samedi 20 avril 2024
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Jérôme De Oliveira, gâteaux gagnants

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Le champion du monde de pâtisserie 2009 a ouvert une boutique baptisée Intuitions à Monaco depuis décembre 2013. Portrait.

En décembre dernier, un champion du monde s’est installé en principauté, rue des Iris, à mi-chemin entre Monte-Carlo et Beausoleil. Dans sa vitrine, ni volant de course, ni ballon rond bien qu’elle abrite un peu de Brésil avec le Carioca. Une discrète étiquette en décline la composition : mousse passion, croustillant Gianduja coco, caramel exotique, marmelade ananas-vanille et biscuit à la noix de coco. Cet élégant gâteau, recouvert d’un palmier finement dessiné sur sa couche jaune, prend place au milieu de grands classiques revisités tels que la tarte citron meringuée et le Paris-Brest. Toutes ces alléchantes friandises sont l’oeuvre de Jérôme De Oliveira. En 2009, alors âgé de 23 ans, il a été sacré plus jeune champion du monde de la pâtisserie à Lyon, son fief d’origine, aux côtés de Jérôme Langillier et Marc Rivière. Son titre, il le porte sur lui. Plus exactement sur le col de sa veste où sont brodés les drapeaux d’une douzaine de pays.

Milan 2015
A 28 ans, le natif de Tassin-La Demi-Lune a ouvert Intuitions, une boutique à l’identique de celle dont il dispose à l’hôtel Five Seas de Cannes. « Le jour où j’ai mis les pieds à Cannes, je me suis dit que s’il fallait développer l’enseigne, c’était à Monaco. Comme Cannes, Monaco est une ville qui vit toute l’année avec pléthore d’événements et beaucoup de touristes, sans oublier les locaux. Il y a une clientèle qui aime les pâtisseries raffinées. On est agréablement surpris, on a de bons retours », dit celui qui se définit avant tout comme artisan. A peine installé, ses talents sont déjà sollicités en principauté. Jérôme De Oliveira gérera la partie sucrée du pavillon monégasque à l’exposition universelle de Milan en 2015. « Un bel honneur », confie-t-il. Pour le champion du monde, la pâtisserie, c’est « être créatif, respecter les bases, plaire aux clients par deux ou trois saveurs maximum. » « Une pâtisserie doit être ludique, simple, élégante et faire sourire. Elle doit s’adresser à tous », résume Jérôme De Oliveira. « Passion, persévérance, perfectionnisme », tel est son crédo.

Jérôme De Oliveira
Jérôme De Oliveira © Photo MH

Evolution
C’est d’une passion, justement, enfantine que lui est venue sa vocation. « Je voulais être pâtissier depuis tout petit. A quatre ans, je confectionnais des tartes et des bugnes avec ma grand-mère. Les repas de famille étaient fréquents. Ma mère et ma grand-mère cuisinaient très bien. Mon grand père disposait d’un verger qui comportait fruits et légumes. J’ai connu les vrais produits et le plaisir de partager les plaisirs de la gastronomie autour d’une table », se remémore-t-il. Son avenir, Jérôme De Oliveira le pâtisse au lycée Rabelais à Dardilly, où il tente de rassasier son gargantuesque appétit de connaissances et de techniques. Il enchaîne aussi les concours régionaux. « J’en ai pris plein la tête mais j’apprenais. La critique était constructive. C’était un moyen d’évoluer plus vite », confie le champion du monde. Sorti diplômé de l’Ecole nationale supérieure de la pâtisserie, basée à Yssingeaux, Jérôme De Oliveira écume de prestigieuses maisons lyonnaises, dont celle du chocolatier-pâtissier Sébastien Bouillet, une institution sur les pentes de la Croix-Rousse où il restera trois ans.

Paris
Le jeune homme se tourne vers Paris et le Plaza Athénée, où officie le très médiatique Christophe Michalak, lui aussi chef pâtissier de renom. « J’ai tout quitté pour monter à Paris. On ne vit que pour le chef et le Plaza Athénée. On loge dans une chambre au sixième étage sous le toit. Mais le jeu en vaut la chandelle », se souvient Jérôme De Oliveira. « Je suis arrivé dans une équipe de dix-huit pâtissiers. J’étais le petit Lyonnais. Presque, le chef ne connaissait pas mon prénom. Puis, mon intégration s’est faite naturellement. Il m’a pris sous son aile », raconte-t-il. Le Rhodanien remporte le Mondial des arts sucrés en binôme avec Alice Barday en 2007. Christophe Michalak le pousse alors à se présenter à la Coupe du Monde, il devient le capitaine de l’équipe de France victorieuse en 2009. « J’ai pensé, mangé et dormi pâtisserie. La Coupe du Monde, c’est une apnée pendant dix heures », explique Jérôme De Oliveira, devenu par la suite juré de la compétition remportée sept fois par la France en neuf participations. « La pâtisserie, ça fait partie de notre patrimoine en France. On est là pour défendre cela. On a de grandes maisons comme Vatel ou Lenôtre. Le Français attend, achète ou offre un dessert. Si demain, l’Argentine ou la Côte d’Ivoire remportent le concours, ce sera étonnant. C’est bien que ces nations participent mais il n’y a qu’une poignée de pays à être au top (Italie, Suisse, Belgique, Japon). La France c’est un tout. On se transmet beaucoup de techniques, les coachs sont très présents, la dégustation est maîtrisée, l’artistique a vraiment évolué », souligne le pâtissier. Après cinq ans passés aux côtés de Michalak, il s’installe à Cannes à l’hôtel Five Seas en 2011, où il officie toujours aujourd’hui. « A la base, je venais pour signer une carte et puis j’ai vu qu’il y avait un truc à faire. Je ne me voyais pas passer ma vie à Paris », explique-t-il.

Curiosité
Dans son laboratoire de Grasse, où il travaille avec une dizaine de personnes et d’où un livreur part chaque matin pour Cannes et Monaco, Jérôme De Oliveira mixe entre classique et originalité. « Un gâteau, c’est 50 % de visuel, ça fait acheter le client, et 50 % de dégustation, ça le fait revenir », souligne le Lyonnais. Lui qui aime particulièrement travailler le citron, la figue ou encore la mandarine, observe avec curiosité les expérimentations menées par certains de ces confrères. « J’aime autant les gens qui sont classiques que ceux qui osent. Quand Pierre Hermé met du poivron dans ses desserts, c’est très bien. Il peut le faire, il faut qu’il le fasse. Je trouve qu’on a déjà un milliard de fruits, d’épices, de plantes aromatiques et de fleurs pour réaliser des desserts. On peut réussir un sorbet ananas curry. Mais si vous proposez à 100 personnes un sorbet ananas curry et un sorbet à la framboise, 95 d’entre elles vont choisir la framboise. C’est quand même le client qui décide et qui paye. Après, je suis ouvert », affirme Jérôme De Oliveira. « Faire une tarte au citron qui après être passé dans un tuyau ressort en bille, ça ne me parle pas », ajoute-t-il à l’évocation de la cuisine moléculaire tout en restant curieux. En tout cas, ses pâtisseries, elles, parlent aux professionnels comme aux clients et n’ont pas fini de faire parler de lui.