jeudi 25 avril 2024
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Le blockbuster made in London

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Kate et William
© Photo Hugo Burnand.

Au lendemain des noces londoniennes, passage en revue des forces et faiblesses du mariage de William d’Angleterre et de Kate Middleton, avec quelques observateurs avisés.

Par Emmanuelle Jowa.

29 avril 2011. C’est le D Day. Les Londoniens, comme le reste de la planète, ont retenu leur souffle. Deux milliards de spectateurs au bas mot, répartis dans 180 pays, ont suivi le mariage que certains ont qualifié « du siècle ». Même les plus critiques sont restés accrochés à leurs écrans.

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Le mariage londonien s’est vécu dans une vraie frénésie médiatique, on l’a vu, contrebalançant un climat international général difficile. Récession mondiale, crises lancinantes, alertes nucléaires, tsunamis au Japon, tornades aux États-Unis, attentat à Marrakech le 28 avril la veille des noces… Du sang, des larmes, de l’émotion. Le mariage est venu apporter, le temps de sa retransmission, du baume au cœur sur une actualité dramatique. Une touche de rose bonbon sur un fond noir charbon. Une parenthèse enchantée, plus forte que n’importe quel blockbuster hollywoodien…

Prélude de la béatification de Jean Paul II – qui rallia un million de fidèles – et des JO londoniens, entre autres manifestations de masse, le mariage du fils du prince Charles et de Diana avait, quelque part, quelque chose de « spirituel ». Pas seulement celle d’un prince et de sa promise mais de toute une institution. Un révélateur de la popularité de la couronne, le symbole apaisant d’une pérennité pour le Commonwealth qui englobe une cinquantaine de pays et près d’un tiers de la population mondiale à travers les cinq continents. Une royauté tellement vivante qu’elle séduirait même certains républicains.

God Save The Queen

Trente ans après les noces de Charles et Lady Di, il fallait marquer, avec panache, la stabilité et la pérennité de cette monarchie, déployer des efforts médiatico-stratégico-commerciaux d’envergure pour démontrer par a + b que les temps ont changé. Que la nouvelle génération de princes pourra relever le défi du XXIème siècle. Invités variés, échappée belle en Aston Martin puriste et rétro, timing rigoureux… Tout était fluide dans ces noces bien huilées, y compris la météo, clémente. Et les groupuscules anti-monarchistes n’y ont rien fait. « C’est une des rares institutions qui a résisté à l’épreuve du temps, nous dit Stéphane Bern, spécialiste des têtes couronnées et monarchiste convaincu. Alors que le parlementarisme, fer de lance de la démocratie britannique, a été mis à mal par le scandale des notes de frais, que l’Eglise anglicane a subi elle aussi quelques soubresauts, la monarchie résiste. Entre 70 et 80 % d’opinions favorables à l’institution. Quel chef d’État peut s’en enorgueillir?? C’est une institution qui a mille ans. Même si elle a vécu des passages difficiles elle aussi, dix ans ou vingt ans, ce n’est rien dans cette ligne du temps. »

Les scandaleux boudés

Parmi les critiques, l’opinion publique a noté, dans les invitations, quelques valses-hésitations – l’ambassadeur de Syrie, finalement « déconvoqué » si l’on ose dire, en fonction des violations des Droits de l’homme qui font rage dans le pays. Il y eut l’absence aussi, notoire de Sarah Ferguson, dont la réputation, au fil des ans a été entachée par divers excès – le plus minant de ces scandales étant d’avoir monnayé l’accès au réseau business de son ex-époux, le prince Andrew à un journaliste grimé en homme d’affaires. Également oubliés, les deux anciens Premiers ministres travaillistes, Tony Blair et John Major. Des absences critiquées par plusieurs quotidiens anglais. Le prétexte invoqué par Buckingham?: ils ne font pas partie de l’ordre de la Jarretière (le plus élevé des ordres de chevalerie britannique). La réalité est sans doute plus diplomatique, quoi qu’aient voulu les jeunes mariés?: le blason de Blair a été terni dans sa croisade avec Bush en Irak et celui de Browne éclaboussé par les affaires de corruption qui ont éclos dans son parti. Mais trêve de potins semi-mondains.

