vendredi 26 avril 2024
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Forfaits mobiles : l’électrochoc Free

Publié le

L’arrivée fracassante de Free Mobile le 10 janvier 2012 a laissé des traces. C’est bien simple, avec des forfaits à 19,99 euros par mois et à 2 euros pour 60 minutes de consommation et 60 sms, Free met d’accord tous ses concurrents. Sur le marché français, on assiste alors à une ruée des consommateurs vers l’opérateur. Orange, Bouygues et SFR sont contraints de baisser leurs tarifs et de proposer eux aussi des offres low cost. En principauté, Monaco Telecom a attendu quelques mois pour réagir. Aujourd’hui, la société baisse ses tarifs et s’aligne sur la concurrence. Au moment où Free est en négociation pour disposer d’un réseau à Monaco et où le marché des télécoms est en pleine mutation, l’opérateur monégasque se lance dans la bataille tarifaire. Reste à savoir avec quel succès à la clé.

Par Adrien Paredes et Milena Radoman.

 

Jean-Philippe Alfonsi


Monaco Telecom?: baisse de prix au bout du fil

L’opérateur monégasque lance une nouvelle gamme de forfaits pour s’aligner sur la concurrence française. L’offre devient plus lisible et les prix diminuent de 25 à 30 % par rapport aux tarifs pratiqués jusqu’alors.

Par Adrien Paredes.

Finie la grille de forfaits alambiqués, Monaco Telecom s’est décidé à faire place nette. Un ménage d’été qui se concentre en une offre simplifiée, avec seulement cinq forfaits, et qui s’accompagne surtout d’une baisse de prix pouvant aller jusqu’à 30 %. Toute personne déjà cliente chez Monaco Telecom peut voir ces nouveaux tarifs encore réduits de 5 à 10 euros. Jean-Philippe Alfonsi, le directeur commercial de l’opérateur monégasque, l’assure, la démarche a été engagée avant le déboulement de Free sur le marché de la téléphonie mobile. « Nous voulons être systématiquement compétitifs par rapport à la France. Nous ne ferons pas du low cost comme Free Mobile. Une offre sans services, ça n’a pas de sens. Nos clients nous attendent sur la qualité de nos services et sur la relation qu’on a avec eux, pas sur les tarifs », explique-t-il. Les nouveaux forfaits se divisent en deux catégories. Ceux destinés aux voyageurs (Europe et Europe +) et ceux destinés à la clientèle qui passe des appels essentiellement vers Monaco et la France (Essentiel, Connect, Connect+). Monaco Telecom a ainsi travaillé sur quatre segments de clientèle?: les personnes âgées, les nationaux qui ont un usage classique de leur téléphone, ceux qui sont un peu plus technophiles et les voyageurs.

Jeunes ou seniors
Le forfait Essentiel, qui coûte 24 euros, s’adresse aux jeunes comme aux seniors. Il comporte deux heures d’appel et l’utilisateur peut appeler en illimité vers trois numéros en France ou à Monaco. Les SMS et MMS sont illimités. Sur cette entrée de gamme sans data (avec engagement pour 2 ans), Monaco Telecom est certes plus cher d’un euro que SFR et Bouygues mais ceux-là ne proposent pas les appels illimités vers trois numéros. L’offre d’Orange coûte 5,90 euros de plus. « Nous sommes bien positionnés sur cette entrée de gamme », commente Jean-Philippe Alfonsi. Pour dix euros supplémentaires, soit 34 euros, le forfait Connect donne droit en plus à 500 Mo de data pour l’Internet mobile (lire par ailleurs). L’opérateur monégasque reste plus cher que ses concurrents français. « Au delà de 500 Mo, nous réduisons le débit mais l’utilisateur peut toujours aller consulter ses mails. Il n’y a pas de blocage comme c’est le cas avec les autres opérateurs. Pas de surprise non plus au niveau de la facture car il n’y a pas de surcoût », précise le directeur commercial et marketing de Monaco Telecom.
Dans la nouvelle gamme, le produit Connect+ fait figure de tête d’affiche. Il cible les nationaux technophiles, qui ont un usage intensif de leurs mobiles. Pour 59 euros, il inclut les appels en illimités 24h/24, 7j/7 en France et en Principauté, SMS et MMS illimités et surtout 3 Go de data pour l’Internet mobile. Seul Bouygues Telecom est moins cher que Monaco Telecom sur une offre comparable. « Nous sommes dans une politique d’anticipation en ce qui concerne l’usage d’Internet sur les mobiles. Il faut savoir que les smartphones (iPhone, Blackberry, Androïd, Samsung…) représentent 75 % de nos ventes. La data moyenne consommée pour un iPhone se situe actuellement entre 900 Mo et 1 Go. On s’attend à une augmentation de 50 % du trafic data dès l’an prochain sur Monaco. 3 Go, ça permettra d’éviter toute frustration du client », analyse Jean-Philippe Alfonsi.
A noter d’ailleurs que l’opérateur monégasque met en place, pour la somme de dix euros, une option Internet roaming ajustable, compatible avec tous les forfaits. En souscrivant à cette option, un client de Monaco Telecom, friand d’Internet sur son mobile et désireux de surfer en se trouvant à l’étranger, aura l’assurance d’avoir le meilleur tarif possible pour utiliser Internet sur son téléphone dans le pays où il voyage. Attention toutefois, cette garantie n’est valable qu’en Europe, en Suisse et en Andorre.

