jeudi 25 avril 2024
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L’opéra de Monte-Carlo
se porte et s’exporte bien

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Eugène Onéguine de Tchaïkovski
Eugène Onéguine de Tchaïkovski au Grimaldi Forum pour la Fête nationale. © Photo D.R.

Le directeur de l’opéra de Monte-Carlo (OPMC), Jean-Louis Grinda, aborde sa 3ème saison à la tête de cette structure. Et il repart pour un nouveau mandat de trois ans. L’occasion de dresser un bilan et de présenter la saison 2010-2011. Par Noël Fantoni.

Si la saison dernière a été « affectivement une jolie saison », elle a été dans les chiffres « plus qu’excellente puisqu’on a pulvérisé le nombre de ventes de places avec un nombre toujours croissant de représentations. » Notamment sept de la Bohême de Puccini à guichets fermés. C’est Jean-Louis Grinda qui parle. Et le patron de l’OPMC n’oublie pas d’évoquer le succès enregistré par la dernière production du Falstaff de Verdi. A tel point que le lancement du dernier disque du chanteur d’opéra, Bryn Terfel, que le directeur de l’OPMC considère comme le plus grand acteur chanteur d’opéra aujourd’hui, a du être reporté. Bad boy a fait l’objet d’une grande promotion en phase avec les représentations du Falstaff à Monaco.
Et Jean Louis Grinda a souligné ces succès en temps de crise. En rappelant la décision d’un des principaux sponsors de l’opéra, Rolex, d’augmenter sa participation pour qu’elle égale celle des amis de l’opéra, et de celle des autorités monégasques de ne pas diminuer les subventions consacrées à la culture. « J’en remercie le gouvernement et le Prince » a ajouté Grinda. Avant d’en venir à la saison prochaine, qui sera « un peu différente des précédentes. »

Créer quelque-chose
Reste à savoir comment rester dans les sommets. Peut-être en repartant dans une politique de création, de nouvelles mise en scènes avec des approches différentes et une nouvelle façon de distribuer les rôles. C’est en tout cas ce que croit Jean-Louis Grinda, persuadé qu’il faut créer quelque chose de neuf.
Le sommet de la création ce sera la dernière œuvre à être proposée au public pour cette saison 2011 au mois d’avril. Un thème que le cinéaste de la nouvelle vague Eric Rohmer avait déjà jugé digne d’intérêt puisqu’il en avait fait un film en 1976 tourné en allemand et appelé La marquise d’O. Un film tiré d’une nouvelle de l’écrivain allemand Heinrich von Kleist, contemporain mais adversaire de Goethe, et auteur du Prince de Hombourg. Grinda a vu tout de suite dans ce petit roman un grand sujet d’opéra, à l’intrigue suffisamment intimiste pour convenir au cadre de la salle Garnier.

