Dans Culture Sélection, Monaco Hebdo sélectionne pour vous le meilleur de la culture du moment. Retrouvez nos coups de cœur Blu-rays, livres, bandes-dessinées et musique.
Yannick, de Quentin Dupieux
Huis-clos. Ce soir, on joue la pièce de théâtre Le Cocu, un mauvais vaudeville. Trois acteurs, Pio Marmaï, Blanche Gardin et Sébastien Chassagne, tentent de jouer le trio qu’implique ce genre de sujet, suscitant, au mieux, quelques rires plus ou moins gênés. C’est le moment que choisi Yannick (Raphaël Quenard), un gardien de parking, pour émerger du public. Mécontent du spectacle, alors qu’il a pris un jour de repos pour venir de Melun, il laisse éclater sa colère. Il sort une arme et entreprend de reconstruire cette pièce à sa façon, pour la rendre plus efficace. Dans Yannick, Quentin Dupieux met en avant le spectateur « moyen », celui que l’on entend pas, celui qui est le plus souvent réduit au silence. Cet antihéros au prénom générique, déploie un humour grinçant dans ce huis-clos à voir absolument.
Yannick de Quentin Dupieux, avec Raphaël Quenard, Pio Marmaï, Blanche Gardin (FRA, 1 h 07, 2023), 19,99 euros (DVD), 19,99 euros (Blu-ray).
Chambre 666 – Chambre 999, de Wim Wenders et Lubna Playoust
Dispositif. Un documentaire sur le cinéma. C’est ce que propose Lubna Playoust, en venant prolonger le travail de Wim Wenders initié en 1982, avec son Chambre 666. Le cinéma est-il un langage en voie de disparition ? Pour répondre à cette question, quarante ans après, Lubna Playoust interroge une trentaine de réalisatrices et de réalisateurs. Pour cela, elle reproduit fidèlement le dispositif mis en place en 1982 par Wim Wenders, qui se demandait alors : « Le cinema est-il un langage en train de se perdre, un art qui va mourir ? ». Elle interroge des cinéastes contemporains présents à Cannes en 2022, dont Wim Wenders, mais aussi James Gray, Rebecca Zlotowski, ou Asghar Farhadi, entre autres.
Chambre 666 de Wim Wenders, avec Jean-Luc Godard, Paul Morrissey, Mike de Leon, Monte Hellman, Romain Goupil (FRA/ALL, 47 minutes, 1982), Chambre 999 de Lubna Playoust, avec Wim Wenders, Audrey Diwan, David Cronenberg, Joachim Trier, Shannon Murphy (FRA, 85 minutes, 2022), 25 euros (deux blu-rays).
Equalizer 3, d’Antoine Fuqua
Jubilatoire. Depuis longtemps, Robert McCall (Denzel Washington) aspire au calme. Il ne veut plus commettre des assassinats pour le gouvernement. Mais, comme il a eu du mal à trouver la tranquillité dans les deux premiers volets qui se déroulaient aux Etats-Unis, il décide, cette fois, de partir pour s’installer dans le sud de l’Italie. Sauf que, lorsque la mafia s’attaque à ses amis, il se sent obligé de réagir. Toujours réalisé par Antoine Fuqua, Equalizer 3 déroule ses scènes musclées entre la Sicile et Naples, en lorgnant clairement vers l’excellente série Gomorra (2017-2021), créée par Roberto Saviano. S’il n’y a plus la surprise du premier Equalizer (2014), qui était inspiré par la série télévisée homonyme créée par Michael Sloan et Richard Lindheim et diffusée de 1985 à 1989, Equalizer 3 est très jubilatoire.
Equalizer 3 d’Antoine Fuqua, avec Denzel Washington, Dakota Fanning, David Denman (USA, 1h50, 2023) 19,90 euros (DVD), 24,99 euros (Blu-ray), 29,99 euros (Blu-ray 4K). Sortie le 3 janvier 2024.
Le Règne Animal, de Thomas Cailley
Gascogne. Cette fois, ce sont les mutations qui menacent l’espèce humaine. Et pas n’importe lesquelles, puisque le risque est d’être transformé en animal. Lorsque sa femme est touchée par ce mal, François se mobilise, aidée par son fils, Emile. Après Les Combattants (2014), Thomas Cailley réalise son deuxième long-métrage, et nous livre un véritable blockbuster qui est aussi une fable fantastique et écologique très réussie. Pour cela, il plonge ses personnages dans la forêt des Landes de Gascogne. Et quand Emile commence à muter à son tour, François doit alors apprendre à redécouvrir son fils, à le comprendre, et à l’accepter. Le Règne Animal ne croule pas sous les effets numériques, préférant faire le pari du réalisme. Et c’est un pari gagnant.
