jeudi 28 mars 2024
AccueilActualitésSportMeeting Herculis 2023 - Jean-Pierre Schoebel : « Les athlètes se battent pour...

Meeting Herculis 2023 – Jean-Pierre Schoebel : « Les athlètes se battent pour venir courir à Monaco »

Publié le

Le meeting Herculis aura lieu mercredi 10 août 2022 au stade Louis II. Et cette année encore, le spectacle promet d’être au rendez-vous, puisque de nombreux champions du monde et champions olympiques se défieront sur la piste monégasque, réputée pour être l’une des plus rapides du circuit. Directeur du meeting depuis ses débuts, Jean-Pierre Schoebel s’est confié à Monaco Hebdo avant le coup d’envoi de cette 35ème édition. Entretien.

Vous vous êtes rendus à Eugene (États-Unis) pour assister aux Mondiaux d’athlétisme : comment ça s’est passé ?

Les championnats du monde, c’est toujours exceptionnel. Ils ont lieu une fois tous les deux ans. Ce sont les plus belles rencontres que l’on peut avoir. C’est vraiment une très belle compétition. Cet évènement a été, pour nous, l’occasion de faire notre plateau. Nous y avons fait nos derniers achats pour prendre les meilleurs athlètes. Il était donc important d’y être pour prendre contact avec les entraîneurs, les managers etc. Tous les soirs, en fonction des résultats, nous faisions notre marché et nous négociions dur car nous voulions évidemment avoir les athlètes les plus performants. Et ceux qui performent bien sont les plus chers.

Combien ça coûte de faire venir un champion du monde ou un champion olympique ?

Tout dépend de la discipline et de la notoriété de l’athlète. Les prix sont très différents entre une lanceuse de javelot et un vainqueur de 1 500 mètres ou de saut en hauteur.

Quel est votre budget pour les athlètes ?

Nous avons un budget « athlètes » d’un million d’euros. Sur un budget global de deux millions d’euros, la moitié est destinée aux athlètes.

Comment convainquez-vous les athlètes de venir à Monaco ?

Pour les convaincre, il faut d’abord que le meeting tombe dans leur canevas sportif. Il faut voir avec leurs coaches si les dates collent pour être sûr que l’athlète est disponible. Ensuite, il faut discuter et négocier. Le sportif demande un prix, nous en proposons un autre. On regarde si on peut trouver un accord. Parfois, le prix proposé est tellement élevé par rapport à ce que nous pouvons offrir que les discussions s’arrêtent.

Vous êtes parvenus à attirer Usain Bolt : cela a-t-il été compliqué de le faire venir ?

La venue d’Usain Bolt restera pour nous un événement de notre cursus de meeting. En 2011, nous l’avions invité et il nous avait fait des fleurs financièrement. Nous avions mis un de ses sponsors sur son dossard à la place du nôtre, ce qui nous avait beaucoup aidés financièrement. Mais le plus beau cadeau qu’il nous ait fait, c’est de faire ses adieux à la compétition chez nous [en 2017 – NDLR].

« La venue d’Usain Bolt restera pour nous un événement de notre cursus de meeting. En 2011, nous l’avions invité, et il nous avait fait des fleurs financièrement. Mais le plus beau cadeau qu’il nous ait fait, c’est de faire ses adieux à la compétition chez nous [en 2017 – NDLR] »

Ça reste votre plus beau souvenir ?

C’est l’un de mes plus beaux souvenirs car il y en a eu beaucoup. La billetterie était sold out [épuisée — NDLR] dès que nous avons annoncé sa venue. Je me souviens aussi en 1992, après les Jeux de Barcelone, j’avais pris un avion avec tous les athlètes qui venaient à Monaco. Là aussi, nous avions fait sold out. Des grands noms comme Marie-José Pérec, Carl Lewis ont fait les bonheurs de notre meeting. Dès que vous pouvez proposer des pointures, ça fait venir du monde. Au début, nous avions l’argent pour en faire venir une ou deux mais aujourd’hui, nous pouvons en présenter au moins 20. C’est là qu’on voit que nous avons gagné en densité et en puissance.

À quoi peut-on s’attendre pour cette édition 2022 ?

Nous voulons rester fidèles à notre tradition, c’est-à-dire en faire un meeting de haut niveau. Ça a été le cas ces dernières années, et je pense que ce sera encore le cas cette année puisque notre recrutement d’athlètes se passe bien. L’avantage d’Herculis, c’est que vous allez voir en 2h30 ce que les autres personnes ont mis 15 jours à voir. Les championnats du monde sont magnifiques mais il n’y a que deux ou trois finales par jour. Le plateau s’annonce très bien et je pense que les spectateurs ne seront pas déçus.

