vendredi 26 avril 2024
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Mélanie Dupuy : « On note l’envie d’être son propre patron »

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À quoi aspirent les jeunes actifs de Monaco ? Mélanie Dupuy, présidente de la Jeune chambre économique pour l’année 2022, répond à Monaco Hebdo, alors que cette organisation organisait le 24 mars 2022 une conférence avec le ministre d’État, Pierre Dartout, à propos de l’attractivité de la principauté.

Le salaire est-il encore l’argument numéro un chez les jeunes actifs de Monaco ?

Ce sont des sujets très intéressants que nous développons autour des tables rondes de la Jeune chambre économique (JCE), avec une partie de nos membres, sur l’avenir professionnel de Monaco notamment. De ces tables rondes, on s’est rendus compte que nos membres ne mettent pas la rémunération en argument numéro un. Bien sûr, cela reste un facteur important, mais ce n’est pas ça qui va décider aujourd’hui de la société dans laquelle ils vont évoluer.

Que recherchent-ils d’autre ?

La flexibilité revient très souvent. Je pense qu’on ne peut plus voir les choses comme on les voyaient avant. Cette rigidité du 9 heures – 18 heures ne va pas être appréciée. On le voit avec certains des collaborateurs qui composent notre mouvement. Ils vont donner beaucoup plus à des entreprises en termes de temps de travail, des fois le soir et en dehors, car ils ont construit une relation de confiance avec leur employeur. Ça, c’est un point important. De plus, on voit aujourd’hui que les jeunes ne rentrent pas dans une entreprise en se disant qu’ils vont y rester toute leur vie.

La flexibilité attire les jeunes actifs ?

On voit que certains secteurs d’activité, très riches et novateurs, peuvent attirer les jeunes candidats. Il y a le côté environnemental également, car les jeunes talents font de plus en plus attention au fait que leur entreprise soit soucieuse de l’environnement, de bien gérer les choses, et d’apporter un cadre favorable.

« Le rapport très descendant qu’on pouvait avoir avant, n’est pas en train de disparaître, mais il est dépassé. On le voit, les collaborateurs ont envie d’être impliqués, et de pouvoir participer. Ils ont besoin de plus de souplesse qu’avant. Quand on leur apporte ces critères, ils s’investissent plus »

Et le télétravail ?

Le télétravail aussi. On voit que c’est un plus dans le quotidien de certaines personnes qui ont chaque jour un trajet à faire pour venir travailler. Mais c’est une question de curseur. Il ne faut pas que ça soit trop non plus, car le travail en présentiel est quand même fortement apprécié. Cela dit, le télétravail est un plus, qui permet de conserver plus facilement un collaborateur au sein d’une entreprise, car il va mieux s’y épanouir.

Ces jeunes veulent-ils faire carrière à Monaco, et y rester ?

Personnellement, j’adore mon pays, et je trouve qu’avec tous les avantages qu’on peut y trouver, une très grande majorité des gens vont y évoluer tout au long de l’année. Mais il y a quand même des exceptions. Parfois une opportunité va nous rediriger vers la France, ou vers un autre pays. Ça arrive aussi. Mais dans mon entourage, la plupart reste.

Monaco sait répondre aux nouvelles manières d’aborder le travail : télétravail, critères environnementaux ?

Je trouve que Monaco suit bien la tendance, et certaines entreprises qui étaient un peu à la traîne ont évolué avec le Covid-19. Ça a fini de convaincre les derniers retissants, selon moi.

Quelle part de jeunes actifs se voit confier le plus de responsabilités à Monaco ?

On a des exemples, autour de nous à la Jeune chambre, où des profils prennent très rapidement des responsabilités, ou se lancent avec de très belles structures. C’est quelque chose qui m’épate : la qualité des profils et la jeunesse de certains profils. Mais je pense que nous sommes amenés à rencontrer ce type de profils plus facilement à la Jeune chambre économique qu’ailleurs.

Qu’est ce qui favorise l’esprit entrepreneurial chez les jeunes à Monaco ?

Il y a un certain nombre d’avantages pour se développer à Monaco. Pour commencer, la clientèle est assez active, et il y a un beau potentiel, et des avantages en terme fiscaux. La législation est aussi avantageuse, avec les 39 heures. On a un “package” assez intéressant. Mais c’est, bien sûr, un calcul à faire par rapport aux loyers.

« On voit aujourd’hui que les jeunes ne rentrent pas dans une entreprise en se disant qu’ils vont y rester toute leur vie »

Les Monégasques sont-ils aussi portés vers l’entrepreneuriat ?

Avec les nouvelles générations qui arrivent, on se détache de cette idée qui veut que les Monégasques soient moins portés vers l’entrepreneuriat que les autres. J’en veux pour preuve le nombre de participants à nos concours de création d’entreprise. En termes d’âge, ils sont assez jeunes. L’envie est assez grandissante chez les jeunes aussi, on le voit dès le lycée. Avec notre projet « graine d’entrepreneurs », on a la chance d’intervenir dans les trois lycées de la principauté. On accompagne les étudiants par groupe pour lancer un projet d’entrepreneuriat. On va les aider tout au long de la journée pour travailler en équipe, écrire leur speech, monter un business plan, simplifié, mais avec des notions… Certains élèves, d’ordinaire plus discrets, se révèlent complètement avec ce projet. Des professeurs nous le disent chaque année.

