jeudi 28 mars 2024
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Grève à la SBM
Après Pâques, le Grand Prix??

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Greve de Paques à la SBM
© Photo Monaco Hebdo.

Pour ce week-end de Pâques, les touristes, venus nombreux, ont dû se passer de roulette et de baccara. Un mouvement social a paralysé le casino. Et la menace de grève plane désormais sur le Grand Prix.

Il est 19h, le 22 avril. Drôle d’ambiance devant le casino pour ce vendredi saint. Avec quelques policiers en toile de fond, venus pallier à tout débordement, c’est un barrage de sécurité que les amateurs d’opéra ont dû passer pour pouvoir assister à La Marquise von O. A l’entrée du casino, les spectateurs ont dû montrer patte blanche et présenter leur ticket pour accéder à la salle Garnier. Tandis que les joueurs, qui tentaient d’entrer avant 20 heures, se voyaient gentiment informer qu’il y avait un mouvement de grève. Un refrain que le personnel d’encadrement, qui a dû gérer les caisses, a dû entonner durant tout le week-end de Pâques. Jeux européens, baccara, caissiers… Ils n’ont en effet repris le travail que le 26 avril.

Ce mouvement de grève a fait bondir les instances de la Société des bains de mer. Au point que, sans doute pour la première fois dans ce conflit social qui devient presque une tradition pascale, la SBM a pris les devants et s’est exprimé, par voie de communiqué. Après avoir appris que les syndicats des employés de jeux européens ainsi que des caisses avaient décidé de déclencher une grève lors de ce week-end de Pâques, un porte-parole de la Société des bains de mer – resté mystérieux – a immédiatement indiqué, dès le jeudi soir, « la stupéfaction de la Société devant une action injustifiée qui se situe en dehors du cadre conventionnel, les syndicats n’ayant pas respecté les procédures de conciliation prévues à cet effet. Il est grave que les syndicats concernés décident d’adopter ainsi des initiatives visant à perturber l’activité de l’entreprise, dès que cette dernière n’est pas en mesure d’accepter des revendications qui n’ont de base ni juridique ni économique, telles celles avancées récemment. »

« De 6?758 euros à 10?228 euros par mois »

Mieux, la SBM a levé le sacro-saint secret des rémunérations des employés de jeux, en indiquant que « les jeux européens exigent une augmentation de leur minimum garanti de l’ordre de 51 % afin, à titre d’exemple, de le porter pour un employé de 1er échelon de 6?758 euros à 10?228 euros par mois. » Ajoutant que les caissiers, eux, « ont rejeté une proposition d’augmentation substantielle de leur rémunération actuelle. » Faire grève dans un contexte de crise internationale est tout simplement inadmissible pour le porte-parole de la SBM. Qui enfonce le clou?: « La SBM ne peut que déplorer que de telles attitudes soient de surcroît adoptées par des catégories de salariés parmi les plus favorisés – notamment les employés de jeux européens – et qui justement en raison de leur situation privilégiée devraient faire preuve de plus de réalisme et de responsabilité. »

« 1?000 motifs de faire grève »

Pour les employés de jeux grévistes, c’est la déclaration de trop. Une provocation inutile. « Nous avons 1?000 motifs de faire grève, indique ainsi Stéphane Lorenzi, membre du syndicat des jeux européens. Mais nous demandons principalement une revalorisation de nos minima garantis de l’ordre de 7,7 % par rapport aux revenus des 6 années précédentes. Rappelons d’ailleurs que le casino n’est pas un commerce. Nous sommes payés sur la base de nos pourboires et c’est pour cela que nous demandons une hausse du minimum garanti. » Cette revalorisation correspond-elle à un revenu de 10?000 euros mensuels?? « Pas du tout, dément formellement le syndicaliste. Je ne connais pas la provenance des chiffres rendus publics par ce porte-parole anonyme. Et nous démentons également ne pas avoir prévenu la SBM dans les délais. » Avant d’ajouter?: « Nous ne sommes pas fous. Sur 145 votants, 131 se sont prononcés pour la grève. Il est difficile de croire qu’il y a 93 % de fous aux jeux européens… »

Relance du statut unique??