Le Règne Animal de Thomas Cailley, avec Romain Duris, Paul Kircher, Adèle Exarchopoulos (FRA, 2h08, 2023), 19,99 euros (DVD), 19,99 euros (Blu-ray), 24,99 euros (Blu-ray 4K). Sortie le 7 février 2024.
Babysitter, de Joyce Carol Oates
Detroit. Joyce Carol Oates est de retour avec un livre une fois encore inspiré d’une histoire vraie. Elle nous plonge cette fois à Detroit (Michigan) en 1976 et 1977, qui sont deux années de terreur pour cette ville américaine : en effet, des jeunes sont enlevés et étranglés. Mais ce n’est pas tout. Les corps sont retrouvés nus, dans des lieux publics. Tous ont les mains repliées sur la poitrine. L’enquête piétine, pendant que les journalistes, de leur côté, décident d’appeler le tueur « babysitter ». Dans ce contexte, on suit Hannah Jarrett, qui trompe son conjoint. Malgré les risques, elle se lance dans une relation extrême, avec un homme malveillant dont elle ne peut se défaire. Babysitter est un livre addictif, presque hypnotique, que l’on dévore avec plaisir.
Babysitter, de Joyce Carol Oates, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Claude Seban (Philippe Rey), 600 pages, 16 euros (format numérique), 25 euros (format « papier »).
Triste tigre, de Neige Sinno
Mal. Prix littéraire Le Monde, prix Les Inrockuptibles, prix Femina et prix Goncourt des lycéens. En cette fin d’année 2023, une certitude apparaît : la romancière Neige Sinno, a mis tout le monde d’accord à l’occasion de la rentrée littéraire 2023, avec Triste tigre. Originaire de Vars (Hautes-Alpes), cette romancière âgée de 46 ans a été victime de viols répétés par son beau-père, alors qu’elle était enfant et adolescente. Après avoir porté plainte en 1999, il a été condamné à neuf ans de prison. Dans Triste tigre, elle raconte à la première personne, plus de vingt ans après, ce moment de sa vie, tout en élargissant son propos à une passionnante réflexion sur le mal. Après avoir séduit plus de 80 000 lecteurs, il faut absolument se plonger dans ce livre essentiel par le sujet qu’il traite.
Triste tigre, de Neige Sinno, (P.O.L), 288 pages, 15 euros (format numérique), 20 euros (format « papier »).
Inventaire gourmand de la Méditerranée, de Fabien Vallos
Richesse. Les fêtes de fin d’année, et le début d’année 2024, sont de bons moments pour repartir sur de bonnes bases, avec de nouvelles résolutions. Pourquoi ne pas se mettre à la cuisine ? Pour cela, on peut miser sur le livre de Fabien Vallos, qui regroupe près de 2 200 recettes méditerranéennes. Une trentaine d’années ont été nécessaires à son auteur pour réunir ces préparations issues de ses multiples voyages à l’étranger. L’impressionnante richesse de ce livre constitue sa force, car on trouve des recettes simples à réaliser, notamment certaines recettes venues d’Italie, ou d’autres plus complexes. Le plaisir est donc toujours là, joliment distillé sur 864 pages.
Inventaire gourmand de la Méditerranée, de Fabien Vallos (Marabout), 864 pages, 49,90 euros.
La Métamorphose, de Barbara Canepa, Benjamin Lacombe, et Marco Mazzoni
Cycle. Publié sous la forme d’un leporello, c’est-à-dire un livre accordéon, La Métamorphose est un objet qui interpelle immédiatement son lecteur. Le trio composé par Barbara Canepa, Benjamin Lacombe, et Marco Mazzoni traite d’un sujet universel, qui est le cycle de la vie et de la mort. Pour cela, ils prennent pour exemple la nature. Le leporello pouvant être lu d’un côté, puis de l’autre, cela permet ainsi de symboliser le cycle éternel de la vie et de la mort. Structuré autour des textes de Barbara Canepa au recto, et de Benjamin Lacombe au verso, La Métamorphose est magnifié par le somptueux travail de l’artiste italien installé à Milan, Marco Mazzoni. Ce livre provoque un plaisir aussi infini que le processus éternel qu’il décrit avec talent.
La Métamorphose, de Barbara Canepa, Benjamin Lacombe, et Marco Mazzoni (éditions Oxymore), 54 pages, 19,95 euros.
