance électrique. Il s’agit également de massifier le transport de marchandises, y compris chantiers et déchets, et d’optimiser le dernier kilomètre en lien avec le colis, notamment pour le e-commerce. Il s’agit enfin de promouvoir les véhicules propres et l’auto-partage. Croyez-moi, le gouvernement est fortement mobilisé sur ces questions de mobilité.

Sentez-vous une prise de conscience de la part des Monégasques et des résidents ?

Cette réflexion sur la mobilité nous concerne tous. Il s’agit pour chacune et chacun de s’interroger sur la façon la plus appropriée de se déplacer en fonction du moment de la journée et de son activité. Dois-je nécessairement prendre la voiture, alors que je pourrais prendre un bus ou aller à pied ?

 

« Le gouvernement a réalisé une étude pour améliorer le fonctionnement de l’échangeur de Saint Roman. La reconfiguration proposée devrait permettre de fluidifier les conditions de circulation aux heures de pointe »

 

Et ça marche ?

Une étude menée en 2016 a montré que la part de la voiture et des deux-roues motorisés dans les déplacements des résidents avait diminué par rapport à 2008, au profit des transports en commun et de la marche à pied.

Concernant les chantiers de voirie, que faire pour éviter qu’ils ne ralentissent ou bloquent la circulation ?

Les chantiers de voirie concernent essentiellement la rénovation des réseaux de la Principauté, eau, électricité, télécom, eaux usées, évacuation des eaux de pluie, ou leur raccordement à des immeubles en construction, ainsi que la rénovation des chaussées. Leur phasage est une démarche complexe, car il s’agit à la fois d’éviter de trop impacter la circulation, tout en tenant compte des contraintes liées, par exemple, à l’usure des réseaux ou à leur sous-dimensionnement au fil du temps.

Qui réalise ce travail de phasage ?

Ce travail de phasage est réalisé par le biais d’une commission qui réunit tous les acteurs autour d’une même table. Malgré tous les efforts que nous pouvons faire pour limiter leur impact, je conviens qu’il n’est jamais agréable de se retrouver ralenti par ces travaux sur la voirie. Mais si nous ne faisons rien, il serait peut-être encore plus désagréable d’avoir à réagir dans l’urgence, par exemple, pour une rupture de canalisation vétuste. Toutes ces opérations sont essentielles et participent, une fois achevée, de la qualité de vie de tout un chacun.

Comment résoudre la problématique des bouchons dans et autour de Monaco aux heures de pointes ?

A l’ouest, nous cherchons à décongestionner l’entrée de Monaco, depuis l’autoroute. Dans sa partie comprise entre l’autoroute et l’entrée de la Principauté, deux carrefours à feux et un giratoire gèrent les flux de circulation. Ce tronçon est quotidiennement saturé en heure de pointe du matin. La saturation est due à un trafic important, en constante augmentation et se répercute tous les jours à la sortie de l’autoroute A500, ce qui impose à ESCOTA, par mesure de sécurité, de fermer l’ouvrage à cause des remontées de file dans le tunnel.

Que faire, alors ?

Des études ont été réalisées pour l’aménagement de trois carrefours qui permettrait d’améliorer très significativement les conditions de circulation en entrée depuis l’autoroute, mais aussi le soir, en sortie de la Principauté, en supprimant les remontées de files jusqu’au tunnel Rainier III. Cette fluidification contribuerait aussi significativement à l’amélioration de la sécurité dans les tunnels, en facilitant l’évacuation de ceux-ci. Une convention de partenariat qui réunit l’Etat Français, le département des Alpes Maritimes, la métropole Nice Côte d’Azur (MNCA), la Communauté d’Agglomération de la Riviera Française (CARF), ESCOTA et la Principauté de Monaco, est en cours de formalisation.

L’objectif de ce partenariat ?

Réaliser à court terme les deux premiers carrefours en arrivant de l’autoroute, ceux de la Turbie et de Cap d’Ail.

Il y a aussi la réouverture de la bretelle d’autoroute de Beausoleil ?