Gros travail sur l’Europe
Avec sa nouvelle gamme, Monaco Telecom mise aussi beaucoup sur l’étranger. Clientèle internationale oblige. Pour comparaison, les précédentes offres mobiles de Monaco Telecom à l’international coûtaient entre 25 et 60 % plus cher. Fixé à 99 euros, le forfait Europe comprend, outre l’illimité en Principauté et en France (appels vers fixes et mobiles/SMS/MMS), la communication illimitée depuis Monaco et la France vers les téléphones fixes et mobiles de 44 pays (Europe, Etats-Unis, Canada, Suisse et Andorre). Autrement dit, finie l’interrogation sur le coût de la minute en appelant vers l’étranger. Du moins vers les 44 pays concernés. En adoptant cette tactique, l’opérateur monégasque se démarque de la concurrence française. Par exemple, SFR propose certes l’illimité vers les fixes de 100 pays mais l’illimité vers les mobiles ne concerne que trois pays. « Ce forfait s’adresse autant à ceux qui voyagent beaucoup qu’aux professionnels. Nous répondons aux attentes de ces derniers qui nous disaient qu’ils avaient besoin d’illimité autant pour les appels sur les fixes que sur les mobiles. On innove dans ce domaine », indique le directeur commercial et marketing de Monaco Telecom.
Autre possibilité pour les voyageurs et les professionnels?: le forfait Europe+ à 109 euros. Celui-ci reprend les options du forfait Europe. S’y ajoute une heure d’appels en roaming. A savoir les appels dits d’itinérance, passés depuis l’étranger. L’offre de Monaco Telecom s’étend à l’Europe, plus la Suisse et l’Andorre. En clair, un client qui choisit cette formule et qui se déplace par exemple en Italie, dispose d’une heure d’appel offerte, qu’il peut utiliser depuis l’Italie. Au delà de cette heure, son forfait s’ajuste automatiquement sur le palier le plus avantageux en fonction de sa consommation (3h, 5h ou 10h). « D’ici deux ans, la totalité de nos clients aura migré sur Connect+ et Europe+ », prévoit Jean-Philippe Alfonsi. A ce jour, on dénombre près de 30?000 lignes mobiles ouvertes chez Monaco Telecom, avec une augmentation annuelle de 10 % de ce parc.

Roaming en baisse

Les tarifs de l’itinérance mobile et des services de données diminueront fortement à partir du 1er juillet 2012, à la suite d’un accord trouvé entre la Commission européenne et le Conseil de l’Union européenne. Le prix d’une minute lors d’un appel passé avec un téléphone portable depuis l’étranger sera ainsi plafonné à 29 centimes d’euros, contre 35 centimes d’euros actuellement. Au 1er juillet 2014, la minute ne pourra excéder 20 centimes. Concernant l’utilisation d’Internet sur les mobiles à l’étranger, le prix du mégaoctet (Mo) ne pourra pas dépasser 70 centimes d’euros HT. Un tarif qui baissera progressivement à 45 centimes HT en juillet 2013 puis à 20 centimes HT au 1er juillet 2014. « Nous appliquerons les directives de Bruxelles avec un peu de retard. Nous avons toujours suivi les directives européennes même si Monaco ne fait pas partie de l’Union Européenne. Cela représente une baisse de coût pour nous donc nous la répercutons », souligne Jean-Philippe Alfonsi, directeur commercial de Monaco Telecom.//A.P.
Services
Monaco Telecom est souvent raillé par quelques internautes monégasques sur les prestations qu’il fournit. Pourtant, l’opérateur affirme notamment que son service client est supérieur à celui de ses concurrents français. D’après une étude réalisée par Monaco Telecom en février 2012, il faut ainsi 3 jours à l’opérateur monégasque pour mettre en service une nouvelle ligne fixe ou Internet. Contre 12 à 28 jours pour ses concurrents, selon les chiffres publiés par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) au troisième trimestre 2011. 93 % des appels passés au service client de Monaco Telecom aboutissent à une réponse. Dans 85 % des cas, le temps de réponse est inférieur à 30 secondes selon Monaco Telecom tandis qu’il dépasse les 2 minutes chez ses concurrents en France, d’après l’ARCEP. L’opérateur monégasque doit en revanche progresser sur le niveau de l’assistance apportée aux clients car le taux de résolution des problèmes en un appel est compris entre 85 et 90 %, là où les opérateurs français dépassent tous la barre des 90 %. Enfin, le taux de panne du réseau Monaco Telecom est de 1,1 % selon l’opérateur.//A.P.
Antenne relais
© Photo D.R.

