mercredi 24 avril 2024
AccueilActualitésSport« Une certaine réussite »

« Une certaine réussite »

Publié le

Alors que la direction nationale de contrôle de gestion vient de publier les comptes des clubs professionnels, comment se porte l’économie de l’AS Monaco ?

Sportivement, l’AS Monaco va bien. Le club se bat cette saison pour la troisième place de la Ligue 1 (L1). Une troisième place synonyme de possible participation à la prochaine Ligue des Champions, qui verra s’affronter cette saison en finale le 28 mai les deux clubs de Madrid, le Real et l’Atletico. En France, le PSG continue de dominer le championnat. Depuis 2013, le club parisien version qatarie remporte chaque année le championnat, ce qui lui permet d’accéder directement à la Ligue des Champions. Derrière, parfois quelque peu résignés, les autres clubs doivent se contenter de se battre pour la deuxième et la troisième place. Deux places qui peuvent aussi donner accès à cette prestigieuse et très lucrative compétition.

 

Montpellier

Lors de l’édition 2015-2016, les 32 clubs disputant la phase finale de la Ligue des Champions pouvaient espérer toucher au minimum 12 millions d’euros. Pendant la phase de poule, une victoire rapporte 1,5 million et 500 000 euros pour un match nul. Ensuite, une qualification en huitième de finale rapporte 5,5 millions, 6 millions pour les quarts de finale, 7 millions les demi-finalistes, 10,5 millions pour les deux finalistes et 15 millions pour le vainqueur. L’équipe qui gagnerait tous ses matches peut donc espérer encaisser un total de 54,5 millions. À cela, il faut bien sûr ajouter les recettes liées aux droits télé. Au vu de ces chiffres, on comprend mieux pourquoi l’AS Monaco mise beaucoup sur cette compétition. Car même sans la remporter, les clubs qui la disputent peuvent générer de très importants revenus. Pour la saison 2015-2016, l’ASM posséderait le deuxième budget de la L1. Ce budget est estimé à 250 millions, contre 490 millions pour le PSG. Voilà pourquoi cette fin de saison est capitale pour l’ASM. Le 38ème et dernier match que dispute Monaco le 14 mai contre Montpellier sur la pelouse du stade Louis II, pourrait peser lourd dans la comptabilité future du club.

 

Droits télé

« Entre 2013 et 2015, le résultat net de l’AS Monaco est passé de -76 000 euros à -44 000 euros, note l’économiste du sport Pierre Rondeau. Ce qui est la preuve d’une certaine réussite de la politique de réduction des coûts menée par le président du club, Dmitry Rybolovlev. » De la même façon, souligne cet économiste, les actifs ont grimpé, passant de 19,3 millions en 2013-2014 à 27,8 millions pour la période 2014-2015. C’est bien sûr la vente de joueurs qui dope les comptes de l’ASM. En se plongeant dans les comptes, on remarque que « la valeur des actifs circulants, c’est-à-dire des joueurs, a enregistré une hausse de 666 % entre l’exercice 2013-2014 et le suivant », ajoute Pierre Rondeau. Dans les faits, le club a vu ses compteurs passer de 14,5 millions à 111,6 millions. Toujours au rayon des bonnes nouvelles, le club a vu les recettes liées aux droits télé exploser. Logique, car la participation à la Ligue des Champions pèse lourd. Résultat, la hausse sur les recettes sur les droits télé est de + 165,4 %. Quant à la billetterie, elle a permis au club d’encaisser 7,1 millions en 2014-2015. Loin du PSG (42,4 millions), de Marseille ou de Lyon, tous les deux à 17,9 millions. Le chiffre le plus étonnant de ce document comptable, c’est justement la hausse des recettes sur les matches. Entre 2013-2014 et 2014-2015, on constate une hausse de… 716 200 %. « Si ce chiffre est vrai, parce qu’il me semble énorme, cette explosion sur les recettes des matches est sûrement liée à la hausse des droits télé et à la revalorisation des actifs circulants », estime Pierre Rondeau. Même la masse salariale monégasque a été revue à la baisse de 11 %. « La direction a aussi imposé une politique de réduction des coûts, à hauteur de -64 % », note Pierre Rondeau.

 

Positif

En revanche, au rayons des mauvaises nouvelles, il faut souligner la baisse des recettes liées au sponsoring qui sont passées de 140 millions en 2013-2014 à seulement 15,7 millions sur l’exercice 2014-2015, soit une baisse d’environ 89 %. Mais globalement, l’exercice comptable est plutôt positif. « L’ASM a augmenté la valeur de ses actifs, tout en renforçant la valeur immatérielle de la marque Monaco et pérennisé sa notoriété financière », estime Pierre Rondeau. Le club a aussi augmenté ses recettes de billetterie et de droits télé, réduit le poids de sa masse salariale et ses coûts de fonctionnement. « Ils ont augmenté la valeur de leurs actifs circulants afin d’apparaître plus clairs auprès des services comptables. Ils ont ainsi compensé la perte de recettes au niveau du sponsoring et des partenaires commerciaux. C’est un jeu comptable », décrypte Pierre Rondeau, qui note toutefois un point noir : « L’ASM a enregistré une baisse de ses recettes de sponsoring. Ce qui semble altérer l’image de la marque Monaco auprès des partenaires commerciaux. Et ce, même si la marque Monaco a pris plus de valeur entre 2013-2014 et 2014-2015. La valeur de l’actif a augmenté, notamment grâce aux joueurs. Et le résultat net déficitaire a diminué. » Mais les sanctions prises par la Cysec, l’autorité chypriote de contrôle des activités financières, à l’encontre de WGM Services Ltd, la maison mère d’EZTrader qui est l’un des sponsors de l’ASM (voir notre article par ailleurs), pourrait peser. Le changement de stratégie du club et le redimensionnement de son projet a sans doute joué aussi. Un projet basé au départ sur des stars du ballon rond, abandonné au profit d’une stratégie plus modeste, reposant sur l’achat de jeunes joueurs. Avec l’espoir d’une jolie plus-value à la revente.

