vendredi 26 avril 2024
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Verdi en quatre leçons

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Tout, tout, tout, vous saurez tout sur Verdi… Pour sauter encore à pieds joints dans le bicentenaire Verdi, célébré à travers le monde depuis le début de l’année, Monaco Hebdo vous donne quelques clés pour comprendre ce grand homme.

Par Gabriel Block.

Les amateurs d’exactitude l’auront constaté : le bicentenaire de la naissance de Giuseppe Verdi fêté partout dans le monde depuis début 2013 n’est en réalité valable que depuis quelques jours, puisque Verdi naquit le 10 octobre 1813. Si, depuis ces longs mois de célébration, vous n’avez toujours pas réussi à mettre vos idées au clair sur ce grand homme, voici quelques rappels salutaires qui vous permettront de briller dans les dîners en ville.

Verdi était-il italien ?
Il est né à l’époque où le duché de Parme était sous domination française. Techniquement, il est donc né citoyen français. Il ne fait toutefois pas partie des trésors nationaux « empruntés » par la France aux Italiens et figure bel et bien aujourd’hui au premier rang du patrimoine transalpin. Du reste, Verdi entretint avec la France des relations orageuses. Il passa beaucoup de temps à monter ses opéras à l’Opéra de Paris, qu’il appelait « La Grande Boutique », se décourageant plus d’une fois devant l’indiscipline et l’insolence des musiciens de l’orchestre. C’est cependant à Paris qu’il abrita ses amours clandestines avec la soprano Giuseppina Strepponi : certes, Verdi était veuf, mais la Strepponi avait eu une vie un peu scandaleuse. Il finira tout de même par l’épouser et est enterré à ses côtés.

Verdi fut-il un novateur ?
Vrai. On connaît son fameux adage : « torniamo all’ antico, e sarà un progresso » (« revenons à l’ancien, et ce sera un progrès »). Pourtant, Verdi ne fut en rien un artiste réactionnaire. Progressiste dans ses idées politiques, engagé pour l’unité italienne, il fut aussi un grand réformateur de l’opéra italien. Il remit même plusieurs de ses opéras sur l’ouvrage pour en réécrire de très larges pans, comme par exemple Simon Boccanegra. La très connue Aida relève d’une écriture harmonique très novatrice.
Quant à ses dernières œuvres, Otello et Falstaff, elles appartiennent de plein droit à la modernité musicale et inspirèrent amplement ses successeurs — notamment Puccini. Verdi fut toute sa vie attentif aux jeunes compositeurs et, à l’occasion, il les aida. Mais en même temps, il était soucieux de tradition et considérait qu’il ne fallait pas s’aventurer dans des expériences qui couperaient la musique du sentiment, dont la plus haute expression reste le chant.

Sait-on encore chanter Verdi ?
Vrai et faux. Verdi a « inventé » les voix verdiennes. Chez le ténor, il a créé une forme de chant héroïque sollicitant constamment les notes les plus difficiles de cette voix. Aux femmes, il demande une étendue vocale considérable : certains disent qu’il faudrait presque deux chanteuses différentes pour chanter Traviata. Chez les barytons, il a créé le « baryton Verdi » : une voix souple et sonore, aux aigus éclatants. Pas facile, dans ces conditions de trouver des voix adéquates. Déjà en son temps, Verdi ne trouvait pas d’artistes qui le satisfassent pleinement. Certains même y laissèrent leur voix. Les années 30 à 60 ont vu fleurir des voix presque idéales, qui heureusement ont enregistré tout le répertoire de Verdi ou presque (les ténors Corelli ou Bergonzi, les barytons Bastianini ou, les sopranos Callas ou Leontyne Price, les mezzos Cossotto ou Barbieri, parmi tant d’autres). Aujourd’hui, la récolte est plus maigre. La faute sans doute à des carrières laissant trop peu de place à la maturation lente qui sied aux voix verdiennes. Toutefois, on trouvera dans les chanteurs actuels son lot de gosiers rares : Jonas Kaufmann, Désirée Rancatore, Ramon Vargas, Patrizia Ciofi, Leo Nucci, etc.

Verdi-at-the-MET Verdi-Anna-Netrebko Verdi-Placido-Domingo---Pablo-Heras-Casado

Verdi-par-Georg-Solti

Qu’écouter et lire de la moisson 2013 ?

Les éditeurs discographiques ont été particulièrement généreux en rééditions verdiennes. A mettre au-dessus du lot, une réédition « moderne » : celle de Georg Solti (coffret DECCA), qui n’est pas une intégrale, mais comporte les principales œuvres à un niveau de qualité vocale (Pavarotti revient souvent) et d’enregistrement sans vrais équivalents. Côté rééditions « historiques », il faut signaler le coffret d’enregistrements du Metropolitan Opera que vient de publier Sony (Verdi at the Met), qui comporte des pépites absolues. Trois immenses chanteurs ont gravé leur récital Verdi : Jonas Kaufmann (Sony), Anna Netrebko (Deutsche Grammophon) — allez-y les yeux fermés — et, plus surprenant, Placido Domingo dans des airs de… baryton (formidablement chantés, Sony). Côté DVD l’édition d’Opus Arte comportant 12 opéras est la meilleure disponible. Enfin, un livre vient de paraître chez Robert Laffont, et comble une grave lacune de l’édition francophone : « Tout Verdi » (collection « Bouquins »), qui vous dira vraiment tout sur Verdi pour briller dans les dîners en ville pendant les vingt prochaines années.