Free Mobile?: bientôt un relais en principauté??

Le quatrième opérateur français de téléphonie mobile, Free Mobile, est en actuellement en pourparlers afin que ses clients puissent capter en Principauté.

Par Adrien Paredes.

«En trois mois, j’ai eu trois opérateurs différents?! » Le témoignage remonte à fin mars. Christophe, salarié monégasque et résident beausoleillois, venait de quitter Free Mobile, peu après l’avoir rejoint, pour souscrire à l’offre low-cost lancée par Bouygues Telecom. Freenaute de la première heure, il était à l’initiative de la pétition virtuelle pour l’arrivée de Free Mobile en Principauté, qui compte à ce jour 1847 signatures. Comme trois millions de Français, Christophe avait été emballé par les bas tarifs proposés, dès le 10 janvier, par le nouvel opérateur entrant. Free Mobile faisait alors une entrée fracassante en proposant deux forfaits sans engagement. Le premier à 2 euros pour une heure d’appel et 60 SMS par mois en France et le second à 19,99 euros comprenant appels et messages illimités. Free Mobile ne venait pas tant de révolutionner que de provoquer un séisme dans le monde de la téléphonie mobile. Christophe était persuadé que l’accord d’itinérance signé avec Orange allait lui permettre de passer et recevoir des appels depuis la Principauté. Peine perdue, ce partenariat s’arrêtait aux frontières. L’indisponibilité du réseau a fait migrer le Beausoleillois, déçu, qui se disait cependant « prêt à revenir chez Free Mobile » si l’opérateur venait à émettre en Principauté. Question d’économies sur la facture. Avant de se fondre dans la clientèle migrante, Christophe avait envoyé des courriers à la direction de Free Mobile, propriété du groupe Iliad dirigée par le charismatique Xavier Niel, pour demander la couverture de Monaco. Si elles sont restées sans réponse, ces missives ont tout de même incité Free Mobile à engager des démarches auprès du gouvernement monégasque et plus particulièrement, de la Direction des communications électroniques.

Licence ou itinérance??
Et pour cela, l’opérateur a deux solutions. Free Mobile peut demander une licence et installer ses propres antennes. Cette option ne serait cependant pas sans conséquence au niveau de la qualité du service. Ce serait un signal de plus émis dans un flot d’ondes électromagnétiques déjà conséquent en principauté. « Cette dernière solution est peu probable car la norme d’émission des antennes relais est très contraignante », confirme Stéphane Dubreuil, directeur associé Télécoms chez Sia Conseil. Ou alors, comme c’est le cas avec Orange en France, Free Mobile peut contracter un accord d’itinérance avec Monaco Telecom. « Dans l’hypothèse d’une continuité de service sur le territoire monégasque via notre réseau, il est évident qu’on ne proposera pas gratuitement cette option à Free Mobile. Il faudra aussi avoir des discussions sur les prévisions de trafic. Quel est le volume de trafic envisagé par l’opérateur?? Il faut savoir que les clients Free Mobile utilisent beaucoup de Data (transmission de données par l’Internet mobile, N.D.L.R.) », explique Jean-Philippe Alfonsi, directeur commercial et marketing de Monaco Telecom.
Cette solution nécessite ainsi pour l’opérateur monégasque de prendre des précautions. En France, Orange a notamment connu, courant mars, une très forte hausse du trafic sur son réseau, générée par les utilisateurs de Free Mobile. Lors des pannes du réseau Free Mobile, ces clients s’étaient retrouvés, à certaines heures de la journée, dans l’impossibilité de passer un appel, malgré l’accord d’itinérance avec Orange. « Les problèmes que connaît Free n’ont rien à voir avec Orange. Les clients mobile Orange de la région PACA n’ont pas été touchés par une dégradation du service Orange lors des pannes de Free Mobile », assure-t-on chez Orange. Dans d’autres zones, une minorité de clients Orange en avaient pâti. Pas question donc que Free Mobile puisse « squatter » sans limites le réseau de Monaco Telecom, si tel devrait être le cas à l’avenir. « Nous ne voulons pas faire vivre ça aux résidents monégasques. Nous protègerons notre réseau en instaurant par exemple une logique de débit maximal au niveau de la Data pour les clients de Free Mobile. Il faut que Free Mobile donne des garanties mais il est, pour l’heure, encore difficile de se projeter sur l’avenir de Free Mobile à Monaco », détaille Jean-Philippe Alfonsi.