En mars 2017, une convention a été signée pour la réouverture de cette bretelle, qui s’effectuera dans le cadre du plan de relance autoroutier, avec la participation de la Principauté. Des études techniques sont toujours en cours.

Et à l’est de Monaco ?

A l’est, en partenariat avec les collectivités locales concernées, c’est-à-dire le Conseil du département des Alpes-Maritimes et les communes de Roquebrune-Cap-Martin et de Beausoleil, le gouvernement a réalisé une étude pour améliorer le fonctionnement de l’échangeur de Saint Roman. La reconfiguration proposée devrait permettre de fluidifier les conditions de circulation aux heures de pointe.

Les bouchons, c’est un problème qui ne peut se régler qu’avec l’appui de la France ?

Sur ces questions de saturations des flux et sur les travaux à réaliser, nous travaillons en étroite collaboration avec les autorités françaises au niveau local, régional et national. Le dialogue est permanent et constructif car, dans ce vaste espace régional auquel nous appartenons, nous sommes tous soumis aux mêmes contraintes et aux mêmes interrogations. Hors de nos frontières, il est fondamental que les actions soient collectives et consensuelles.

Jakarta, l’une des villes les plus embouteillées au monde, a expérimenté un règlement imposant trois passagers par véhicule privé aux heures de pointe : c’est une piste applicable à Monaco ?

Je ne crois pas qu’il faille imposer quoi que ce soit. Et je ne suis pas certaine que vos lecteurs, ou vous-même, soyez prêts à partager de façon arbitraire et quotidienne votre véhicule avec d’autres. Notre responsabilité politique est de mettre en œuvre les moyens qui permettent à chacun de se déplacer selon ses besoins. D’où notre politique incitative et ambitieuse en faveur des transports en commun. Avec, par exemple, des tarifs très attractifs et la volonté d’une amélioration continuelle du service aux usagers.

Un exemple ?

On peut citer l’action de l’Etat pour renforcer la desserte de Monaco et encourager l’utilisation des transports publics. Cela s’est récemment traduit par l’augmentation de la fréquence sur la ligne de bus régionale n° 100 Nice – Monaco – Menton. Ou encore par la mise en circulation de trains en unité double, ce qui permet d’améliorer simultanément la capacité offerte et les conditions de transport des voyageurs aux heures de pointe. Le gouvernement participe en effet à des groupes de travail, organisés avec la SNCF et les autorités françaises, visant à améliorer la performance, c’est-à-dire la capacité, et la régularité, de la ligne littorale Mandelieu – Vintimille.

Et le covoiturage ?

Toujours dans l’objectif de réduire le nombre de voitures entrant en Principauté, le gouvernement a développé un site internet dédié au covoiturage (www.monacovoiturage.mc), très facile et agréable d’accès.

Pourquoi le covoiturage semble ne pas fonctionner suffisamment bien ?

Il s’agit d’un moyen incitatif et convivial, qui doit s’ancrer dans les mentalités. L’Etat contribue à son déploiement. D’ailleurs, le site internet www.monacovoiturage.mc a été relooké et amélioré. Le principe du covoiturage est bon et doit fonctionner. Cela prend du temps. Mais c’est en persévérant et en rappelant ses avantages que nous pouvons faire évoluer ce moyen de se déplacer. Car “covoiturer”, c’est convivial : cela permet de partager les frais et de bénéficier d’un tarif réduit dans les parkings publics. Ceci dit, le covoiturage spontané, c’est-à-dire organisé directement entre plusieurs personnes, est en développement sur Monaco.

Et pour les transports dans Monaco ?

Concernant les déplacements intra-Monaco, l’attractivité du réseau bus a été renforcée depuis le 5 juin 2018, grâce à la reconfiguration du bus de nuit-soirée, offrant des trajets plus directs et rapides, suite au remplacement de la boucle par deux lignes ouest-est et nord-sud, au lieu d’une. Un couloir de bus a aussi été aménagé sur le boulevard des Moulins, réduisant significativement les temps de parcours aux heures de pointe. Pour faciliter toujours plus les déplacements à pied, nous développons les liaisons mécanisées, au travers des opérations d’urbanisme, comme cela est le cas dans l’opération l’Engelin, avec la mise en service d’un ascenseur public reliant le boulevard du Jardin Exotique à l’avenue Hector Otto.

