vendredi 19 avril 2024
AccueilEconomieSBM : plus de 167 millions de pertes en six ans

SBM : plus de 167 millions
de pertes en six ans

Publié le

Nouvel exercice déficitaire pour la Société des Bains de Mer, avec une perte opérationnelle de 27,1 millions d’euros pour l’exercice 2017-2018. Le groupe a aussi annoncé la fermeture du Sun Casino en 2022. Sur les six dernières années, le déficit cumulé dépasse désormais les 165 millions. Ce qui n’empêche pas le président-délégué, Jean-Luc Biamonti, de répéter que l’amélioration est en vue. Et de mettre en avant des projets en Suisse et à Beausoleil.

C’est hélas devenu une habitude. Le 21 septembre 2018, réunis à l’occasion de l’assemblée générale ordinaire de la Société des Bains de Mer (SBM), les actionnaires ont entendu un discours qu’ils connaissent bien, désormais. « On est passé d’une perte de 32,8 millions d’euros pour l’exercice 2016-2017, à une perte de 27,1 millions pour 2017-2018, avec un exercice qui a pris fin le 31 mars 2018 », a révélé, sans surprise, le président délégué de la SBM, Jean-Luc Biamonti. Depuis 2010-2011, les comptes de la SBM sont plongés dans le rouge. Maigre consolation : le chiffre d’affaires est en hausse, à 474,6 millions, contre 458,8 millions sur l’exercice précédent. « L’an dernier, je vous avais dit qu’on avait atteint notre plus bas et que, désormais, on allait améliorer nos résultats. C’est bien sûr loin d’être suffisant, mais c’est un peu mieux », a ajouté Biamonti. C’est surtout l’apport des jeux en ligne et de Betclic Everest Group (BEG), dont la SBM détient 50 % aux côtés du businessman Stéphane Courbit, qui est à signaler. Alors que l’an dernier BEG avait perdu 8,4 millions, soit 4,2 millions à la charge de la SBM, cette année BEG a engrangé 33 millions. La SBM a empoché 12,5 millions. Mais malgré cet apport inespéré, le résultat consolidé est toujours largement négatif, à -14,6 millions d’euros.

Optimiste

Par rapport à l’exercice 2016-2017, les résultats par secteur d’activité sont en demi-teinte. La SBM a enregistré une stabilisation du chiffre d’affaires des jeux, à 200,7 millions d’euros. On est donc loin de l’année 2015-2016 où ce business avait atteint un chiffre d’affaires de 213,6 millions. « C’est la meilleure année jamais atteinte par les machines à sous. Malheureusement, les jeux de tables ont continué à baisser sur cette période 2017-2018. Depuis, la tendance s’est inversée et les tables ont très fortement repris », a tenté de rassurer Biamonti. La part des jeux dans le chiffre d’affaires de la SBM est passée de 45 % en 2015-2016, à 41 % en 2017-2018. Dans le détail, sur les mêmes périodes, le chiffre d’affaires des jeux de table s’est effondré de 104,7 millions à 87,2 millions. Alors que celui des jeux automatiques est passé de 98,7 millions à 102,8 millions. L’érosion de poursuit, les jeux pèsent chaque année un peu moins dans le chiffre d’affaires global du groupe SBM. Pourtant, devant la presse, Jean-Luc Biamonti est, une fois de plus, resté très optimiste : « La relance des activités jeux par Pascal Camia porte ses fruits. L’année dernière, en pareilles circonstances, j’avais dit qu’en dépit des mauvais chiffres, j’étais un président heureux. Cela m’a poursuivi toute l’année. Je vous confirme qu’une année après, vous avez un président encore plus heureux, même si les chiffres ne se sont pas beaucoup améliorés. Et vous verrez, si je suis encore là dans un an, je serai un président extatique, gambadant sur l’estrade, car je pense que l’année en cours est très bonne. » Avant d’ajouter : « Je suis convaincu que l’on est sur la voie du redressement. Et si l’on n’y arrive pas cette année [2018-2019 — N.D.L.R.], on y arrivera l’année d’après [2019-2020 — N.D.L.R.]. Je suis prêt à prendre des paris. »  Il serait en tout cas intéressant de savoir combien de temps il faudra pour récupérer le déficit cumulé.