  • Gianmarco Tamberi
  • Yulimar Rojas
  • Grant Holloway
  • Jimmy Gressier
  • Shelly-Ann Fraser-Pryce
  • Noah Lyles

Quelles seront les têtes d’affiche cette année ?

Nous avons pris le champion du monde Mutaz Essa Barshim à la hauteur. Nous aurons aussi la sprinteuse jamaïcaine Shelly-Ann Fraser-Pryce et l’Américain Grant Holloway [respectivement champions du monde du 100 mètres et du 110 mètres haies à Eugene — NDLR]. Sans oublier les champions olympiques Hansle Parchment (110 mètres haies), Miltiadis Tentoglou (saut en longueur), Gianmarco Tamberi (saut en hauteur), Katie Nageotte (perche), Faith Kipyegon (1 500 mètres) et Peruth Chemutai (3 000 mètres steeple).

Quelle place occupe aujourd’hui le meeting Herculis dans l’agenda des athlètes ?

Les athlètes placent Monaco en numéro 1, souvent parce que les dates leur conviennent bien. Mais ils savent aussi que c’est un meeting où il y aura de bons résultats. Même en demi-fond, les sportifs sont particulièrement enclins à venir. Ils se battent même pour venir courir ici et c’est tout bénéfice pour nous. Nous avons gagné en notoriété. Nous sommes parvenus à faire de Monaco une place fondamentale du circuit.

Comment y êtes-vous parvenus ?

Ça a été progressif. Ça a été un travail de tous les jours, de toute l’équipe. Nous avons un bel outil. Le stade Louis II se prête très bien à l’athlétisme. Le public est très proche de la piste, il n’y a pas d’aire de compétition à l’extérieur. L’ambiance est chaude et sympathique. En général, nous avons une bonne météo. Pour le demi-fond, les conditions de course sont idéales puisque nous sommes presque au niveau de la mer, il n’y a pas de vent. C’est l’ensemble des résultats qui, d’année en année, a assis notre notoriété.

« Les athlètes placent souvent Monaco en numéro 1. Nous avons vraiment gagné en notoriété. Nous sommes parvenus à faire de Monaco une place fondamentale du circuit »

Quelle est l’histoire du meeting Herculis ?

Nous avons commencé le meeting en 1987. Nous avons très vite grandi puisqu’en 1989, nous avons accueilli la finale du grand prix IAAF Mobil. Nous avons ensuite intégré le circuit de première division, puis la Golden League et enfin la Diamond League depuis 2010. La Diamond League, c’est la première division avec les 14 meilleurs meetings au monde. Rentrer dans cette compétition, c’est déjà une garantie de résultats.

À Monaco, l’athlétisme est un sport important ?

Nous avons compté jusqu’à 400 membres au niveau du club. On parle chez nous d’athlétisme, mais j’y ajouterais le mot « amateur ». Nous sommes parfois approchés par des athlètes dits « professionnels », qui habitent à Paris, et qui veulent signer ici croyant que nous allons les payer pour qu’ils nous rejoignent. Mais non. Le club est vraiment composé de personnes du coin. Nous avons quand même quelques bons résultats puisqu’un de nos athlètes [Téo Andant — NDLR] est aligné sur le relais 4 fois 400 mètres français car il a terminé deuxième aux championnats de France. Téo est un pur produit d’ici. Nous l’avons eu au club très jeune, il a progressé avant de partir pour des raisons de commodités d’entraînement à Paris, à l’INSEP [Institut national du sport, de l’expertise et de la performance — NDLR]. C’est un super retour pour nous. Nous avons aussi une Monégasque Charlotte Afriat, qui malheureusement connaît actuellement des petits problèmes de santé. Elle a dû renoncer aux Mondiaux d’Eugene et devra aussi renoncer aux championnats d’Europe de Munich [du 15 au 21 août 2022 — NDLR]. Nous avons un bon club d’athlétisme.

Pourquoi refusez-vous de faire venir des athlètes de l’étranger, comme cela se fait dans d’autres disciplines en principauté ?

Faire venir des mercenaires, non. On préfère s’occuper de nos jeunes, de ceux qui sont bons. Et si nous avons quelques moyens, on préfère les mettre sur une Charlotte [Afriat] ou sur un Téo [Andant].