A l’instar des machines à sous et du Sun, les jeux américains du Café de Paris, eux, ont assuré le service. « Nous avons reçu une note du palais et du gouvernement nous demandant de ne pas faire grève jusqu’au mariage. Par respect de la famille princière, nous ne ferons rien », souligne Mikaël Palmaro, secrétaire général adjoint du syndicat des jeux américains. Pour autant, pas question de vilipender le mouvement social des jeux européens, malgré les guéguerres intestines?: « On peut comprendre leur action. Ils œuvrent pour l’avenir. Nous sommes tous inquiets. Le casino est un poumon social. Or, les chiffres sont dramatiques. Un employé de jeux ne gagne plus ce qu’il touchait il y a 30 ans… » Pour Mikaël Palmaro, « c’est la SBM qui a fermé la porte au dialogue. Mais maintenant il faut tous se remettre autour d’une table. » Ou sinon, le prochain mouvement social aura lieu… lors du week-end du Grand-Prix, du 26 au 29 mai. Soit à un peu plus d’un mois du mariage princier. « Franchement, j’ai mal au cœur. Ce week-end, on a pris en otage la clientèle. Et il ne faut pas que cela se reproduise lors du Grand-Prix », estime le jeune croupier, qui propose de relancer le projet de statut unique des employés de jeux. Un projet qui mettait à plat le système de rémunération, rejeté à 100 % par le personnel du Baccara et à 82 % par les jeux européens… Ce que Mikaël Palmaro déplore?: « C’était une bonne base de négociation. » Une position que partage le gouvernement qui, fait rare, a levé le ton contre ce mouvement social de Pâques, via un communiqué?: « Le dialogue entre la direction de la SBM et les syndicats avait abouti à la fin 2010 à un projet de statut unique pour les casinos favorisant à la fois des avancées pour les salariés et une réorganisation des jeux afin de faire face à une concurrence internationale de plus en plus forte. Ce projet a été malheureusement rejeté par une majorité des salariés, dont ceux des jeux européens et du baccara. » Sans oublier de tacler, au passage?: « Dans ces conditions, il est pour le moins surprenant que ces mêmes salariés exigent aujourd’hui d’avoir des augmentations, sans pour autant accepter les mesures qui auraient permis une meilleure organisation et une relance des Casinos de Monte-Carlo. »

Reste que cet appel au statut unique risque de rester un vœu pieu. Du côté des jeux européens, il n’est pas du tout sûr que l’on veuille reprendre les négociations. « Dans ce projet, on déshabille Pierre pour habiller Paul et en l’occurrence Pierre, c’est nous?! », résume Stéphane Lorenzi, pour les jeux européens. Avant de prévenir?: « On espère de tout cœur ne pas arriver à faire grève pour le week-end du Grand Prix, mais si l’on reste dans cette situation, on n’aura pas le choix… »

Panne d’image
La grève des croupiers monégasques fait toujours sourire à l’étranger. Mais cette fois-ci, les commentateurs se sont déchainés sur le site lefigaro.fr. Jugez vous-même?: « Avec des salaires dépassant les 6?000 euros mensuels (de minimum garanti?!!!) c’est une honte de faire cette grève?! » « Il y a des préavis de grèves six fois pas an, et des négociations de salaires de manière quasi-perpétuelle… Franchement, cette grève ne fait pas honneur à Monaco… » Pour la touche d’humour, un croupier du Nord de la France a ajouté?: « Les joueurs sont les bienvenus dans les casinos de St-Amand les Eaux ou à Dunkerque. C’est moins glamour que Monac’ mais chez les Ch’tis, on saura les accueillir… hin tizote?! »