mercredi 29 mars 2023
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Culture Sélection de juillet-août 2022

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Dans Culture Sélection, Monaco Hebdo sélectionne pour vous le meilleur de la culture du moment. Retrouvez nos coups de cœur Blu-rays, livres, bandes-dessinées et musique.

Abuela, de Paco Plaza

Mannequin. Le réalisateur de l’excellent [•REC] (2007), Paco Plaza, est de retour, et il est en grande forme. Cette fois, il nous plonge dans le quotidien de Susanna, un mannequin espagnol dont la carrière est sur le point de décoller. Mais elle doit quitter Paris pour rejoindre Madrid, car sa grand-mère, Pilar, a eu un grave accident, qui la laisse dépendante. Au fil du temps, une série d’événements surprenants commencent à inquiéter Susanna. Dans ce huis-clos qui se déroule dans un grand appartement madrilène, Paco Plaza organise avec précision des glissements, des dérèglements, avec la même économie de moyens que dans [•REC]. Et c’est tout aussi efficace.

Abuela, de Paco Plaza, avec Almudena Amor, Vera Valdez, Karina Kolokolchykova (ESP/FRA, 2022, 1 h 40), 14,99 euros (DVD), 19,99 euros (Blu-ray). Sortie le 10 août 2022.

Freaks Out, de Gabriele Mainetti

Nazis. Matilde, Cencio, Fulvio et Mario sont ce que l’on appelle des « phénomènes de foire ». Nous sommes à Rome, en 1943. Menés par Israel, ils décident de fuir vers l’Amérique. Mais Israel disparaît, les poussant à partir à sa recherche, malgré l’omniprésence des nazis. Freaks Out lorgne du côté de Inglorious Basterds (2009), et en fait parfois un peu trop, avec des effets numériques surabondants. Néanmoins, le charme opère, et on suit avec plaisir ces aventures épiques que Gabriele Mainetti a su parsemer de séquences poétiques. Avec ce deuxième long-métrage, le réalisateur du très bon On l’appelle Jeeg Robot (2016), confirme tout le bien qu’on pensait de lui.

Freaks Out de Gabriele Mainetti, avec Claudio Santamaria, Aurora Giovinazzo, Pietro Castellitto (ITA/BEL, 2022, 2 h 21), 14,99 euros (DVD), 19,99 euros (Blu-ray). Sortie le 11 août 2022.

Contes du hasard et autres fantaisies, de Ryusuke Hamaguchi

Rohmer. On compare souvent Ryusuke Hamaguchi avec Eric Rohmer (1920-2010), et on a bien raison de le faire. À seulement 43 ans, il a déjà huit longs-métrages à son actif, dont les très bons Senses (2015), Asako I & II (2018), et bien sûr Drive My Car (2021). Ses Contes du hasard et autres fantaisies sont structurés en trois chapitres, et mettent en scène trois histoires indépendantes, à travers des situations minimalistes, avec un simple dialogue entre deux personnages. Ryusuke Hamaguchi parvient, par exemple, à filmer un échange entre ses actrices à l’arrière d’un taxi, à l’aide de gros plans et de champ-contrechamp, et à rendre cela captivant. On y parle de désir, de renoncement, et de déni. La qualité et la finesse de l’écriture des dialogues impressionnent.

Contes du hasard et autres fantaisies de Ryusuke Hamaguchi, avec Kotone Furukawa, Ayumu Nakajima, Hyunri (JAP, 2022, 2021), 19,99 euros (DVD), 19,99 euros (Blu-ray). Sortie le 23 août 2022.

Vortex, de Gaspard Noé

Dégénérescence. Le sujet n’est pas facile. Gaspard Noé filme les derniers jours d’un couple âgé. Pour cela, il a recourt au “split-screen”, un écran partagé, qui lui permet de montrer en même temps deux personnages qui ne sont pas dans un même lieu. Vortex rappelle que le temps entraîne nécessairement la dégénérescence, et que cela débouche sur l’isolement, puis sur la mort. La force du film repose sur les prestations impressionnantes de Dario Argento, Françoise Lebrun, et Alex Lutz. Ils sont tous bouleversants, et la qualité de leur interprétation fait de Vortex un film aussi émouvant qu’éprouvant, mais nécessaire.