 

« Si je suis encore là dans un an, je serai un président extatique, gambadant sur l’estrade, car je pense que l’année en cours est très bonne » 

Jean-Luc Biamonti. Président-délégué de la SBM

 

« Réactions »

Si les jeux ne représentent plus que 41 % du chiffre d’affaires consolidé de la SBM, le secteur hôtelier pèse pour 48 %. Avec une capacité d’hébergement de 1 100 chambres et un taux d’occupation de 67,5 % contre 63,6 % en 2016-2017, le chiffre d’affaires du secteur hôtelier progresse à 234,7 millions (218,5 millions en 2016-2017). Mais le résultat opérationnel reste négatif à -5,1 millions (-9,8 millions en 2016-2017). Même si cela concerne l’exercice en cours, il faut rappeler qu’une grève a eu lieu cet été au Café de Paris. « C’était le 17 août 2018 et cela n’a duré que quelques heures », a minimisé Jean-Luc Biamonti, sans toutefois nier les véritables tensions autour de ce dossier sensible : « On avait tous constaté un plafonnement de l’activité du Café de Paris, qui reste un des plus beaux endroits de Monaco. On a fait une tentative au cours de l’été avec le chef Paolo Sari. Il est incontestable que la qualité de la nourriture s’est améliorée, mais la carte a un peu changé. Comme tout changement suscite des réactions, j’ai passé mon été à me faire agresser par des clients qui ne trouvaient plus leur salade laitue-avocats, leur hamburger, ou leur steak tartare. Il faut tenir compte de ces commentaires. » Et maintenant ? « On a fait le point au conseil d’administration. On va réfléchir à comment améliorer la qualité de l’établissement en dénaturant moins la carte, et en revenant à quelque chose d’un peu plus brasserie », a promis le président-délégué de la SBM. Interrogé sur la piétonnisation de la place du casino qui agace beaucoup d’usagers et de salariés, mais aussi le président du Conseil national, Stéphane Valeri (lire Monaco Hebdo n° 1074), Jean-Luc Biamonti n’a pas éludé la question, tout en indiquant que ce test voulu par le gouvernement durerait au moins jusqu’à fin septembre 2018 : « Ce schéma empêche le stationnement d’un certain nombre de très belles voitures face à l’hôtel de Paris. Ces voitures de luxe contribuent pourtant au mythe de Monte-Carlo. C’est un peu dommage, car moins de voitures qu’avant peuvent stationner. Ce qui est plus embêtant pour nous, c’est que ce schéma ralentit aussi la récupération des voitures pour les clients, car, du coup, nous devons les garer au parking. » Enfin, le secteur locatif progresse légèrement. Son chiffre d’affaires est passé de 39,4 millions à 40,9 millions (+ 4 %). Ce business représente désormais 8 % du chiffre d’affaires consolidé du groupe SBM.

Le Sun Casino, c’est fini

Parmi les informations que les actionnaires ont retenues, il y a la confirmation de la disparition du Sun Casino. C’était devenu une rumeur plus qu’insistante et elle a été confirmée par Jean-Luc Biamonti, le 21 septembre. L’un des actionnaires lui a demandé si le Sun Casino, avec ses 120 appareils automatiques et ses 15 tables de jeu, allait fermer. Ce casino se trouve dans des locaux que la SBM loue au Fairmont et ce contrat prendra fin en 2022. « Le Fairmont doit être rénové. On entend dire beaucoup de choses. Qu’il sera détruit, puis reconstruit. Ou qu’il sera réhabilité par tranches. Toujours est-il que nous avons déjà informé les propriétaires du Fairmont que nous ne renouvellerons pas notre contrat avec eux, en tout cas pas sur la base actuelle », a indiqué le président-délégué de la SBM. À quatre ans de la fin de ce contrat avec le Fairmont, la SBM se laisse le temps de se réorganiser. Satisfait du casino éphémère installé l’été dernier au Monte-Carlo Bay, mais aussi des tables de jeu proposées au Sporting d’été, la direction envisage dès 2022 de délocaliser l’activité du Sun Casino dans plusieurs lieux de la principauté. « On aimerait, par exemple, augmenter le nombre de tables, notamment au casino de Monte-Carlo, a ajouté Biamonti. On envisage aussi d’ouvrir de façon saisonnière une activité jeu dans une partie de la terrasse des bars des Palmiers, étoffé par une offre jeux au Monte-Carlo Bay. Troisième possibilité : créer un petit casino, avec des tables et des machines à sous, de l’autre côté du lagon du Jimmy’z. Ce petit casino serait ouvert de mars à octobre. » Et pour faire taire les inquiétudes des salariés-actionnaires de la SBM présents lors de cette assemblée générale, le président-délégué a insisté : « Il y aura 0 licenciement. L’ensemble des salariés du Sun Casino seront réemployés ailleurs, à la SBM. C’est à nous de nous adapter. Mais nous avons déjà bien avancé dans notre réflexion. »