Free Mobile, un modèle qui interroge
Le modèle de Free Mobile soulève de nombreuses questions. Ses offres tout d’abord qui ont renversé le marché. Lors de leur lancement, Xavier Niel, le patron de l’opérateur, n’y était pas allé par quatre chemins en taxant de « pigeons » les utilisateurs de téléphones mobiles qui ne passeraient pas chez Free Mobile. « Xavier Niel est libre de mener sa politique comme il l’entend. Il s’est payé une vraie belle annonce. 2 euros, c’est une offre symbolique. C’est tactique et ça relève davantage de la provocation. La véritable attente, elle se trouve dans l’offre à 19,99 euros. Tout le monde s’attendait à ce que les tarifs lancés par Free soient plus chers de dix euros », note un professionnel du marché, qui s’interroge sur l’investissement de Free Mobile dans l’évolution de son propre réseau. Pour l’analyste Stéphane Dubreuil, « l’arrivée de Free Mobile a changé les règles du jeu en profondeur ». « Ce nouvel opérateur a créé une certaine dynamique. Free Mobile inscrit dans la tête des gens qu’un forfait de téléphonie mobile, coute entre 2 et 19 euros. Il avait déjà fait la même approche avec l’ADSL et le 29,90 euros », poursuit-il. Même son de cloche du côté de Hervé Collignon, partenaire du cabinet d’analyse stratégique AT Kearney. « Free a fait grand bruit du fait de l’agressivité de son offre et du ton non moins agressif délibérément choisi par son patron. Beaucoup de choses fausses ont été dites à l’époque, notamment sur le niveau de prix moyen qui était dans la moyenne européenne et fondé sur une subvention des terminaux. Beaucoup de clients ont souscrit en multi-sim (plusieurs cartes SIM, N.D.L.R.), ce qui gonfle les chiffres commerciaux », souligne Hervé Collignon. « Les problèmes techniques qui sont survenus depuis vont rappeler à tout le monde ce qu’est un opérateur low cost, une offre qui n’existait pas avant Free. Le modèle économique de la téléphonie mobile repose sur des investissements lourds qui sont difficiles à tenir avec une politique de dumping. Le marche va donc se stabiliser autour des différentes propositions qualité/prix », ajoute-t-il.
Migrations de clientèle
Les migrations de clientèle ont commencé dès le 10 janvier. Les fameux « pigeons » se sont rués chez leurs opérateurs pour résilier tout de go leur abonnement. Les trois concurrents de Free Mobile (SFR, Bouygues, Orange) ont suivi en lançant respectivement les offres low-cost et sans engagement Red, B&You et Sosh. Mais avec un temps de retard à l’allumage. « Il y a un double impact. Premièrement, il y a une perte de parts de marchés pour les opérateurs déjà présents qui donne lieu à une redistribution. Il y a eu une migration extrêmement massive et rapide. Les opérateurs déjà présents ont réagi au moment de l’accélération. Free Mobile pourrait bientôt atteindre les 7 % de parts de marché. Deuxièmement, Free dit avoir entre 2,5 et 3 millions d’abonnés. Pour pouvoir garder les 67 millions d’abonnés restants, SFR, Orange et Bouygues sont obligés d’abaisser leurs prix, de faire des cadeaux et des réductions à des millions de clients. Ça réduit considérablement leurs marges », explique Stéphane Dubreuil. En même temps, les offres de Free Mobile pouvaient-elles alors être anticipées par le reste du marché?? Difficilement selon lui?: « Le marché n’a pas arrêté de baisser les prix durant les 18 mois qui ont précédé l’arrivée de Free Mobile. Les opérateurs ne s’attendaient probablement pas à ce que les offres de Free soient aussi basses. Ça les a surpris ».
Pour Hervé Collignon, en revanche, « elles l’ont été, notamment par Orange avec Sosh, une offre sim unique (sans terminal) et centrée sur le web mobile. Ces deux composantes de la stratégie de Free ont bien été identifiées ». Chez les opérateurs, on regarde ce que fait l’entrant sans s’en faire une montagne. Bernard Crozes, directeur des relations régionales SFR Méditerranée, note pour sa part que « Free s’est présenté en tant que 4ème opérateur de réseau, nouvel entrant sur le marché, avec une politique marketing très agressive ». « Il serait fort prématuré d’affirmer aujourd’hui que l’arrivée de Free Mobile mette le marché des télécoms en péril. Néanmoins, si son arrivée a certes chamboulé le marché, il n’en demeure pas moins que nous sommes confortés dans les programmes que nous avions initiés avant son arrivée et que nous poursuivons », développe-t-il.

