L’artiste coréo-japonaise Tsuyu Bridwell a été choisie par l’hôtel Métropole pour décorer le lobby de cet établissement, à l’occasion des 10 ans de son restaurant japonais, Yoshi. Jusqu’au 21 novembre, les clients profiteront de sa création lumineuse et subtile, faite de milliers de papillons en origami. Rencontre.
Votre parcours ?
Je suis née à Tokyo d’un père Coréen et d’une mère Japonaise, tous les deux artistes-peintres. Nous avons déménagé à Paris quand j’avais 8 ans, car mes parents souhaitaient s’installer en Europe. J’ai été scolarisée dans une école française sans parler un mot de français. J’ai commencé au cours préparatoire [CP — N.D.L.R.] pendant 6 mois. Et puis, on m’a fait sauter des classes.
Et ensuite ?
Entre mes 20 et 30 ans, j’ai réalisé plusieurs séjours à New York, où j’ai rencontré mon mari qui est Américain. Mais je n’ai jamais vraiment quitté Paris, une ville que j’adore. J’y habite toujours avec mon mari, dans le 14ème arrondissement. J’ai également fait quelques séjours au Japon, essentiellement pour voir ma famille.
Vous pourriez vivre au Japon ?
Je ne pense pas, car je suis trop occidentalisée dorénavant pour vivre dans la société japonaise. Mais j’adore sa culture. Et parce que j’habite ici, je fais plus attention à tous ses détails.
Comment vous définiriez-vous ?
Depuis une dizaine d’années, je suis une artiste visuelle et plasticienne. J’ai fait des études de théâtre, j’étais inscrite au conservatoire de Paris. Mais j’ai grandi dans le milieu de l’art, avec mes parents. J’en ai toujours fait, mais je n’ai jamais pensé que je deviendrai une artiste.
Pourquoi le Japon tient-il un rôle prépondérant dans votre travail ?
C’est un peu malgré moi. Consciemment, je ne me suis pas dit que je ferai quelque chose de japonais. D’ailleurs, j’utilise un papier qui vient de Corée, le hanji, en fibre de mûrier, qui a plus de 1 000 ans d’histoire. C’est un papier très solide, notamment utilisé pour les restaurations au Louvre. Je l’ai choisi pour sa solidité et sa résistance à l’humidité.
Et l’origami ?
Quand on a vécu une enfance au Japon, c’est quelque chose de naturel qu’on apprend tout jeune. Je ne pensais pas devenir origamiste. Et puis, je ne fais que des papillons.
Pourquoi avoir accepté la proposition de l’hôtel Métropole ?
Je ne connaissais ni l’hôtel, ni le restaurant. C’est la première fois que je viens à Monaco. J’étais vraiment ravie quand ils m’ont contacté. J’ai vu des photos de l’établissement, et j’ai adoré l’éclectisme de son décor. Ils m’ont demandé de réfléchir à un projet pour célébrer les 10 ans. Quelque chose de pas caricatural, quelque chose de subtil.
Le résultat vous plaît ?
Je suis ravie. Je voulais quelque chose de contemplatif, où les gens ne se lassent pas. Il fallait que ça remplisse l’espace, sans gêner les clients. Il y a environ 10 000 à 15 000 pliages de papillons. Ma première idée était de présenter un essaim d’insectes, mais ce n’est pas très plaisant comme animal. Le papillon, c’est plus élégant. Et en Asie, pour représenter l’âme des êtres humains, il y a toujours un papillon.
Quelle a été votre inspiration pour cette création ?
Mon œuvre s’appelle A wish on a wing. Je me suis basée sur le rituel traditionnel japonais Senbazuru, celui des 1 000 grues. C’est vraiment ancré dans notre culture. Il y en a une histoire très célèbre à ce sujet. Celle d’une petite fille blessée par la bombe atomique. Elle a commencé le pliage de ses 1 000 grues pour l’aider à survivre. Mais elle est finalement morte à 12 ans… Mais, par exemple, si un enfant est malade, toute l’école va procéder à ce rituel pour l’aider à guérir. C’est apaisant et thérapeutique.
Le rapport avec votre travail ?
Dans mon activité, je travaille beaucoup sur les rituels. Comment s’en sortir quand on a des angoisses… Il y a un peu de superstition et cela montre la faiblesse humaine.
Après le Métropole, où pourra-t-on voir vos créations ?
J’ai étais choisie comme finaliste du Luxembourg Art Prize. Un événement qui a pour but de révéler et de promouvoir des artistes talentueux et encore méconnus de la scène contemporaine internationale. Jusqu’au 15 décembre 2018, une de mes pièces de 2,30 mètres est à voir à la pinacothèque de Luxembourg.