Vortex de Gaspard Noé, avec Françoise Lebrun, Dario Argento, Alex Lutz (FRA, 2022, 2 h 20), 19,99 euros (DVD), 24,99 euros (Blu-ray). Sortie le 31 août 2022.

Braves d’après, d’Anton Beraber

Polonais. Suite au décès de son grand-père, un jeune homme se retrouve seul dans une maison déserte des Yvelines. C’est là qu’il découvre un carnet qui évoque un fait divers qui a touché sa famille et son grand-père, il y a environ 60 ans. Le 12 décembre 1966, un ouvrier polonais, Jan Kopacz, est victime d’un accident de chasse et perd un œil. Le personnage central de ce livre va donc tenter de résoudre cette énigme, en reconstituant le contexte de l’époque. Cette quête va le plonger dans une Île-de-France confrontée à une fièvre immobilière dévorante. Mais, moins qu’une enquête policière, Braves d’après est davantage centré sur la recherche de soi, ainsi que sur la question du « pourquoi ? », et du territoire.

Braves d’après, d’Anton Beraber (Gallimard), 124 pages, 14,50 euros, numérique 11 euros.

Vigilante. La justice sauvage à Hollywood, de Yal Sadat

Déclin. Le “vigilante movie”, ou film d’autodéfense, est né sur les ruines du western. Il a prospéré dans les années 1970, avec des ambassadeurs de luxe, comme Clint Eastwood et son Inspecteur Harry (1971), Charles Bronson (Un justicier dans la ville, 1974), ou Robert De Niro (Taxi Driver, 1976). Critique aux Cahiers du cinéma, Yal Sadat évoque cette période aux États-Unis, et ces films qu’il voit comme « le miroir d’une Amérique déboussolée ». Les années 1980 sont dans la même logique, avec la série de films Rambo (1982), interprétée par Silvester Stallone. Et depuis quelques années, les films de super-héros ont pris le relais. « Tous franchissent les frontières de la loi et de l’ordre pour compenser le déclin des institutions, lancés dans une quête de droiture morale confinant au monstrueux », estime l’auteur de ce livre à lire absolument.

Vigilante. La justice sauvage à Hollywood, de Yal Sadat (Façonnage éditions), 254 pages, 20 euros.

La Fille de la piscine, de Léa Tourret

Désirs. Le premier roman de Léa Tourret nous plonge dans le quotidien de jeunes. Ils ont entre 13 et 17 ans. En partie rivés sur leurs téléphones portables, ils fréquentent aussi la piscine municipale. C’est l’été, donc Léna est parmi eux, avec sa meilleure amie, Max. Léna nous raconte tout. Ses réflexions, ses espoirs, ses craintes, et ses désirs. Et tout va s’accélérer, et se complexifier, lorsque les deux copines rencontrent deux garçons, Yannis et Lounès. La séduction commence, et Max s’impose. Léna est contrainte de trouver une nouvelle « meilleure amie ». Ce sera Sabrina. La Fille de la piscine détaille habilement comment se font, et se défont, les amitiés et les amours. Léa Tourret dresse un portrait des adolescents d’aujourd’hui, aussi précis que passionnant. Et elle sait nous surprendre au bon moment.

La Fille de la piscine, de Léa Tourret (Gallimard), 160 pages, 16 euros, numérique 12 euros.

Fièvres Nocturnes, de Toshio Saeki

Ero-guro. Né dans la préfecture de Miyazaki au sud-est du Japon, Toshio Saeki (1945-2019) a travaillé dans la publicité à Osaka, avant de s’installer à Tokyo en 1969, et de laisser vraiment libre court à son imagination. Les éditions Cornélius publient un deuxième tome consacré à Toshio Saeki, qui couvre cette fois la période 1972 et 1974. Il s’agit d’un recueil de dessins réalisés pour le magazine érotique SM Selecto. Comme à son habitude, Toshio Saeki joue à la fois sur l’érotisme et sur la monstruosité. En parcourant Fièvres Nocturnes, on comprend mieux pourquoi cet auteur a été qualifié de référence dans le domaine de l’ero-guro, qu’il est possible de traduire par des « scènes érotico-grotesques ». En mélangeant des images japonaises traditionnelles à des visions cauchemardesques, il parvient à marquer l’imaginaire. Et cela, durablement.

