vendredi 26 avril 2024
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Philippe Amouyel : « L’épidémie ne se résume pas au nombre de décès »

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Dans une tribune publiée dans le Journal du Dimanche (JDD), dimanche 27 septembre 2020, le professeur de santé publique au CHU de Lille, Philippe Amouyel, appelle avec six autres médecins au « respect strict du port du masque et des mesures barrières », y compris dans la sphère privée.

Selon eux, les mesures sanitaires en vigueur sont justifiées pour éviter « une deuxième vague bien plus difficile à gérer pour les hôpitaux et les services de réanimation que la première ». Le professeur Philippe Amouyel en explique les raisons à Monaco Hebdo. Interview.

Pourquoi avoir signé cette tribune (1) dans le Journal du Dimanche (JDD) ?

J’ai signé cette tribune pour alerter suffisamment tôt sur l’évolution des chiffres. Les projections montrent que, si rien ne change, on va vers une croissance exponentielle des entrées en réanimation.

Pourquoi vous appuyez-vous sur les entrées en réanimation ?

Pour deux raisons. La première, c’est la seule chose que l’on peut comparer avec ce qui s’est passé en février-mars-avril 2020. Cela a une grandeur quantifiable, très simple. Et c’est aussi ce qui traduit le débordement et la surcharge des hôpitaux. Le facteur épuisant, c’est vraiment la gestion de l’arrivée des patients qui doivent rester dans une salle en réanimation entre 1 et 4 à 5 semaines dans un coma artificiel prolongé. C’est ce qui sature les hôpitaux parce qu’on ne peut plus mettre personne d’autres, on ne peut plus prendre en charge les autres pathologies…

Comment évolue le nombre de cas ?

Avec mon équipe, j’ai produit une courbe d’évolution, en mobilisant ce qui s’était passé avant le confinement, et en remodélisant ce qui s’était passé à partir de la mi-août 2020, à peu près. Et malgré des seuils extrêmement bas, on s’aperçoit que la croissance peut être modélisée sous une forme exponentielle. La croissance est multipliée par deux tous les quelques jours. C’est-à-dire qu’on a un cas le premier jour, une semaine après on a deux cas, deux semaines après on a quatre cas, etc. Et à ce moment-là, la multiplication par deux toutes les semaines peut entraîner une explosion des cas, à un certain moment.

Quelles sont vos prévisions, aujourd’hui ?

On a vu que le taux de doublement pendant l’été 2020 était à deux semaines. On doublait le nombre de cas toutes les deux semaines. Ce qui colle parfaitement avec l’évolution qu’on a observé au niveau national sur les entrées en réanimation. Et si on prolonge cette courbe jusqu’au mois de novembre-décembre 2020 avec une démultiplication tous les 15 jours, on s’aperçoit qu’à partir du 12 octobre, on atteint les niveaux des entrées quotidiennes en réanimation qu’on avait au pic de la première épidémie, c’est-à-dire à peu près 600 personnes par jour. Et si on laisse filer, au 15 novembre, on sera à 1 200 personnes par jour, c’est-à-dire le double de ce que l’on avait au premier pic dans les services de réanimation. En supposant que les gens restent 14 jours dans le service, à un moment donné, il faudra 16 800 lits. Or aujourd’hui, la France n’en compte que 5 000. Sans compter les pathologies qui sont déjà prises en charge et occupent des lits.

Comment expliquez-vous cette recrudescence du nombre de cas de coronavirus ?

Il y a eu un relâchement pendant l’été. Et la rentrée également. Pendant l’été, les gens se fréquentaient par groupe, ils n’étaient pas forcément chez eux. Maintenant, tout le monde revient dans les ambiances fermées, dans le milieu professionnel, dans les ambiances familiales, les enfants sont rentrés à l’école, ils vont chez leurs grands-parents… Les brassages se font de manière plus importante, et le virus a eu le temps de circuler en particulier dans les classes d’âge qui étaient aux alentours de 20 à 40 ans. Et aujourd’hui, on constate que le taux de positivité augmente également dans les classes d’âge au-delà de 60 ans. Et cela augmente très vite.

Quel est le but de votre tribune ?

Il y a trois sphères : la sphère publique, la sphère professionnelle et la sphère privée. Un certain nombre de mesures ont été prises dans la sphère publique. Elles ne sont pas super bien respectées, mais elles existent. Dans la sphère professionnelle, les mesures sont, en général, assez bien respectées. En revanche, dans la sphère privée, il n’y a aucune possibilité de contrôle. On a donc voulu définir dans cette sphère des éléments de référence.