Les marges des opérateurs « pas élevées »
Si chaque opérateur avait déjà baissé ses tarifs, comment expliquer un tel attrait pour la nouveauté Free Mobile?? A croire que le coup porté par le nouvel entrant au marché des télécoms a sans doute été un juste retour des choses dans la tête du client lambda de la téléphonie mobile. Dans la nébuleuse d’offres proposées sur le marché, avant l’arrivée de Free, les consommateurs ont-ils pu avoir le sentiment d’être floués en raison du manque de clarté sur la facture?? L’impression de payer trop cher pour l’usage qu’ils avaient de leur mobile?? Non, rétorquent les analystes. « Il y a une énorme manipulation sur la réalité du marché des opérateurs français. Les opérateurs français ne se gavent pas. L’Ofcom, l’équivalent anglais de l’ARCEP, a indiqué qu’on proposait les deuxièmes forfaits les moins chers d’Europe. Or, avec les tarifs de Free Mobile, nous avons désormais les tarifs les moins chers au monde sur le mobile et l’ADSL. Nous sommes dans une Europe consumériste où le client figure au centre de tout. Mais cela tue l’industrie européenne. Ça ne permet pas de développer l’innovation et l’emploi », juge Stéphane Dubreuil, directeur associé Télécoms chez Sia Conseil. Hervé Collignon, partenaire du cabinet d’analyse stratégique AT Kearney, relève également que les marges des opérateurs n’étaient « pas élevées par rapport aux autres opérateurs européens ». « Le niveau de prix des offres classiques intègrent le terminal et un service en boutique, l’affichage de l’offre de Free cache une promesse différente puisque le terminal doit être acheté séparément », commente-t-il.
Free Mobile comptait officiellement 2,6 millions d’abonnés au premier trimestre 2012. Plusieurs sources évoquent un possible dépassement de la barre des trois millions d’abonnés. Mais il en a perdu aussi, désabusés par une vraie-fausse promesse, agacés par des pannes à répétition sur un réseau encore peu fiable. Les chassés-croisés de clientèles ont, au final, concerné les quatre opérateurs. Orange dit en avoir perdu 600?000 sur le plan national mais en avoir récupéré depuis. C’est peu sur les 27 millions de clients mobiles que recense l’opérateur historique. Chez SFR, aucun chiffre n’est avancé. « Nous n’avons pas encore la photo géographique des clients qui ont été récupérés par Free Mobile, mais oui, il est probable qu’il y en est. Cependant, nous sommes satisfaits de constater que certains clients SFR, ayant tenté l’expérience Free Mobile, commencent à revenir dans nos espaces SFR, de nombreux témoignages de vendeurs ici en région Paca en attestent », affirme Bernard Crozes. Reste à savoir quelle politique d’investissement va suivre chez Free Mobile. Les objectifs sont connus?: 75 % de la population couverte en 3G en 2015 et 90 % en 2018. « Il ne suffit pas de rentrer sur le marché, il faut désormais délivrer. Free Mobile vit simplement le quotidien d’un opérateur qui se lance. Cette instabilité du réseau se régulera au fur et à mesure. Free a l’ambition de ses moyens. Il fait la plus grosse marge d’Europe sur l’ADSL (39 %). Il peut auto-financer son déploiement en 3G et le lancement de la 4G », pointe Stéphane Dubreuil. Les autres opérateurs, outre l’investissement continu dans leurs réseaux, comptent accentuer leur avance sur le nouvel entrant, à la fois sur les services et les relations clients. « Notre ambition n’est pas d’être moins cher que Free mais d’avoir une offre qui correspond à chaque clientèle, comme par exemple M6 Mobile pour les débutants ou Sosh pour les ultra-connectés avec une multitude de services », dit-on chez Orange. La tactique demeure la même chez SFR. « Nous restons convaincus que nous devons continuer à nous différencier au travers de la qualité du réseau et du niveau de services apporté à nos clients. C’est ainsi que nous investissons chaque année 1,6 milliards d’euros dans nos infrastructures réseau et que nous continuer de renforcer notre politique d’accompagnement clients », explique le directeur des relations régionales Méditerranée.