Fastes, sobriété, insularité

Le mariage de Londres a déployé ses fastes comme prévu, tout en jouant la carte d’une certaine sobriété. Avec un petit manque de fantaisie peut-être dans la cérémonie. « Contrairement aux mariages nordiques ou plus largement européens qui imposent la robe longue et le diadème – exception faite de la Belgique, qui, sur ce plan serait à rapprocher de Londres -, les mariages anglais se font en court mais en chapeau », nous explique en substance Édouard Vermeulen, le grand créateur bruxellois qui habille notamment la princesse Mathilde et Maxima des Pays-Bas lors de leurs missions à l’étranger. Ce dernier fait partie des observateurs privilégiés qui ont regretté, à Londres, le manque de visibilité des invités. Si le couple monégasque (qui avait quitté Monaco la veille en hélicoptère), a pu être vu sur les images de la BBC (Charlène Wittstock en gris perle), en revanche, la reine Sofia d’Espagne, le prince Felipe et son épouse Letizia, ou le couple princier belge brillèrent par leur absence sur les images de la chaîne britannique. Stéphane Bern est du même avis?: « La seule critique que je formulerais personnellement est que la BBC n’ait pas daigné montrer les chefs d’État étrangers. Cette insularité est assez insupportable. On a beaucoup vu Elton John, on a entrevu le chapeau de la reine du Danemark, mais on n’a pas vu du tout les familles espagnole et belge par exemple. C’est un côté très agaçant des caméras de la BBC, malgré toutes leurs qualités. On peut leur reprocher dans ce sens de s’être adressées en priorité aux 24 millions de Britanniques qui ont suivi la cérémonie. A Monaco, cette erreur ne sera pas commise. La retransmission sera par ailleurs filmée (en 3D) par Jérôme Revon, un homme de grand talent qui a immortalisé des coupes du monde et de grands débats politiques. Je pense qu’il est important que chaque pays se sente représenté à travers son chef d’État sur les images. Le mariage de William et Kate fut néanmoins, comme on sait, un véritable raz-de-marée humain. Et une cérémonie parfaitement orchestrée. Il n’y a eu, dans le parcours de Catherine jusqu’ici aucune faute de goût. Comme quoi ce n’est pas une question de naissance, d’origine sociale ».

Stéphane Bern met par ailleurs un bémol aux portraits un rien caricaturaux de la famille « de souche ouvrière » de la belle Anglaise. Certes, ses aïeux maternels étaient mineurs mais « Catherine Middleton a aussi des liens avec la famille du Prince au troisième degré. »

Buckingham?: la superproduction

Quant à la fantaisie dont manquait, selon d’autres observateurs, la cérémonie, la réponse de Stéphane Bern fuse?: « La fantaisie était dans la foule, partout. Et puis quelle production peut encore proposer un tel spectacle aujourd’hui?? A côté de cela, la cérémonie des Oscars considérée comme un must du genre aux États-Unis fait figure de fête de sous-préfet, dans un ennui putride que dégage le maître de cérémonie?! Ici, des millions de personnes ont été tenues en haleine cinq heure durant. Et ce fut particulièrement apprécié dans ce contexte d’actualité anxiogène. Cela rend les événements plus humains, cela nous ramène à la vie de famille, le mariage, la naissance… Cela implique aussi une vraie continuité. »

Édouard Vermeulen a, lui aussi, aimé le « faste militaire, somptueux ». Et il a apprécié « le caractère familial de la cérémonie dans l’Église, avec cette aisance dans les petits regards entre les frères. » Même s’il admet que « l’on aurait pu peut-être imaginer un petit clin d’œil contemporain dans la musique ou dans le chant. Mais enfin, c’est la cour d’Angleterre dans ce qu’elle a de plus grandiose. »

La robe, nerf de la guerre

La robe de la mariée, œuvre de Sarah Burton, ancien bras droit de feu Alexander McQueen, le surdoué de la Saint Martin’s School of Art, elle était bien sûr au cœur de tous les paris. Comment Édouard Vermeulen, couturier habitué des têtes couronnées, juge-t-il cette pièce-maîtresse?? « C’est très différent du style McQueen habituel. Je pense qu’elle témoigne avant tout d’une complicité entre la créatrice et la princesse Catherine. C’est une robe d’apparence simple, à laquelle de nombreuses jeunes femmes peuvent s’identifier. » « Cette robe était magnifique, commente de son côté Soda alias Marie Deshormes, journaliste belge basée à Londres depuis une bonne décennie. Mais certains attendaient là une petite touche d’excentricité supplémentaire. » Idem d’ailleurs pour les invités, dont les chapeaux n’ont peut-être pas atteint tous les espoirs de fantaisie que l’on attribue habituellement aux Anglais. Un cliché?? « Non, c’est une réalité, confirme la journaliste. Mais les choses ont, il est vrai, beaucoup évolué. Londres s’est réellement internationalisée, européanisée. La ville a toujours un charme fou mais il m’arrive de regretter l’époque où les punks à cheveux verts paradaient dans King’s Road aux côtés d’échappés de la City en costume trois-pièces rayé… »