C’est-à-dire ?

Dans votre foyer, votre maison dans laquelle vous habitez avec vos proches (femme, enfants…), vous pouvez éviter les mesures barrières, puisqu’on sait que, dans cette promiscuité normale et naturelle que représente une famille nucléaire, les gens vont se contaminer. En revanche, hors de cette situation, quand vous voyez des gens de votre famille ou d’autres familles, il faut respecter les mesures barrières dans le privé. C’est-à-dire mettre des masques, respecter la distance, se laver régulièrement les mains avec des solutions hydroalcooliques, et surtout, protéger les plus vulnérables, comme les personnes âgées. C’est le message que nous avons voulu passer. À chaque fois en jouant sur la responsabilisation des gens. Il faut que les gens comprennent à quoi ça sert, qu’ils s’habituent à vivre avec ça, car on n’a pas encore de vaccin.

Peut-on casser cette dynamique épidémique ?

Si on respecte à la lettre les mesures qu’a annoncées Olivier Véran, le ministre de la santé français, on a une chance d’inverser et de casser cette dynamique. Et si les gens respectent les mesures tout de suite, avec un peu de chance, la dynamique de montée exponentielle peut être cassée, ralentie, même effondrée aux alentours du 1er novembre, soit au moment des vacances de la Toussaint.

Fallait-il fermer les bars et les restaurants pour casser cette dynamique ?

Dans ces établissements, quand vous êtes assis à table, vous enlevez le masque. D’accord si vous avez une distance de sécurité suffisante, d’accord si vous avez une aération suffisante. Sauf qu’il y a beaucoup de bars et de restaurants où les gens sont serrés comme des sardines, et ils n’ont pas de masque. Donc ce sont des lieux de diffusion du virus. Ensuite, il y a toutes les fêtes familiales, les mariages… Généralement, la distanciation est raisonnable au début, mais, après minuit, quand les gens ont bien fait la fête, les masques tombent. Ce sont tous ces éléments qu’il faut, de manière drastique, respecter très vite pour qu’on ait une chance de casser cette courbe.

Avez-vous des éléments à votre disposition qui justifient cette mesure ?

Les études anglo-saxonnes ont bien montré que quand on compare les personnes contaminées à celles qui ne le sont pas, celles qui sont contaminées ont fréquenté trois fois plus souvent que les autres, les bars et les restaurants. Il se passe donc quelque chose à ce niveau-là. Il faut dire aux gens que même dans le restaurant, il faut avoir une distanciation physique, il ne faut pas nécessairement être en face-à-face et quand on ne mange pas, il faut garder le masque. Il faut aussi responsabiliser les gens qui offrent des services publics à savoir les bars, les boutiques, les restaurants… Il faut que les professionnels aient le courage de faire respecter les mesures. Sauf que, généralement, ils n’aiment pas faire des réflexions désagréables aux clients. Il faut donc encadrer, et c’est ce qu’a fait Olivier Véran en assurant la fermeture.

Pourquoi fermer les bars et restaurants à partir d’une certaine heure ?

En fait, le risque de transmission et l’augmentation de non-respect des gestes barrières se font essentiellement après que les gens se soient un peu alcoolisés ou échauffés. On estime qu’à 22 heures, les gens respectent encore les mesures barrières et après, ils vont se coucher. Pour les restaurants, la situation est un peu différente, car on est assis et la déambulation n’est pas la même.

Ne déplace-t-on justement pas le problème dans la sphère privée avec cette fermeture prématurée de ces établissements ?

Je ne pense pas. Mais de toute façon, ça suppose quand même la même responsabilisation dans la sphère privée. Les apéros qui peuvent se prendre dans un bar, mais le plus souvent à la maison, c’est typiquement la sphère privée. La position des gens qui se réunissent à la maison après la fermeture de ces établissements est tout à fait irresponsable. Car il faut savoir vers quoi on va après.

Pourquoi ne pas les responsabiliser aussi dans la sphère publique ?

Dans la sphère publique, l’État peut légiférer, il peut mettre des amendes. Les gens ont aussi une responsabilité dans la sphère publique, mais l’État peut contrôler. Alors que dans la sphère privée, il n’y a pas de contrôle. On ne peut pas contrôler le fait que 20 personnes se réunissent dans un appartement de 40 m2. L’importance, c’est cette sphère privée, car on constate aujourd’hui qu’il existe deux zones de contamination et de transfert du virus. Parmi elles, il y a la famille. Les clusters [foyer de contamination – N.D.L.R.] ont souvent pour origine une fête familiale ou entre étudiants. Ce sont dans ces secteurs que c’est le plus critique.

