samedi 20 avril 2024
AccueilDossierMichèle Dittlot : « À Monaco, les libraires se font de plus en...

Michèle Dittlot : « À Monaco, les libraires se font de plus en plus rares »

Publié le

Pourquoi n’existe-t-il pas une belle librairie indépendante à Monaco comme Albertine à New-York, Hatchards à Londres, Delamain à Paris, ou sa consoeur bilingue Galignani ?

Pourquoi se contenter des rayons de grandes enseignes et des plateformes de vente en ligne, pour s’offrir un livre ? Pour le savoir, Monaco Hebdo a interrogé Michèle Dittlot, vice-présidente de la commission de la culture et du patrimoine du Conseil national.

Pourquoi n’existe-t-il pas de librairie indépendante en principauté ?

Monaco a compté plusieurs librairies par le passé. Certaines subsistent mais, pour la plupart, elles ont dû réorienter leur activité. Il m’est souvent arrivé d’acheter des livres au Quartier Latin, boulevard Princesse Charlotte, ou plus bas, rue des Iris, dans une librairie tenue par une jeune femme érudite et aveugle. Il y avait aussi des librairies en langue anglaise, dont une était située rue Caroline. Ces boutiques n’existent malheureusement plus aujourd’hui. À présent, Monaco compte de moins en moins de librairies « de quartier ». C’est dommage, car les lecteurs savent apprécier le conseil de ces libraires, notamment lorsqu’il s’agit de trouver quelques perles rares.

« En principauté, le coût du mètre carré est très élevé, surtout pour un libraire. Le prix du livre étant fixe, il peut être plus difficile pour un libraire d’atteindre l’équilibre économique »

Il y a eu des projets d’installation de librairie indépendante à Monaco ces dernières années ?

Je sais qu’il y a eu un concept de librairie de nouvelle génération en langue anglaise, qui a ouvert il y a quelques années dans le quartier de la Condamine. Cet établissement proposait également des ateliers créatifs, des séances de discussions en anglais, des clubs de lecture et la possibilité de s’installer pour lire dans un endroit calme et agréable. Ce type d’établissement est bienvenu. Il apporte une diversité commerciale essentielle qui permet à un grand nombre d’étrangers installés à Monaco, qui ne maîtrisent pas bien le français, d’acheter des ouvrages en langue étrangère. Malheureusement, cet établissement n’a pas poursuivi son activité. À Monaco, les libraires se font de plus en plus rares.

Cela signifie qu’il n’y a pas de marché à Monaco, faute d’intérêt réel pour la littérature ?

Je ne crois pas que Monaco souffre d’un manque d’intérêt pour la littérature. J’en veux pour preuve la fondation prince Pierre, présidée par la princesse Caroline, qui attribue chaque année plusieurs prix littéraires honorant des écrivains francophones. Cette fondation organise d’ailleurs un marathon de lecture pour permettre aux amateurs de littérature de la principauté de mieux connaître les auteurs sélectionnés. L’un des prix, « le coup de cœur des lycéens », est décerné par les jeunes des établissements de la principauté. Il est important de donner le goût de la lecture à nos jeunes, et je remercie nos enseignants de le faire aussi bien, et la fondation de mettre à l’honneur nos jeunes. Par ailleurs, le succès grandissant du salon du livre de Monaco, dont la neuvième édition a été organisée par l’association Les Rencontres littéraires Fabien Boisson, en octobre 2020, est un autre témoignage de l’intérêt de Monaco pour la littérature.

« Il y a aussi la concurrence des autres médias. Et malheureusement, la lecture a perdu du terrain face à la télévision, à la presse magazine, aux réseaux sociaux et à l’essor récent de la vidéo à la demande »

Mais alors, comment expliquer qu’en 2021, il n’y a toujours pas de librairie indépendante à Monaco ?

Je pense que plusieurs paramètres peuvent expliquer ce phénomène. En principauté, le coût du mètre carré est très élevé, surtout pour un libraire. Le prix du livre étant fixe, il peut être plus difficile pour un libraire d’atteindre l’équilibre économique. D’une manière générale, les librairies qui subsistent sont des établissements qui existent depuis de nombreuses années et qui disposent d’une clientèle fidèle. De surcroît, l’ouverture d’une librairie peut être considérée comme « à risque » par les banquiers qui hésitent parfois à accorder des financements aux aspirants libraires, tant il est vrai que cette profession souffre d’une concurrence à la fois des grandes surfaces, mais également de la vente en ligne. En effet, il est aujourd’hui très facile de se faire livrer, en 24 heures, un livre acheté sur Internet, ou même de l’obtenir dans la minute dans sa version numérique à lire sur tablette. Il y a aussi la concurrence des autres médias. Et malheureusement, la lecture a perdu du terrain face à la télévision, à la presse magazine, aux réseaux sociaux et à l’essor récent de la vidéo à la demande.

Ouverture de librairie indépendante à Monaco : « Personne ne s’est manifesté »

Questionné au sujet de l’absence de librairie indépendante en principauté, le gouvernement princier a répondu à Monaco Hebdo par l’intermédiaire du département des finances et de l’économie : « La tendance générale s’oriente vers une diminution du nombre de librairies indépendantes qui peut s’expliquer, notamment, par une évolution sociétale et l’essor des plateformes de vente en ligne. Ce constat est corroboré, entre autres, par la récente annonce de la fermeture de plusieurs librairies à Paris de la célèbre enseigne Gibert Jeune, dont l’existence remonte à plus de 130 ans. À ce jour, personne ne s’est manifesté, à notre connaissance, pour une ouverture de librairie indépendante sur Monaco. Les derniers appels à candidatures publiés en vue de l’attribution de locaux domaniaux ne comportaient aucun dossier pour pareil projet, nonobstant les loyers préférentiels pratiqués. »

Pour lire la suite de notre dossier sur la place du livre à Monaco, cliquez ici.