« La principale difficulté, c’est le financement. Si vous avez un très gros financement, vous avez moins de souci pour rechercher les athlètes. Nous, nous devons faire des choix. Nous devons négocier »

Le fait que le meeting Herculis ait pris une certaine ampleur a-t-il fait bondir le nombre de licenciés ?

Oui. Les jeunes sont très intéressés par l’athlétisme. Herculis reste un moteur pour notre club. Nous nous sommes aussi rendu compte qu’après certains grands championnats, selon les résultats des Français dans certaines disciplines, cela donnait envie à certains [de s’inscrire]. Actuellement, avec Sasha Zhoya [spécialiste du 110 mètres haies, qui sera présent cette année à Monaco — NDLR], quelques jeunes veulent faire des haies. À l’époque de Lavillenie, ils voulaient faire de la perche. Clairement, les athlètes français sont un peu moteurs même si ça manque un peu en ce moment.

Comment prépare-t-on un meeting de cette envergure ?

C’est un travail qui prend pratiquement trois ans, puisque nous avons déjà les dates des meetings des années à venir. Nous travaillons à longueur d’année. Nous avons une équipe pour organiser ça. Il faut d’abord trouver des financements, ce qui est le plus difficile. Il faut démarcher des télévisions, des partenaires… Nous appartenons à un circuit qui nous rétribue aussi beaucoup d’argent. Il faut donc être moteur dans ce circuit. Il y a aussi plein de détails à gérer comme les voitures pour récupérer les athlètes, négocier les chambres d’hôtel… À l’approche du meeting, nous embauchons beaucoup de jeunes de notre club pour nous aider dans différentes tâches.

Combien de personnes travaillent sur le meeting ?

Nous sommes cinq à plein temps, mais nous travaillons sur divers événements. Puisque nous organisons aussi la Monaco Run par exemple. Nous embauchons ensuite pour la billetterie, pour les réservations. Nous avons aussi une équipe pour organiser les courses de 1 000 mètres. Nous embauchons du monde tous les jours. Le jour-J, nous gérons environ 250 personnes entre les bénévoles, les officiels, le staff etc. L’athlétisme est quelque chose d’assez compliqué à tous les niveaux : chronométrie, résultats, gestion des courses, mise en place des installations… Et plus nous avons monté dans les échelons, plus nous nous sommes professionnalisés. Nous avons appris ce métier sur le tas et nous avons progressé. Ce qui est intéressant, c’est que ce n’est jamais répétitif. Chaque année, il y a un challenge différent à relever.

À quelles difficultés êtes-vous confrontés ?

La principale difficulté, c’est le financement. Si vous avez un très gros financement, vous avez moins de souci pour rechercher les athlètes. Nous, nous devons faire des choix. Nous devons négocier. Alors que si vous avez plus de répondant, vous pouvez engager plus de personnes. Mais nous ne nous plaignons pas. Nous avons déjà suffisamment de moyens pour faire quelque chose de très bien. Nous ne sommes pas dans les mieux lotis, mais nous avons ce qu’il faut pour bien fonctionner.

Où vous situez-vous par rapport aux autres meetings ?

Certains meetings ont des budgets beaucoup plus conséquents mais ils ne font pas forcément mieux que nous. Donc on se dit qu’à l’indice de performance, on n’est pas si mal. Le fait que Monaco ait gagné en notoriété nous a beaucoup aidés aussi.

Organiser Herculis après des championnats du monde, est-ce un handicap ou, au contraire, un avantage ?

Passer après les Mondiaux est un avantage énorme, parce que médiatiquement, les gens en parlent, les gens veulent voir les athlètes donc je pense que nous devrions avoir beaucoup de monde. Mais c’est aussi un inconvénient car c’est un peu plus cher. Les athlètes champions du monde demandent un petit supplément. La difficulté pour nous cette année, c’est l’hôtellerie au mois d’août. Nous sommes restreints en chambres et surtout, nous payons des prix qui sont loin de ce que nous avons l’habitude de payer. Et cela impacte notre budget. C’est plus dur à organiser matériellement, mais passer après un championnat reste tout de même un avantage.

Quels sont vos objectifs en termes de billetterie, cette année ?

La billetterie se passe bien. Les gens se décident relativement tardivement car nous fonctionnons beaucoup avec les touristes du mois de juillet. Cette année, j’espère que les aoûtiens comprendront ce qu’on leur propose. Nous avons aussi une très grosse communauté italienne, c’est la raison pour laquelle nous avons tout de suite pris Gianmarco Tamberi. C’est un showman, qui a une très bonne popularité en Italie. Le souhait, c’est d’avoir un stade le plus garni possible.