Le nombre de décès est-il un indicateur suffisant pour revoir les mesures ?

C’est les arguments de certains, y compris de ma profession, qui disent qu’il n’y a pas beaucoup de morts, que l’épidémie est passée… C’est faux. Il y a des morts, des gens qui vont dans les services de réanimation. Exactement comme pour les problèmes des accidents de la route. Il y a environ 3 500 décès par an en France. Ce n’est pas beaucoup 3 500. Aujourd’hui, le taux de décès du Covid-19 est aux alentours de 63 personnes par jour. On va rapidement atteindre les 3 500. Pourtant, on maintient des mesures, des radars, des amendes… On pourrait se dire qu’il n’y a pas beaucoup de morts. Mais l’épidémie ne se résume pas au nombre de décès.

Quelles données faut-il aussi prendre en compte ?

Dans les accidents de la route, on parle bien sûr des 3 500 morts, mais on ne parle pas des 90 000 accidents graves. On ne voit que les morts, alors qu’il faut voir tout cet ensemble. C’est la même chose pour le Covid-19. On va avoir des personnes qui vont avoir des séquelles, qui vont souffrir en réanimation… ce d’autant, que les réanimateurs et médecins ont fait des progrès dans la prise en charge des patients atteints de formes graves et réduisent significativement la mortalité. Et même s’il n’y avait qu’une personne qui décède, si on peut l’éviter, je crois qu’il faut tout faire pour. Surtout si le fait de l’éviter consiste à porter un masque et à respecter les mesures barrières.

Certains de vos confrères semblent pourtant avoir un avis différent du vôtre ?

Le 14 mars 2020, quand le Conseil de défense s’est réuni pour annoncer le confinement total à partir du 17 mars, il y avait 79 morts du Covid-19 par jour. Aujourd’hui, on est à 63. Ces gens-là, ça ne les gênait pas qu’il y ait 79 morts, et de mettre tout le monde en confinement. Maintenant qu’il y en a 63, ils disent que ce n’est plus la peine, parce que c’est trop faible. Ce n’est pas logique.

Comment expliquer qu’au sein d’une même profession, vous ayez des avis diamétralement opposés ?

Là, vous parlez des personnes qui ont signé des tribunes avec à leur tête Jean-François Toussaint et Laurent Toubiana. Ils disent que l’épidémie est finie. Vous avez aussi Didier Raoult qui dit que ce n’est pas un problème, qu’il faut voir les choses positivement. Ils sont 250, maintenant il faut voir si ce sont 250 scientifiques comme ils le prétendent. Il faut bien vérifier les CV. Et ce que je dis sur le modèle qu’on a signé dans la tribune du JDD, c’est exactement la même chose que retrouve le conseil scientifique, Arnaud Fontanet… sur l’évolution exponentielle des entrées en réanimation. C’est aussi ce que retrouve une autre épidémiologiste, Catherine Hill, qui travaille à l’Institut Gustave Roussy. Je peux aussi vous en citer d’autres. Sauf qu’eux, ils font moins de bruit, c’est clair. Arnaud Fontanet a, par exemple, une obligation de réserve, dans la mesure où il fait partie du conseil scientifique auprès du président de la République. Il y a quand même une certaine cohérence dans les analyses menées de manière indépendante.

Les formes de Covid-19 sont-elles aujourd’hui moins sévères ?

Ce sont toujours les mêmes personnes qui disent ça. Sur 100 personnes qui vont faire un Covid, environ 85 vont faire une forme mineure, et, pour un certain nombre d’entre eux, sans aucun symptôme. Cela était vrai au début de l’épidémie en mars 2020, et c’est toujours le cas aujourd’hui. Mais 10 à 15 % vont se faire hospitaliser, et, parmi eux, 5 % vont faire une forme grave, qui va les amener en réanimation. Au début de l’épidémie, puisqu’on ne faisait pas de test, on ne voyait que ceux qui arrivaient en hospitalisation ou ceux qui allaient en réanimation. Tous les autres, ils ne savaient pas s’ils faisaient un rhume ou un Covid-19, car il n’y avait pas de test. Donc, forcément, on ne voyait que les formes les plus graves.

Et aujourd’hui ?