International

La SBM a aussi confirmé qu’elle cherchait à se développer en dehors des 2 km2 de la principauté. D’abord parce qu’elle manque de place pour ses activités, mais aussi pour empêcher des concurrents de venir s’installer aux portes de Monaco. Deux projets sont actuellement étudiés « sérieusement ». Le premier se situe du côté du vallon de la noix, à Beausoleil. Là, un grand ensemble hôtelier avec des résidences seniors est en gestation. Un financier a déjà commencé à remembrer la zone concernée par cette opération. « On a signé un contrat d’assistance technique pour les aider à réfléchir au type d’hôtel qu’il faudrait construire, au nombre de chambres, etc. Ce contrat est rémunéré, a souligné Jean-Luc Biamonti. Si ce projet voit le jour, plutôt que de laisser venir une grande chaîne internationale exploiter cet hôtel aux portes de Monaco, qui viendrait concurrencer le Monte-Carlo Bay ou le Méridien, on s’est mis sur les rangs. » Jugeant les possibilités d’être désigné gestionnaire de ce futur établissement « élevées », le président-délégué de la SBM a répété que son entreprise n’investirait pas d’argent dans ce dossier. Le deuxième projet qui intéresse la SBM se trouve en Suisse, dans la station d’été et d’hiver de Crans-sur-Sierre, à 1 500 mètres d’altitude. C’est aussi là que se déroule début septembre le Swiss Open, un tournoi de golf. « Des promoteurs ont regroupé des terrains. Puis, ils se sont associés avec la commune qui leur a fourni un autre terrain mitoyen, avec une jolie vue sur la vallée », a révélé Biamonti. Là encore, la SBM a signé un contrat d’assistance technique, non rémunéré cette fois. Mais ce contrat donne la possibilité à la SBM, si ce dossier se concrétise, de devenir le gérant de l’hôtel. « On voudrait faire de ce lieu une vitrine de Monaco, dans une très belle station de ski, en Suisse. Dans l’hôtel, on installerait probablement un grill au dernier étage, mais aussi un Jimmy’z et certaines de nos marques dans le complexe assez important qui est envisagé. On est à l’affût, on regarde. Ces deux projets ne nécessitent aucun investissement de notre part, pour le moment », a répété le président-délégué de la SBM, histoire de rassurer certains actionnaires visiblement inquiets.

Fin des travaux

En interne, à Monaco donc, la SBM s’achemine enfin vers la fin de ces chantiers. La réouverture de l’hôtel de Paris a été fixée au 15 décembre 2018, ou, au pire « pour les fêtes de fin d’année ». Objectif affiché : « Se retrouver à la pointe de l’hôtellerie grâce à cet établissement », a lancé le président-délégué de la SBM. De 2014 à 2018, 270 millions d’euros ont été investis dans les travaux et aucun dérapage significatif n’a été identifié à ce jour par la direction de la SBM. Autre chantier important, celui du One Monte-Carlo. Là encore, les travaux touchent à leur fin. « On va livrer un appartement témoin mi-octobre 2018. On a beaucoup de visites en ce moment. On est plutôt optimiste », a assuré Biamonti. Entre 2013 et 2018, 390 millions ont été injectés dans cet énorme chantier estimé à 670 millions. En juillet 2018, le président-délégué de la SBM jugeait qu’un dépassement de 5 % de ce budget était attendu. A terme, cela permettra à la SBM de disposer de 36 résidences à la location. Environ 30 % auraient déjà trouvé preneur. Cet ensemble permettra aussi à la SBM de louer 48 boutiques, installées au One Monte-Carlo, mais aussi dans la cour intérieure de l’hôtel de Paris. La totalité de ces boutiques sont louées « depuis longtemps ». Quelques nouvelles enseignes débarquent en principauté, notamment Gianvito Rossi, le malletier Goyard, Hublot, Berlutti, Chaumet ou encore Fendi. Prada, déjà implanté à Monaco, en profite pour y installer l’une de ses marques, les chaussures de luxe anglaises Church. Au total, ce nouvel outil de travail va permettre à la SBM de générer des revenus supplémentaires. Si aucun chiffre officiel ne circule, on parle de loyers mensuels estimés à 200 000 euros, pour ces penthouses de 600 m2 avec piscine sur le toit. C’est-à-dire des prix proches du loyer d’une des villas que loue la SBM à proximité du Sporting d’été, au Larvotto. « Ces travaux devraient nous permettre de générer des résultats additionnels avant amortissement supérieurs à 50 millions par an », espère Jean-Luc Biamonti. Le One Monte-Carlo sera inauguré le 22 février 2019.