Destruction d’emplois??
L’autre séisme provoqué par Free Mobile concerne l’emploi dans le secteur des télécoms. Jean-Ludovic Silicani, président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), estimait en avril, que l’arrivée du nouvel opérateur pouvait entraîner 10?000 suppressions de postes en deux ans. Un chiffre multiplié par 3 pour les syndicats français. Pas de plan de licenciement en vue, du moins pour l’instant, chez Orange. « Nous nous sommes engagés sur 10?000 recrutements sur le plan national. Nous maintenons cet objectif. Plus de 300 personnes ont été embauchées sur le Var et les Alpes-Maritimes sur l’année 2010/2?011 », nous précise-t-on. « Le problème, c’est l’effet de pression sur les prix qui conduit tout le secteur à revoir d’une façon ou d’une autre, ses prix à la baisse. Etant donné la faible réserve de marge et l’absolue nécessité d’investir, il y a un risque majeur de destruction d’emplois malheureusement », analyse Hervé Collignon, partenaire du cabinet d’analyse AT Kearney. Stéphane Dubreuil retient, lui, des « impacts hors normes ». « Les opérateurs vont vivre une destruction de valeur importante sur le mobile. On annonce une baisse du chiffre d’affaires de 3 à 4 % par an chez les opérateurs. Des plans sociaux et des délocalisations de centres d’appels sont à prévoir », développe-t-il.
La lente disparition des MVNO, à savoir les opérateurs type M6 Mobile, Virgin Mobile, La Poste Mobile ou encore Universal Music Mobile, fait aussi partie des effets secondaires engendrés par l’arrivée de Free Mobile. « Seuls ceux qui ont un actif fort (une marque/base client large, un reseau de distribution) pourront vraisemblablement résister », prédit Hervé Collignon. Stéphane Dubreuil a, lui, été le premier à annoncer leur disparition dès 2010. « Les MVNO sont concurrencés de manière frontale et violente. Ils ne disposent plus d’aucune marge de manœuvre. Il leur est impossible de s’aligner sur les tarifs de Free Mobile en faisant des marges confortables. D’ailleurs chez Free Mobile, le prix de gros est supérieur au prix de détail. Cette inversion fait que les MVNO n’ont pas la capacité de suivre de manière économiquement viable », expose-t-il.

Quel impact sur Monaco??
Enfin une dernière question se pose?: Free Mobile peut-il correspondre aux attentes de la clientèle résidente monégasque?? Monaco Telecom répète que celle-ci souhaite davantage des offres incluant des services que des offres à prix très attractifs mais sans services ou presque. Hervé Collignon estime que « les attentes des marchés à valeur ne correspondent pas bien à l’offre actuelle de Free Mobile ». « Mais il est certain qu’une offre illimitée à 20 euros peut être un argument de négociation utilisé par les clients pour réclamer une baisse de prix », ajoute-t-il. Stéphane Dubreuil se veut plus prudent. « Monaco Telecom ne serait pas totalement protégé si Free Mobile venait à débarquer à Monaco. Dans la population monégasque, il y a sûrement des travailleurs qui seront sensibles à leurs tarifs et il faut savoir que même les hauts revenus migrent chez Free Mobile. Il y aura un impact mais je pense qu’il sera de nature différente de celui qu’on a connu en France », pense-t-il. Comme les autres concurrents de Free Mobile, Monaco Telecom joue, outre les services proposés, la carte de la proximité pour conserver ses abonnés mobile. Il propose une nouvelle gamme de forfaits pour fidéliser et en gagner d’autres. Mais le low-cost, très peu pour lui?!