Maintenant, on fait des tests, un million par semaine. Dans ce million de tests, vous avez forcément tous les gens que vous ne voyiez pas avant. Donc, en fonction du taux de positivité, vous allez tomber sur des personnes qui font des formes asymptomatiques. Et, dans ce cas, il faut les isoler, car les asymptomatiques disséminent le virus. La chose qui a un peu changé dans la gravité, c’est qu’une fois en réanimation, les chances de ressortir vivant d’une forme grave sont plus importantes, grâce aux progrès des thérapeutiques qu’ont fait les réanimateurs.

Dans votre tribune, pourquoi estimez-vous qu’« une deuxième vague sera bien plus difficile à gérer pour les hôpitaux et les services de réanimation que la première » ?

Si on laisse filer, on va se retrouver comme ce qui s’est passé en mars-avril 2020. Et après ce qu’ont subi les réanimateurs et les médecins, on n’est pas prêt à recommencer. Les gens sont épuisés. En plus, il n’y a pas assez de médecins, de réanimateurs… Auront-ils la force de recommencer ? Ce qui est important, c’est d’agir fort et vite maintenant car l’épidémie n’a pas encore explosé. Le pic du printemps 2020, c’était 600 entrées par jour en réanimation en moyenne. Le pic de la mi-novembre 2020, ça va être 1 200. C’est-à-dire le double. Si tout continue comme ça.

Une deuxième vague est-elle envisageable ?

Je pense qu’on est en train de la démarrer. Il y en a une en Israël, une en Italie, une en Espagne, une en Angleterre… Pourquoi n’en y aurait-il pas une en France ?

Toutes les mesures qui ont été prises ne sont-elles pas trop liberticides ?

Porter un masque, se laver les mains, prendre une certaine distance qui ne dureront pas quand on aura un vaccin, cela enfreint-il gravement nos libertés ? Alors qu’est-ce qui va se passer les jours où vous allez être dans le coma dans un service de réanimation. Là, il n’y a plus du tout de liberté. Ce n’est quand même pas la Révolution de 1789. Le terme liberté est très subjectif à ce niveau-là. C’est-à-dire qu’on ne peut pas faire ce que l’on veut.

Les fermetures des bars et restaurants, des salles de sport, des spectacles… nous privent malgré tout de certaines libertés ?

Non, les clusters de contamination se font dans les fêtes d’intégration des étudiants. Quand vous êtes dans une salle de sport, il n’y a pas nécessairement la distanciation, il y a des flux, de la transpiration, du virus qui vole… et vous respirez deux fois plus parce que vous faites des efforts. Quand vous êtes dans une salle de spectacle, et que vous ne respectez pas la distanciation… Concernant les bars et restaurants quand vous êtes dans une zone très gravement atteinte, comme dans les Bouches-du-Rhône, ils ferment complètement les restaurants. Quand vous êtes dans une zone qui n’est pas écarlate, ils les ferment à certaines heures. Et quand vous n’êtes pas dans ces zones-là, ils les laissent ouverts, sous réserve que les mesures barrières soient respectées à la lettre. Il y a des terrasses et des bars qui sont plein à craquer à certains moments de la journée, avec des personnes qui n’ont pas de masque et qui sont à moins d’un mètre les uns des autres. C’est là qu’on s’infecte.

La fermeture des salles de sport était-elle justifiée, alors qu’aucun foyer de contamination n’a été détecté dans ces établissements ?

Je ne sais pas. Ils ont peut-être une étude là-dessus. Il faut demander au gouvernement. La tranche d’âge dans laquelle le virus circule le plus, c’est la tranche 20-45 ans, et c’est celle qui fréquente le plus les salles de sport. Il faut aussi casser la dynamique de transmission dans ces tranches d’âge, car c’est aussi celles qui disséminent dans la population.

Ne crée-t-on pas un climat anxiogène avec toutes ces mesures ?

Je ne sais pas. Est-ce que cela a été mesuré ? Ceux qui ont peur, indépendamment de ces mesures, sont souvent les personnes qui sont et se savent très à risque. Il y a des gens qui ont très peur, et d’autres qui sont franchement insouciants. On ne voit que les gens qui ont peur, et éventuellement les mesures anxieuses, mais on est quand même face à une pandémie, c’est-à-dire une maladie mondiale. On ne peut pas l’ignorer, cela crée forcément un contexte franchement inconfortable pour ne pas dire anxiogène. Je veux bien que ça crée un contexte anxiogène, mais qu’est-ce que les gens qui dénoncent ça proposent ?

Ils proposent la responsabilisation, l’immunisation collective ?