Et maintenant ?

Alors que l’essentiel de ces grands travaux sont presque terminés, que va faire la SBM ? Dans un premier temps, le groupe hôtelier et de casino va faire ce qu’il n’a pas pu financer jusqu’alors : rénover les chambres de l’Hermitage en 2019, puis celles du Monte-Carlo Bay en 2020. Mais c’est surtout vers le Monte-Carlo Beach que les regards sont tournés. En effet, c’est là qu’un chantier, plus imposant celui-là, devrait se dérouler bientôt. « Actuellement, il est impossible d’investir dans le Monte-Carlo Beach car, trois fois par an, des tempêtes cassent tout. Du coup, depuis des années, on demande à la mairie de Roquebrune-Cap-Martin la possibilité de construire une digue sous-marine entre la Vigie et le Monte-Carlo Beach, pour casser les vagues et protéger la côte. Des recours ont été lancés, mais on en voit le bout. Ensuite, on a des idées pour modifier considérablement le Monte-Carlo Beach », a raconté Biamonti, sans en dire plus. Un scénario optimiste permettrait de lancer les travaux cet hiver pour une fin de travaux de cette digue dès 2 019. Un autre, plus probable, fait état d’un début de chantier pour 2020. « Dans tous les cas, les experts recommandent de laisser passer ensuite une année pour évaluer l’efficacité des travaux, reprend Biamonti. Si le résultat est satisfaisant, nous envisageons une refonte complète de l’établissement. »

 

Christophe Navarre entre au conseil d’administration

« Michel Rey est atteint par la limite d’âge. Il n’a pas été sorti du conseil d’administration. Simplement, il ne pouvait plus siéger. » Le 21 septembre 2018, le président-délégué de la Société des Bains de Mer (SBM), a annoncé que Michel Rey sera remplacé par Christophe Navarre jusqu’en 2023-2024. Après 20 ans à la tête de Hennessy, puis de Moët Hennessy, Christophe Navarre a quitté LVMH en septembre 2017 pour se focaliser sur Neptune International, un fonds d’investissement qu’il a créé. Président depuis avril 2017 du conseil de surveillance de Vinexpo, un salon professionnel dédié au vin, Navarre est aussi président du conseil d’administration de Vivino, l’application numéro 1 dans le monde du vin, depuis avril 2018. R.B.

Refonte du système d’information et nouveaux sites web

« Les sites internet devaient être livrés pour le Grand Prix 2017 : où en est-on ? », a demandé un actionnaire, le 21 septembre 2018, lors de l’assemblée générale de la Société des Bains de Mer (SBM). « C’est un projet compliqué, a avoué Yves de Toytot, directeur général adjoint finance de la SBM. On a eu du retard, avec des choix technologiques qui n’ont pas forcément été les meilleurs. Mais ce projet a été relancé en 2017. Les nouveaux sites seront mis en ligne le 25 septembre 2018. » Quant au système d’information interne à l’entreprise, il est toujours en chantier a indiqué le président-délégué de la SBM, Jean-Luc Biamonti : « On a consacré du temps et des ressources à remettre à jour notre système qui est obsolète. On porte nos efforts sur les données qui concernent nos clients. On a du retard. Mais c’est plus difficile que prévu. La technologie change très vite. Il y a aussi eu des attaques informatiques. On y consacre beaucoup d’argent. » Un plan d’action global a été présenté en décembre 2017. « Ça prendra au moins 5 ans et ça coûtera 10 millions d’euros. Cela représente des milliers de jours de travail, a révélé Yves de Toytot. Ce chantier inclut la refonte du système de gestion des casinos, avec un casino management system (CMS), mais aussi la régulation de la gestion de la relation client, c’est-à-dire la customer relationship management (CRM). Notre CRM actuel date d’il y une dizaine d’années, il est donc peu performant. Or, aujourd’hui, la connaissance du client est une donnée fondamentale. Il y a enfin le master data management (MDM), pour travailler sur les informations qui concernent nos clients. » R.B.