Madones et putains, de Nine Antico
Femmes. L’Italie du XXème siècle. C’est le contexte qu’a choisi la dessinatrice et cinéaste Nine Antico pour évoquer l’origine des violences contre les femmes. Dans ce roman graphique, elle raconte l’histoire d’Agata, de Lucia, et de Rosalia, trois martyres siciliennes, auxquelles il est rendu hommage dans le sud de l’Italie. C’est une région que cette auteure française connaît bien, puisque, lorsqu’elle était enfant, elle partait en vacances dans les Pouilles chaque été. Madones et putains est construit autour de trois contes, qui évoquent, chacun à leur manière, la condition féminine dans l’Italie du siècle dernier. Après le meurtre de sa mère, Agata se retrouve dans un sanatorium au pied du Stromboli. Lucia est tondue pour avoir passé du temps avec un soldat allemand. Quant à Rosalia, elle doit vivre isolée, après avoir brisé l’omerta. L’ensemble forme une saga féministe ensorcelante, qui est l’une des meilleures BD de 2023.
Madones et putains, de Nine Antico (Dupuis), 144 pages, 23,50 euros.
Lire aussi | Le Show d’Etienne Daho à voir au palais Nikaia, à Nice, le 11 mai 2024
Tirer la nuit sur les étoiles – Only for you – (deluxe version), Etienne Daho
Inédits. Noël approche et Etienne Daho arrive avec les bras chargés. En cette fin d’année 2023, après avoir débuté sa tournée Show et annoncé de nouvelles dates en 2024, dont une au Nikaia à Nice le 11 mai 2024 [à ce sujet, lire nos pages Sorties publiées dans ce numéro — NDLR], le Rennais vient de publier une édition “deluxe” de son dernier album Tirer la nuit sur les étoiles (2023), qui est aussi le douzième de sa discographie débutée en 1981 avec Mythomane. Ce “Christmas album” contient 28 titres. Notamment des versions alternatives, des remix, 6 titres en collaboration avec le groupe électro-pop Unloved, et 4 titres inédits : Brise larmes, Une fille comme toi ne pleure pas, Noël avec toi, et Ce qui nous rapproche nous séparera. Les remix ont été assurés par Yan Wagner, Yuksek, Keefus Ciancia, Almøst Silent, Antoine de Motorbass et Global Network. Foncez.
Tirer la nuit sur les étoiles – Only for you – (deluxe version), Etienne Daho (Universal), 17,99 (CD), 20,99 euros (vinyle) sur https ://etiennedaho.store et https://dahofficial.com.
Undisclosed Fields Vol . 1, de Almøst Silent
Ambient. Almøst Silent (G. Teixeira) fait partie de celles et ceux qui ont travaillé sur les remix de la version deluxe de Tirer la nuit sur les étoiles – Only for you, le disque surprise d’Etienne Daho que nous chroniquons d’ailleurs ici. S’il a joliment remixé Boyfriend de Daho, Almøst Silent a aussi publié un remarquable album en 2021. III, c’est son nom, est un disque instrumental, à la fois beau et profond, notamment porté par le titre Sitting By The Hive. Plus près de nous, en 2023, Almøst Silent a sorti Undisclosed Fields Vol. 1, un nouveau disque d’ambient vraiment captivant. En 14 titres qui composent autant de mouvements qui donnent vie à ce joli ensemble, G. Teixeira fait parler son talent. Il est épaulé par la voix de Maiya Hershey sur Mvmt 5, un morceau aussi évanescent et fragile que séduisant.
Undisclosed Fields Vol.1, Almøst Silent (Healing Sound Propagandist), 8 euros (MP3), 11 euros (CD).
4 Ever, de Music on Hold
1980. Le groupe parisien Music on Hold vient enfin de sortir son deuxième album. 4 Ever célèbre les années 1980 avec une inventivité et une énergie réjouissante. Une seule écoute du titre Music on Hold For Ever, et on se laisse irrémédiablement emporter par la new wave d’Emile Cartron-Eldin. Présenté comme un disque réalisé « dans une cave du 7ème arrondissement, épaulé de Ray Jane et entouré d’un groupe de personnes parvenant à se concentrer, eux, plus de 15 minutes sur quelque chose », cet album parvient à imposer ses rythmes entêtants en seulement huit titres. Et cela dès l’ouverture, avec le très bon His Master’s Voice. Plus intime, Wander se démarque par sa mélancolie, tout comme Over. Le dernier titre, Last Laugh, ne donne qu’une envie : réécouter 4 Ever depuis le début.
4 Ever, Music on Hold (Born Bad Records), 6,99 euros (format numérique), 12 euros (CD), 18 euros (vinyle).