Quelles sont les disciplines au programme et comment sont-elles choisies ?

Le programme des disciplines est le fruit de négociations dans le groupe de la Diamond League. La Diamond League veut que toutes ses disciplines soient réalisées le même nombre de fois. Nous avons donc des épreuves que nous pouvons choisir et d’autres qui nous sont imposées. En général, à Monaco, nous avons toujours une alternance. Par exemple, si nous organisons le 100 mètres femme, nous faisons le 200 mètres homme. Si nous faisons la hauteur homme, nous faisons la perche femme.

Il y a quelques années, vous aviez délocalisé certaines épreuves en ville : est-ce que ce sera encore le cas cette année ?

Non, nous le referons dans le futur mais pas cette année. Ça a été une très belle expérience, mais ça a aussi été pour nous une grosse surcharge de travail. Si nous le refaisons, nous le referons plus facilement pour le poids parce que le poids dans un stade tombe dans un anonymat terrible. En le délocalisant en ville, on le met plus en valeur. Nous ne sommes en revanche pas sûrs de le refaire pour un triple saut ou pour un saut en longueur, qui a sa justification dans le stade.

Comment s’organisent les contrôles anti-dopage lors du meeting Herculis ?

Nous avons douze contrôles obligatoires. C’est la société monégasque anti-dopage qui gère ces contrôles avec World Athletics. Il y a également des contrôles supplémentaires pour tous les records. C’est-à-dire que pour tous les athlètes qui battent un record national, européen ou mondial, on passe généralement de 12 à une vingtaine de contrôles.

« Nous n’avons jamais espéré battre des records. Nous faisons tout pour qu’il y ait de très bons résultats. Et si le très bon résultat se transforme en record, c’est tout bénef’ »

Vous avez des objectifs de records cette année ?

Nous n’avons jamais espéré battre des records. Nous faisons tout pour qu’il y ait de très bons résultats et si le très bon résultat se transforme en record, c’est tout bénef’. Les records peuvent tomber mais nous ne pouvons pas le prévoir. Nous allons faire des courses rapides mais dire quel sera le résultat…

La piste monégasque a la réputation d’être plus rapide : pourquoi ?

Nous avons la chance d’avoir une piste d’une très bonne qualité, qui nous convient très bien. Nous pensons que c’est une piste rapide. Après, ce sont les coureurs qui font la piste. La plus grande qualité, ça restera celle des athlètes.

Le contexte sanitaire reste fragile avec un rebond des contaminations, avez-vous prévu des mesures particulières ?

Nous aurons des mesures sanitaires pour les athlètes, mais pas pour le public. En tout cas, pour le moment [cette interview a eu lieu vendredi 22 juillet 2022 – NDLR]. À Eugene, le port du masque était obligatoire dans les transports et dans les lieux clos. Nos athlètes seront plus ou moins confinés dans un hôtel à proximité du stade que l’on bloque spécialement pour eux. Nous essayons de les préserver du mieux possible.

Quelles ont été vos pertes pendant la pandémie de Covid-19 ?

Nous avons été bridés au niveau de la billetterie. Il est vrai aussi que nous étions tellement peu nombreux à organiser [des meetings] que les athlètes étaient beaucoup moins gourmands. Bon an, mal an, nous avons bien survécu. Mais il faut remettre la machine en route.

Combien rapporte un tel événement ?

Il y a quand même une retombée financière et de notoriété. Nous ne sommes pas le Grand Prix de Formule 1 (F1), mais je pense que nous participons à la renommée de Monaco. En tant que fédération, nous voulons ce qu’il faut pour vivre mais nous n’avons pas une vocation de profit. Nous devons équilibrer notre budget et avoir le nécessaire pour être pérenne.

Comment rendre le meeting Herculis encore plus attractif ?

Nous voulons rester innovants. Nous essayons toujours de chercher des trucs. Nous avons été par exemple les premiers à mettre les panneaux publicitaires en LED sur l’athlétisme. Avant nous, personne n’avait voulu prendre le risque de le faire. Nous voulons donc toujours essayer d’innover dans la mesure du possible, sans dénaturer l’événement, pour le rendre encore plus spectaculaire. Ce que nous voulons, c’est que le public passe une bonne soirée, qu’il soit bien accueilli, qu’il voit un beau spectacle et qu’il reparte satisfait.