Il y a aussi la SNCF, qui travaille avec l’appui de rames monégasques ?

Vous avez raison de rappeler l’apport de 50 millions d’euros de l’Etat monégasque pour l’acquisition, il y a une dizaine d’années, de rames TER aux couleurs de la Principauté. Leur insertion dans le réseau ferroviaire régional a permis d’augmenter la desserte de la gare de Monaco aux heures de pointe du matin et du soir. Je rappelle aussi que la Principauté a participé financièrement aux travaux d’allongement des quais de la gare de Nice-Riquier, permettant l’accueil des nouvelles rames Régio2N en unités doubles.

La mobilité par le train est un enjeu décisif pour Monaco ?

Nous sommes très attentifs aux évolutions de la situation ferroviaire dans la région, car le train contribue aux déplacements des salariés qui viennent chaque jour en Principauté. Avec 6,7 millions de voyages, contre 2,3 millions en 1998, la fréquentation de la gare de Monaco a augmenté de 16 % en 2017. Il s’agit de la deuxième gare la plus fréquentée de la Côte d’Azur après Nice (8,6 millions). La liaison Nice Ville-Monaco, le segment le plus chargé de la ligne TER, est en constante progression. Sur l’axe Nice-Vintimille, avec 102 dessertes de trains par jour, Monaco est la gare origine ou destination, pour plus de 43 % des passagers, dont 67 % sont des abonnés du TER PACA.

 

« Le gouvernement mène une réflexion sur l’opportunité de mettre en œuvre un système de transport par télécabines sur son territoire »

 

Comment jugez-vous les prestations de la SNCF et des rames monégasques ?

En ce moment, bien sûr, la période est plus critique. Et la grève de la SNCF ne permet pas d’atteindre ces chiffres. Même si l’on voit bien que le train est un moyen important dans le dispositif de mobilité de la Principauté.

Les bus de la CAM et ceux du département des Alpes-Maritimes peuvent-ils faire mieux ?

Concernant la desserte de la Principauté en bus, un axe fort est centré sur la ligne 100 qui relie Nice à Menton, via Monaco. A hauteur de 450 000 euros par an, nous participons au renforcement de cette ligne, qui facilite les déplacements des salariés. Ce soutien de la ligne 100 se traduit en semaine par 7 départs supplémentaires au départ de Nice jusqu’à Monaco et par 8 départs supplémentaires au départ de Monaco vers Nice. Nous avons une fréquence de 10 minutes au départ de Nice, dans le sens Nice-Monaco, aux heures de pointe du matin. Et une fréquence renforcée au départ de Monaco en fin d’après-midi. Nous avons aussi une amplitude horaire élargie de 30 minutes au départ de Nice le matin, et de 20 minutes au départ de Monaco le soir. Selon la période de l’année, 17 ou 18 bus articulés de grande capacité sont utilisés, avec 159 places. Chaque jour, ce sont 1 800 passagers supplémentaires qui sont transportés. Soit l’équivalent de deux trains, un le matin et un le soir.

Pour les bus, vous travaillez comment avec la France ?

Nous avons des échanges réguliers avec la région et les autorités organisatrices des transports dans les Alpes-Maritimes, pour la mise en place d’une tarification combinée train-bus et bus du département des AlpesMaritimes — bus de la Compagnie des Autobus de Monaco (CAM). L’objectif est d’améliorer la lisibilité et l’attractivité du transport public.

Les plaintes pour les nuisances sonores dans Monaco continuent de se multiplier : que faire ?

Les nuisances sonores sur les chantiers publics et privés, sont prises en compte depuis 2011 avec la circulaire « bruit de chantier », qui oblige les maîtres d’ouvrage à intégrer, avant même l’acte de construire, une réflexion relative à l’impact sonore du chantier sur le voisinage, et aux mesures qui seront à mettre en œuvre lors de l’exécution des travaux.

