jeudi 25 avril 2024
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Marc Mourou : « Les nouvelles générations ne placent plus uniquement le salaire au centre de leurs priorités »

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Alors qu’aux États-Unis, plus de 20 millions de salariés ont volontairement quitté leur emploi, Marc Mourou, président de la commission de l’éducation, de la jeunesse et des sports au Conseil national, se penche sur ce phénomène, qui concerne notamment les jeunes actifs.

À l’instar des États-Unis, assiste-t-on, à un phénomène de “big quit” : quitter le salariat pour lancer son activité ?

Depuis deux ans, la crise sanitaire a remis en question la manière dont de nombreux Monégasques, résidents, et travailleurs en principauté perçoivent leur activité professionnelle. Les retours sont hétérogènes, et cela dépend évidemment des secteurs d’activités, qui ont été plus ou moins impactés par le Covid-19. Certains salariés choisissent de rester à leur poste, car ils bénéficient d’une réelle sécurité de l’emploi en ces temps incertains. C’est par exemple le cas dans la fonction publique, où le nombre de salariés a même augmenté de 2 % entre 2020 et 2021. D’autres ont décidé de sauter le pas, et sont devenus des porteurs de projets. La création du business center domanial, appelé MC Boost, volonté commune du Conseil national et du gouvernement, a, par exemple, permis à de nombreux compatriotes de lancer leur activité. Et ainsi, devenir entrepreneurs, avec des tarifs préférentiels et une aide tout au long de leur installation et début d’activité. Une accélération qui a contribué à la transformation numérique des entreprises, tout en contribuant à la démocratisation du télétravail a, bien sûr, elle aussi, été observée pendant cette pandémie.

La pandémie de Covid-19 a-t-elle profondément transformé le rapport des jeunes au travail ?

La crise sanitaire a pu révéler plusieurs considérations sociales, comme la prise de conscience de l’importance du bien-être au travail. Pour les jeunes qui ont fait le choix de l’entreprenariat, c’est un phénomène qui a totalement changé leur mode de vie et leur fonctionnement au quotidien, car il y a bien sûr des avantages et des inconvénients à devenir son propre patron. Il n’y a, par exemple, plus forcément d’horaires de bureau, de hiérarchie à respecter, ou de rapports professionnels avec les autres salariés, ce qui permet une plus grande flexibilité et liberté d’action. Mais il y a une obligation de résultats et de bonne santé financière de leur firme. C’est donc un choix très formateur, mais intense, car ils se rendent compte qu’être entrepreneur, c’est souvent travailler un grand nombre d’heures par semaine, et régler une multitude de soucis, avant de pouvoir gagner correctement sa vie. C’est une tâche ardue. Mais quand ça marche, c’est très gratifiant pour eux.

Le salaire est-il encore un atout suffisant pour attirer les jeunes diplômés et les jeunes actifs ?

Le salaire proposé en principauté, qui est souvent supérieur aux pays voisins, reste bien évidemment un atout de poids. Mais il ne peut être, à lui seul, un argument suffisant pour attirer les jeunes diplômés et les jeunes actifs. Objectifs professionnels, conditions de travail, épanouissement au sein des structures… Les nouvelles générations ne placent plus uniquement le salaire au centre de leurs priorités. Il y a également le challenge et un environnement où il fait bon travailler. Un besoin de changement, et de renouvellement, a pu déjà se faire sentir dans les esprits des salariés ces dernières années. Mais cela s’est encore plus consolidé lors de cette pandémie. La fonction ressources humaines va devoir, sur les mois et années à venir, jouer un rôle déterminant pour créer une passerelle entre dirigeants et salariés, et équilibrer les besoins et attentes de chacun.

« Le CHPG reconnaît qu’il leur est de plus en plus difficile de recruter des Monégasques, des résidents, ou du personnel issu des communes limitrophes »

Sur quels autres atouts peut se reposer la principauté pour attirer les jeunes talents ?

Ces dernières années, l’État monégasque a su développer des secteurs d’avenir comme le numérique, qui propose aujourd’hui de plus en plus d’emplois faisant appel à la créativité et technicité des compétences. Les offres d’emplois dans le cloud, ou bien encore dans le marketing digital en sont la preuve. L’État, lui-même, a su changer de braquet, et s’adapter au monde post-Covid, en offrant des perspectives attractives, et de nouveaux défis à relever pour les jeunes talents. Il reste cependant beaucoup à faire pour rivaliser avec d’autres places importantes, qui ont développé ces dernières années leurs atouts dans le secteur du divertissement, des médias, ou bien encore de la santé.

Au Centre hospitalier princesse Grace (CHPG), malgré des salaires attractifs, on peine à recruter du personnel soignant : comment expliquer cette situation ?

Le CHPG reconnaît en effet qu’il leur est de plus en plus difficile de recruter des Monégasques, des résidents, ou du personnel issu des communes limitrophes. Ils l’expliquent par des salaires qui restent plus attractifs dans l’administration, avec des postes d’infirmière scolaire par exemple, ou des professionnels de santé qui préfèrent exercer dans le libéral. Pour y remédier, le CHPG compte lancer une grande campagne de communication, notamment dans les classes de la principauté, afin de mieux faire connaître les métiers médicaux, mais aussi tous les autres emplois que proposent l’hôpital, entre comptables, blanchisseurs, agents administratifs, secrétaires… Tous ces métiers sont indispensables, et concourent à la bonne prise en charge des patients. Un dispositif de bourses est également à l’étude, afin d’encourager et de favoriser le recrutement des personnes qui ont un lien, et une proximité directe, avec Monaco.

Faut-il permettre aux entreprises de Monaco de pérenniser le télétravail sur le long terme ?

Utilisé de manière modérée avant la crise sanitaire, le télétravail a été salvateur. Il a permis de continuer à faire fonctionner le pays pendant le confinement et les premières périodes de restrictions sanitaires, avec une très nette augmentation des demandes de la part des entreprises (+ 80 % selon le service de l’emploi). Outre les accords passés avec la France, Monaco a décidé d’élargir les possibilités de télétravail pour les salariés italiens, en signant un accord, qui doit toutefois être ratifié par les assemblées parlementaires des deux pays, avant de pouvoir entrer en vigueur. Sa vocation a donc pour but d’être pérennisé dans le temps. Cependant, un juste équilibre doit être trouvé, car nous avons pu observer l’aspect moins bénéfique du télétravail sur la présence de clients dans nos restaurants, dans nos commerces, ou dans nos lieux de divertissement et de culture. Ces lieux étaient moins remplis qu’à leur habitude. Il faut donc faire attention à ce que le télétravail n’ait pas un effet néfaste sur la consommation et sur l’animation de la ville. De plus, à trop forte dose, le télétravail pousse à une passivité et à un manque de rituels qui peuvent avoir des conséquences nocives sur la motivation et sur la santé mentale et physique. Rester assis devant son ordinateur pendant des heures, ne peut être le seul modèle proposé aux travailleurs. La présence physique en entreprise se doit de perdurer également. Le vrai contact reste indispensable.

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