Grinda à la mise en scène de Rigoletto
Et il a pu regrouper l’équipe nécessaire à la création de l’œuvre en faisant appel à plusieurs maîtres en la matière. Gabriele Hoffmann a écrit le livret. La musique a été confiée à René Koering qui travaille toujours dessus à l’heure actuelle. Surprenant ? « Non, estime Grinda. C’est un grand compositeur, il avait déjà adapté en 2008 les Scènes de chasses d’après le Penthésilée du même Kleist, à l’opéra national de Montpellier dont il est le directeur. La mise en scène sera de Daniel Benoin, le directeur du théâtre national de Nice et la direction musicale est confiée à Lawrence Foster. Le rôle principal, celui de la marquise, dont la grossesse mystérieuse fait scandale dans la société où elle est annoncée, a été confié à la néerlandaise Barbara Haveman. Ce n’est pas une inconnue de la scène monégasque. Elle y avait interprété le rôle de Lisa dans la Dame de pique de Tchaïkovski en 2009. »
Autre nouvelle production : Rigoletto de Verdi. Et c’est Jean-Louis Grinda lui-même qui mettra en scène le bouffon et la cour du duc de Mantoue : il en avait toujours rêvé. Pour cela il fait appel à son équipe habituelle. Mais la particularité de ce Rigoletto, c’est qu’il aura deux distributions, comme la Bohême de cette année. La première avec le baryton Lado Ataneli, l’un des grands spécialistes mondiaux selon son metteur en scène. Et l’autre avec George Petean, qui a d’ailleurs joué dans la Bohême. A 33 ans, ce Roumain fait preuve d’une personnalité vocale très différente de celle d’Ataneli. Il y aura aussi deux Gilda qui prendront des risques dans leur interprétation de la fille de Rigoletto, puisque ce seront deux prises de rôles. Bref, deux propositions artistiques assez différentes, à juger l’une et l’autre le moment venu.
Parmi les autres œuvres au répertoire, on peut citer Salomé de Richard Strauss. Un sacré pari pour Grinda car la fosse d’orchestre n’est pas assez grande pour suivre l’orchestration où interviennent orgues, harmoniums, et percussions. Mais il relève le défi, avec Asher Fisch à la direction musicale, qui vient pour la première fois en Principauté. Quant à Salomé, elle sera interprétée par Nicola Beller Carbione. Elle aura pour partenaire le baryton belge Werner van Meckelen. Mais ce sera surtout les débuts à la mise en scène de l’assistante de Grinda, Marguerite Borie qui a choisi Laurent Castaingt comme responsable des décors et des lumières. Mais « débuter n’est pas un défaut », précise Jean Louis Grinda.
Enfin Un ballo in maschera (un bal masqué, ndlr) mis en scène par Jean-Claude Auvray qui connaît bien l’œuvre de Verdi puisqu’il avait signé un Rigoletto transposé dans les bas fonds de New York au temps de la prohibition pour une production de l’opéra de Bâle montée au théatre des Champs-Elysées en 1983. A noter que ce sera l’occasion de voir pour la première fois à Monaco une très grande cantatrice, Violetta Urmana, le 22 décembre de cette année.
A l’occasion de la fête nationale, Jean Louis Grinda a voulu trouver un titre séduisant, qui ne fasse pas redite. Du coup, il a choisi Eugène Onéguine, le grand chef d’œuvre du romantisme signé Piotr Ilitch Tchaïkovski, qui bénéficiera d’une distribution qui correspond à l’ampleur de la salle du Grimaldi. Avec un retour à la mise en scène de Claire Servais qui avait notamment réalisé Andrea Chénier d’Umberto Giordano, l’année passée.

La Bartoli à Monaco
Hormis ces chefs d’œuvre, l’un des grands événements proposés la saison prochaine par l’OPMC sera certainement le gala de Cecilia Bartoli à Garnier. La cantatrice italienne sera accompagnée de son orchestre baroque en exclusivité, juste après son passage à Paris, pour son dernier concert de l’année, le 21 décembre. Elle proposera une soirée exceptionnelle consacrée à la musique de Georg Friedrich Haendel. Mais aussi à celle de ses rivaux moins chanceux avec la postérité et pas toujours justement oubliés.
A suivre ensuite en solo Albert Dohmen le baryton basse le 26 mars 2011 pour un récital de grandes ballades allemandes. Et le péruvien Juan Diego Florez, le plus grand ténor au monde en ce qui concerne l’œuvre de Rossini, sera à voir pour un grand concert lyrique à l’auditorium Rainier III le 27 janvier.
Comme les chœurs de l’opéra de Monte-Carlo seront peu sollicités la saison prochaine, ils donneront en février un spectacle dans un répertoire inhabituel et surprenant en entrée libre à Garnier. Enfin les amateurs du Metropolitan Museum of Art (Met) de New York pourront suivre sur grand écran, toujours à Garnier, et grâce à l’association des amis de l’opéra, des spectacles variés. Notamment L’or dur Rhin de Wagner, Iphigénie en Tauride de Gluck, Lucia de Lamermoor de Donizetti, ou Il Trovatore de Verdi.
A noter que l’OPMC mise aussi bien sûr sur l’étranger. Il faut dire que l’opéra de Monte-Carlo s’y porte et s’y exporte bien. Parmi les représentations déjà prévues, on peut déjà en citer quelques unes. Notamment Manon de Massenet qui sera à Rome le 17 juin, Falstaff de Verdi qui sera joué à Tenerife et à Sofia, La chauve souris de Johan Strauss fils à Montpellier, L’homme de la Mancha au Capitole de Toulouse, la Flûte enchantée de Mozart à Tel Aviv et sans doute ensuite à Washington.