Qu’est-ce qui doit obligatoirement être fait, avant de commencer un chantier à Monaco ?

Avant tout démarrage des travaux, les maîtres d’ouvrages doivent produire une étude préalable des bruits de chantier signée par un bureau d’études, avec des propositions d’emplacements de capteurs sonores. Un descriptif des dispositions techniques et organisationnelles qui seront mises en œuvre pour prévenir et limiter les nuisances sonores de chantier doit aussi être fourni. Enfin, un descriptif du plan de communication à destination des riverains potentiellement impactés par les bruits de chantier doit aussi être proposé.

Et lorsque le chantier est lancé ?

En « phase chantier », les rapports acoustiques de “monitoring sonore” permettent de vérifier qu’il n’y a pas de dépassement. Ou, dans le cas contraire, d’obtenir des informations sur les raisons. Par ailleurs, toujours concernant les chantiers, des arrêtés ministériels réglementent les périodes et les horaires pendant lesquels des travaux peuvent être effectués, et neutralisent les périodes les plus sensibles.

Il y a des contrôles ?

La collaboration entre l’administration et la sûreté publique a été renforcée, afin d’assurer des contrôles plus efficaces du respect de ces réglementations.

Comment s’informer sur le déroulé des chantiers en Principauté ?

Pour cela, le gouvernement a créé le site infochantiers.mc, qui recense l’ensemble des chantiers en cours ou à venir. Ce site fournit aussi une évaluation des nuisances générées. Ce ne sont là que quelques exemples de la volonté du gouvernement d’agir afin de limiter les nuisances sonores à leur strict nécessaire, tout en restant conscient qu’elles constituent un marqueur qui peut influer sur la qualité de vie de tout un chacun. C’est la raison pour laquelle nous avançons avec les professionnels, afin de réduire toujours plus l’impact du bruit. Nous avons d’ailleurs récemment testé un mur antibruit lors de la réalisation de travaux de voirie sur le port de Fontvieille.

Les chantiers privés peuvent aussi poser problème, parfois : que faire ?

Il n’y a pas de distinction dans l’application de la circulaire bruit entre chantier public et privé. Les mesures à mettre en œuvre sont les mêmes. Par ailleurs, le gouvernement s’est fixé comme objectif de doter la Principauté de l’ensemble des outils adéquats en ce qui concerne la lutte contre les nuisances sonores et visuelles (juridiques, contractuels, meilleures pratiques et innovations) avec pour objectif de tendre vers l’exemplarité en ce domaine. Pour y parvenir, différentes actions ont d’ores et déjà été lancées : “benchmark” des meilleures pratiques et des matériels innovants, missions de surveillance et d’observation des chantiers, concertation avec les acteurs du BTP, etc.

Au Conseil national, le groupe politique majoritaire, Priorité Monaco (Primo !), a proposé la création d’un indice de la qualité de vie : qu’en pensez-vous ?

Récemment une commission plénière d’études qui a réuni le gouvernement et le Conseil national avait pour thème la qualité de vie. Nous avons pu échanger sur l’ensemble des questions qui touchent à cette large notion, sachant que mon département lance une mission ciblée sur le cadre de vie, sa définition, et les attentes auxquelles il doit répondre.

L’objectif de cette démarche ?

Cette démarche s’inscrit dans un objectif qualitatif. Elle doit être adaptée aux spécificités de la Principauté, notamment institutionnelles et territoriales, être fondée sur l’humain et sa place dans la ville-Etat, mais aussi tenir compte de l’évolution des modes de vie de manière approfondie. Elle doit considérer le modèle économique du pays et sa pérennité, son développement durable, etc.

À quoi servira cette mission ?

De cette mission découlera une feuille de route déclinant des actions qui seront hiérarchisées dans le temps. Mon département a recruté une personne dédiée à la coordination de cette mission. Ce conseiller technique est l’interface entre les consultants mobilisés pour leur expertise dans ce domaine, les services de l’Etat et les usagers. La sélection des consultants est en cours. Un indice de la qualité de vie sera peut-être évoqué lors de cette mission.

