jeudi 25 avril 2024
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Pouvoir d’achat des fonctionnaires Gouvernement et élus s’écharpent

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La deuxième séance publique consacrée au budget rectificatif 2021, mardi 12 octobre 2021, a été marquée par un échange tendu entre le ministre d’État et le président du Conseil national au sujet d’une bonification accordée aux fonctionnaires. Explications.

C’est une nouvelle qui aurait dû ravir l’hémicycle, pourtant l’annonce d’une bonification pour les fonctionnaires a débouché sur un vif échange entre le ministre d’État, Pierre Dartout, et le président du Conseil national, Stéphane Valeri, mardi 12 octobre 2021, lors des débats sur le budget rectificatif 2021. Si le fond n’est absolument pas remis en cause — quoique — c’est surtout la forme qui a interpellé les élus.

Les élus « devant le fait accompli »

Pour comprendre l’origine de cette bisbille, il faut remonter quelques jours plus tôt, au jeudi 7 octobre, date de la première séance publique. Ce jour-là, le ministre d’État Pierre Dartout annonce la reconduction pour cette année de l’opération Carlo. Coût de l’opération : 6,5 millions d’euros distribués sous forme de bons d’achat à l’ensemble des agents du secteur public. « Cela permettra à la fin de cette année d’avoir injecté dans l’économie quasiment 100 % des sommes inscrites au fonds Rouge et Blanc », indique alors le chef du gouvernement. Mais ce n’est pas tout. En plus de cette prime exceptionnelle, Pierre Dartout révèle par ailleurs une bonification pour les fonctionnaires : « Sensible à la nécessité de maintenir le pouvoir d’achat des fonctionnaires dans un contexte de reprise de l’inflation, le gouvernement a pris la décision de procéder à une majoration des traitements et des pensions de la fonction publique. Eu égard à l’avance que nous avions et que nous souhaitons conserver, cette majoration applicable au 1er octobre serait de 1,3 % ». Cinq jours plus tard, le président du Conseil national est revenu sur cette décision gouvernementale, visiblement agacé que son assemblée n’ait pas été concertée préalablement. « Le Conseil national est là dans son rôle de partenaire institutionnel indépendant pour soutenir et aider le gouvernement à améliorer, autant que possible, les politiques publiques dans l’intérêt du pays et de ses habitants », a rappelé, en préambule, Stéphane Valeri. Avant d’alerter : « Nous avons découvert sur le siège la décision du gouvernement concernant l’évolution de l’indice du traitement des fonctionnaires. Ce n’est pas la bonne méthode pour aborder un sujet aussi fondamental, qui concerne des sommes importantes pour le budget national et près de la moitié des actifs de nationalité monégasque. Il est d’usage, et même normal, que ce type de décision ne soit pas mise en séance publique, sur le siège, devant le fait accompli des élus des Monégasques. Il faut en discuter bien en amont ».

« C’est quand même une très bonne nouvelle pour les fonctionnaires et les retraités. Nous en avons décidé, par constat, le matin même de la séance publique, et nous sommes dans des compétences du gouvernement »

Pierre Dartout. Ministre d’État

Échanges tendus

Outre l’absence de concertation, le président du Conseil national a également dénoncé les méthodes de calcul du gouvernement. « Bien sûr que l’expression de la volonté de maintenir le pouvoir d’achat est positive, mais comprenez la surprise des 24 élus des Monégasques de découvrir ce chiffre de 1,3 % qui sort de nulle part et qui n’est pas expliqué. Comment êtes-vous arrivé à ce taux ? », a interrogé Stéphane Valeri. Avant de poursuivre : « Les fonctionnaires ne comprennent pas. C’est très compliqué et ce calcul mérite que l’on y réfléchisse ensemble. Les élus des Monégasques ne sont pas une chambre d’enregistrement du gouvernement. C’est un sujet sensible, politique, fondamental pour la moitié de la communauté nationale. Vous ne pouvez plus nous refaire ce coup-là », s’est emporté le président du Conseil national appelant au passage à « simplifier le système (de calcul) » qu’il juge trop complexe. Prenant acte des remarques de son homologue et de celles des élus mécontents, le ministre d’État Pierre Dartout a d’abord tenu à apaiser les débats se félicitant de cette « bonne nouvelle » pour les fonctionnaires et retraités de l’État. Avant de revenir plus longuement sur la prise de décision : « Premièrement, il n’y a pas d’innovation fondamentale dans le calcul des évolutions de traitement au regard de l’inflation. Deuxièmement, ce n’est pas le gouvernement qui par décret, décide de l’inflation, il la constate. Et troisièmement, il ne faut pas que l’arbre cache la forêt. C’est quand même une très bonne nouvelle pour les fonctionnaires et les retraités. Nous en avons décidé, par constat, le matin même de la séance publique [le 7 octobre 2021 – NDLR] et nous sommes dans des compétences du gouvernement, sur ce plan ».