Fièvres Nocturnes, de Toshio Saeki, introduction de Jean-Louis Gauthey (Cornélius), 208 pages, 29,50 euros.

Valentina, l’intégrale, de Guido Crepax

Érotisme. L’auteur de BD italien Guido Crepax (1933-2003) est célébré par Dargaud, qui propose pour la première fois une intégrale chronologique en 12 tomes, et en couleurs. C’est en 1965 que Crepax imagine les aventures de Valentina, qui seront publiées en France en 1969. Il aurait créé Valentina en s’inspirant, en partie, de son épouse et de l’actrice américaine Louise Brooks (1906-1985). Entre psychédélisme et érotisme, Guido Crepax promène son héroïne dans 70 aventures, de 1968 à 2003. Connu pour avoir notamment illustré le marquis de Sade (1740-1814) et Georges Bataille (1897-1962), il a aussi travaillé sur la littérature fantastique, avec Mary Shelley (1797-1851) et Bram Stoker (1847-1912).

Valentina, l’intégrale, de Guido Crepax (Dargaud), traduit de l’italien par Delphine Gachet, deux tomes, 224 pages, 35 euros chaque.

Desiderata, de Ben Shemie

Voyage. C’est une évidence, le guitariste et chanteur du quatuor montréalais Suuns, Ben Shemie, est productif. Il vient de publier un nouvel album en solo, et il s’agit du troisième en trois ans. Desiderata pourrait être la bande originale d’un film de science-fiction, façon 2001, L’Odyssée de l’espace (1968), car, indiscutablement, ce disque est aussi, et surtout, un voyage. Porté par un son électro qui s’accompagne de cordes, cet album emprunte à différents courants, et se veut inclassable, même si, parfois, il évoque le trip hop et le Bristol de Massive Attack. La plupart des titres s’étirent, parfois accompagnés par des voix noyées dans des boucles électroniques. Seul morceau plus classique dans sa construction, The Mirror, se fait remarquer par sa beauté et son dépouillement.

Desiderata, Ben Shemie (Joyful Noise Recordings/Modulor), 15,30 euros (CD), 22,99 euros (vinyle).

Fear Fear, de Working Men’s Club

Todmorden. Working Men’s Club, le groupe de Sydney Minsk-Sergeant, nous livre pour cet été 2022 dix titres parfaits pour les fans d’électro dance élégante et raffinée. À commencer par le très bon Circumference, un titre porté par des boucles rythmiques parfaitement hypnotiques. Moins aérien, mais tout aussi efficace, Ploys lorgne davantage vers le dance floor, alors que 19 ouvre cet album avec une série d’ondulations électroniques qui invitent au voyage et à la rêverie. Très réussi, ce second album de Working Men’s Club inspiré par la période post-punk des années 1980, s’appuie aussi sur des morceaux à l’efficacité immédiate, comme Widow. Originaire de Todmorden, au nord de Manchester, Working Men’s Club assume ses racines mancuniennes avec classe et inventivité.

Fear Fear, Working Men’s Club (Heavenly Recordings/PIAS), 14,99 euros (CD), 27,99 euros (vinyle).

Guitar Songs (EP), de Billie Eilish

Frissons. La surprise de la semaine, et peut-être de cet été 2022, est ici. Alors que personne ne s’y attendait, la star américaine Billie Eilish a publié un EP, un mini-album donc. Composé de TV et 30 th, deux titres joués en acoustique, Guitar Songs a été réalisé avec l’appui du frère de Billie Eilish, Finneas. On y retrouve toute la délicatesse et la douceur de la voix de cette artiste, qui n’a visiblement pas résisté lorsqu’elle a interprété TV lors d’un concert à Manchester, en juin 2022. Dans un communiqué publié par Pitchfork, elle explique : « Finneas et moi avions tellement hâte de vous dévoiler ces singles. Les voici ! C’était très fort pour nous de jouer TV en concert, donc on a récupéré le son de la première soirée où nous l’avons joué, à Manchester, et nous l’avons enregistré. J’ai des frissons à chaque fois que je l’entends. » Nous aussi.

Guitar Songs (EP), Billie Eilish (Interscope Records), NC.

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