vendredi 26 avril 2024
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« Les budgets
sont des batailles »

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Il se prépare à fêter ses 30 « Printemps ». Le compositeur Marc Monnet, invité du Monaco press club le 11 mars, dévoile sa philosophie artistique.

Les éléments biographiques de sa vie, il les livre au compte-gouttes. On sait, qu’enfant, son premier choc musical fut le Sacre du printemps, d’Igor Stravinsky, écouté à la radio, chez ses parents. « J’ai trouvé cela complètement fou, barbare. Un rejet au départ et puis un choc définitif. » On sait qu’il a commencé très tôt à composer des petites pièces « assez mauvaises » dit-il, vers 8/10 ans, qu’il a conservées pour le côté « affectif. » On sait qu’il mène « une double vie. » Celle de « compositeur » et de « concepteur d’évènements ». Qu’il est « provocateur de tempérament » et que la routine, quelle qu’elle soit, c’est pas vraiment son truc. « Il faut sortir des habitudes. L’habitude tue tout. C’est une chose dangereuse. Ce concept un peu primaire, je l’ai appliqué un peu à tout. »

« Donner de l’appétit »
Y compris à la programmation musicale du Printemps des arts qui fête ses 30 ans et dont il est aux manettes depuis 2003. Sa philosophie ? Donner « de l’appétit » au public, « attiser sa curiosité », sortir d’une « paralyse d’écoute », du « déjà entendu ». S’extraire des codes musicaux conventionnels. Des codes occidentaux. « Souvent, le public de la musique classique se cantonne à la période 1 700/1 900. Ni avant, ni après. Alors que nous possédons 10 à 11 siècles de musique écrite. Du Xème au XXIème siècle. C’est un patrimoine extraordinaire. Je trouve cela respectueux de faire découvrir au public cette vaste histoire. Je ne veux pas d’ostracisme. »

Dénicher loin, dénicher vrai
Même logique pour les musiques extra-européennes. Pour dénicher ces artistes lointains, Monnet prend son bâton de pèlerin. Sillonne les pays et les villes. S’aide de ses réseaux sur place. Pas question de passer par les canaux touristiques et autres tourneurs. Le risque ? Tomber sur des « caricatures » de ballets ou de musiciens. Des « officiels » souvent très éloignés de la réalité artistique de ce qui se passe sur place. Monnet veut de l’authentique. Avec cet état d’esprit, pas étonnant de voir que convergent dans son festival des artistes de tout poil et de tous pays. Musique khmère, tsigane, du Congo, du Japon, du Maroc. Et même de la musique créée à partir de légumes fraîchement achetés au marché. Si la découverte est jubilatoire, le rapatriement de ces artistes à Monaco est, lui, laborieux. Pour preuve, l’an dernier, faute de visas, les danseurs congolais sont restés dans leur pays. « Il est très difficile de travailler avec les cultures extra-européennes car il y a une grosse méfiance des autorités. Cette peur qu’ils restent sur place et ne reviennent pas au pays. » L’autre crédo de ce compositeur ? La création. « En l’espace de 11 ans de festival, pas loin de 50 commandes, résume-t-il. Il faut générer cet appel de la création. La musique c’est un mouvement. »

Flambée des prix
Quand on aborde les questions budgétaires, il dit que c’est un « terrain glissant », mais répond, sans langue de bois. « La culture et l’argent sont souvent conflictuels. Les budgets sont des batailles. Dans l’histoire de l’art, cela a été toujours une bataille. C’est encore le cas aujourd’hui. » Y compris à Monaco. Les coupes budgétaires imposées par l’Exécutif en 2011 sont toujours dans les esprits. « Nous sommes dans une période difficile car les charges fixes continuent d’augmenter. » Alors que les subventions étatiques, elles, restent au point mort. Pas de hausse depuis 4 ans. Les comptes sont donc surveillés à la loupe. Conséquence directe ? « Diminution du nombre de concerts ». Perte quelque fois « de la qualité. » « Nous avons nécessité de limiter nos coûts. Nous prenons donc des décisions pas très heureuses. Par exemple, cette année, nous avons supprimé les navettes entre Nice et Monaco pour le public. » Monnet s’étonne aussi de voir la flambée des tarifs pour louer des salles à Monaco. Le budget affecté est passé de 35 000 euros à 55 000 cette année. « Sans commentaire », lance un peu amer le directeur artistique.

L’art, ce pouvoir
Heureusement, les sponsors privés sont là. La banque Martin Maurel Sella comble depuis deux ans la diminution de la subvention étatique. Malgré les tailles budgétaires, Monnet le reconnaît. « Monaco investit beaucoup dans la culture », et le soutien de la princesse Caroline de Hanovre est précieux. Monnet affirme se battre bec et ongles pour ne pas que diminue son budget. Car, l’art, il en est certain est un « pouvoir », « un atout. » « La réflexion politique ne voit pas suffisamment l’importance de la culture. »