SFR optimise sa couverture 3G à Monaco
L’opérateur SFR dispose actuellement de 8 antennes 2G et d’une antenne 3G. Il entend lancer « un plan de déploiement conséquent » sur la Principauté, selon Bernard Crozes, directeur des relations régionales SFR Méditerranée, pour améliorer la qualité de sa couverture. Ce plan devrait permettre, au premier trimestre 2013, de couvrir 100 % de la population monégasque en 3G+ en outdoor (en extérieur) et 93 % de la population en indoor (à l’intérieur des bâtiments). « Nous allons installer 13 sites de couverture 3G+ et compléter ce dispositif d’extension de la couverture 3G+ avec le rajout de systèmes 3G sur les sites 2G déjà existants?; et pour finir, 10 nouveaux systèmes 3G seront déployés en cohabitation sur des sites de Monaco Télécom. Ce dispositif de déploiement reflète notre volonté d’apporter la meilleure continuité de service aux clients SFR qui transitent sur la Principauté ou qui y vivent », précise Bernard Crozes.//A.P.
La couverture dans la région PACA
Selon Bernard Crozes, fin décembre 2011, SFR affichait « une part de marché d’environ 39 % sur la région Méditerranée, et un peu plus de 36 % dans les Alpes Maritimes ». « SFR a toujours été, de façon historique, leader sur la région », précise-t-il. Sur un plan plus régional, en région Paca, la couverture SFR couvre plus de 98 % de la population en 3G+ (data) avec environ 1?480 antennes relais. Du côté d’Orange, on revendique une couverture 2G (voix, N.D.L.R.) de 98,62 % de la population sur la région PACA, 96,24 % en 3G. Interrogé, Bouygues Telecom n’a pas souhaité communiquer sur le sujet.//A.P.
Martin Péronnet
Martin Péronnet, le directeur général de Monaco Telecom © Photo Monaco Telecom.

« Atteindre 40 % de parts de marché fin 2012?! »

Le directeur général de Monaco Telecom, Martin Péronnet, revient sur les nouveaux forfaits, l’arrivée de Free Mobile et les objectifs de l’opérateur monégasque. Interview relue et amendée.

Par Milena Radoman.

Monaco Hebdo?: La baisse des tarifs des forfaits de Monaco Telecom est une réponse à la vague low cost impulsée par Free Mobile??
Martin Péronnet?: Plusieurs facteurs ont joué. Nous devions adapter nos forfaits à la consommation de notre clientèle que ce soit au niveau des offres de roaming et de data ou d’Internet. A Monaco Telecom, nous avons une spécificité?: chaque mois, plus de 40 % de nos clients voyagent et le dernier Grand prix nous a encore montré que la consommation d’internet mobile a été augmentée par plus de 3 en un an. Mais bien entendu, on assiste à un bouleversement du marché depuis l’arrivée de Free qui change potentiellement les règles.

M.H.?: A savoir??
M.P.?: Aujourd’hui, il y a deux marchés. D’abord le low cost où il n’y a pas de services et pas de téléphone. Ce qui implique que les gens se débrouillent pour acheter leur téléphone à crédit avec à aujourd’hui des problématiques de réseau… On voit d’ailleurs un reflux des clients de Free, insatisfaits. Le second marché est un marché plus haut de gamme avec des services clientèles plus développés et des investissements réseaux élevés. Monaco Telecom en fait partie. Nous avons une quarantaine d’antennes sur 2 km2 de territoire?! Free en annonce 1?000 pour toute la France. Dans ce marché, qui regroupe les trois grands opérateurs (Orange, Bouygues, SFR), nous voulions donc nous situer de manière très compétitive en simplifiant les anciennes gammes de forfaits et en baissant les tarifs.

M.H.?: Pourquoi ne pas l’avoir fait avant??
M.P.?: Nous avions commencé à modifier nos gammes de prix en décembre 2011, et avions prévu de lancer de nouvelles offres en avril. Mais tout a été suspendu à notre changement de système informatique qui a pris plus de temps que prévu. Il fallait passer à la convergence et faire un système commun pour le fixe, le mobile et l’Internet TV. La déploiement de la première phase concernant le mobile a eu lieu le premier week-end de juin. C’est un projet très complexe et ambitieux pour l’entreprise et un investissement d’un budget de 10 millions d’euros. Mais il a été chronophage.