La responsabilisation, ils n’en parlent pas. Ils disent qu’il n’y aura pas de deuxième vague. Laurent Toubiana, qui signe cette tribune [lire son interview par ailleurs – N.D.L.R.], dit que c’est fini, qu’il n’y a plus rien. L’épidémie est derrière nous. Didier Raoult dit la même chose. Si ce sont des fans de l’immunisation collective, le coût de l’immunisation collective en France, ce sera 100 000 à 400 000 morts. Quand vous savez qu’il y a 600 000 morts en France chaque année, vous voyez un peu l’impact que ça peut avoir sur la population. Regardez ce qui se passe en Suède. La Suède est un petit pays, il faut ramener ça à la taille de leur population, et ils ont deux fois plus de morts que partout ailleurs. Il faut qu’ils proposent quelque chose. Nous, on propose des choses. Il faut aussi faire une autocritique. Personne n’est parfait. Il faut diffuser des messages qui soient simples, clairs, il ne faut pas de messages contradictoires, et, malheureusement, ça survient. Pour éviter une deuxième vague, il faudrait qu’il y ait un consensus dans les messages envoyés.

Le port du masque obligatoire dans toute une ville est-il justifié ?

Il faut voir le temps que les gens passent dans la rue. Quand vous allez dans les magasins, faire vos courses, vous passez forcément dans des zones mal aérées ou des zones où il y a beaucoup de monde. Après, soit les gens ont cette responsabilisation et comprennent quand il faut le porter ou non, donc automatiquement quand ils arrivent dans une zone dense de population ou dans un magasin, ils le mettent et dans les autres situations, ils l’enlèvent. Mais comme ce n’est souvent pas le cas, il y a des décisions qui sont imposées par les préfets en disant à tel endroit le port du masque est obligatoire. Soit les gens ne comprennent pas le message et la solution, c’est tout le monde doit le mettre. Après, il faut quand même cibler les quartiers à mon avis, le faire intelligemment en expliquant aux gens pourquoi on a choisi ces quartiers. Il y a de la cohérence à avoir, mais il faut l’expliquer aux gens.

Le manque de cohérence est justement souvent pointé du doigt ?

Il y a plusieurs raisons. Ce virus et cette maladie, on ne les connaît que depuis le mois de janvier. On ne peut pas comparer avec la grippe qu’on le connaît depuis 70 ans. On a beaucoup d’éléments que l’on ne connaissait pas sur la transmission. On fait des progrès et on ajuste les mesures. Dans l’esprit des gens, la médecine fait. Non, la médecine là elle apprend. Et ce que voient les gens, c’est la médecine qui apprend au fur et à mesure, qui progresse. C’est flagrant pour l’amélioration du taux de survie en réanimation. On voit bien qu’il y a eu un apprentissage, que les médecins ont travaillé ensemble, ils ont échangé leurs bonnes pratiques donc ça a été efficace.

Certaines mesures restent malgré tout incomprises ?

Concernant les bars et restaurants, les études ont montré que les gens contaminés ont trois fois plus fréquenté ces établissements que ceux qui ne sont pas contaminés. C’est ça qui a amené à essayer de contrôler dans les restaurants. Les Anglais le font aussi, ils ont fermé les pubs à 20 heures. Ce n’est pas juste pour embêter les gens, parce que le gouvernement dit n’importe quoi… Ce n’est absolument pas ça. Le gouvernement fait ce qu’il peut, dans l’intérêt national de la santé publique. Il essaie aussi de balancer l’intérêt économique. C’est un exercice difficile. Et la vérité ne viendra pas directement du gouvernement, elle viendra aussi de la responsabilisation des gens.

Un reconfinement est-il possible ?

Comme on a pu le connaître au mois de mars 2020, non ce n’est pas possible. Je pense que c’est vraiment une fois parce qu’on ne savait pas comment était le virus, on ne savait pas comment il se propageait, on était complètement débordé, donc il fallait faire un grand stop. La question qu’il faut se poser, c’est est-ce que, par exemple, dans certaines zones comme le fait Madrid, il ne faut pas faire des confinements de 10 ou 15 jours. Mais uniquement dans certaines zones, pour casser des dynamiques. La question est aussi d’évaluer le poids économique des mesures. Faut-il rester pendant deux mois avec un bar qui doit fermer à 20 heures ? Ou alors faut-il fermer complètement le bar pendant 10 jours, et rouvrir après normalement, en appliquant les gestes barrières ?

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(1) Un collectif de médecins : « Des mesures radicales dès ce week-end pour des vacances de la Toussaint sereines », Le Journal du Dimanche (JDD), dimanche 27 septembre 2020.

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