Où en est le projet de téléphérique ?

Nous sommes toujours en phase d’études, car c’est un projet complexe qui mérite d’être bien réfléchi avant d’être réalisé.

Quel est le calendrier et le coût précis de ce téléphérique ?

Le calendrier et le coût ne sont pas encore des éléments consolidés. Une fois le projet finalisé nous aurons grand plaisir à communiquer. Car, pour notre ville-Etat, cela constituera une réelle modification du paysage urbain.

Allez-vous accepter la proposition de Primo ! qui souhaite la création d’une commission interministérielle pour coordonner les services déjà existants : environnement, sécurité publique, urbanisme, transports publics, taxis, liaisons maritimes, travaux, relations avec les communes et les pays voisins, la France et l’Italie ?

Hormis la sécurité publique et les relations bilatérales avec la France et l’Italie, les autres thèmes que vous listez sont liés à mon département et à mes services. J’ajoute que si les domaines de compétence de chaque département sont bien définis, les échanges sont permanents entre départements et services. Et il existe également des commissions spécifiques, par exemple pour les travaux de voiries. Comme vous le voyez, nous ne travaillons pas en silos isolés : les échanges sont permanents. Fort heureusement, la transversalité, c’est tous les jours. L’une des caractéristiques de notre pays et l’une de ses forces, c’est cette proximité entre les différents services de l’Etat. Et, au-delà, entre les institutions. Ce qui nous permet d’être réactif, lorsque cela est nécessaire. Ou de prendre le temps de la réflexion, selon les circonstances.

« Pourquoi ne pas créer un métro entre Nice Pasteur et Monaco ? Ce n’est même pas 10 kilomètres de voies. Et dans 100 ans, il servirait encore, connecté au tram », nous a dit Philippe Ortelli, le président de la fédération des entreprises monégasques (Fedem) : qu’en pensez-vous ?

Nous parlons de 10 kilomètres de voies, quasiment exclusivement en territoire français. Si une réflexion doit être menée sur un tel projet, cela ne peut se faire que dans le cadre des échanges avec les autorités françaises, que j’évoquais précédemment. Bien sûr, nous ne rejetons aucune option, ni proposition.

Le gouvernement travaille-t-il sur d’autres hypothèses ou sur d’autres projets ?

La réflexion est permanente et a pour objectif de renforcer l’utilisation des transports collectifs pour les déplacements qui traversent la frontière et de réduire ainsi le nombre de véhicules entrant en Principauté. Par exemple, le gouvernement a étudié la création d’une liaison express qui relierait rapidement la France à Monaco, et qui serait accompagnée par l’aménagement d’un grand parking relais, permettant de stocker 2 000 à 3 000 voitures. Plusieurs options ont été étudiées.

Lesquelles ?

Un mode funiculaire ou téléphérique. En France, l’implantation de la station de départ et du parking relais pourrait se faire sur les sites de La Brasca, de la Cruella et de la Scoperta. Avec une arrivée à Monaco, sur les sites Charles III et du Jardin Exotique.

À ce jour (1), quelle est la solution la plus probable ?

Selon les prévisions de trafic et les études de faisabilité réalisées, l’option à privilégier semble être une liaison La Brasca – Charles III, qui permet d’optimiser le transfert de la voiture vers le transport collectif pour accéder à Monaco.

À quoi serviront ces études ?

Le moment venu, ces études permettront à la Principauté d’engager des discussions avec les autorités françaises concernées, sachant que la MNCA et la CARF ont inscrit ce projet de liaison express dans leurs documents de planification territoriale.

D’autres projets sont à l’étude ?

Le gouvernement mène une réflexion sur l’opportunité de mettre en œuvre un système de transport par télécabines sur son territoire, en lien avec un parking d’entrée de ville de 1 820 places, en cours de réalisation au Jardin Exotique.

 

1) Cette interview a été réalisée en juin 2018.