 

Des économies gagnantes ?

Est-ce que la politique de réduction des coûts lancée par l’ASM sera une stratégie payante sur le plan sportif sur les terrains de Ligue 1 (L1) et en Europe ? « Entre 2013-2014 avec Claudio Ranieri, et la première année avec Leonardo Jardim en 2014-2015, il y a eu une forte diminution de la dette qui est passée de -76 000 euros à -44 000 euros. De plus, le maintien sportif a été acquis, rappelle l’économiste du sport Pierre Rondeau. Sans oublier une revalorisation des actifs, malgré la chute des recettes liées au sponsoring. Une chute compensée par l’inflation des droits télé, la très forte hausse des recettes matchs et une réduction des coûts et des charges salariales. » La fin du championnat, le 14 mai, permettra d’avoir une première idée sur l’efficacité de cette politique.

Un sponsor de l’ASM épinglé

Preditrend, une entreprise liée à EZTrader, un courtier d’options binaires, a été sanctionnée par la Cysec, l’autorité chypriote de contrôle des activités financières. EZTrader est sponsor de l’AS Monaco pour trois saisons.

www.asmonaco.com-Eztrader

WGM Services Ltd, la société de droit chypriote et maison mère d’EZTrader, a été sanctionnée par l’autorité chypriote de contrôle des activités financière d’une amende de 340 000 euros. C’était le 21 septembre 2015. EZTrader est spécialisé dans le trading d’options binaires. En clair, une option binaire est un investissement boursier sur internet qui consiste à parier sur la hausse ou la baisse d’une action sur une durée assez courte, de quelques minutes souvent. À chaque coup gagnant, l’internaute peut presque doubler son investissement de départ. Mais les risques sont extrêmement élevés. Foreign Exchange Market (Forex), options binaires et algorithmes permettant de gagner à presque tous les coups… Ce sont quelques-uns des produits proposés par ces entreprises peu regardantes. Voilà pourquoi, depuis des mois, l’AMF multiplie les mises en garde. Le 29 avril, le gendarme français de la bourse a appelé à la « plus grande vigilance », face à Preditrend et à sa marque commerciale EZTrader, qui avancent des promesses difficiles à tenir : « Le taux de réussite est de 70 % », « le taux de succès moyen est monté jusqu’à 75 % » et « plus de 3 transactions sur 4 sont censées engendrer un profit » promet ce site. Or, d’après une étude publiée par l’AMF en 2014, 89 % des clients particuliers des sociétés autorisées en Europe ont perdu en moyenne 10 900 euros entre 2009 et 2013, soit un total de 175 millions d’euros. Les 1 575 gagnants ont encaissé seulement 13,8 millions d’euros, bien loin des promesses de départ.

 

Ligue 1

« EZTrader et l’AS Monaco sont synonymes de succès et de professionnalisme. Grâce à cette alliance, les clients de EZTrader et les fans de l’AS Monaco pourront bénéficier de promotions spéciales », se réjouissait pourtant Shimon Citron, PDG d’EZTrader dans un communiqué commun signé avec l’ASM. Un communiqué publié le 22 septembre 2015, soit 24 heures après la sanction décidée par la Cysec, que cet organisme a rendu public le 27 novembre 2015. À ce jour, des courtiers d’options binaires ont signé des partenariats avec cinq grands clubs de Ligue 1 (L1) : le PSG, l’AS Monaco, l’OGC Nice, l’Olympique lyonnais et l’AS Saint-Etienne. En plus de l’AS Monaco, EZ Trader est aussi sponsor de Wolfsburg et de Tottenham. En France, afin de lutter notamment contre les publicités qui conduisent à ces sites d’options binaires, la loi Sapin II prévoit d’interdire « toute forme de communication à caractère promotionnel par voie électronique ». Mais il faudra sans doute attendre début 2018 pour un vote. Contactée par Monaco Hebdo, la direction de l’ASM se dit soucieuse « de son image et porteur d’un profond respect pour ses supporters physiques et en ligne. L’AS Monaco est à l’écoute de l’actualité relative aux dangers du trading d’options binaires en ligne et reste attentif à l’évolution de la situation. » Et visiblement, le club se dit prêt à agir si la situation l’exige : « L’AS Monaco a toujours été respectueux des règlements et entend le demeurer. Par conséquent, toute évolution légale de cette activité sera considérée par l’AS Monaco qui prendra sans délai toutes les dispositions nécessaires pour s’y conformer. » Pas question de risquer d’écorner son image.