M.H.?: Depuis l’arrivée de Free Mobile, Monaco Telecom a-t-elle souffert des nouvelles offres low cost??
M.P.?: Le taux de résiliation reste stable par rapport à l’an passé. Nous n’avons pas enregistré de mouvements de départs de clients significatifs et nos ventes restent conformes à nos prévisions. Avec nos nouveaux forfaits, nous espérons au contraire développer la part de marché et atteindre 40 % à la fin 2012. Nos dernières études du marché font apparaitre que Monaco Telecom a 38 % des parts de marché en principauté (en progression de 5 points vs 2009), SFR 28 %, Orange 18 % et Bouygues Telecom 13 %.

M.H.?: C’est une période charnière pour le marché des télécoms. Comment voyez-vous la suite des événements??
M.P.?: Tout le monde est dans l’expectative. Le lancement de Free pose manifestement des questions fondamentales au marché, plaçant un prix difficilement incompatible avec les niveaux d’investissements et de service qui ont été développés. Soit le marché bascule vers un réduction forte des investissements et des coûts de service pour les clients et c’est un autre marché qui se dessine. Soit on stabilise les choses comme dans l’aviation avec des marques premium qui offrent des services complets et se distinguent sur la qualité et des marques plus « entrée de gamme ». Aujourd’hui, personne ne sait ce qui va se passer. Mais on sait déjà que 2012 est une année difficile et 2013 le sera plus encore. L’Autorité de Régulation française comptabilise déjà ses conséquences sur le marché de l’emploi. Le modèle des télécoms, une des réussites industrielle les plus importantes en Europe, s’en trouve modifié. Il est évident que l’effet d’aubaine joue aujourd’hui. Il faudra voir dans le temps comment les positions des uns et des autres s’établissent, si le low cost permet de développer un réseau et des prestations de qualité.

M.H.?: Quel sera l’impact budgétaire des nouveaux forfaits pour l’entreprise??
M.P.?: Il s’agit d’un impact important sur notre croissance mais que l’on peut absorber. Après, tout dépendra du succès de nos offres.

M.H.?: Monaco Telecom ne compte pas créer de « sous-marque » comme l’ont fait Bouygues ou SFR??
M.P.?: C’est tout bonnement impossible. Cela impliquerait d’interdire l’accès au magasin ou au service client à une partie de la clientèle?? Ça n’a pas de sens ici.

M.H.?: Free vous a contacté pour avoir un réseau à Monaco. Où en est la négociation??
M.P.?: La demande de Free est actuellement à l’étude. En principauté, la loi sur le rayonnement électromagnétique est très contraignante. A ce stade, il est difficile d’accueillir un quatrième réseau. Il faut étudier d’autres solutions, examiner la possibilité d’accueillir Free sur notre propre réseau. Mais ils ont des offres tellement agressives qu’il faut peser les conditions en amont. Par ailleurs, techniquement, il faut pouvoir absorber leurs communications sans dégrader notre qualité de service. Nous prendrons une décision dans les semaines à venir.

M.H.?: Pensez-vous instaurer une portabilité des numéros?? Aujourd’hui, les clients sont libres de résilier leur contrat mais perdent alors leur numéro.
M.P.?: Cela supposerait un accord entre la France et Monaco. Monaco Telecom n’est pas un opérateur français. La fonctionnalité de portabilité ne nous est donc pas ouverte aujourd’hui. Quand des clients décident de nous rejoindre, nous devons effectivement les accompagner fortement dans le transfert de leur nouveau numéro vers leurs contacts.

M.H.?: Quelle est aujourd’hui la stratégie de Monaco Telecom à l’international??
M.P.?: Monaco Telecom a la particularité de réaliser la moitié de son activité à l’international. C’est un succès important de l’entreprise et de ses collaborateurs que nous devons pérenniser et développer. Sur des territoires difficiles comme le Kosovo ou l’Afghanistan, nous avons relevé le défi d’installer de A à Z des réseaux de téléphonie mobile qui, en quelques années, sont devenus les leaders de leur marché. De la demande d’une licence à l’obtention d’un code pays, de l’installation des antennes à la création de contenus, nous continuons à accompagner nos clients dans l’ensemble du processus, technique et commercial, stratégique et managérial. Notre expertise dans les technologies du mobile nous a par ailleurs valu d’être sélectionnés par l’opérateur européen OnAir?: nous hébergeons à Monaco l’infrastructure terrestre qui rend possible l’utilisation des téléphones mobiles par les passagers des avions comme des navires de croisière partout dans le monde.