jeudi 25 avril 2024
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Anthony Rinaldi : « On est les successeurs de quelque chose de grand »

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Anthony Rinaldi sera remplaçant de l’équipe de bobsleigh après avoir contribué à la qualification de Monaco aux Jeux olympiques d’hiver de Pékin, en prenant la place de son frère Rudy, alors blessé. Présent en Chine, et prêt à toute éventualité, il vivra ses premiers et derniers Jeux, après 14 ans d’une carrière marquée par une pause. Il a raconté son parcours à Monaco Hebdo.

Ça vous fait quoi de participer aux Jeux, comme remplaçant ?

Je le prends avec beaucoup de recul, j’ai eu ma première licence de bobsleigh en décembre 2006. J’ai 34 ans, je profite au jour le jour, surtout avec cette crise. Il faut profiter surtout de ces Jeux qui seront mes premiers, et les derniers, malgré 14 ans de pratique.

Pourquoi avoir suspendu votre carrière professionnelle en 2010 ?

Pour m’occuper de ma famille, car c’est dur d’allier la vie de parent et d’athlète de haut niveau. J’ai fait ce choix aussi par respect pour mon sport, car je ne pouvais pas lui rendre ce qu’il m’avait donné.

Mais vous avez voulu reprendre ?

En 2018, après les Jeux Olympiques (JO) d’hiver de PyeongChang, je suis allé voir Boris [Vain — NDLR] et mon frère. Ça m’a donné envie de reprendre. Et maintenant, je m’entraîne au quotidien pour ces moments-là. Je vais avoir la chance de participer aux entraînements officiels. Ça va permettre à Boris de se reposer, et je vais savourer avec lui, et avec tout le monde. Je me tiendrai prêt pour toute éventualité. Je me suis retrouvé à participer à la dernière manche des championnats du monde pour qualifier le « môme » [son frère, Rudy Rinaldi — NDLR]. Donc, voilà, je ne m’y attendais pas, mais j’étais prêt. Pour l’anecdote, c’est là-bas, à Saint-Moritz, que j’ai commencé, en faisant ma première descente de bobsleigh en décembre 2006. Et ce sera sûrement la dernière.

Pas d’amertume d’avoir contribué à la qualification, et de ne pas participer autrement ?

Non, pas du tout, car le sport prend énormément de place dans ma vie et dans l’éducation que je donne à mes enfants. La vie est faite de choix, et ça a été le mien que d’arrêter. Comme c’est mon choix de reprendre. Dommage de ne pas pouvoir être quatre, mais on a du mal à trouver des athlètes. J’espère que les générations futures viendront davantage vers notre sport. C’est vrai qu’on n’en parle pas assez, et j’aimerais pouvoir intéresser les jeunes à notre sport, car c’est quelque chose d’incroyable, dans la préparation comme dans la descente.

Comment en vient-on au bobsleigh, quand on est de Monaco ?

Par le bouche-à-oreille. À l’époque j’avais un entraîneur de football qui connaissait bien notre coach actuel, Bruno Mingeon, qui a repris l’équipe en 2006 après les Jeux de Turin. Il lui a demandé si, à tout hasard, il ne connaissait pas de jeunes athlètes monégasques qui seraient intéressés par le bobsleigh. Moi, je suivais déjà un peu, car un ami de notre père le pratiquait dans les années 1990. Puis Bruno m’a appelé ensuite, et j’ai fait des tests physiques, sur 30 mètres, puis sur 60 mètres. J’étais surpris de mes qualités de vitesse, alors que je n’avais jamais fait d’athlétisme. Et, de là, on a mis en place des écoles de pilotage.

Vous partez combien de temps à Pékin ?

Je pars deux semaines et demie, mais je le fais aussi pour mes filles. Les Jeux, ça a toujours été un rêve pour moi. Elles me voient partir le matin avec mon sac de sport, avec cette envie. Je pense que c’est un bon exemple pour mes enfants. Du moins, je l’espère.

« Il y a les Allemands, qui sont les pionniers, en termes de matériel et d’athlètes. Quand, nous, on a du mal à en trouver, eux, ils en ont 25. On se demande parfois si on fait le même sport »

Vous faites quoi dans la vie, à part le bobsleigh ?

Je suis gérant de société et j’aide aussi mon père à la poissonnerie de la Condamine.

Où se passent les entraînements de bobsleigh à Monaco ?

Au stade Louis II, sur la piste d’athlétisme, sur la salle d’haltérophilie, et aussi à La Turbie, pour la piste de poussée.

Jamais sur glace ?

On s’entraîne sur glace au mois d’octobre. On a la chance d’avoir des maisons de glace en Allemagne, où il y a juste des poussées en glace artificielle pour nous entraîner l’été.

Pas trop compliqué de se préparer avec la pandémie de Covid-19 ?

Si, car Boris et Rudy ont eu le Covid. Ça nous a empêché de nous qualifier avant Noël [à ce sujet, lire leur interview commune dans ce numéro – NDLR].

Quel sera le protocole sanitaire en Chine ?

Des tests tous les jours, prise de la température, port du masque… C’est contraignant, mais l’organisation est carrée, et on y prête plus attention. On vit le moment présent. Et puis, je serai avec mon petit frère. Je ne sais pas si c’est arrivé souvent dans l’histoire du bobsleigh.

Vous avez pu découvrir la piste ?

Oui, on a pu faire 21 descentes pendant le mois d’octobre 2021. C’est une très belle piste, assez ouverte, dans la mesure où il n’y aura pas, pour moi, de favori pour l’instant.

Quelles sont les nationalités à suivre ?

Il y a les Allemands, qui sont les pionniers, en termes de matériel et d’athlètes. Quand, nous, on a du mal à en trouver, eux, ils en ont 25. On se demande parfois si on fait le même sport (rires). Les Anglais reviennent aussi en force. Les Lettons en bob à quatre, aussi. Mais c’est quatre manches, et une nouvelle piste pour tout le monde. Il faut rester humble, et il faut respecter tout le monde. Mais je pense qu’il faut être prêt à se retrouver dans de bonnes positions, après la première journée.

Ça fait quoi d’être les dignes héritiers du prince Albert II ?

On est peut-être trop éloignés de la génération du prince Albert II. Je pense qu’il faut surtout souligner le courage de tous les athlètes, qui sont là depuis le début, et qui ont permis à Monaco de faire partie des meilleures nations du monde. Car c’est une vérité, malgré le fait que nous soyons en manque de moyens humains. Avec nos petits moyens à nous, c’est énorme ce qu’on fait. Des gens se sont dévoués corps et âme pour permettre au bobsleigh de se développer à Monaco. On est donc les successeurs de quelque chose de grand. Il ne faut pas oublier ce qu’ont fait les anciens.

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