Monaco?: des invités de haut vol, une forme d’intimité

Des invités que l’on retrouvera à Monaco?? « Le prince William n’est que deuxième dans l’ordre de succession après son père, tandis que le prince Albert est régnant. Et il y a dans le mariage du premier une pompe et un faste qui n’appartiennent qu’aux Windsor », rappelle Stéphane Bern. « Quant au prestige des invités, Albert II étant un prince régnant, il y aura naturellement davantage de chefs d’État. Sans doute Sarkozy, Berlusconi… Mais aussi, je peux vous l’assurer, de grandes personnalités du monde entier, des États-Unis, d’Afrique du Sud… Ce sera beaucoup plus mélangé qu’à Londres. Il devrait y avoir cent à deux cents invités de marque. A Londres, parmi les 1?900 invités on comptait déjà un millier de représentants d’associations caritatives bénévoles ou de militaires. »

La célébration sur le Rocher s’annonce plus « intime » mais également très populaire puisque tous les Monégasques sont conviés aux festivités. « Il sera mis sous le signe de l’émotion, de la convivialité, de la chaleur et d’une simplicité de bon aloi. Seul le prince de Monaco peut réunir tous ses sujets dans son jardin. Ici ce sera sur la place des Palais », note encore Stéphane Bern.

Petits buzz entre amis

Autre détail critiqué lors des célébrations du 29 avril – maladresse pour certains, bénédiction pour d’autres?: la tenue ivoire fluide, près du corps de Philippa Middleton, la jeune sœur de la mariée, qui, pas une proximité constante avec son aînée, a offert un contraste étonnant, focalisant les attentions masculines sur sa propre beauté, plus piquante au yeux d’une nuée d’internautes et des hommes de la rue. « Pippa, la révélation », titraient en substance certains titres britanniques le lendemain des festivités…

Au Royaume-Uni comme dans la Principauté, les écueils à éviter sont nombreux et le challenge colossal?: il faut à la fois respecter la tradition tout en insufflant un ton neuf, sceller l’événement de son empreinte tout en restant ouvert. Et, même si un ton très haut de gamme sera forcément de mise à Monaco, les noces d’Albert II et de Charlène Wittstock n’ont aucune chance d’atteindre les montants impressionnants du mariage britanniques (33 millions d’euros environ, soit une somme proche de celle dépensée pour l’union de Charles et Diana, ce qui, compte tenu de l’inflation, n’est néanmoins pas excessif si l’on ose dire). L’événement britannique a été fructueux aussi. Il doit rapporter, estiment certains spécialistes, environ 685 millions d’euros à l’économie nationale. Sans oublier sa vocation humanitaire, notamment via les listes de mariage du couple princier.

Entre-temps, Monaco fourbit ses armes, en toute discrétion. Le rythme des préparatifs s’accélère. Le dîner officiel, qui aura lieu à l’Opéra Garnier et sur les terrasses du Casino, devrait aussi marquer les esprits. La future princesse s’est convertie au catholicisme et son élégance naturelle n’est plus à démontrer. Simplissime en marine et blanc, lors de la remise du trophée à Rafael Nadal en finale des Masters de Monte-Carlo, Charlène Wittstock l’a encore démontré. Avec la sérénité sans esbroufe qui sied au rang. En ce début d’été, l’union d’Albert II et de Charlène Wittstock devrait constituer une autre parenthèse de rêve dans les médias internationaux. Ici aussi, les foules se souviendront d’une maman du marié disparue brutalement dans l’éclat de sa beauté. Le poids de l’histoire a, à Monaco comme à Londres, un rôle à jouer.

William, Catherine et Bono absents
Le prince William de Galles et la princesse Catherine, qui se sont unis vendredi 29 avril devant le monde entier, ne seront pas du mariage du prince Albert II et de sa fiancée Charlène Wittstock. L’événement qui aura lieu les 1er et 2 juillet prochain en principauté intervient en même temps que le premier voyage officiel au Canada des jeunes mariés, du 30 juin au 8 juillet. Un autre invité VIP du mariage princier, le chanteur irlandais Bono, ne pourra être présent lui aussi, en raison d’une tournée aux Etats-Unis avec son groupe U2. Selon un porte-parole du groupe, Bono aurait envoyé un mot et un cadeau au prince.