vendredi 26 avril 2024
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Carburant : les prix à la pompe risquent encore d’augmenter à Monaco

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Les prix à la pompe risquent de passer à nouveau au-dessus de la barre des 2 euros le litre d’ici l’été, compte tenu du faible volume de pétrole raffiné disponible. C’est d’autant plus vrai à Monaco, où les prix sont globalement plus élevés qu’en périphérie de Nice.

L’accalmie, si elle en est une, aura été de courte durée. Après avoir diminué après la remise de 18 centimes par litre de carburant le 1er avril 2022, accordée par le gouvernement français pour éviter la flambée, les prix à la pompe risquent d’augmenter à nouveau fortement, à Monaco et autour de Nice, d’ici l’été. C’est ce que pense, comme d’autres professionnels du secteur, Grégory Romano, président directeur général de l’entreprise Romano Energy, à Monaco : « Le 31 juillet, une fois que cette mesure gouvernementale prendra fin, nous franchirons à nouveau la barre des 2 euros, c’est inévitable. Le baril de Brent a repris 12 % en un mois et demi. » Les prix ont en effet déjà commencé à grimper depuis le début du mois de mai 2022, suite à l’augmentation du cours du brut, l’une des conséquences de la guerre en Ukraine, qui sévit depuis le 24 février 2022. Mais aussi en raison de l’embargo européen sur le pétrole russe, qui est l’une des principales ressources en carburant du continent européen. Les niveaux pourraient ainsi retrouver ceux du pic record atteint le 11 mars 2022, moment où la totalité des carburants se vendait à la pompe plus de 2 euros le litre TTC, en moyenne. Une véritable montée en flèche, quand on sait que, un an plus tôt, le 11 mars 2021, le litre de gasoil était affiché à 1,39 euro, le SP95-E10 à 1,49 euro et le SP98 à 1,57 euro. Pourtant, le problème n’est pas uniquement lié à la guerre ukrainienne qui, couplée à la période inflationniste, semble parfois avoir bon dos. Entre Monaco et Nice, les prix ont toujours été plus élevés que la moyenne.

Les raffineries françaises, qui alimentent la principauté, traitent des produits inadaptés aux demandes du territoire, et cela se ressent au moment de passer à la pompe

Plus cher à Monaco

Si la note est plus salée du côté des pompes monégasques et aux alentours, c’est pour une raison essentiellement structurelle, comme le rappelle Grégory Romano : « Le dépôt des carburants, sous douane, est situé à Marseille, avec un autre à Fréjus. En moyenne, une livraison de carburant entre Marseille et Nice va coûter aux alentours de 12 euros par m3 de transport, soit 1,2 centime par litre. Mais, pour rouler jusqu’à Monaco, le coût est doublé, car Monaco est en bout de chaîne et les derniers kilomètres sont très onéreux. Entre les différents péages à passer, une montée de presque 40 minutes à 35 km/h, et le fait que l’entrée de la principauté est souvent bouchée, le trajet coûte plus cher. Et cela va se répercuter ensuite sur les prix à la pompe. A contrario, les stations situées autour de Marseille sont moins chères. » Mais cet argument lié à la distance n’est pas toujours suffisant pour expliquer les 30 centimes de marge que réalisent certaines stations de la principauté, en comparaison à d’autres professionnels frontaliers. Et il ne s’agit pas forcément de dérives commerciales, car le problème vient également du montant des loyers des surfaces commerciales, qu’il n’est pas toujours évident à amortir : « La plupart des professionnels sont locataires des domaines. Les loyers en principauté sont très chers, il faut donc amortir les charges. S’il y a malgré tout des clients, c’est surtout pour des raisons logistiques, car les stations sont bien situées, et parce que certains professionnels assurent un service supplémentaire. »

Manque de volumes

Autre faille enfin, et non des moindres : il manque de pétrole raffiné [ce pétrole qui est commercialisé comme carburant – NDLR] sur le territoire. Difficile, en effet, de diminuer les prix à la pompe quand le contrôle sur les volumes de carburant est lui-même compromis : « En ce qui concerne le gasoil, les raffineries françaises sont déjà à bloc, et elles ne peuvent pas assurer plus de services. Notamment depuis que BP a revendu le site de Lavéra, près de Marseille, à Ineos, qui a exporté une partie de son activité aux États-Unis », ajoute Grégory Romano. De manière générale, la question des capacités des raffineries françaises pose problème sur le prix du carburant. Il ne manque pas de pétrole disponible, mais plutôt des outils de production qui soient à la hauteur de la demande : les derniers investissements dans les unités de production datent d’il y a quarante à cinquante ans, et ils étaient alors essentiellement destinés à la production d’essence. Mais c’est le gasoil qui a le vent en poupe sur le territoire français depuis les années 1990, au contraire de la demande d’essence, qui diminue encore. À l’heure actuelle [Monaco Hebdo bouclait ce numéro le mardi 17 mai 2022 — NDLR], la demande en gasoil représente 80 % de la demande de carburant. La France exporte donc l’essence et les supercarburants — qu’elle n’arrive pas à écouler sur son territoire — et elle importe le gros de son gasoil de l’étranger, pour assurer sa demande intérieure. Les raffineries françaises qui alimentent la principauté traitent donc des produits inadaptés aux demandes du territoire, et cela se ressent au moment de passer à la pompe. Il manque en effet d’investissements réalisés sur la nature de la production de ces raffineries françaises, pour permettre de diminuer sérieusement les prix, sans trop réduire les montants issus de la TVA.

« Le 31 juillet, une fois que cette mesure gouvernementale prendra fin, nous franchirons à nouveau la barre des 2 euros, c’est inévitable. Le baril de Brent a repris 12 % en un mois et demi »

Grégory Romano. Président directeur général de Romano Energy Monaco

Pas de pénurie

En ce qui concerne une éventuelle pénurie de pétrole, compte tenu de l’isolement diplomatique de la Russie, l’un des principaux fournisseurs, l’agence internationale de l’énergie (AIE) se veut confiante. Dans son dernier rapport mensuel sur le pétrole, l’agence estime que la pénurie n’est pas à craindre, à court terme : « La hausse régulière de la production, ailleurs qu’en Russie, avec un ralentissement de la croissance de la demande, en particulier en Chine [du fait de sa politique de confinement zéro-Covid — NDLR], devrait repousser tout déficit aigu de l’offre à court terme », peut-on lire. Et, malgré les incertitudes observées sur la scène internationale, l’AIE estime également que la volatilité des prix reste mesurée. Mais elle émet des mises en garde vis-à-vis d’une hausse des prix à craindre cet été. Compte tenu de la reprise du trafic aérien et des grands déplacements routiers, notamment en Amérique du Nord, les raffineurs pourraient ne pas réussir à suivre la cadence, selon cette agence. Il manquerait ainsi de pétrole raffiné, et les prix pourraient donc augmenter. L’isolement de la Russie n’arrangeant rien : « Après un déclin de l’offre de près de un million de barils par jour (Mb/j) en avril 2022, les pertes pourraient s’accroître jusqu’à près de 3 Mb/j au cours de la seconde moitié de l’année », anticipe l’AIE dans son rapport. Toutefois, l’agence prévoit des hausses de volumes provenant des États-Unis et des pays du Moyen-Orient pour compenser ce manque. Mais l’avenir, par nature, est fait d’incertitudes.

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