« Les élus des Monégasques ne sont pas une chambre d’enregistrement du gouvernement. C’est un sujet sensible, politique, fondamental pour la moitié de la communauté nationale. Vous ne pouvez plus nous refaire ce coup-là »

Stéphane Valeri. Président du Conseil national

« Vous sous-estimez la réaction des fonctionnaires »

Une réponse qui a, semble-t-il, piqué au vif son homologue du Conseil national qui lui a répondu dans la foulée : « Nous [les élus — NDLR], nous sommes dans des compétences budgétaires. Nous ne sommes donc pas obligés de voter. Vous prenez un peu à la légère cette question. Je pense que vous sous-estimez la réaction des fonctionnaires et celle des élus des Monégasques ». « Nous n’avons pas eu de réaction négative des fonctionnaires à ma connaissance jusqu’à présent », a alors fait remarquer le chef du gouvernement. Dans ce combat de coq, le mot de la fin est revenu au président du Conseil national : « À l’avenir, nous devrons étudier plus calmement, et non pas sur le siège, ces chiffres qui prêtent à discussions. C’est loin d’être aussi transparent, lucide et évident qu’on pourrait le penser. Nous ne sommes pas, et nous ne serons jamais là, tant que je serai président et que siégeront dans cette assemblée les 24 élus, sur des questions fondamentales budgétaires, sociales, pour constater des décisions prises unilatéralement par le gouvernement. Je prends donc rendez-vous avec le gouvernement », a-t-il conclu son intervention sous forme d’avertissement.

Ticket modérateur : le gouvernement fait marche arrière

Face au tollé provoqué par l’application d’un ticket modérateur aux retraités du centre hospitalier princesse Grace (CHPG), résidant en France, pour des soins dispensés au sein de ce même établissement, le gouvernement a annoncé, mardi 12 octobre 2021, avoir demandé au conseil d’administration de se pencher à nouveau sur cette épineuse question. « C’est un sujet qui est en devenir à relativement brève échéance car il n’est pas d’une complexité extrême, a confirmé le conseiller-ministre aux affaires sociales et à la santé Didier Gamerdinger. Je suis convaincu que les représentants du personnel pourront à nouveau expliciter leur position. Il y aura débat et il y aura, par conséquent, une orientation qui sera suggérée à l’appréciation du gouvernement ». Cette mesure avait suscité l’émoi chez les élus du Conseil national qui la considéraient indigne d’un établissement d’excellence comme le CHPG. « Je vous remercie de prendre acte et de reconsidérer ce point qui ne met pas, à lui seul, en péril le budget du CHPG », s’est félicité l’élu Priorité Monaco (Primo !), Christophe Robino. Avant de laisser la parole au président du Conseil national, Stéphane Valeri, qui considère cette réforme comme une régression sociale, contraire aux principes de la principauté : « Même si ce n’est pas la majorité, certains retraités n’ont pas de mutuelle et peuvent se retrouver en difficulté. À leur âge, prendre une mutuelle est parfois compliqué et représente un coût souvent significatif, avec des retraites généralement modestes. Cette mesure n’est pas digne de l’hôpital exemplaire que nous voulons tous et du modèle social monégasque. […] Effaçons ce malentendu le plus rapidement possible ». En attendant qu’une décision définitive soit rendue par le conseil d’administration, le président de la représentation nationale a en tout cas maintenu la pression sur l’exécutif : « Les élus des Monégasques seront aux côtés des quatre syndicats représentatifs du personnel. J’espère que les administrateurs nommés par le gouvernement auront bien la même instruction que celle nous allons donner à nos représentants [les élus Brigitte Boccone-Pagès et Jean-Charles Emmerich siègent au conseil d’administration du CHPG – NDLR] ». Affaire à suivre.

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