Comment expliquer ce regain d’envie de créer son entreprise, ou du moins, d’essayer de se lancer ?

Le goût du risque est peut-être un peu plus présent aujourd’hui. On cherche moins à faire toute une carrière de collaborateur, avec une certaine sécurité. Et puis, on a tendance aussi à basculer d’une casquette à l’autre : commencer entrepreneur, puis devenir collaborateur, ça peut aller dans les deux sens. On note aussi l’envie d’être son propre patron, et de vouloir mener sa barque.

Jusqu’à quitter le salariat classique en cours de route ?

Oui, mais je suis amenée à croiser des exemples dans les deux sens, même au sein de la Jeune chambre économique. J’en parlais avec l’un de nos ancien président qui était d’abord collaborateur en entrant dans le mouvement. Puis il a voulu concrétiser une idée, et lancer son projet. Aujourd’hui il a une entreprise qui fonctionne bien. Et à l’inverse aussi, on a notamment un projet cette année qui s’intitule « innove inside » sur « l’intrapreneuriat » : c’est l’idée selon laquelle l’esprit d’entretepreneur peut aussi se transmettre chez le collaborateur. Car l’envie de lancer des nouveaux projets dans sa structure, de vouloir développer certaines compétences au sein d’une entreprise est aussi très intéressante.

Comment organiser cela en entreprise ?

Ce que l’on propose à une entreprise, c’est de permettre à deux à quatre de ses collaborateurs de participer à ce programme sur toute une journée avec des mentors, pour qu’ils puissent fournir un projet au bout de la journée. Il faut que l’entreprise y croit un minimum. Avec Monaco Telecom, par exemple, nous avions travaillé sur un programme qui avait pour objectif d’améliorer la communication interne.

Pour garder ses jeunes collaborateurs motivés, il est donc nécessaire de casser le rapport employeur/subordonné ?

Je pense que le rapport très descendant qu’on pouvait avoir avant, n’est pas en train de disparaître, mais il est dépassé. On le voit, les collaborateurs ont envie d’être impliqués, et de pouvoir participer. Ils ont besoin de plus de souplesse qu’avant. Quand on leur apporte ces critères, ils s’investissent plus.

La question de la rémunération revient tout de même en cours de route ?

Le salaire n’est pas l’argument premier, mais ça reste un argument important. Cependant, si un jeune est face à deux propositions de salaires, avec l’une un peu plus haute que l’autre, ça ne va pas forcément être le plus haut salaire qui va l’emporter. Et ça, ce n’était pas forcément vrai par le passé. Mais cela reste vrai quand il n’y a pas une différence de plus d’un tiers de la somme. Il ne faut pas non plus tomber dans un discours caricatural.

Le ministre d’État, Pierre Dartout, invité le 24 mars 2022 par la Jeune chambre économique de Monaco. © Photo Philippe Fitte

« Il faut moderniser le droit pour développer les start-ups »

Le ministre d’État, Pierre Dartout, était l’invité de la Jeune chambre économique (JCE) de Monaco (JCEM) pour le premier petit-déjeuner conférence de l’année qui s’est déroulé le 24 mars 2022. Devant près de 120 membres présents, Pierre Dartout a évoqué les grands sujets de l’actualité, et développé notamment les principales actions entreprises par le gouvernement pour consolider l’attractivité de la principauté selon lui, notamment pour les jeunes actifs : « Le modèle économique monégasque n’est pas figé. Nous pouvons être optimistes, car Monaco a tous les atouts pour approfondir son modèle et le réadapter à l’évolution des choses. Il faudra, pour cela, tenir compte des défis environnementaux et de développement durable, et les entreprises inscrites sur cette démarche, pour lutter contre les différents types de pollutions, seront très encouragées à le faire. Nous avons les moyens de bâtir tout un environnement favorable à cela. » Le ministre d’État a également poussé la réflexion en matière de développement des jeunes entreprises. Selon Pierre Dartout, il sera nécessaire d’adapter la législation existante pour favoriser leur développement en principauté : « Nous réfléchissons aux bonnes conditions pour que les start-ups se développent. Il faut, pour cela, moderniser le droit afin de permettre leur développement. Je pense qu’il n’est pas assez adapté aujourd’hui. Il est important de moderniser les choses. Des idées existent, et nous disposons de moyens financiers. Mais la rareté du foncier, et la petite taille de Monaco, restent les deux principales difficultés à leur développement. » Dans cette initiative, le ministre d’État a d’ailleurs exprimé sa confiance envers la JCEM : « La Jeune chambre est un partenaire très intéressant pour les pouvoirs publics. Elle est l’expression de la jeunesse et du dynamisme économique. C’est une source d’enrichissement pour nous, et un facteur d’optimisme. »

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